PDV AKEMI

Misaki : Arisa!

Moi : pourquoi tu cries?

Misaki : c'est la septième fois que je t'appelle. À quoi penses-tu?

Moi : oh, à rien d'intéressant.

     Je soupire, ennuyée.

Moi : vivement demain. Avec les décorations et la cuisine, je ne m'ennuierai pas.

Misaki : pourquoi tu ne sors pas un peu avec Yuki.

Moi : qu'est-ce que vous avez à toujours me parler de lui avec des sous-entendus à peine cachés?

Misaki : bah... Tu l'aimes, non? Ça te dérange?

Moi : pas que ça me dérange, mais c'est assez gênant. Et puis, il pourrait nous entendre.

Misaki : où serait le problème? Il saura ce que tu ressens, non?

Moi : peut-être, mais je veux pouvoir le lui dire moi-même.

Misaki : qu'est-ce que tu as grandi.

Moi : t'as fini ce que tu faisais?

Misaki : oui. Allons-y.

Moi : tu peux y aller. Je resterai encore un peu.

Misaki : d'accord.

     Elle sort de la cuisine, me laissant seule. Assise sur l'îlot, je me mets à balancer mes jambes dans le vide, le regard perdu dans la vague, mes pensées et mes craintes dirigées vers mon ennemi juré.

     Je ne sais pas depuis combien de temps je suis ici, dans mes pensées, mais j'entends des pas s'approcher de moi. Plus tard, une ombre se tient devant moi. Je lève le regard et vois Yuki.

Moi : salut.

Yuki : salut. Ça fait deux heures que tu es là. Ça va?

Moi : oui, je réfléchissais juste.

Yuki : à quoi?

     J'imagine que je peux lui raconter.

Moi : disons que je suis traquée par celui qui a voulu détruire le monde la première fois. Tu te souviens de ce que vous a dit Misaki sur la guerre qui opposait les démons rebelles et les Dieux?

Yuki : oui, je m'en rappelle.

Moi : ces démons rebelles n'étaient que des sbires.

Yuki : de qui?

Moi : leur roi. Je ne connais pas son nom, mais crois moi si je te dis qu'il est plus que dangereux.

Yuki : je peux savoir pourquoi il te traque?

Moi : pour faire de moi sa conjointe.

     Il se braque quelques secondes, puis les traits de son visage se tendent.

Moi : euh... Ça va?

     Il est en colère?

Moi : tu devrais te calmer.

Yuki : tu comptes faire quoi?

Moi : eh bien, le repousser, comme je l'ai toujours fait. Je devrai un jour le combattre, mais dans ces conditions, c'est impossible. Je n'ai pas encore retrouvé la totalité de mes pouvoirs.

     Il se détend et met ses deux mains de part et d'autre de moi en se mettant entre mes jambes. Il est beaucoup trop proche pour que je ne rougisse pas.

Moi : q-qu'est-ce que tu fais?

Yuki : on n'a pas reparlé de ce qu'il s'est passé hier.

Moi : de qu...

     Il m'embrasse soudainement, ce qui me surprend. Je le prends par les épaules en l'éloignant doucement de moi.

Moi : arrête. Je sais que tu ne m'aimes pas et même, j'ai peur qu'il ne te fasse du mal. Il a juré d'éliminer celui que j'aimerai dès qu'il le trouverait. Et mon âme-sœur subirait la même chose.

Yuki : qui t'a dit que je ne t'aimais pas?

Moi : eh bien... C'est le cas, non?

Yuki : non.

Moi : tu es direct, en tout cas.

     Mais...

Moi : ça veut dire que tu...

     Je suis tellement gênée que je ne termine pas ma phrase. Il sourit doucement en me regardant rougir comme une tomate.

Yuki : qu'est-ce qu'il y a? Tu ne t'attendais pas à ça?

Moi : n-non. J'imaginais plutôt que tu en aimais une autre. Malgré notre lien, je...

     J'ai le cœur qui bat à mille à l'heure. Et mon visage, n'en parlons même pas. Il est plus rouge que l'écarlate.

Yuki : j'aimerais bien savoir ce que tu ressens pour moi.

Moi : m-moi aussi je ressens la même chose, mais...

Yuki : mais?

Moi : tu es en danger en étant avec moi.

Yuki : comme depuis que je connais ton histoire. Écoute Akemi, peu importe ce qu'il se passera, je resterai avec toi si tu me laisses une chance d'être à tes côtés.

Moi : mais... Je ne veux pas qu'il t'arrive quelque chose par ma faute. Je ne le supporterai pas.

Yuki : évite de penser à des choses aussi négatives. Laissons nous une chance, s'il te plaît.

     Je baisse la tête, retenant quelques larmes de joie et de douleur. De joie parce que je sais maintenant qu'il m'aime et véritablement puisque son aveu a, en quelque sorte, éclaircit une partie de notre lien, et de douleur parce que j'ai peur de le perdre. Mais l'entendre me supplier de nous donner une chance... Je ne sais pas ce que je dois faire. J'ai toujours rêvé de ce moment, mais je ne me suis jamais demandé ce que je ferai ensuite. Qu'est-ce que j'ai été stupide...

Yuki : si tu veux du temps pour y réfléchir, alors je t'en laisserai.

     Je ne sais pas ce qui me prend, mais je me laisse aller contre lui, la tête contre son épaule, ma poitrine contre son torse et mes mains accrochées à sa veste en laissant mes larmes couler.

     Au fond de moi, j'ai déjà pris ma décision. Je prie juste pour que je puisse être toujours avec lui pour le protéger s'il devait lui arriver quelque chose.

Moi : je n'ai pas besoin de réfléchir. J'accepte d'avoir une relation. Mais s'il te plaît, au moindre signe d'insécurité, dis le moi par télépathie.

Yuki : je peux me défendre tout seul, tu sais?

Moi : mais pas contre des démons.

     Je l'entends soupirer.

Yuki : d'accord. Mais je ne fais pas de la télépathie.

Moi : notre lien nous permet de communiquer comme cela. Alors n'hésite pas.

Yuki : très bien. J'aurais un service à te demander.

     Je me sépare de lui et nettoie les quelques larmes qui sont restées aux coins de mes yeux.

Moi : l-lequel?

Yuki : je veux que tu m'apprennes à me battre contre ces démons.

Moi : désolée, mais ce n'est pas possible. Seulement quand tu seras complètement un loup que tu arriveras à te défendre contre eux. Ça sera instinctif.

Yuki : tant pis. Mais en attendant, j'ai la première chose que j'ai toujours voulu.

Moi : ah bon? Qu'est-ce que c'est?

Yuki : toi, bien sûr.

     Je rougis de nouveau et détourne le regard.

Moi : flatteur, va.

     Je le repousse légèrement et descends de l'îlot. Je sors ensuite de la cuisine en souriant discrètement.