𝘊𝘩𝘢𝘱𝘪𝘵𝘳𝘦 𝟒 ~ 𝑵𝒖𝒊𝒕 𝒅'𝒂𝒓𝒄𝒂𝒅𝒆𝒔
Audrey et Delphine avaient conduit Emilia et Luka jusqu'à un parking de supermarché. Il faisait nuit noire, mais heureusement les quelques lampadaires allumés autour d'eux leur donnaient un éclairage assez suffisant. Après avoir échangé quelques mots, les adolescents furent rejoint par trois autres garçons du même âge que les jeunes femmes.
Deux d'entre eux conduisaient une moto, et le troisième était à l'arrière de l'un de ses amis. Ces derniers ramenèrent avec eux un pack de George Killian's, ainsi qu'une bouteille de Vodka remplie aux trois quarts. Les filles firent alors les présentations :
Le premier était un dénommé Eric. Il était assez grand et imposant, possédait des yeux noirs comme la nuit, un nez cassé, et des lèvres pulpeuses. Son expression faciale était assez sombre, et virait presque au narcissisme. Il était vêtu d'une veste en cuir noire, d'un t-shirt rouge rentré dans son pantalon grisâtre, et portait des converses et des mitaines en cuir noires. C'était visiblement le leader de son groupe d'amis.
Le deuxième, lui, était un jeune homme avec un air complètement détraqué. On le surnommait Greg. Il avait des cheveux teintés en vert, des yeux d'un gris transperçant et un sourire assez dérangeant. Ce dernier portait un t-shirt avec des serpents imprimés, un jean noir et des Doc Martens bordeaux, et une jolie chaîne en argent venait faire le tour de son cou.
En revanche, le dernier était plus simplet. Il se prénommait Pierre. C'était un blondinet anciennement grassouillet dont les muscles étaient en train de se développer. Il avait sur lui une chemise à moitié ouverte, un vieux jean légèrement abîmé ainsi que de vieilles tennis blanches. C'était plutôt le genre de personne à se faire influencer par les autres.
Ainsi, les jeunes s'étaient réunis en cercle près d'un lampadaire. Tout en dégustant les dernières bières qui se trouvaient dans le pack et en finissant la bouteille de vodka à coups de shots de bouchon purs, les amis d'Audrey se plaignaient de leur arrondissement qui apparemment craignait beaucoup.
— Et sinon, comment c'est chez vous ? Vous êtes dans quel arrondissement ? demanda le chef du groupe à Emilia et son ami.
— Je, euh, on... Nous ne sommes pas vraiment d'ici, bégaya la jeune fille.
— En fait on est en vacances chez ma tante, compléta Luka avec une assurance étonnante.
Tout en allumant une cigarette, Audrey qui jusque là était restée dans le silence finit par parler aux deux adolescents :
— Et vous êtes en couple ?
— Pas vraiment, répondirent-ils en chœur.
Avec sa clope à la main, l'adolescente les regarda tour à tour. Elle avait un sourire perturbant, et ses grands yeux bleus étaient si captivants qu'on ne pouvait couper le contact visuel lorsqu'elle faisait son grand regard. Mais après quelques longues secondes qui mirent Emilia et Luka dans l'embarras, le jeune homme aux cheveux verts finit par briser le silence :
— Ça s'voit qu'il y a de l'eau dans le gaz !
Ce dernier pouffa. Pendant ce temps, Eric hocha de la tête tout en la baissant avec un petit rictus, Delphine eut un sourire gêné, et Audrey continua de fixer les deux adolescents. Par la suite, Eric alluma à son tour une clope avant de reprendre la discussion.
— Dans ce cas, aucun de vous deux n'a intérêt à toucher à ma copine, dit-il avant de venir serrer Audrey contre lui.
Emilia et son ami furent un peu surpris par cette découverte, mais restèrent impassibles.
La jeune fille remarqua un petit soupçon de déception et de jalousie sur le visage du dénommé Pierre lorsqu'il détourna le regard. Alors, elle tourna sa tête vers Luka pour observer sa réaction, mais celui-ci avait plus l'air de réfléchir à autre chose plutôt que de se préoccuper de la vie sentimentale de la jeune femme qu'il avait rencontré il y avait un peu moins d'une heure de cela.
Avec le regard profond d'Eric et le sourire narquois d'Audrey, la jeune adolescente ressenti le besoin de se défendre. Par conséquent, elle eut un rire nerveux avant de répondre :
— Pas de souci à se faire pour ça, je suis pas vraiment attirée par les filles.
Le sourire d'Audrey s'agrandit.
— T'inquiète pas, je suis attirée par les deux moi.
À nouveau, Emilia eut un rire un peu trop aiguë, puis elle finit par tourner la tête.
— Au fait Delphine, ton oncle tient toujours ce salon d'arcades pas très loin ? lança Greg à son amie.
— Oui... pourquoi ? répondit-elle de sa petite voix fébrile.
— Non parce que, je trouve qu'il fait un peu frais ici... On serait mieux à l'intérieur, tu crois pas ? lâcha le jeune homme avec un petit rictus.
La jeune femme se crispa et fit une grimace avant de poursuivre :
— Je crois pas que ce soit une bonne idée.
— Oh allez quoi, ce serait trop fun ! Tu crois pas ? enchaîna Eric.
Elle hésita quelques instant, puis finit par céder sous la pression du groupe. Il était clair que Delphine était une gentille personne avec une personnalité un peu effacée. Par conséquent, elle conduisit le groupe jusqu'à devant un bâtiment avant de s'éclipser quelques minutes. Pendant ce temps, Emilia et Luka commençaient à sentir les effets de l'alcool monter en eux. Les images qu'ils percevaient étaient moins fluides, et leurs mouvements étaient un peu moins contrôlés.
Au début, Luka était retissant à l'idée de suivre le mouvement, mais voyant son amie se relâcher, il avait voulu faire de même. De son côté, Greg en avait profité pour sortir un paquet de Chesterfield et en fumer une. Avec leur paquet de Marlboro, Audrey et Eric le suivirent.
Pierre avait l'air d'être le seul qui ne fumait pas, et par ailleurs, il ne parlait pas beaucoup non plus. Il se contentait d'acquiescer pendant les conversations, et de quelques fois donner son avis, mais rien de plus.
Ainsi, après quelques minutes et deux trois mots échangé au sein du groupe, Delphine finit par revenir.
— Alors ? fit Eric.
— Je les ai, déclara la blonde tout en exhibant des clés.
C'est ainsi que la jeune femme s'avança jusqu'à une porte vitrée avant de l'ouvrir à l'aide des clés. Une fois celle-ci déverrouillée, Audrey, Eric et Greg éteignirent leur cigarette avant de suivre Delphine et de pénétrer à l'intérieur. Emilia, Luka et Pierre suivirent le mouvement. Les jeunes restèrent quelques secondes dans le noir avant que Delphine ne disparaisse derrière une porte au fond.
Après quelques secondes, le courant fut rétabli. Par conséquent, toute la pièce s'illumina, et toutes les machines se réveillèrent.
Les murs étaient recouverts de papier peint bleuté avec plusieurs posters accrochés dessus et le sol était recouvert de tapis violacés. Les bornes d'arcade formaient deux colonnes distinctes à l'intérieur desquelles il y avait des machines des deux côtés. Au fond à droite se trouvait un comptoir en bois avec dessus un ordinateur et une caisse avec juste derrière un réfrigérateur rempli de boissons. À gauche, il y avait une porte avec écrit « Réservé au personnel ».
Par conséquent, Emilia et son ami admiraient la salle avec stupeur. C'était la première fois que les deux adolescents se retrouvaient dans un endroit comme ça, et ça leur en donnait des frissons. C'était comme dans les films, mais en un peu plus délavé. Alors c'était comme ça que les jeunes d'avant s'amusaient, pensa Emilia.
Ça avait l'air intéressant de se retrouver devant une grande machine bruyante plutôt que d'être scotché devant le petit écran de son téléphone pour jouer.
Quelques instants plus tard, Delphine revint avec une caisse remplie de jetons jaunes sur laquelle les garçons se jetèrent pour en attraper quelques uns. Suite à cela, chacun se mit à une borne de son choix et inséra un jeton avant de se mettre à jouer.
Plus calmement, Audrey s'avança à son tour vers son amie et la remercia avant de prendre un jeton et de s'installer devant un jeu de cubes à empiler. De son côté, Delphine fixa les deux jeunes adolescents ébahis devant l'entrée avant de soulever sa caisse et de leur lancer :
— Bah, vous en prenez pas ?
C'est avec passivité qu'Emilia et Luka s'avancèrent vers la jeune femme avant de s'emparer de quelques unes des pièces dans la boite. Après ça, les deux adolescents choisirent deux bornes côte à côte et s'installèrent.
Emilia, elle, avait opté pour un grand classique : le fameux Pac-Man.
De son côté, Luka avait plutôt misé sur un côté destructeur et avait donc choisi le jeu Galaga qui avait pour but de détruire des ennemis à l'aide d'un vaisseau spatial.
Tous euphoriques, les jeunes s'amusèrent pendant quelques minutes aux bornes, puis ils décidèrent de prendre une petite pause. Par conséquent, Audrey demanda comment accéder au toit avant de prendre son paquet de cigarettes à la main dans le but de s'en fumer une à l'air libre.
Une dizaine de secondes plus tard, ayant le tournis et sentant la chaleur monter de plus en plus en elle, Emilia décida de la suivre. Une fois en haut, cette dernière vint s'asseoir à côté d'Audrey, les pieds dans le vide, puis regarda tout autour. L'endroit était entouré de grands bâtiments rétros, et quelques passants empruntaient les rues à peine éclairées par des lampadaires en bas. De plus, quelques sirènes de polices et d'ambulances pouvaient se faire entendre de loin.
— T'en veux une ? fit Audrey tout en tendant une cigarette à sa camarade.
Après quelques secondes de réflexion, Emilia céda à la tentation. Après tout, tant qu'elle était là, elle pouvait bien profiter un peu, se disait-elle.
— Pourquoi pas, répondit-elle tout en amenant l'élément destructeur à sa bouche.
Tant dis que cette dernière tenait sa clope entre ses lèvres, Audrey vint l'allumer à l'aide de son briquet. Emilia inspira un grand coup, ça faisait longtemps qu'elle n'avait pas goûté au « plaisir » du tabac. Avec l'augmentation des prix de nos jours, elle n'avait pas assez d'argent pour investir dans des paquets de cigarettes, et son seul fournisseur avait été le même qui avait contribué à la conduire vers le bas. Il avait à la fois pourri son mental, mais aussi pourri sa santé.
— Bon alors, pourquoi t'es triste toi ? lança l'adolescente tout en rangeant son paquet et son briquet dans la poche de son pantalon.
— Comment ça ? rétorqua Emilia, un peu déstabilisée par la question.
— Bah, en général, les gens heureux ne traînent pas et ne s'entendent pas vraiment avec les gens tristes. Alors ? déclara-t-elle entre deux inspirations de fumée.
La jeune fille se mit à réfléchir sur ces paroles, et en conclut assez rapidement qu'elle avait raison.
— J'ai tenté de me suicider il y a pas longtemps, avoua la brunette avant de tirer à nouveau sur sa clope. Et toi ?
Audrey regarda au loin avec un petit sourire avant de poursuivre :
— C'est pas une raison, je t'ai demandé pourquoi.
— Les gens, répondit Emilia après avoir reprit une nouvelle inspiration de fumée.
— C'est des cons, hein ? lâcha Audrey tout en penchant la tête vers sa nouvelle amie.
La jeune fille repensa alors à tout ce qu'on lui avait fait. Le harcèlement, les rumeurs, les moqueries, les rabaissements, les embrouilles inutiles... Rien que d'y repenser, elle en avait mal au cœur. Elle avait trop souffert dans sa vie, et à cause de ça, elle avait voulu tout arrêter. Cette pensait lui faisait monter les larmes aux yeux... par conséquent, elle répondit simplement d'une petite voix :
— Ou ais.
Un nouveau silence s'installa entre elles. Les deux adolescentes finirent alors leurs clopes avant de les balancer dans la ruelle qui se trouvait sous leurs pieds. Ainsi, Audrey se releva dans le but de retourner à l'intérieur. Mais avant qu'elle ne s'en aille, son amie voulut la retenir.
— Tu m'as toujours pas dit pourquoi t'étais triste, déclara la jeune fille.
Dos à elle, Audrey esquissa un petit sourire avant de répondre :
— À cause de notre monde... et de la vie.
Sur ce, la jeune femme s'en alla. Par conséquent, Emilia resta encore pendant quelques minutes dans la fraîcheur de la nuit à réfléchir sur le sens de tout ça. Elle avait un sentiment étrange ; de la tristesse mêlée à un profond sentiment de vide. Mais alors que la jeune fille se trouvait en profonde réflexion sur elle-même, la porte donnant accès au toit s'ouvrit derrière elle. C'était Luka.
Au même moment, un petit courant d'air frais vint provoquer des frissons sur la peau de l'adolescente.
— Ça va ? Ça fait depuis tout à l'heure que t'es là, tu dois avoir froid... déclara le jeune homme tout en déposant son hoodie sur les épaules de son amie.
— Merci... fit la jeune fille tant dis que ce dernier s'assit à côté d'elle. Dis, je t'ai pas encore demandé, mais t'es en quelle classe ?
— Je vais faire ma dernière année de lycée, déclara Luka. Et toi ?
— Moi, je passe en première, répondit-elle. Et c'est quoi ton plan pour la suite ?
— L'armée.
Emilia sentit un énorme sentiment de déception l'envahir. Elle connaissait ce jeune homme seulement depuis peu, mais une part d'elle ne voulait déjà pas le laisser partir. Alors, elle poursuivit la conversation comme si de rien n'était :
— Oh... vraiment ?
— Oui.
— C'est vraiment ça que tu aimes, la violence ? demanda cette dernière.
— Non, je suis juste perdu, et j'ai besoin d'ordre dans ma vie. J'ai besoin de me surpasser pour me retrouver, tu comprends ? Et puis, j'ai besoin d'un objectif, et là-bas j'en aurai un : défendre mon pays.
La jeune fille se mit à réfléchir à nouveau. Ce que disait son ami était tellement vrai et profond... Elle ne savait quoi lui dire, mais comprenais son choix. Mais elle savait aussi qu'elle ne devait pas s'attacher à lui, car bientôt il partirait. Et si elle se liait davantage d'amitié avec lui, elle savait que son départ lui déchirerait le cœur.
Pourtant, elle avait tant envie de le connaître davantage, de découvrir sa personnalité et de l'accompagner dans le futur... mais sa raison rappelait sans cesse à son cœur que ça ne ferait que de lui faire du mal.
Sauf que le cœur a ses raisons que la raison ignore, se disait-elle.
Par conséquent, cette dernière voulut poursuivre la discussion.
— Je pense que je comprends.
— Et toi, t'as un plan ? demanda le jeune homme à son tour.
— Pas vraiment.
— C'est pas grave, tu trouveras bien quelque chose.
Ainsi, il eut un silence entre les deux adolescents. Soudain, Luka sentit une drôle d'odeur, alors il s'empressa de demander à son amie :
— C'est moi ou t'as fumé ?
Emilia baissa la tête.
— Oui...
Luka souffla. Il n'était visiblement pas content, et de son côté, sa camarade n'était pas fière.
Néanmoins, elle était étonnée de voir qu'un garçon qu'elle connaissait depuis peu s'inquiétait déjà pour sa santé. C'était comme s'il la connaissait déjà, comme s'ils étaient déjà proches... Et après tout, c'était peut-être le cas. À deux, ils avaient fait un bond en arrière dans le temps et s'étaient retrouvés en pleine banlieue parisienne. C'était une expérience que quasiment aucunes personnes ne partageaient ensemble, voir même aucunes personnes tout court.
C'était complètement fou, et peut-être que cette histoire leur donnait l'impression qu'ils étaient liés. Et peut-être que c'était le cas.
— Je comprends pas à quoi ça te sers de te détruire la santé comme ça, déclara le jeune homme.
— C'est juste que je voulais profiter un peu... se défendit Emilia.
— T'appelles ça profiter toi ? lâcha-t-il.
— Non, t'as raison.
La jeune fille se mordit la lèvre inférieure. Alors, son ami reprit :
— Si je t'ai sauvé c'est pas pour que tu te détruises par derrière, tu sais... Et puis, c'est du gâchis. Une fille comme toi, ça devrait pas se laisser entraîner dans toute cette merde.
L'adolescente se mit à rougir. Ces paroles la touchaient en plein cœur... Elle avait à nouveau l'impression que quelqu'un croyait en elle, et à cet instant, elle ne se sentit plus seule, comme s'il n'avait pas l'intention de la lâcher. Elle trouva cela adorable.
Mais pour le moment, elle n'avait vu que des qualités chez ce jeune homme, alors elle n'arrivait pas à croire qu'il était bien réel, et que tout cette histoire l'était aussi. C'était comme si elle vivait dans un rêve éveillé depuis qu'elle avait tenté de se tuer.
— Merci de m'avoir sauvé, dit-elle avec un ton plus sincère que la première fois.
Luka se contenta de lui sourire, avant de dire :
— On devrait rentrer, non ? Il commence à faire froid.
La jeune fille acquiesça, puis elle se releva avec l'aide de son ami. Mais alors que les adolescents s'apprêtaient à rentrer à l'intérieur, Emilia se tourna pour regarder le ciel une dernière fois. Mais alors que son camarade s'apprêtait à lui demander ce qu'elle faisait, il leva la tête, et vit quelque chose de magnifique. Soudain, avec des yeux brillants de mille feux, l'adolescente l'attrapa par le bras avant de lui dire :
— Luka, fais un vœux.
— Déjà fait, répondit le jeune homme qui avait soudain reprit espoir en la vie.
— Dis, tu voudrais pas rester encore un peu ? lui demanda la Emilia tout en se tournant vers lui.
— Si, avec plaisir.
Les jeunes adolescents s'adossèrent contre le mur et se blottirent l'un contre l'autre. Par conséquent, ils se mirent à admirer les étoiles dans le ciel, et s'extasièrent devant chaque corps célestes qu'ils rencontraient. Alors, des heures passèrent, et les deux jeunes finirent pas s'assoupirent devant ce spectacle majestueux, se servant du corps de l'autre pour se réchauffer au milieu de cette fraîche nuit d'été.
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