-- Partie 2 Le cueilleur de citrouilles--

ELLE

Je respire profondément. Enfin. L'air de la ville. L'internat. Les moqueries. Tout est loin derrière moi. Je laisse la pluie d'automne laver les souvenirs de ces deux derniers mois et profite de cet après-midi de liberté. Un peu essoufflée par ma course, je m'écroule en souriant sur le sol, ne prêtant pas une seconde attention au fait qu'il soit trempé. De toute façon je suis déjà trempée et je n'ai jamais eu un rhume de ma vie. Ma mère dit souvent que je suis une force de la nature. Je ne sais pas si c'est un défaut ou un compliment dans sa bouche. Je secoue la tête et mes boucles rousses libèrent des gouttelettes glacées dans mon cou. C'est en levant les bras pour rassembler mes cheveux en chignon sur ma nuque que je le vois.

Il est à une dizaine de mètres. Immobile comme une statue, caché derrière son appareil photo. Mais je le reconnais immédiatement. J'ai juste du mal à saisir pourquoi il est là.

Il est .... Il est encore plus beau, plus inaccessible qu'au lycée. Je laisse mes yeux glisser sur sa silhouette fine inspectant rapidement du regard son blouson de cuir noir ouvert sur un tee-shirt gris, trempé, lui collant à la peau. Il porte un jean noir, comme toujours, bas sur ses hanches. C'est juste ... hum. Je déglutis et ferme les yeux une seconde le temps que mon coeur accepte de se remettre à battre correctement. Ce type à toujours un effet incroyable sur cet organe désobéissant.

Je bats des cils une seconde et note que ses belles converses sont fichues. Je souris doucement. Quelle idée de venir se balader sous la pluie sans bottes et ni parapluie ?

Bon ok je n'en ai pas non plus mais je déteste cet objet de toute façon.

Je remonte lentement mon regard vers son visage. Il me regarde. Un sourcil arqué d'un air... interrogateur ? Je rougis en comprenant que je le regarde depuis plusieurs secondes sans mot dire. Je me lève sans trop savoir quoi faire.

Bon ma fille. Il faudrait peut être en dire un de mot ? Lui montrer que t'es pas aussi idiote que les commentaires de cours de récréation le disent ?

L'homme de ta vie est là, devant toi, sur ton territoire, musclé à souhait, trempé (ai-je déjà dit que son tee-shirt mouillé le rendait mille fois plus sexy) a te mitrailler avec son appareil et toi ...... Quoi ???

Il me prend en photo ? Moi ?

Je reste figée la bouche ouverte.

– Non mais tu fais quoi là ?

Je ne reconnais pas ma voix. Mon ton agressif non plus. J'en ai honte et rougis encore plus fortement. Malgré la distance il est évident qu'il le voit. En effet un petit sourire se dessine sur le visage d'Ethan. Oui, je sais qu'il s'appelle Ethan, qu'il a 18 ans depuis un mois, qu'il est en Terminale S3 et qu'il sera un photographe de génie. Alors pourquoi il me prend, moi, en photo ?

– Hum....

Il se tapote la lèvre inférieure, en levant les yeux vers le ciel, comme s'il y cherchait la réponse. Soudain, son sourire s'agrandit encore plus.

– Je cherche des citrouilles.

Comme je reste toujours aussi idiote, toujours la bouche ouverte, ce qu'il a vu évidemment, puisqu'il fixe mes lèvres d'un air bizarre, il ajoute en faisant quelques pas dans ma direction.

– Tu sais...pour Halloween....des citrouilles. Bon c'est vrai que d'habitude dans les bois à cette saison, c'est plutôt les champignons, mais on sait jamais ?

Il éclate de rire. Apparemment heureux de sa blague. Et il me prend en photo. Encore. En gros plan cette fois-ci, j'en suis certaine car il n'est qu'à un mètre de moi.

Alors j'en peux plus. Je lui tourne le dos et m'éloigne aussi vite que je peux.

LUI :

Mon coeur bat très fort dans ma poitrine . Jamais il n'a été aussi rapide, bruyant, perturbant. Sauf peut-être lors de la première séance de sport de l'année, après deux mois d'abstinence (de sport je veux dire) et de cigarette.

Punaise elle part. J'ai tout gâché. Je suis vraiment un con. Mais j'ai perdu mes moyens. Elle est si...Je ne sais pas. Les mots, c'est pas mon truc. Pas du tout. Moi c'est les photos et je sais que celles qui sont dans la pellicule de l'appareil qui pend, inutile maintenant, au bout de mon bras d'idiot sont fantastiques.

Une fée, un elfe venu honorer la Terre de sa présence. Non une femme libre, heureuse, hors des conventions. Elle était si belle, si aérienne si nature. Totalement en accord avec les couleurs de l'automne qui nous encercle. J'avais l'impression d'être un témoin discret, accepté par miracle, dans un espace surnaturel, dans la lumière fine légèrement trouble qui entourait sa silhouette gracieuse, qui faisait ressortir l'or de ses cheveux, la pâleur de sa peau.

Peau qui pouvait rougir merveilleusement à mes conneries aussi.

Je reprends pied dans la réalité. Pourquoi cet humour décalé sortait toujours de ma bouche quand j'étais mal à l'aise ?

Il est hors de question qu'elle parte, qu'elle me quitte. Je cours derrière elle. Assez facilement, malgré mes chaussures non adaptées, je la rattrape.

– Lise...

Elle stoppe brusquement en entendant son prénom et son dos heurte ma poitrine. Elle semble figée de stupeur.

Merde... je suis pas sensé la connaitre. J'avoue : j'ai un peu cherché au lycée qui elle était. Peut-être aussi que ma destination du jour n'avait pas totalement été le fruit du hasard.

Je la prends par les épaules et la retourne vers moi. Nous sommes si proches que je distingue dans ses grands yeux noisettes qui m'interrogent, de magnifiques reflets mordorés. Elle sent si bon. Je me penche vers elle. Encore un peu. Mes pouces posés sur la peau nue de son cou pâle sentent sa respiration s'accélérer.

– Je suis désolé, je ne voulais pas t'ennuyer. Ni te ... blesser. Je voulais...

Encerclés par un tourbillon de feuilles virevoltant autour de nous, mes mots meurent sur ses lèvres alors que je ne résiste plus à l'envie de l'embrasser alors que l'automne et ses couleurs nous promettent l'espoir. 

FIN 

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Je remercie encore Lilirubis-18    et son concours d'Automne, qui ont donné l'occasion à Ethan et Lise de naitre et de cohabiter avec moi pendant quelques jours. J'espère que leur rencontre automnale vous aura séduit.

A bientôt pour une autre nouvelle dans un registre très différent.

PS : bien sur n'hésitez pas à commenter, corriger, discuter, partager ...