Chapitre 13 : Chagrin obscurcie
𝒫𝑜𝒾𝓃𝓉 𝒹𝑒 𝓋𝓊𝑒 𝒹𝑒 ℒ𝒾𝓋𝒶𝒾̈
Le soleil traversant le voile de mes paupières, battant des cils, mon regard ressuscite. Inerte avant l'aube, les murs enlacent l'éclat de ce monde. Embrasant l'entièreté de cette pièce, contraste de ce sentiment si irréductible en mon être. Tordant mon ventre, torturant mon coeur. Je me résous à lever la tête. À souffler et à me lever. Il y a quelques heures encore, j'étais si confiant à l'idée de lui parler. De reprendre contact et de laisser l'univers nous guider. Nous lier ou nous séparer. Cela n'avait plus aucune importance. Qu'est-ce qui a changé ? Je suis effrayé de ce qu'il adviendra. Effrayé de son silence, de sa réponse, de l'ignorance. Un froussard parmi tant d'autre. Comme lui.
Me guidant à l'étage inférieur, mes pas flagellent le sol. L'odeur de la vie s'immisçant en moi, je m'offre un petit sourire, aussi éphémère puisse-t-il être. Ne pensant plus à celui qui a capturé mon esprit, celui qui est partout sans être là. Ne semblant qu'être qu'un euphémisme, la tranchante voix de ma mère entre en collision avec son visage si bienveillant d'ordinaire.
-Ca ne va pas être possible...déclare-t-elle, étant en appel avec une personne qui m'est à présent inconnue. Oh désolé monsieur de ne pas pouvoir être là quand vous en avez besoin...Si tu n'étais pas aussi étourdi nous n'en serions pas là...Ah parce que ça va être de ma faute en plus ? Je viens de te dire que j'ai un rendez-vous au cabinet dans une heure...Tu penses que j'aurai le temps d'y aller à temps peut-être ?...Je te rappelle que j'ai l'allée et le retour à faire...Bah voyons...Oh bonjour mon chérie ! S'exclame ma mère, m'apercevant, son visage s'illuminant. Similaire à la lune nous guidant dans l'obscurité de la nuit.
-Bonjour...je réponds, il y a une problème ?
-Demande à ton-...commence-t-elle avant de se faire couper par son interlocuteur. Qu'est-ce que tu dis ? Je...D'accord je te le passe.
Maman se tourne complètement vers moi, me tendant le téléphone. Voyant mon visage paraître interloqué, cette dernière finit par ajouter :
-Ton oncle veut te parler.
-D'accord, dis-je en prenant le combiné qu'elle me tend, avant que sa chevelure ne disparaisse dans une pièce voisine à celle-ci. Allo ?
-Salut Livaï, tu es libre là, toute de suite, maintenant ? Me demande-t-il abruptement.
-Oh et bien...oui. Pourquoi ? Je réponds, sans le charrier sur les synonymes qu'il vient de me citer.
-J'ai oublié mon passeport chez vous hier.
Accompagnant ces mots, mes pupilles se tournent instinctivement sur la table sur laquelle nous étions installés hier soir. Visualisant l'objet en question, je me pris à lever les yeux au ciel dans un soupir faussement las.
-En effet...je te l'apporterai dans la matinée. Hé mais attends...tu ne peux pas venir le chercher toi-même ?
-Non, je suis à l'aéroport.
-Comment ça ? Tu repars déjà à l'aventure ?
-Oui, Téhéran ne va pas m'attendre bien longtemps.
-Tu embarques quand ?
-Dans trois heures.
-Pardon ? Et c'est seulement récemment que tu t'en ai rendu compte ? M'exclamai-je, commençant à rebrousser chemin chercher des vêtements.
-Je sais que j'aurais dû vérifier, le pire c'est que je pensais l'avoir avec moi.
-J'imagine que tu veux que je te l'apporte maintenant...sinon tu n'aurais pas appeler.
-Et bien...oui...avoue-t-il, non fier de lui.
-Bien, laisse-moi m'habiller et je pars de la maison. Il y a à peu près une heure et quart de trajet, je devrais pouvoir arriver à temps.
-Merci... dit-il d'un ton soulagé.
-Mouais de rien. Mais dis-moi...continuai-je, coinçant le téléphone entre mon oreille et mon épaule afin de prendre un pantalon. Pourquoi tu as eu besoin de sortir ton passeport hier ?
-J'avais glissé un papier dedans...
-Je vois...bon tonton je te laisse. À tout à l'heure.
-Oui, encore merci.
Je raccroche aussitôt et m'empresse de me vêtir afin de partir, me disant que finalement cette matinée ne sera pas ma tortionnaire.
Le paysage défile, et je m'éprends à m'égarer sur cette route pondérée. N'écoutant que le chant coléreux des roues contre le bitume. Battant à en devenir frénétique. Je pense, je doute, je crains. Encore pris dans un cauchemars, possédant le contrôle mais pas le courage. Une spirale paraissant sans fin.
-Excusez-moi, commence la jeune femme assise à mes côtés. Pourriez-vous me donner l'heure ? Celle du bus ne semble plus fonctionner et mon téléphone est dans ma valise, en soute.
-Bien sûr, je réponds, empli de courtoisie. Il est onze heures vingt. Vous n'avez pas besoin de vous justifier comme ça vous savez.
-Merci, répond-t-elle tout en ignorant la fin de ma phrase.
N'ayant que trop peu prêté attention à ma voisine de siège à mon arrivée, je me permets de l'observer un instant, furtivement. Étant habillée de façon très sophistiqué, son charisme pourtant si inéluctable paraît s'effriter le temps d'un mouvement de sa part. Le cinabre de sa bouche, contraste de sa peau ébène me frappe de sa beauté. Le jais de ses cheveux crépus, coiffé en un chignon plaqué, laisse entrevoir dans la noirceur de ses yeux, de l'appréhension. Et le temps d'un regard, voyant mon propre reflet en eux, je capitule et baisse les yeux. S'attardant sur les mains de cette femme, jouant avec ses doigts.
-Vous allez bien ? Je lui demande, devenant soucieux.
-Je...oui, ça va.
-Vous avez l'air nerveuse.
-Je...j'ai juste peur d'arriver sur mon lieu de travail, m'avoue-t-elle. Mais ce n'est rien, ça va aller, dit-elle. S'efforçant d'un sourire, dénué de sincérité.
-Si ce n'était rien, vous ne paraîtriez pas aussi mal.
La noiraude se fait silencieuse, et c'est avec bienveillance que j'ajoute :
-Je serai une oreille attentive si vous souhaitez en parler durant le trajet.
Le silence s'annonce de nouveau et mon regard embrasse à nouveau la fenêtre. Ma joue chatouille celle-ci, et un petit soupir que je libère embue la vitre.
-Mes collègues me persécutent, lâche finalement la jeune femme du siège voisin.
Encore une fois, je l'observe, l'invitant à continuer.
-Ils...ils me persécutent parce que...parce que je suis noire. Tous les jours, ils me dénigrent. Ils disent que je ne suis qu'une sale immigrée, qu'une pauvre petite africaine qui n'est pas apte au monde du travail...que j'ai ma place nul part et encore moins en occident. Ils se demandent pourquoi une "espèce" telle que moi existe...Que je n'ai qu'à retourner manger des cailloux...et qu'avec un peu de chance je mourrai avec. Comme tous les africains sous le courroux des guerres... que...
Les larmes voilent sont champs de vision. Le chagrin serrant sa gorge, elle ne poursuit pas. Ma mains se pose sur la sienne, acceptant mon geste elle ferme les yeux. Les autres passagers, non loin de nous, eux, restent indifférents. Comme s'ils n'avaient rien entendu. Se disant sûrement que quelqu'un d'autre la soutiendra à leur place. Que c'est les autres qui agissent, qu'eux ont la lâcheté de penser qu'ils n'ont pas ce pouvoir.
-Mes parents disent que ça passera. Qu'on doit malheureusement passer par là. Mon père dit que si je me blanchissait la peau ça se tassera, qu'on m'acceptera plus facilement, exprime la jeune femme avant que sa voix ne se brise.
-Comment vous vous appelez ? Je demande, doucement.
-Ayawa, me répond-t-elle.
-Depuis combien de temps vivez-vous cela ?
-Depuis que je suis hôtesse de l'air...un peu moins d'un an. Je ne veux pas finir par faire ça, ma peau...je l'aime comme ça vous savez...
-Vous n'avez pas à changer Ayawa, pour personne. Nos couleurs de peaux, nos origines...Nous sommes différents...mais nous sommes aussi les mêmes. Nous sommes un et plusieurs à la fois. Le racisme est un délit. Un crime envers la race humaine. Vous êtes racisée Ayawa, vous ne devez pas l'accepter. Personne ne le devrait. Je ne l'accepte pas non plus, aux noms de tous ceux et celles qui auront une quelconque différence par rapport à moi. Au nom du monde entier. Le racisme est puni par la loie, rester passive laissera les autres vous persécutez.
-Je...qu'est-ce qui...qu'est-ce qui vous fait pensez que je serai forcément prise au sérieux ? Les tortionnaires ne sont pas toujours réellement punis...voir pas du tout.
-J'en suis conscient, avouai-je, mais dans ce monde il faut se battre. Facile à dire, certe, mais pourtant c'est un fait. Le monde fait parfois mal, il va nous donner envie de baisser les bras, de se résigner, de nous détruire...Pendant que tout au fond, notre coeur nous crie qu'il veut aller sur le champs de bataille. De se faire entendre et de ne pas être écraser par toutes ces âmes perverties. Les humains peuvent être aussi faibles que forts. La facilité fait toujours rêver et nous tournons le dos aux difficultés. Alors que c'est pourtant le seul moyen de changer les choses...
Ma phrase reste en suspens, me rendant compte que ces mots, je me les dis aussi à moi. Que j'avais besoin de les exprimer, et de les entendre à travers ma voix.
-Merci, chuchote Ayawa. Vous êtes une bonne personne. Qu'Orunmila vous protège.
Appuyant ses propos, cette dernière pose son autre main sur la mienne. Cela avant de m'offrir un sourire sincère cette fois-ci.
-Je vous promets de me battre, même si ça me fait peur. Quand je voudrais abandonner je penserai à vos mots, je ne les oublierai pas, ajoute-t-elle avant que le trajet ne continue dans le plus grand des silences. Laissant mes dires planés à travers tous les esprits. Même ceux des autres passagers qui jusqu'à présent faisaient les sourds.
Une fois arrivé à destination et après avoir souhaité une bonne continuation à Ayawa, je me mis à me rendre à l'intérieur de l'aéroport. M'amenant au terminal 2. C'est ainsi que j'appelle de nouveau mon oncle afin de savoir où ce dernier se trouve actuellement.
-À côté des bornes, me dit-il.
-Merci monsieur pour votre incroyable précision, j'ironise, je te rappelle que le terminal 2 est le plus grand de tous ici.
-Je suis exactement au terminal 2A, comme je disais prêt des bornes. Normalement tu ne devrais pas me louper.
-Normalement ? Répétai-je.
-Oui, normalement. Ca dépend si tu vois clair ou non aujourd'hui.
-Tu veux que je reparte ? Je plaisante...à moitié.
-Non non non, you can't do this !
-Pas besoin de me parler anglais, je crois que je te vois. J'arrive.
Je raccroche aussitôt et m'approche de celui qui m'a lancé dans cette péripétie tout en lui lançant un sourire une fois que sont regard trouva le miens.
-Ah ! Te voilà enfin ! S'exclame Kenny.
-Enfin ? Heureusement que tu ne dis pas ça à maman, elle t'aurait tiré les oreilles.
-C'est bien pour ça que je te le dis à toi, répond-t-il pendant que je lui confie son fameux passeport. Merci beaucoup Livaï, j'ai toujours su que tu étais mon préféré parmis mes neveux et nièces.
-Sympa pour Mikasa, riai-je légèrement tout en enlaçant mon oncle avant son départ. Bon, c'est ici que nos chemins se séparent. Bon voyage, t'as intérêt à me raconter tout en détail à ton retour.
-Ca marche. Et toi...,commence-t-il, je souhaite te voir heureux de nouveau à mon retour.
-Ne t'en fais pas, j'y travaille.
-Je suis content de le savoir, me sourit-il, aller ciao minus, à la prochaine.
-Fais pas trop le malin Ackerman, lançai-je.
Sur ces dernières paroles, nous nous tournons tous deux le dos. Prenant nos routes respectives avant qu'elles ne se rejoignent plus tard. Où nous pourrons nous raconter ce que nous avons vécu, avant que nos histoires s'entremêlent, nous guidant vers des aventures qui nous seront partagées.
Sur le trajet du retour, observant mon téléphone comme s'il était la clé de ma guérison, je me décide à aller dans mes contact. Appuyant sur celui d'Eren. Ne voulant plus hésiter un seul instant, je prends la décision d'enfin lui écrire.
"Eren
Aujourd'hui, je décide de sortir du silence. De ton silence. Du nôtre. J'avais finis par croire qu'il était inutile, mais j'avais tort. J'ai réfléchis. J'ai eu peur aussi. Peur de la suite. Je suis encore effrayé mais je me décide malgré tout de t'écrire ces mots. Je refuse de construire l'avenir accompagné du regret de m'être abstenue. Le temps ne s'arrête pas, ne reviens pas. Avoir peur me ferai perdre ce qu'il me reste. Ne fera pas avancer. À présent entrons dans le vif du sujet. C'est pour cela que je te contacte après tout. Quand tu t'es éloigné pour ne plus revenir, ça m'a blessé. Je pense que tu le savais. Tu le savais au moment où cette idée t'a effleuré l'esprit. Je ne sais pas ce qui t'as poussé à agir ainsi, mais peut-importe la raison. Elle n'est pas une excuse. Elle ne justifie rien. Pourquoi ne m'as-tu pas parlé ? Pourquoi as-tu décidé d'agir seul dans une relation où deux personnes étaient pourtant présentes ? J'étais là, l'avais-donc-tu oublié ? Avais-tu du respect à mon égard ? Tu l'as brisé quand tu as voulu t'effacer. J'étais au bord de penser que j'avais une part de responsabilité dans ta réaction.
Je n'avais aucun mot pour décrire notre relation, mais je pensais qu'elle ne serait pas juste une histoire passagère. Tu me plaisais, je pouvais t'écouter parler de tes joies et peines pendant des heures. Tes récits me touchaient, tes histoires avaient du vécues. Elles n'étaient pas que racontées, elles vivaient à travers tes mots.
Cette belle incartade a duré quelques semaines, du temps en plus passé à tes côtés. Je me sentais vivant, libre et intouchable. Plus rien ne me freinait. Tu te souviens ? J'avais prolongé mon séjour, pour ton pays mais aussi pour toi. Cette étoile ardente qui m'enlaçait, qui me réchauffait jusqu'à me brûler. On se connaissait depuis peu, et pourtant ton coeur avait choisi de me livrer une partie de toi. De ton histoire. J'ai fait de même te concernant, je me sentais bien. Je me souviens aussi de la première et unique fois où nous avions fait l'amour. J'avais jamais connu ça, aucun mot ne pourrait définir toutes ces sensations, tous ces sentiments qui me traversaient.
Au départ, le jour même de notre rencontre, tu me perturbais. Je ne savais pas si c'était bon ou mauvais. Tu m'attirais, à un point que personne ne peut imaginer. Pour tout t'avouer ce n'était que physique au départ, et quand j'ai appris tes origines, je me suis mis à penser que c'en était la cause. Que c'était une réaction que quiconque t'approchant pouvait avoir. Je me disais que c'était triste, que tout était tracé. Je me demandais si tu étais conscient de cela, si ça te dérangeait. Je ne me suis pas plus posé de question et je me suis laissé guider. Mais il y avait tant d'autres choses qui naissaient en moi. Comme si j'étais lié à toi, comme si nous étions destiné l'un à l'autre depuis la nuit des temps. On regardait dans la même direction chaques jours qui passaient. Pour finir par se détourner sans raison. Je voulais te détesté pour ça, mais cela ne m'apporterait rien.
À présent, tu te doutes bien que je suis maintenant rentré chez moi, pour tout te dire c'était hier. Ça aussi l'avais-tu peut-être oublié quand je te l'avais dis. Avant de prendre l'avion, j'avais le petit espoir que tu viennes à l'aéroport. Je me disais que j'apercevrai peut-être ta tête parmi toutes celles qui étaient là, que tu viendrais me dire en revoir et que tu t'expliquerais. Les choses ne se passent pas toujours comme on le souhaiterait. Je le savais déjà et pourtant je m'y accrochais encore. Ce ne sera plus le cas. Tu disais que je n'étais pas n'importe qui à tes yeux, tu m'as pourtant abandonné lâchement. "
...
...
Vu
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Lexique :
*Téhéran : capitale de L'Iran, située au Nord du pays. Ses habitants sont les téhéranais et les téhéranaise.
*Orunmila : Orunmila est originaire de la culture yoruba. Il est l'orisha de la divination, de la sagesse, du destin, des prophéties ainsi que de la connaissance. Il est aussi surnommé Igbakeji. Il a amené le Ifa, qui lui dans les grandes lignes est l'entremetteur entre les hommes et les orishas. Un orisha est une divinité afro-américaine originaire d'Afrique. Principalement dans la religion yoruba.
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