Nam Joon qui est un élève si sérieux et sage a trouvé un moyen de quitter les cours à partir de quinze heures tous les jours pour aider le pianiste. Il a demandé l'autorisation à la directrice. Ça n'a pas été simple mais elle a fini par accepter et justifiera toutes ses absences à la condition que YoonGi termine dans les trois premiers. Une pression s'est ajouté sur les épaules du jeune homme mais il n'a pas peur et à même confiance. Doucement il pousse la porte de l'appartement qui est ouverte et entre. Le petit joue déjà depuis vingt minutes au moins. Un air simple et enfantin. Sans faire de bruit, il s'assoit et écoute silencieusement le morceau. Tout son stress s'envole progressivement. Il n'a plus le son agaçant de la circulation et la voix des passants en tête mais uniquement cette petite mélodie. Ses mauvaises pensées le quittent et son esprit se vide. Il aimerait savoir où YoonGi s'imagine en ce moment. Il a les yeux fermés et laisse ses doigts pianoter sur les touches. Dans son imagination, le petit est dans une forêt verdoyante où les rayons du soleil caressent doucement sa peau et ne l'agressent pas. Les animaux autour de lui l'observent attentivement. Il est à l'aise et c'est une belle journée qui se crée dans son coeur. Il ne voudrait pas s'arrêter de jouer mais la partition se termine. Lentement, avec un certain refus au début, le pianiste ouvre les yeux et reprend conscience de son environnement. L'appartement moderne, les grandes vitres donnant sur la capitale recouverte d'un manteau blanc et assit sur le canapé, Nam Joon qui attend d'être remarqué. Silencieusement les deux s'inclinent poliment pour se dire bonjour.

Depuis le début de leurs entraînements tout est très formel entre eux. Ils n'osent pas s'approcher, se parlent de manière bien trop stricte et n'abordent que le sujet de la musique. Pourtant on ne peut pas parler d'une tension désagréable. C'est surtout une forme de gêne entre eux. Des sourires timides, des gestes maladroit, peu assurés par peur de brusquer l'autre et des paroles délicates mais murmurées par embarras. Une grande tendresse se dégage du délégué mais il ne sait comment faire devant cette poupée si fragile. Il a peur de la briser en une seule phrase. Il aimerait voir son visage s'ouvrir un peu plus et obtenir bien plus qu'un petit rictus poli. Tout ça viendra avec le temps, se dit-il à chaque fois.

L'étudiant pose la partition pour le concours et demande à l'autre où il en est. Sagement, il lui explique ses difficultés mais également ses réussites. Parfois YoonGi lui confie ses craintes. Il ne voudrait pas rater et décevoir son ami. Tout ça il ne lui dit pas mais quand il en parle on peut sentir une certaine pointe d'hésitation et de peur. Si jamais il ne réussit pas, Nam Joon va le laisser et même devenir méchant parce qu'il lui aura fait perdre son temps, non ? Il est toujours un peu inquiet à cause de ça, c'est vrai. Un soupir puis le petit reprend son entraînement. Il aimerait bien être plus à l'aise avec le délégué et briser cette gêne entre eux mais c'est compliqué. Il ne sait pas comme s'y prendre et ne voudrait pas être ridicule avec lui. Il ne devrait pas se stresser autant avec cette liaison mais s'il gagne, ils continueront de se voir et de travailler, non ? Au fond, le petit aimerait bien. Il apprécie sa compagnie et ses paroles rassurantes. 

Il se souvient de ce jour où il l'a rattrapé sous la neige, celui où ses mains se sont posés sur les siennes pour le convaincre. Nam Joon est si doux et gentil avec lui. Perdu dans ses pensées, YoonGi ne se rend même pas compte qu'il commence à jouer une mélodie totalement différente. Il improvise laissant ses sentiments prendre les devants. Ses joues si pâles deviennent rosées alors que ses yeux se remplissent d'émotions. Son coeur commence à battre plus rapidement tandis que son ventre se tord d'une manière agréable. Son corps se réchauffe progressivement. Vraiment, il est heureux qu'une personne soit à ses côtés depuis quelques temps et lui offre autant. Des larmes viennent perler sur son visage puis tomber sur ses mains. Le pianiste se stoppe et en prend conscience. Il relève la tête et observe Nam Joon pendant un long moment. C'est grâce à lui que tout s'arrange. L'étudiant est étonné. Il ne comprend pas pourquoi YoonGi a soudainement changé les notes et la raison de ses yeux humides.

« Nam Joon pourquoi je pleure ? Quand on est heureux on sourit, non ? »

Une vague d'émotion traverse Nam Joon qui ne sait quoi ajouter. Il est heureux avec lui. Hésitant le jeune homme s'approche et caresse ses cheveux avant de venir essuyer ses larmes avec son pouce. D'une voix calme, il répond.

« Parfois on peut pleurer de joie. La plupart des gens sourient mais d'autres, sensible, pleurent. Tu as le droit, ce n'est pas interdit, ni une honte. Même les adultes versent des larmes, tu sais. »

Il l'écoute attentivement comme un enfant qui apprend une leçon.

« Même hyung pleure ? »

YoonGi parle de son frère. L'étudiant se doute bien que son aîné a déjà dû être extrêmement triste. Il ne connaît pas leur histoire mais s'occuper de cette poupée fragile n'a pas été simple tous les jours et le voir malade non plus. Si seulement il savait. Cet homme que le petit admire tant pour sa force a versé de nombreuses larmes à cause de l'abandon de ses parents, de la vue de son seul être proche, enfermé entre quatre murs blancs pour être soigné, sans avoir de conversation avec lui et devoir s'adapter pour toutes les situations du quotidien. Nam répond un oui ajoutant que tout le monde a des sentiments. Bizarrement, le petit se sent proches des autres avec ses explications. Même son frère peut être triste. Ses pleurs se calment puis il lui adresse un sourire sincère. C'est un adorable enfant. Le délégué aimerait le prendre dans ses bras mais n'ose par peur. Un doux silence s'installe puis tout reprend son cours. Parfois il passe sa grande main dans son dos pour le caresser et lui apporter un certain réconfort. Ils s'échangent un regard tendre puis continu leur leçon.

Aujourd'hui la neige tombe encore sur la capitale. YoonGi tient fermement le bras du plus grand à ses côtés. Ils marchent silencieusement. L'étudiant a proposé à son ami de sortir un peu en lui promettant de ne pas aller dans des endroits trop peuplés. Le petit lui avait fait la requête quelques jours avant. Entre eux les discutions deviennent un peu plus profondes. Parfois ils se laissent aller et parlent de leur vie respectives en écoutant sagement l'autre. Régulièrement, Nam Joon lui demande s'il n'a pas trop froid, s'il veut rentrer mais il ne reçoit que des non comme réponse. La température n'est pas spécialement agréable c'est vrai mais aux côtés de l'étudiant il a toujours chaud. C'est étrange comme sensation mais il apprécie. YoonGi continue de se tenir à lui. Ses jambes lui font mal. Il ne devrait pas marcher trop longtemps normalement mais il ne veut pas s'arrêter au premier obstacle alors il avance à son rythme. Parfois le délégué glisse sa main derrière son dos et le soutien. C'est devenu une habitude. Il le regarde toujours avec tendresse et fait attention à ce que son corps ne chute pas. Finalement ils décident de faire une pause sur un banc. Nam balaye la neige, laisse la poupée s'asseoir puis doucement il le regarde poser sa tête sur son épaule. L'étudiant glisse sa main sur celle du pianiste puis la fourre dans sa poche de manteau sans pour autant la lâcher.

Il est admiratif du courage de son ami. Avec le temps, il a compris beaucoup de choses. Il n'a pas besoin d'avoir le dossier médical du petit sous les yeux pour saisir que c'est encore un enfant qui grandit. Dans sa manière de s'exprimer, ses gestes et ses questions. Il découvre le monde et ses sentiments pas à pas. Pourtant tout ça ne le dérange pas. C'est vrai que le décalage peut être parfois un peu dur et les situations délicates mais le délégué pense bien s'en sortir. Il fait toujours attention et essaye de le traiter comme une personne de son âge, sans l'infantiliser encore plus. Il veut le protéger, lui offrir toute la tendresse dont il manque et le chérir comme une créature précieuse. Plus les jours passent plus son désir se renforce.

« Tu sais, j'aime bien marcher. Ça me rappelle les jours où j'allais à l'école. Hyung venait me chercher et nous marchions doucement. Nous nous arrêtions acheter des brioches fourrées avant de rentrer. J'aimais ses jours. Je n'étais pas à l'hôpital et je pouvais admirer les arbres. C'était beau. »

Nam Joon l'écoute et imagine un petit enfant à la moue boudeuse qui attend en gigotant d'un pied sur l'autre avant de voir son aîné arriver. Un sourire se dessine puis il court maladroitement jusqu'à lui. C'est attendrissant comme scène. Il aurait bien aimé voir ça. Il vient mêler ses doigts aux siens.

« Tu veux voir comment je cours ? Je me débrouille bien ! »

Il aimerait lui dire non. Il a peur que YoonGi tombe mais trop tard. Sa main quitte la sienne puis il se met debout. Le jeune homme le surveille attentivement, un peu inquiet. Le pianiste s'éloigne puis revient en courant. Il est maladroit et ses jambes ne se cordonnent pas correctement. Elles ne peuvent le soutenir. Il la voit. La chute arrive. Nam se lève soudainement et vient rattraper ce corps fragile qui s'écroule dans ses bras. Un soupir de soulagement puis il l'appelle doucement mais son souffle est irrégulier, rapide.

« YoonGi, ça va ? Tu t'es fais mal ? »

Il secoue la tête pour dire non mais l'autre se doute que quelque chose ne va pas. Il doit être fatigué. L'étudiant lui demande de grimper sur son dos pour rentrer. Obéissant le petit monte et se laisse porter. Il reprend le chemin silencieusement faisant attention à la poupée.

« Nam Joon, tu viendras avec moi à l'hôpital un jour ? Je n'aime pas quand je dois y aller. J'ai tellement peur qu'ils me gardent, que je ne vois plus mon frère.. »

Et de ne plus te voir également, pense-t-il mais il ne l'ajoute pas, trop timide.

« Oui, je t'accompagnerai. »

Ils s'échangent un sourire sincère. Tout semble si doux. La neige qui tombe est semblable à de petites étoiles qui viennent du ciel. Le petit est sage admirant le paysage. Il se demande si son ami est la bonne personne et il espère ne jamais être abandonné par ce dernier. Il avait besoin de lui, de quelqu'un à ses côtés pour le soutenir et l'aider. Maintenant il ne pourrait s'en séparer. Ses yeux se ferment et il s'endort.