
Chapitre 26
Je me retourne instinctivement afin de voir de qui il s'agit.
Kévin m'adresse un sourire et je redescends afin de le rejoindre puis il me tend un morceau de papier plié assez nerveusement.
- Je vais surement le regretter, mais tiens, soupire-t-il.
J'attrape la feuille et la déplie. Une adresse y figure et je sais tout de suite de quoi il s'agit. Je lui souris alors qu'il m'observe et je remarque qu'il n'a pas vraiment l'air sûr de ce qu'il est en train de faire.
- Merci, soufflé-je surprise par le fait qu'il ait changé d'avis.
- T'habitue pas trop à ce genre de faveur de ma part... Je fais juste ça parce qu'il t'aime bien... et parce que j'te trouve sympa, explique-t-il, putain, il va me tuer c'est sûr !
Je lui adresse un léger hochement de tête entendu, puis il me regarde plus sérieusement.
- Tu fais comme tu veux, mais c'est pas moi qui t'ai donné ce truc. Limite on se connait pas OK ? Et, le numéro en bas, c'est le mien au cas où t'as un problème. Yann t'apprécie, je voudrais pas que t'aies d'ennuis. Tu trouveras facilement normalement, tu verras, c'est une grosse baraque.
Il me salue d'un signe de la main, puis se retourne et cours en direction d'une voiture qui l'attend pas très loin.
Je regarde plus attentivement l'adresse inscrite sur le morceau de feuille qui apparemment a été arraché à la hâte d'un cahier. Si je veux m'y rendre tout de suite, je dois prendre un autre bus. Et, comme par hasard, il s'agit de celui que prend Nico.
Je me dirige alors rapidement vers le bus concerné, avant qu'il ne parte et lorsque Nico m'aperçoit à l'avant, il fronce les sourcils puis me rejoins.
- Qu'est-ce que tu fais là ? s'étonne-t-il.
- J'vais faire une partie du trajet avec toi, j'ai quelque chose à faire.
Il lève un sourcil, cherchant à comprendre, puis j'avance vers le fond du véhicule afin d'y prendre place suivie de Nico et nous nous asseyons l'un à côté de l'autre.
- J'ai cru que t'avais des ennuis, lance-t-il.
- Pourquoi tu penses toujours que j'en ai ?
- Parce que c'est le cas ! T'es un aimant à embrouille ! s'exclame-t-il.
- Sympa !
- Tu sais très bien c'que je veux dire.
Je me contente de lui adresser un léger sourire, je ne vais pas le contredire, je suis un peu la miss catastrophe, celle à qui tous les trucs improbables arrivent. S'ajoute à ça mon caractère et le fait que je ne me laisse pas faire. Que ce soit un mec en face de moi ne me décourage pas pour autant et la plupart le savent. L'année dernière, je me suis battue avec un type qui ne s'en prenait pas à moi, mais j'ai jugé bon d'intervenir. Pourquoi ? Allez savoir !
Je sens le regard insistant de Nico sur moi, et lui jette un coup d'œil
- Alors, tu vas où ? me questionne-t-il.
- J'ai décidé d'aller directement chez Yann.
- Bah, voyons... T'es sûr qu'il va apprécier que tu débarques comme ça ?
- J'en sais rien, je verrais bien.
- Tu veux que...
- Non j'y vais seule, l'interromps-je.
- OK, mais attends, comment t'as eu son adresse ?
- L'ami d'un ami... enfin, tu vois quoi, réponds-je pour noyer le poisson.
- Ouais, tu descends où ?
- Deux arrêts avant toi.
- OK.
Nous nous calons tous les deux contre le dossier de la banquette, puis je mets de la musique afin de passer le temps. Je tends l'un de mes écouteurs à Nico, qui accepte et le prend avec plaisir, le mettant à son oreille.
Lorsque l'arrêt où je dois descendre approche, je récupère l'écouteur de Nico qui m'adresse une moue boudeuse qui me fait rire et il attrape mon sac qu'il avait posé sur la place libre, à côté de lui pour me le tendre.
- Fais gaffe à toi, dit-il alors que je commence à avancer dans l'allée.
- T'inquiètes.
Une fois à l'extérieur, le bus redémarre tandis que Nico m'observe à travers la vitre.
Je ne devrais plus être très loin et marche tranquillement, en direction de l'adresse que m'a donnée Kévin, pensant soudain à la remarque que Nico a faite. Comment Yann va-t-il prendre le fait que je débarque comme ça ? Ce qui est sûr, c'est qu'il ne s'y attend pas.
Je tourne à droite dans une petite ruelle. Je me trouve à cinq minutes de la ville, mais je suis bel et bien en pleine campagne. Le paysage autour de moi se résume à des champs, un bois et deux habitations pour le moment. Je n'aperçois pas encore la maison de Yann, alors je continue ma route.
Au bout de quelques petites minutes, alors que j'ai l'impression d'être perdue au milieu de nulle part, je fais face à un grand portail noir métallique. Je ne peux de toute façon plus avancer, il s'agit d'une impasse et cette maison est la dernière de la rue. Le portail est ouvert, mais je ne sais pas si je suis au bon endroit.
Dans le doute, j'attrape mon téléphone et compose le numéro de Kévin. Quelques sonneries retentissent avant qu'il ne décroche.
- Ouais, allô ?
- Salut, c'est Nine.
- Alors t'as trouvé ? demande-t-il.
- Bah, en fait, je suis pas sûr.
- Comment ça ?
- Je suis dans une impasse, une petite rue et je suis face à un grand portail noir ouvert.
- T'es au bon endroit, y'a une allée de quelques mètres, avance et tu verras.
- OK, je te garde en ligne le temps de voir si c'est bien ça.
- OK.
J'avance comme me le conseille Kévin sur l'allée qui est assez longue, puis, soudain derrière des arbres, apparaît une baraque digne des séries américaines. C'est carrément une villa ! J'approche de nouveau le téléphone de mon oreille.
- Je pense que je me suis gourée... C'est pas une maison, c'est une immense villa... Genre comme dans les films, expliqué-je.
- C'est bien c'que je dis t'es au bon endroit. T'as plus qu'à passer à l'action, moi j'te laisse je dois bouger là, c'est pas vraiment le bon moment. À plus, lance-t-il essoufflé comme s'il courait.
- Attends ! m'exclamé-je, mais, silence... Il a déjà raccroché.
J'observe un instant mon téléphone comme s'il venait de buguer ou comme s'il allait me dire quoi faire, puis le glisse ensuite dans la poche arrière de mon jean et continue d'avancer. Je ne me suis jamais trouvée en face d'une maison aussi immense. J'approche de la porte d'entrée et pousse le bouton de la sonnette après m'être dit au moins trois fois que je pouvais le faire. La sonnerie retentit et résonne dans la villa.
Il est encore temps pour que je détale... Ah non, trop tard, j'entends le bruit de la serrure et la porte s'ouvre.
Une femme assez grande et mince aux cheveux blonds et aux yeux verts, apparaît. Elle me sourit et s'adresse à moi.
- Bonjour, souffle-t-elle d'une voix très amicale.
- Bonjour, désolé de vous déranger, mais est-ce que Yann est là ? demandé-je.
Elle m'observe l'air surpris. J'en étais sûre, je me suis trompée d'endroit. Elle me sourit de nouveau, puis avance légèrement vers moi.
- Bah, ça, c'est une première, lance-t-elle.
- Pardon ? l'interrogé-je, confuse.
- C'est la première fois qu'une amie de Yann sonne à ma porte. Personne ne vient jamais, explique-t-elle.
Peut-être parce que votre fils fait peur à tout le monde et qu'il a un sale caractère, pensais-je sur le coup.
Je l'observe alors, attendant qu'elle me réponde, car pour le moment elle paraît sous le choc... J'exagère un peu OK, mais je vous jure que c'est presque ça.
- Il est là oui, mais pas à la maison.
Elle pointe alors le chemin de terre non loin du garage.
- Tu vois ce chemin, suis-le et tu tomberas sur un hangar métallique. Tu le trouveras là-bas, m'indique-t-elle.
Je la remercie en souriant, puis me mets en route, suivant le chemin de terre comme elle me l'a conseillé. Le terrain qui entoure l'habitation a l'air interminable, en regardant au loin, je n'en vois pas le bout. C'est comme si la maison avait été déposée au milieu de nulle part. Elle est même encerclée d'un bois. Je dépasse l'arrière de la villa et en y jetant un coup d'œil rapide, j'y découvre une immense piscine, une superbe terrasse sur pilotis en bois exotique la surplombant. Un peu plus loin, se dresse encore deux grands garages accessibles par une allée rejoignant l'allée principale devant la villa. Juste à côté se trouve une sorte de petite maison en construction. C'est vraiment immense...
Je continue d'avancer et je ne vois pas le bout du chemin. Cela doit faire cinq minutes que je marche et toujours pas de signe du hangar dont elle m'a parlé. Après avoir marché bien plus de cinq cents mètres et passant un léger virage bordé d'arbre qui me cache la vue, l'immense hangar s'impose à moi, quelques mètres devant et un bruit de moteur me parvient.
Je longe le mur gauche de du bâtiment et lorsque j'arrive devant, je découvre une immense piste de cross. Des virages plus tordus les uns que les autres et parsemée de nombreuses buttes de terre plus ou moins haute ici est là sur le circuit.
Le bruit que j'entends se fait plus clair. Je m'approche de la piste afin de voir d'où ça provient et je fais face à l'une de ces nombreuses buttes de terre ne percevant pas ce qui se trouve de l'autre côté.
Alors que je cherche des yeux d'où vient le bruit, un motocross surgit au-dessus de celle-ci dans un saut plus que flippant, effectuant une sorte de figure acrobatique qui me parait sur le coup, assez dangereuse. Elle finit par atterrir à une dizaine de mètres devant moi. Le conducteur, portant une combinaison, un casque et des lunettes de cross, que je soupçonne être Yann, lève la tête vers moi et continue sa course sans ralentir un seul instant. Il passe ensuite le virage en épingle dans une glissade faisant jaillir un nuage de terre tout le long.
Je reste planté là un petit moment à attendre, il m'a vu il va donc surement me rejoindre.
Après une dizaine de minutes à le voir passer et repasser devant moi toujours aussi vite et sans qu'il daigne s'arrêter, je commence à perdre patience. Je sors le livre de mon sac, me dirige vers le hangar et le dépose à un endroit à l'abri où je suis sûr qu'il le verra. Puis, agacée, je me remets en route ne prêtant plus attention à Yann et pestant contre lui intérieurement.
J'enfonce mes écouteurs et lance ma playlist à un volume excessif, tout en continuant d'avancer. Alors que je marche tranquillement et que je viens de passer le portail d'entrée, je sursaute en entendant un bruit provenant de ma droite. Je tire rapidement sur le fil de mes écouteurs et tourne la tête.
Yann est là, il a enlevé son casque et roule lentement à côté de moi en me regardant d'un air sévère. Je m'arrête, il en fait de même et nous nous observons sans rien dire. Toujours en rogne, je me remets à marcher comme s'il n'était pas là, tandis qu'il se remet en route également, roulant près de moi sans dire un mot.
Après tout, il n'a même pas pris la peine de venir me voir lorsqu'il m'a aperçu, je ne vois pas pourquoi je le saluerais maintenant.
Voyant que je ne lui reste silencieuse, et que je ne lui adresse aucun regard, il se lance.
- Qu'est-ce que tu fais ici ? demande-t-il assez sèchement.
Je m'arrête à nouveau pour l'observer, mais ne lui réponds pas et me remet à marcher.
- Comment t'as eu mon adresse ? me questionne-t-il, alors que je continue d'avancer.
Je me contente de remettre mes écouteurs en guise de réponse. Il accélère alors et se place en travers de la petite rue devant moi, faisant barrage avec son motocross orange. Je m'arrête, tandis qu'il coupe le moteur puis il tend un bras vers moi et tire sur le fil de mes écouteurs pour me les enlever.
- Putain, bordel, tu vas répondre ?! Pourquoi t'es là ? s'énerve-t-il.
- Et toi, pourquoi tu te comportes comme ça, t'es même pas venu me dire bonjour ? répliqué-je.
- J'étais en train de me chronométrer... se justifie-t-il.
Il m'observe un léger sourire moqueur aux lèvres. Super, en plus, ça le fait marrer ! Je tente de contourner la moto, mais il recule me barrant la route encore une fois.
- Je suis venue te rapporter ton livre ! C'est bon maintenant j'peux y aller ? m'impatienté-je.
- C'est tout ?
- J'étais peut-être aussi venu pour qu'on discute, mais apparemment même mon chat a plus de discussions que toi ! Maintenant laisse-moi passer ! lui ordonné-je.
- Tu voulais parler de quoi ? m'interroge-t-il sans réagir à ce que je viens de dire.
Je plante alors mes yeux dans les siens et son regard azur m'hypnotise comme à chaque fois.
- De tout ! De ta façon d'être avec moi, je comprends pas ce que tu veux.
- Y'a rien à comprendre, soupire-t-il pour la énième fois et je veux rien du tout.
- Ouais, j'crois que j'ai capté, c'est pour ça, j'me casse ! m'énervé-je, mais maintenant que c'est clair, arrête d'agir comme tu le fais dans ce cas.
- Comment ça ?
- Tu veux pas qu'on soit amis, OK, c'est comme tu veux, mais du coup arrête de faire comme si c'est ce que tu es ! Me raccompagne plus, me défends plus et continu de m'éviter apparemment c'est ce que tu sais faire le mieux, lâché-je à la limite de l'explosion.
- Qui a dit que je voulais pas l'être ? demande-t-il, affichant un calme olympien.
- Toi, par ton comportement.
Il semble sur le coup déstabilisé et ne répond rien.
- Au fait, il suffisait juste de me dire que le jeudi les messages que tu recevais étaient ceux de Chloé, ajouté-je.
- Comment tu sais qu'elle s'appelle...
- C'est bien ta copine non ? l'interromps-je.
- Ouais, mais qu'est-ce que ça peut foutre ? Souffle't-il en baissant la tête l'air gêné et un peu perdu.
- Rien, t'as le droit d'avoir une copine, à moins que t'assumes pas, lâché-je en plantant mon regard dans le sien.
Il fronce les sourcils, mais n'ajoute rien. J'attends quelques secondes, histoire d'être sûr qu'il n'a rien à me dire, mais il reste silencieux. Je contourne alors la moto sans la moindre réaction de sa part et le laisse planter là, tandis que je rejoins l'arrêt de bus pour rentrer chez moi.
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