1.5
Un coup.
Puis un autre et encore un. Les coups pleuvaient et ça n'en finissait plus.
Les gens autour criaient, encourageaient les deux garçons au milieu des couloirs. Soudainement, celui qui n’avait précédemment qu’encaissé les attaques, renversa son adversaire et se déchaîna à son tour. Assis à califourchon sur l'autre garçon, Jungkook se sentit ramené en arrière brutalement. C’était l'ami de celui qui était au sol et qui se tenait à present le nez : il saignait en hurlant comme un goret. Un deuxième se précipita sur Jungkook et profita du fait qu’il était à terre pour lui administrer un coup de pied dans le ventre.
Étouffant un cri, Jungkook saisit le pied de l'autre et le tira jusqu'à le faire violemment tomber contre le carrelage froid des couloirs de l'école.
Jungkook se releva et alors qu'il allait placer lui aussi un coup de pied dans les côtes de l'autre, il fut stoppé.
- Ça suffit ! La directrice était là accompagnée d'un surveillant et d'un enseignant. Tous les trois dans mon bureau. Maintenant.
Soufflant d'agacement, Jungkook suivit la directrice alors que les deux autres adultes aidaient les deux garçons à terre à se relever.
"Chochottes", grinça Jungkook à l'intention des deux garçons qui couinaient comme s'ils étaient au bord de la mort.
Tous les élèves qui les encourageaient avaient tous disparus soudainement à l'approche de la directrice. Les couloirs étaient désormais totalement vides.
Après un petit tour par l'infirmerie, les trois garçons se retrouvèrent assis face au bureau de la directrice. et Cette dernière, coudes sur la table du bureau, elle avait joint ses mains pour y poser le menton. L'enseignant et le surveillant étaient aussi là. Debout derrière les trois adolescents afin d'être sûrs qu'ils ne se battent pas à nouveau.
- Monsieur Jeon.
- Pourquoi vous commencez par moi ?
- Taisez-vous ! N'aggravez pas votre cas. Voyant que l'adolescent avait baissé la tête en signe de soumission face elle, elle continua. Bien. Selon les témoignages que j'ai pu récolter pendant que vous étiez à l'infirmerie, beaucoup affirment que c'est vous qui avez commencé.
- Quoi ?
Mais un seul regard de la femme d'autorité, et Jungkook ravala ses mots et se rassit convenablement.
- Je disais donc, beaucoup, pour ne pas dire tous, vous ont vu porter le premier coup. Nous n'en sommes pas à votre première bagarre, Jeon. Cette fois-ci, vous serez renvoyé une semaine. Mais ne pensez pas que vous allez pouvoir vous reposer ! Je demanderai à ce que chacun de vos professeurs vous envoie des devoirs et, qu'à votre retour, vous alliez nettoyer les toilettes en compagnie de vos deux camarades ici présents. Elle pivota vers les deux autres adolescents. Vous êtes renvoyés trois jours et dès votre retour, vous allez nettoyer les toilettes en attendant que monsieur Jeon ici présent, ne vous rejoigne. J'ai appelé vos responsables respectifs et ils viennent vous chercher. Le renvoi prend effet immédiatement.
°
- Dis, Taetae ?
- Hmh?
- Tu veux bien faire une chanson qui parle de moi et monsieur tigre ?
Taehyung sembla penser longuement et mûrement avant, qu'harmonieusement, ses longs doigts fins ne frôlent les touches noires et blanches, produisant le son qu'il souhaitait.
Et elle, Dambi, allongée sous l'instrument à musique blanc, sourit, émerveillée. Il lui semblait ouïr des anges rire. Pour elle. Rien que pour elle. Elle ferma les yeux.
Bien que ses doigts produisissent une mélodie heureuse, Taehyung lui, ne cessait de se torturer l'esprit. Il ne s'arrêtait jamais.
Aurait-ce été étrange qu’il puisse passer toute une vie sans jamais frôler les bas-fonds du désespoir ?
Nourris d'amour durant les dix premières années de sa vie, peut-être avait-il tout simplement sublimé l'image qu'il avait de son géniteur. Car l'amour produit le sublime. Et lui, Taehyung, avait-il idéalisé son géniteur ? Au point de ne rien voir venir.
En fait, pour Taehyung, l'amour n'était qu'un mot que l'on avait voulu rendre doux afin de mieux cacher son véritable visage : la cruauté. Car si l'amour avait été si doux qu'on le racontait, jamais sa chère et tendre mère ne serait partie. L'amour aurait dû suffire à la retenir. Et jamais son père ne lui aurait fait ce qu'il avait fait.
Parce que si l'amour avait été doux les premières années de sa vie, elle lui avait bien vite montré son vrai visage bestial et animal. Ça avait fait mal ! Bien trop mal pour que des simples mots puissent définir ce qu'il ressentait. Ce qu'il renfermait en lui. Seuls son piano et ses doigts lui permettaient de dire ses maux.
Trop longtemps, il s’était radicalement isolé du monde extérieur. Et rien n'avait été fait pour aider l'enfant qu'il avait été à rétablir un dialogue. Mettre des mots sur ses maux. On l'avait laissé pour mort, car personne ne voyait plus loin que le bout de son propre nez. Personne ne voyait sa détresse. Ses appels à l'aide incessants. Son monde était obscur et il n'en voyait plus le bout.
- Taetae, pourquoi la chanson est devenue si triste soudainement ?
- Parce que je ne sais plus comment on en fait des joyeuses. Tout ce que je sais faire, c'est faire parler mon cœur.
- Il est donc triste ton cœur ?
Taehyung ne dit mot. Sourit simplement et enchaîna une autre mélodie.
Bien entendu, Jungkook bien caché derrière la porte entrouverte, avait ouï toute la conversation. Mais ce qui le chamboula le plus, ce fut la musique que produisait Taehyung. Il avait cette merveilleuse et horrible impression que chaque son était fait pour lui perforer l'âme. Jungkook n'y connaissait rien en musique, mais pourtant, ce fut la première fois de sa vie qu'il se sentit mis à nu par une simple mélodie jouée par un ado sûrement aussi paumé que lui.
Après que la directrice leur ait ordonné de quitter son bureau, Jungkook avait croisé Jin dans la cour de l'école. L'éducateur lui avait alors demandé de l'attendre dans la voiture pendant qu'il parlait avec la directrice. Ensuite, ce fut dans le silence qu'ils étaient rentrés au manoir.
Jungkook avait déposé ses affaires d'école dans la chambre puis était redescendu voulant se rendre dans le jardin. Depuis le jour où il avait enterré le moineau en compagnie de Taehyung, il y a une semaine, Jungkook avait pris l'habitude de s'y rendre. La première fois, il était passé par là par hasard et avait pu observer le garçon aux cheveux châtains assis sur une balançoire, un livre à la main. Ensuite, par trois fois cette semaine, il l'avait vu s'assoir de cette même balançoire.
Doucement, Jungkook prenait goût à l'observer sans se faire voir. Bien qu'il ne pût pas bien voir son visage, il trouvait un petit plus en l'observant ainsi. Il ne savait pas vraiment lui-même pour quelle raison il aimait faire cela, puisque l'autre garçon ne faisait jamais rien de spécial.
Alors après avoir déposé ses affaires scolaires dans sa chambre, il avait espéré l'y retrouver une nouvelle fois. Et ne souhaitant croiser personne, il avait pris pour décision de sortir par la petite porte arrière. Et ce fut là qu'il avait entendu le son du piano.
"-Taetae, pourquoi la chanson est devenue si triste soudainement ?
- Parce que je ne sais plus comment on en fait des joyeuses. Tout ce que je sais faire, c'est faire parler mon cœur."
C’est à ce moment-ci qu'il était arrivé.
Se sentant soudainement comme de trop, il décida de revenir à sa chambre.
- Jungkook ? Jin l'interpella. Je peux te parler ?
Hésitant légèrement, Jungkook finit par suivre son aîné jusqu'à l'extérieur. Jin marchait les mains dans le dos et Jungkook, à ses côtés, avait le visage fermé. Il savait que l'éducateur allait lui parler de ce matin.
Il avait un œil au beurre noir, ainsi qu'une coupure à l'arcade. Ils avancèrent dans le silence, dépassant la petite fontaine d'eau face aux marches menant sur le perron.
Il y avait là, un mini labyrinthe fait de haies coupées court. La brume épaisse donnait l'impression que le ciel était bas et annonçait le début de la saison hivernale. Ils étaient emmitouflés dans leurs grands manteaux respectifs, les mains gantées pour Jin et dans les poches pour l'adolescent.
- Est-ce que tu as mal ? demanda l'adulte faisant référence à l'œil et l'arcade du garçon.
Le front de Jungkook se froissa des petites ridules montrant son incompréhension face au comportement du plus vieux. Pourquoi ne lui hurlait-il pas dessus ? Après tout, il s'était encore une fois battu.
Son géniteur n'aurait jamais hésité à lever la main sur lui s'il avait le malheur de le faire convoquer à l'école et malheureusement, cela arrivait souvent.
- Je... Non ça va... Enfin, un peu...
Le silence se réinstalla un moment, puis l'adulte reprit.
- J'aimerais connaître ta version des faits.
- Quoi ? Jungkook s'arrêta et fixa son aîné incrédule. La directrice ne t'a rien dit ?
- Si, mais j'ai besoin de savoir ce que toi tu as à dire.
Jungkook rit de manière sarcastique.
- Comme ils l'ont tous dit, j'ai frappé le premier et les autres n'ont fait que se défendre. C'est pourquoi j'ai une punition plus dure que la leur.
Jin secoua la tête de droite à gauche et se rapprocha de l'adolescent jusqu'à être face à lui. Puis, il leva sa main et Jungkook ferma les yeux en rentrant sa tête entre ses épaules en se crispant. Un faible "non" implorant s'échappa de ses lèvres entrouvertes, ce qui oppressa le cœur de Jin. Ce dernier attira l'adolescent dans ses bras.
- Jamais je ne te ferai de mal, Jungkook. Tu n'as pas à avoir peur de mes faits et gestes. Maintenant, j'aimerais que tu me donnes ton propre point de vue, s'il te plaît.
D'abord crispé, Jungkook ne bougea pas. Puis, il laissa son front reposer contre l'épaule de son aîné sans pour autant l'encercler de ses bras.
Lorsque le garçon renifla, Jin se rendit compte qu'il pleurait. Et que c'était sûrement la raison pour laquelle il avait accepté cette étreinte. Il ne voulait pas que son aîné le voit.
- Je... Ils passent leur temps à me... me lancer des remarques dégradantes depuis que je suis arrivé...
- Tu veux bien me dire qui ?
Jungkook renifla à nouveau et mouilla l'épaule de son aîné d'eau salée.
- Hyun-su et Yong. Ils... Je ne sais pas comment ils ont su que j'étais un enfant placé, mais depuis, ils n'arrêtent pas de... de me provoquer... C'est souvent à cause d'eux que je me suis battu ces dernières semaines... Aujourd'hui, ils ont recommencé et je n'ai pas résisté longtemps avant de me jeter sur Yong qui était le plus proche... C'est comme ça que tout a commencé... Il faut me croire, je...
Jin tapota le dos de Jungkook peiné.
- Je te crois Jungkook.
L'adolescent se redressa et planta ses yeux dans ceux de son aîné.
- Pourquoi ?
- Pourquoi quoi ?
- Pourquoi toi et Nayung vous êtes tous si... gentils avec moi ?
- Il faut nécessairement une raison cachée pour vouloir être gentil envers quelqu'un ?
-Oui ! voulut répondre Jungkook, mais il se ravisa. Je ne vous comprends pas...
- Accepte juste la main que nous te tendons, Jungkook.
L'adolescent fixa longuement l'éducateur. Cherchant à déceler en lui une quelconque fourberie qui lui prouverait qu'il ne devait pas lui faire confiance. Mais ne trouvant rien d'autre que de la sincérité dans les yeux de son aîné, Jungkook baissa la tête, troublé.
- Je... J'ai froid, je vais rentrer.
Il tourna les talons et s'en alla en courant vers la bâtisse. Il devait fuir. Il avait besoin de partir loin de cet éducateur qu'il ne comprenait pas. Pourquoi ne s'énervait-il jamais après lui ? Pourquoi ses yeux reflétaient autre chose que du mépris ou de la déception ou pire encore, le vide, comme c'était le cas pour sa mère ?
Non, dans le regard de Jin, il n'y avait que de la douceur, de l'amour...
°
- Inspecteur Kim ? Vous devriez venir voir ça.
Namjoon leva sa tête des dossiers qu'il était en train de traiter et fronça les sourcils face à son subalterne.
- Est-ce important ? Parce que j'ai encore énormément de dossiers à voir pour aujourd'hui, fit-il tout en réajustant ses verres sur le nez.
- C'est à propos de l'affaire sur la prostitution infantile et pédopornographie, monsieur.
En entendant ceci, Namjoon se leva immédiatement de sa chaise de bureau et défit légèrement sa cravate qui lui serrait soudainement la gorge. L'officier de police le conduisit jusque dans une salle de réunion où il trouva deux de ses collègues.
- Lee, Park, les salua-t-il avant de se poser sur l'une des chaises vides.
Les officiers Park et Lee étaient, eux aussi, chargés de l'enquête et travaillaient nuit et jour afin de pouvoir trouver les autres coupables avant que la date du début du procès ne soit décidé.
Ils prirent donc tous les trois places autour de la table ronde, sur laquelle trônaient déjà d'innombrables dossiers.
- Je vous écoute, annonça l'inspecteur en chef, Namjoon.
- Donc voilà, entama le dénommé Lee, ces dernières semaines, nous avons épluché les données que vous nous avez envoyées et avons visionné les vidéos une à une. Cela nous a pris énormément de temps et surtout, de courage...
- Oh, ça oui... Du courage, il en faut beaucoup pour visionner tout ce que cet homme a fait subir à son fils ! approuva Namjoon en se remémorant les scènes horribles qu'il avait dû regarder après avoir arrêté Kim Bae.
L'officier Park prit un dossier et le poussa vers l'inspecteur. Il poursuivit là où son collègue s'était arrêté.
- Voilà ce que nous avons trouvé.
Namjoon prit le dossier et l'ouvrit avec précaution. Appréhendant ce qu'il allait pouvoir trouver là-dedans. Lorsqu'il ouvrit le dossier, il y découvrit plusieurs clichés d'un homme. Il fronça davantage les sourcils et regarda ses collègues.
- C'est Choi Inok. Il y a quelques années, il a été mis en examen pour abus sur mineur. C'est son neveu Kim young-Jae âgé à l'époque de huit ans qui l'a dénoncé. Mais les parents de l'enfant ont abandonné toutes les charges contre Choi car, soi-disant, l'enfant serait revenu sur sa parole en disant qu'il avait menti et que rien n'était vrai. Pour tout vous dire, je ne pense pas qu'un enfant de huit ans ait pu inventé tous les détails qu'il avait donnés. Il était allé jusqu'à parler d'un tatouage que portait son oncle près des parties intimes.
Le silence se fit, le temps d'assimiler tout ce que venait de dire l'officier Park. Namjoon acquiesca et demanda à son collègue de continuer.
- L'affaire a donc été classée lorsque la famille a retiré la plainte. Choi n'a plus fait de vagues après cela et tout le monde a semblé oublier l'affaire. Il y a trois semaines, lors d'un énième visionnage, Lee a remarqué un détail auquel personne n'avait vraiment fait attention jusque-là : il l'a vu parce qu'il faisait partie des officiers chargés de l'affaire Choi. Dans de nombreuses vidéos, il y a un homme masqué, certes, mais portant exactement le même tatouage que Choi.
- Vous êtes sûrs que c'est la même personne ?
- Il n'y a qu'un seul moyen de le savoir.
- Faire venir Kim Taehyung afin qu'il l'identifie parmi de nombreuses autres photos.
- Et s'il l'identifie, il va falloir faire appel au neveu de Choi, informa le susnommé Lee.
- Quel âge a-t-il désormais ?
- L'affaire date d'il y a sept ans. Il doit avoir atteint quinze ans désormais.
°
- Mais...
- Il n'y a pas de mais, monsieur Park. Vous serez en binôme avec Kim Young-Jae et c'est tout.
Dépité, Jimin ramassa ses affaires et quitta la salle de classe désormais vide. Il marcha dans les couloirs en traînant des pieds la tête basse.
Qu'avait-il bien pu faire de mal pour qu'il puisse se retrouver en binôme avec le mec qui passe son temps à se moquer de ses formes ? Bien que Young-Jae n'en était jamais venu aux mains avec lui, les mots qu'il sortait le blessaient tout autant.
Alors qu'il marchait vers la sortie, un bras vint se placer autour de ses épaules. Jimin se crispa.
- Apparemment, tu n'as pas su dissuader le prof de nous mettre ensemble pour ce devoir, Park.
- Young-Jae, j-je...
- Non, t'inquiètes pas, ça ne me dérange pas d'être avec toi pour ce devoir. En plus, il n'y aura pas Hyun-su et Yong. Ils ont été punis à cause d'une bagarre ce matin.
Hyun-su et Yong. Les deux amis de Young-Jae. Ceux qui passaient leur temps à suivre le nouveau binôme de Jimin comme des petits toutous. Il n'était et n'allait nulle part sans eux. Et Jimin se rendait compte, qu'à chaque fois, que Young-Jae se moquait de lui, les deux autres étaient dans les parages.
- Je n'ai pas envie d'être en binôme avec toi, trancha finalement Jimin en retirant le bras de son "ami" de ses épaules.
- Peut-être, mais on n'a pas le choix. Le devoir est à rendre lundi et on est mardi. On n’a qu'à se retrouver demain après les cours à la bibliothèque. Tu en dis quoi ?
- Si tu veux... soupira Jimin vaincu.
- Cool, à demain petit gros.
Young-Jae s'en alla, l'air gai.
Par moment, Kim Young-Jae se montrait gentil avec lui et la minute d'après, il se moquait et le blessait. Jimin ne le comprenait pas et, à vrai dire, il avait cessé de tenter de le comprendre...
°•°•°•°
J'espere que ça vous a plu
N'hésitez pas à me dire ce que vous avez pensé du chapitre ☺️
Merci à @SoftSide8 pour la relecture ❤️
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