Troisième partition
Dire que la situation a changé entre Nam Joon et YoonGi depuis ce jour-là serait mentir. Le pianiste est resté enfermé chez lui et le délégué a continué de travailler. Parfois il fait des détours et passe devant l'immeuble du petit mais n'ose jamais rentrer. Il a surement peur de se faire rejeter. Sa vie continue et le concours de musique est bientôt. Il voit des feuilles d'inscriptions défiler dans ses mains mais jamais celle de Min YoonGi. Il s'inquiète. Les professeurs l'ont mis au courant de ce que la directrice lui a dit et si à la fin de la semaine il n'a toujours rien rendu alors c'est l'exclusion définitive. Nam Joon soupire remontant son écharpe jusqu'en haut de son nez. Il ne pense qu'à ça depuis qu'il est sorti du lycée ce matin. Il traîne au milieu des passants sans avoir conscience de son environnement. Il ne veut pas rentrer chez lui avant d'avoir trouvé une solution. Rentrer pour supporter ses parents qui lui font constamment la morale pour tout et n'importe quoi, sans façon. S'il pouvait, il partirait loin et fuirait toutes ses obligations mais malheureusement pour le moment il reste coincé. C'est toujours comme ça. Encore aujourd'hui il est là, sous la neige, sans idée pour sauver le petit pianiste. Il aimerait l'inscrire à sa place mais c'est une mauvaise idée et puis il a besoin d'une signature. L'étudiant s'assoit sur un banc et regarde le ciel gris. Cette fois il n'a pas le choix. Il doit parler à YoonGi et le convaincre. Il aimerait réussir mais se doute que ce ne sera pas une chose facile. Lentement Nam Joon se lève et prend la direction de l'immeuble du petit.
Le pianiste est revenu de l'hôpital ce matin. Il devait voir son psychiatre avant de passer ses examens de contrôle. Tout va bien pour le moment. Sa santé fragile est régulièrement surveillée et il doit toujours faire attention à se couvrir. C'était encore une épreuve pour lui de s'y rendre. Son frère l'a amené mais rien que l'odeur de la salle d'attente, les murs blancs le crispent. Il ne peut plus supporter cette ambiance et toutes ses heures à attendre. Pourtant il a dû rester sans bouger avant d'entendre son prénom. Il a vu des enfants et ça le met toujours mal à l'aise avant de sentir en colère contre lui puis triste. Ils sont plus jeunes et pourtant ils guérissent contrairement à lui qui n'avance pas. Il reste le même depuis des années et il est surement condamné à vie. Jamais il ne pourra courir comme les autres, penser rapidement ou parler comme un adulte responsable. Plus le temps passe moins le petit pense être utile à quelque chose ou pour quelqu'un. Son frère lui répète depuis des années qu'un jour il pourra aider mais il attend toujours. Alors ce matin YoonGi a failli exploser en pleine salle d'attente mais il s'est contenu en serrant les poings. C'est en rentrant ce midi, à bout de forces, qu'il a hurlé toute sa colère contre son corps en pleurant. Il a l'impression de devenir fou et d'être prisonnier de ce corps. Enfin, le petit s'est effondré sur le sol complètement vide d'énergie. Il ne bougeait plus, désespéré. Il attendait que le temps passe.
Il entend qu'on frappe à la porte. Il fronce les sourcils et ouvre la porte après un moment d'hésitation. Nam Joon le regarde, un peu timide. Un long silence entre eux avant que le délégué lui adresse quelques banalités et se décide à entrer. Sans trop savoir pourquoi, YoonGi le laisse sans même contester ou crier. Il est trop fatigué. Le pianiste s'enfuit dans sa chambre rapidement suivi par l'étudiant et découvre sa petite bulle plongée dans l'obscurité et uniquement éclairée par une veilleuse qui dégage une douce lumière bleutée qui forme des petites étoiles. Il se permet de s'asseoir sur le grand lit et adresse un regard au petit qui ne dit toujours rien. Son visage d'enfant est couvert de tristesse. Sa peau si pâle qui lui donne un air de jolie poupée aujourd'hui ne le met pas en valeur, ses petits yeux sont sans émotions laissant soupçonner qu'il n'a plus goût à rien et des grandes cernes bleutés ainsi que le contour de ses yeux rougeâtres trahissent ses larmes et sa fatigue. Nam Joon a pitié et il aimerait savoir ce qui a pu le rendre si mal. Il aimerait le prendre dans ses bras et lui promettre que le monde sera bien plus beau demain et que quelqu'un sera là pour lui sourire mais il n'ose pas. Pour lui, YoonGi est comme une créature précieuse qu'on ne peut que toucher rarement et qu'il faut la regarder avec les yeux au risque de la briser tant elle est fragile. Il finit malgré tout par laisser quelques mots s'échapper après ce long temps d'admiration.
« J'attends ton inscription pour le concours de musique. Tu peux la remplir maintenant si tu veux.
Ou jamais. »
Sa voix est froide, sans conviction. Il compte sérieusement ne pas y participer et se faire exclure du lycée ? Nam Joon attend puis reprend maladroitement.
« YoonGi, tu laisses ta chance te filer entre les doigts. Tu as du talent, tu le sais. Alors pourquoi ne pas essayer ? »
Parce que j'ai peur, pense-t-il. Il hausse simplement les épaules en guise de réponse. Il ne sera jamais capable de jouer devant des gens, c'est impossible pour lui. Ses démons sont bien trop forts. L'étudiant ne perd pas espoir et continue posant sa main sur la sienne.
« Tu peux réussir. Monter sur scène et jouer. Tu n'as qu'à imaginer que tu es ailleurs et non dans une salle avec du monde. Tu as du temps pour t'y préparer, c'est dans trois semaines. »
Quand il était petit il jouait à l'hôpital, c'est vrai. Au conservatoire il donnait parfois des petites représentations avec les autres puis en grandissant le petit a arrêté. Il justifiait ça en disant qu'il avait peur des autres mais au fond n'est-ce pas un autre problème ? La confiance en soi, sa motivation perdue et ses rêves bien loin de lui à cause de ses problèmes qui l'enchaînaient. Est-ce que ce Nam Joon a raison ? Pourquoi écouterait-il un inconnu ? Peut-être parce que c'est le premier à lui donner délicatement sa main, sans lui faire peur.
« Moi je crois en toi. »
Il l'a déjà entendu jouer plusieurs fois et il sait à quel point YoonGi est bon dans son domaine. Nam Joon est prêt à l'aider de tout son coeur. Il est touché par cette créature et même sans en savoir peu, il veut être présent. Malheureusement il n'obtient toujours pas de réponse. Il voudrait continuer pendant des heures à le convaincre. Il ne doit pas avoir peur de s'arrêter au milieu à cause de la peur, ce n'est pas grave. Tout le monde peut se rater mais le principal c'est qu'il participe pour rester inscrit dans cet établissement. Peut-être qu'en jouant simplement quelques notes des producteurs voudront travailler avec lui. Il y a des centaines de possibilités à envisager et mêmes si elles partent toutes d'une situation difficile elles peuvent se transformer en un bon résultat. L'étudiant serre un peu plus sa main.
« Je sais que ces petits doigts sont magiques. »
Le pianiste sens son coeur battre bien plus vite et ses yeux se remplissent inconsciemment de surprise ainsi que de douceur. C'est la première fois qu'il entend des paroles aussi belles qui lui sont destinées. Quelque chose s'éveille en lui et lui donne envie de jouer. Quelqu'un qui croit en lui et qui le soutient sincèrement. Il n'avait plus l'envie de se battre parce que personne n'était à ses côtés, il était seul et ne trouvait plus d'intérêt à continuer d'avancer même pour lui. Il n'en avait plus le courage, ni la force. Leurs regards se croisent et un sourire se dessine sur le visage de Nam Joon laissant apparaître ses deux belles fossettes. L'intérieur du corps de YoonGi se réchauffe.
« Tu viendras ?
Oui. Je peux même t'aider à préparer ton concours. »
Le délégué à déjà des grands espoirs pour lui. Si jamais il termine dans les trois premiers il pourra reprendre les compétitions et peut-être même accéder au grand concours final, celui où la plupart des étudiants musiciens veulent s'inscrire. Y participer est déjà un grand honneur en soi et les chances d'obtenir un emploi dans l'univers de la musique sont simples après ça. Gagner signifie aussi beaucoup et assure une grande popularité ainsi que devenir un pianiste reconnu parmi les plus jeunes et talentueux. Il se doute que Min YoonGi ne voit pas tout ça mais uniquement la joie, la fierté qu'il pourrait apporter à ses proches. Dans sa chambre Nam Joon a vu une photo du petit et de son grand frère, heureux et souriants. Il ne lui a pas fallu de grands discours pour comprendre qu'un lien fort les unis. Finalement il accepte de remplir une feuille. L'étudiant est fier du pianiste. Ce n'est que le premier obstacle passé avant le reste du long chemin à parcourir mais il a l'espoir que tout ira bien. Il remercie le petit et lui promet de venir tous les jours après les cours pour l'aider. Il ne va pas simplement lui donner des leçons mais lui faire affronter ses peurs progressivement dès qu'il les aura toutes trouvé. Déjà s'occuper de celle des gens, c'est la plus importante. Idéaliste, il pense pouvoir changer un adolescent qui a le même comportement et des démons profonds en même pas trois semaines. C'est presque beau. Il salue ensuite son ami puis rentre chez lui, content de sa personne.
Ce soir-là, le frère de YoonGi a entendu des morceaux de piano jusqu'à tard dans la nuit. C'était léger, joyeux et si doux contrairement à d'habitude où c'est triste et mélancolique. Le pianiste a l'impression de vivre à nouveau. Dans son coeur une petite étincelle s'est produite après les mots de Nam Joon et l'affreux moment à l'hôpital a disparu de ses pensées. Cette grande main qui tenait la sienne lui a fait du bien, l'a rassuré. Il a pris conscience que quelqu'un est près de lui, prêt à accepter beaucoup pour l'aider à marcher et ça le rend si heureux. Depuis longtemps il n'avait pas ressenti ça. A nouveau il veut se battre pour gagner au moins un petit quelque chose même si ce n'est que petit. La simple présence de quelqu'un à ses côtés qui l'encourage ou même un combat contre lui-même, une évolution dans son comportent qui est le même depuis si longtemps. YoonGi a l'impression que tout ira mieux. Enfin.
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