
Chapitre 32
Je prends place à l'arrière de la moto, l'enlace comme j'en ai pris l'habitude, puis nous roulons tranquillement jusque chez lui. Arrivés dans l'allée en gravillons, il ralentit, se dirige vers l'un des garages derrière la maison, puis s'arrête devant. Il sort un porte-clé de sa poche et appui sur le bouton du petit boitier qui y est accroché. La porte s'ouvre, nous entrons, puis il gare sa moto à côté d'une jeep noire flambant neuve, et d'une voiture en piteux état qu'apparemment quelqu'un tente de restaurer au vu des différents outils étalés sur le carrelage autour.
Je descends de la moto suivie de Yann, puis lui tends mon casque. Il prend soin de les poser l'un à côté de l'autre sur l'une des nombreuses étagères accrochées au mur du fond, et où y sont déjà rangée scrupuleusement une multitude de casque différent. À côté, se trouve une immense penderie où sont suspendu avec le même soin des combinaisons, pantalons et vestes de moto, puis à droite, quelques paires de bottes de motos sont parfaitement alignées.
Alors que je suis perdue dans la contemplation de ce qui se trouve face à moi, un bruit de moteur m'interpelle et je me retourne. J'aperçois Kevin s'arrêter devant le garage, portant son casque à son bras, et sa casquette à l'envers sur sa tête. Yann se dirige vers lui, il semble avoir remarqué ce petit détail également. Il s'approche de lui l'air désapprobateur et Kévin l'observe comme s'il savait déjà ce à quoi il allait avoir droit.
- C'est en option ? lance Yann sur le ton du reproche en désignant le casque du menton.
- Mec je suis à cinq minutes, c'est bon ! réplique Kévin.
- Nan c'est pas bon ! En cinq minutes, il peut s'en passer des choses sur la route, rétorque Yann sérieusement.
- Putain on dirait mon père ! Tu comptes exploser ou on passe à autre chose ? lâche Kevin.
Yann soupire, s'approche d'une boîte métallique accrochée au mur, et y récupère un porte-clé dont je reconnais le logo. Il s'agit des clés de la Jeep. Il rejoint ensuite de la voiture, déverrouille les portières en appuyant sur le bouton, puis ouvre la porte côté passager.
- C'est parti, lance-t-il tout en me faisant signe pour que je monte.
Je m'exécute, et prend place sur le siège, tandis qu'il fait le tour de la voiture et s'assoit derrière le volant. Il fait signe à Kévin de démarrer, puis nous sortons du garage pour rejoindre le chemin de terre que j'ai emprunté à pied la dernière fois lorsque je suis venu le voir.
Lorsque la Jeep est enfin bien placée sur le chemin, Yann accélère sans modération, faisant patiner les pneus. Kévin en fait de même et je les observe se défier du regard. Je connais trop bien ce genre de regard, celui du défi... Nous nous élançons ensuite dans une sorte de course plus ou moins sérieuse, roulant tous les trois tellement vite qu'un énorme nuage de poussière s'en suis derrière nous.
Le chemin rétrécit soudain, et Kévin dévie sur le bas-côté, empruntant un sentier un peu plus sauvage. Il effectue quelques sauts grâce à de petites bosses ici et là, et réussit même à nous doubler. Alors que je ne m'y attends pas, et qu'il nous devance de quelques mètres, il nous coupe la route dans un saut, en passant devant la Jeep pour atterrir de l'autre côté du chemin.
- L'enfoiré ! s'écrit Yann en rigolant.
Ces deux-là sont dans leur élément, je vois Yann sourire comme je ne l'ai jamais vu faire auparavant, et je dois dire que ça lui va très bien. Comme tout le reste chez lui, son sourire est à couper le souffle.
Mais Yann n'a apparemment pas décidé d'en rester là, il rétrograde pour pouvoir accélérer de plus belle et nous nous retrouvons vite de nouveau au coude à coude avec Kévin. Je reconnais tout à coup le virage qui arrive, celui juste avant le hangar. Nous le passons sans vraiment trop ralentir, dérapant même légèrement, et nous apercevons enfin la piste de cross.
Sur le coup, il me semble que nous arrivons un peu vite pour pouvoir nous arrêter à temps. Mais alors qu'elle se rapproche, Yann braque le volant avec une assurance calculée, relève le frein à main, ce qui nous fait déraper dans un nuage de poussière, et nous fait ainsi faire demi-tour. La Jeep s'immobilise et je vois Kévin se placer à côté de nous de la même façon.
Yann sort de la voiture, et rejoint Kevin.
- Woooow ! Mec c'était énorme ! crie Yann alors qu'ils se tapent mutuellement les poings.
- Grave ! J'ai bien failli t'avoir cette fois ! lance Kévin.
- Dans tes rêves, réplique Yann.
Alors qu'ils rigolent tous les deux, Yann se dirige vers ma portière pour l'ouvrir et je descends.
- Alors comment t'as trouvé ça ? me demande-t-il.
- Peut mieux faire, dis-je pour les taquiner, tandis qu'ils me regardent, blasés.
Ils s'observent comme si je venais de dire quelque chose qu'aucune fille n'aurait jamais osé dire, et je décide d'arrêter mon petit jeu.
- Les mecs ! C'est bon, je déconne, c'était terrible ! lâché-je tandis qu'un sourire triomphant s'affiche sur leur visage.
Yann ouvre dans la foulée le coffre de la Jeep et en sort un casque de cross et des lunettes assorties. Il trottine ensuite vers le hangar, tandis que Kévin et moi le rejoignons en marchant tranquillement. Nous l'observons un moment faire quelques vérifications sur sa motocross, puis il la pousse à l'extérieur.
Yann se tourne vers Kévin, affichant un air de défi.
- T'es prêt pour que j'te mette une énième branlée ? lui demande-t-il moqueur.
- J'te signale que je t'attends depuis tout à l'heure mec, réplique Kévin amusé.
Ils montent tous les deux sur leur moto, puis Yann se tourne vers moi.
- Princesse, tu peux t'asseoir sur une des chaises à côté de la piste, me précise-t-il avant d'enfiler son casque et de démarrer.
- OK, ça marche, acquiescé-je tout en commençant à m'avancer vers l'une d'elle.
Je les observe ensuite s'élancer et prendre rapidement de la vitesse. Ils enchaînent des sauts et des virages impressionnants, et exécutent aussi pas mal de figures assez flippantes au-dessus des énormes buttes de terre.
Je me souviens alors de Yann qui avait insinué que je n'étais pas très prudente sur la piste de karting, et je souris en le voyant effectuer sous mes yeux toute sorte de saut que je qualifierais de plutôt dangereux.
- Pour le raisonnable on repassera aussi, marmonné-je.
Après un moment à les observer et j'avoue, à avoir eu quelques frayeurs pendant certaines figures, Kévin me rejoint. Il arrête sa moto à côté de moi, et m'explique qu'il va chronométrer Yann. Je le regarde se diriger vers le hangar en courant, et ouvrir la porte du petit réfrigérateur qui se trouve au fond pour y attraper deux canettes de Monster. En revenant, il saisit au passage un chronomètre accroché au mur, puis prend place à mes côtés.
- T'as soif ? me demande-t-il en me tendant une des canettes.
- Ouais, merci, réponds-je avec le sourire tout en attrapant celle-ci.
- De rien Miss, lance-t-il en m'adressant un clin d'œil.
Yann qui attendait que Kévin soit prêt prend place sur la ligne de départ lorsque celui-ci agite le chronomètre en l'air. Il se concentre sur la piste, comme s'il repassait en boucle chaque virage, chaque saut et je dois dire que d'une certaine façon je me retrouve en lui. Lorsque je suis sur la ligne de départ, je visualise le circuit, c'est comme si je me déconnectais de la réalité.
Kévin, reste le pouce au-dessus du bouton du chronomètre, attendant que Yann se lance, puis le presse dès que celui-ci met les gaz. L'accélération projette de la terre derrière la moto et Yann s'élance dans une course encore plus folle que celle d'avant. Kévin l'observe avec attention, guettant la moindre erreur qu'il pourrait lui rapporter pour qu'il améliore son temps.
Il ne ralentit presque pas dans les virages et un nuage de terre se propulse tout le long de ceux-ci lorsqu'il les passe.
- Ça lui arrive de ralentir ? demandé-je à Kévin.
Il manque sur le coup de s'étouffer avec la gorgée qu'il vient de prendre, puis me regarde sérieusement.
- Il m'a toujours répondu que c'est un mot qui ne fait pas partie de son vocabulaire, m'explique-t-il.
- Et c'est pour ça que t'as manqué de t'étouffer ?
Il m'observe en levant un sourcil.
- Nan, parce qu'à ce que je sais, t'es pas mieux, lance-t-il.
- Oh, il t'a parlé de ça ?
- Oooh que oui ! Il a dit que t'étais un peu flippante sur le circuit.
Je me mords machinalement la lèvre inférieure, sur ce coup-là il n'a pas tort.
- Tu vas le contredire ? me questionne-t-il amusé.
- Non loin de là.
- Alors tu confirmes, t'es flippante ?
En guise de réponse, je lui file un coup de coude dans les côtes qui le fait rire.
- Tu crois faire quoi là ?
- Je sais pas, mais tu pourrais au moins faire semblant, répliqué-je.
- Aïe ! s'exclame-t-il en se tenant exagérément l'endroit où je l'ai frappé.
Nous rions tous les deux sous le regard de Yann qui nous observe avec insistance.
- Je savais pas que tu faisais du karting, dit-il.
- Bah maintenant, tu sais.
- T'es pas une fille comme les autres, lâche-t-il tandis que je le regarde en biais à sa remarque.
- Je suis bien pire m'exclamé-je en rigolant.
- Je confirme, ajoute-t-il sur le ton de la plaisanterie.
Nous nous concentrons sur le parcours de Yann, puis il s'adresse de nouveau à moi.
- Comment ça évolue vous deux ?
Sur le coup, je ne comprends pas vraiment sa question. Insinuerait-il qu'entre Yann et moi il y aurait quelque chose ?
- Comment ça ? demandé-je pour être sûr.
- Vous avez l'air de mieux vous entendre, enfin j'veux dire vous vous prenez moins la tête quoi.
- Ouais, on va dire que c'est mieux qu'avant. On a conclu un marché.
Kévin m'observe, et me questionne du regard.
- Je lui ai proposé d'être là pour lui et vice versa.
- T'as bien fait de pas le pousser, affirme-t-il tout en restant concentré sur le chronomètre.
- Il m'a demandé de faire quelque chose pour lui en échange.
- Ah oui ? Quoi ?
- De rester loin d'Echo. Il est encore distant et froid sur certains sujets, ajouté-je.
- Lesquels ?
- Tu sais bien, les messages, les blessures qu'il a souvent, tout ça quoi.
Kévin se tourne vers moi, et plante son regard dans le mien.
- Y'a des choses sur lesquelles je suis pas d'accord avec lui OK, mais pour ce qui est d'Echo, il a raison. Et pour le reste, c'est mieux que tu saches pas. Je suis sûr que tu vas pas vraiment tenir compte de c'que je te dis, mais s'il te cache cette partie de sa vie, c'est qu'il a ses raisons... Et j'espère que t'as conscience de ce que ça implique de le laisser être là pour toi... Je t'ai expliqué comment il est avec ses amis.
Si je peux affirmer une chose sur Kévin, c'est que jusque-là, il a toujours été honnête avec moi. Il m'a aidé comme il le pouvait avec les limites que Yann lui imposait indirectement. Je sais que ce qu'il me dit doit être pris au sérieux, et je n'en doute pas une seule seconde. Mais, je ne comprend pas moi-même pourquoi je m'obstine à vouloir tout savoir, ça va bien au-delà de la curiosité... J'ai un réel besoin de savoir, j'ai la sensation que si je n'apprend rien, je ne pourrais jamais l'aider... Enfin si tant est qu'il ait besoin d'aide...
Nous restons silencieux un moment. Kévin remarque que je ne réponds rien à et me lance un regard en biais. Je ne veux tout simplement pas lui mentir. Je ne vais pas aller lui raconter que j'abandonne et encore moins lui dire que je vais continuer à m'obstiner comme je le fais depuis le départ... Il irait le répéter à Yann, je suppose, pour mon bien.
Après un moment, je sursaute légèrement, et attrape mon portable pour vérifier l'heure. Je m'aperçois tout à coup, que si je ne me dépêche pas, je vais être en retard à mon entraînement.
- Qu'est-ce qu'il y a ? me demande-t-il.
- J'vais être à la bourre faut que j'y aille, annoncé-je, en me levant.
Yann qui passe à ce moment, remarque que je suis debout, et Kévin lui fait signe d'arrêter en croisant ses avant-bras devant lui. Il sort de la piste et nous rejoint vite, comprenant tout de suite qu'on a loupé l'heure.
Yann descend de moto, et la confie à Kévin.
- Désolé mec j'te laisse tout ranger ! lance-t-il.
- T'inquiètes je gère, répond Kévin.
- Oublis pas de tout fermer, ajoute Yann.
- Ouais, ouais, je sais.
- Combien de temps on a ? me questionne Yann.
- Dix minutes.
- OK, ça va le faire t'inquiètes, dit-il tandis que nous rejoignons à la hâte la voiture.
J'interpelle Kévin, qui se retourne vers nous.
- Tu nous rejoins ? lui proposé-je.
- Si tu m'invites oui, dit-il tout sourire.
- OK, alors à toute.
- Ouais, le temps de ranger et j'arrive.
Nous démarrons en trombe, mais alors que je m'attendais à continuer en voiture, Yann préfère s'arrêter au garage et récupérer sa moto pour faire le trajet. Selon lui, ça ira beaucoup plus vite.
Nous enfilons donc nos casques, enfourchons la moto puis démarrons. Une fois devant le portail de la maison, il appuie sur le bouton d'un boitier sur son porte-clé et celui-ci s'ouvre. Le moteur rugit et nous nous élançons à une vitesse folle.
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