Douzième partition
YoonGi pousse lentement la porte. Il n'a pas mis les pieds dans ce lieu depuis ses dix ans au moins. Les têtes se tournent et le fixent pendant un instant. Rapidement il baisse la tête en sentant son coeur battre à la chamade. Tout va bien. Si jamais il y a un problème son frère attend dans la voiture devant. D'ailleurs, ils se sont disputés. Aujourd'hui le petit a voulut aller au conservatoire pour trouver une salle ou quelqu'un qui pourrait l'aider pour juger ses compositions. Sans Nam Joon il a beaucoup de mal à se faire un avis alors pourquoi pas essayer ici. Son aîné n'y a vu aucun problème jusqu'à ce qu'une fois garé devant le beau bâtiment, le pianiste lui a demandé d'attendre dans la voiture. Le plus âgé a tourné la tête en lui demandant s'il était certain. Un simple oui. Pourtant il a insisté lourdement en disant qu'il avait besoin de lui et qu'il ne serait pas capable d'y arriver, de parler avec quelqu'un pour avoir un renseignement, qu'il devait encore lui tenir la main pour marcher. Piqué au vif, un peu plus touché encore que les paroles de son ami, il s'est mis à hurler de tristesse dans la voiture avant de bégayer longuement ses paroles.
« C'est quoi votre problème ?! Je suis grand ! Grand, tu m'entends ! Je peux marcher, je peux parler tout seul ! Je n'ai besoin de personne ! Tu crois plus en moi, tu penses que je suis qu'un incapable !»
Et après ça il a claqué la porte les larmes aux yeux ne laissant pas le temps à son frère de s'exprimer. D'un côté, il est déterminé à prouver au monde entier qu'il grandit mais d'un autre il se sent encore si petit quand il est au milieu de la foule. Son coeur se serre, il bat si vite. Il aimerait avoir Nam Joon près de lui. Sa grande main froide dans son dos pour le rassurer tandis que ses doux mots l'encouragent. Le pianiste est si chagriné de ne plus l'avoir. Plus les jours passent, plus la situation s'aggrave. Il ne se rend même pas compte que la nuit il lui arrive de l'appeler dans son sommeil. De plus la dispute soudaine avec son aîné ne l'aide pas à affronter ses peurs. Et s'il avait raison ? Peut-être qu'il ne peut pas réussir seul. De nombreuses pensées se mélangent dans la tête de YoonGi. Tout ça lui fait tellement mal, il souffre. Ses yeux se ferment et il sent son corps partir mais quelqu'un le rattrape. Il ne connait pas cette force, ni ses mains qui l'aident à rester debout. Paniqué, il relève la tête et découvre un inconnu aux cheveux châtains. Il est aussi grand que son ami avec un visage d'apparence douce et un regard sympathique. Son corps semble si musclé, caché derrière ce grand t-shirt blanc. Ses veines ressortent le long de ses bras et ses mains doivent être protectrices. Il adresse un beau sourire au petit puis l'entraîne dans une salle vide. Il se dirige ensuite vers la fontaine à eau et prépare un gobelet pour lui. L'inconnu lui tend et caresse ses cheveux. YoonGi est si fatigué qu'il ne le repousse même pas. Il boit silencieusement puis essaye de reprendre ses esprits. Qui est-il ? Il le fixe longuement et cherche ses mots mais son cerveau est comme stoppé pendant quelques secondes. Il lui demande si tout va mieux. Le petit hoche la tête et attend des explications.
« Heureusement que j'étais là, tu aurais pu te faire très mal contre le carrelage. »
Il hausse les épaules. Peu importe la douleur. Au point où il en est ce n'est plus une douce rencontre avec le sol qui le blessera cruellement. Il ne décroche toujours pas un mot, méfiant.
« Je suis Jeon JungKook. Je participe également au concours. Je ne pensais pas pouvoir t'approcher un jour, YoonGi. Je suis admiratif de ton art. »
Il connaît son nom ? Evidemment. Si lui aussi joue il a déjà vu le petit sur scène et gagné. D'ailleurs ne serait-il pas le fameux joueur de trompette qui arrive souvent premier ? Surement. Le pianiste ne fait jamais attention aux autres, il s'en moque. Il aimerait bien le remercier mais aucun son ne s'enfuir de ses lèvres. Il le fera plus tard alors.
JungKook regarde cette vulgaire poupée assise. Il les a repéré depuis longtemps, lui et Nam Joon. Il l'a entendu jouer mais jamais il n'a été admiratif de son art. C'est un mensonge. Il déteste le piano depuis petit et ne supporte pas qu'un simple musicien arrivant de nul part lui vole progressivement les places dans le classement. Ses sourires sont également des mensonges. Ses paroles, ses gestes si doux. Tout est faux. Quand il regarde le corps de YoonGi il n'éprouve que du dégoût. Il est si pâle et fin. Ses membres tremblent constamment et il dégage quelque chose d'extrêmement faible ainsi qu'une tristesse dévastatrice. Il n'a rien d'attirant. Son visage est couvert de fatigue avec ses grandes cernes. Ses cheveux maintenant blonds sont secs, ils ne brillent pas. Ses vêtements sont tous trop grands et son jean doit surement provenir du rayon enfant pour qu'il ne lui glisse pas en bas des hanches. Vraiment, JungKook n'a que pitié de ce pauvre être qui devrait avoir quitté le sol depuis bien des années maintenant. Pourtant il exprime de la douceur et de la tendresse avec lui. Il sait à quel point il peut être faible et se doute que le briser sera rapide. Hors de question que le petit gagne encore.
« Tu cherchais quelque chose, dis ?
Quelqu'un.. pour juger mes compositions.. »
Mais le trompettiste n'est pas un idiot, loin de là. Il compte bien le détruire de l'intérieur et délicatement. S'approcher de lui puis mieux le poignarder après. Il se doute que YoonGi ne doit pas être très bavard mais ça ne fait rien. L'enfant finit toujours par parler pour extérioriser ses peines.
« Tu me laisses les voir ? Je suis heureux d'y apporter mon avis. »
Le pianiste fouille dans son sac à dos puis sort ses compositions laissant tomber une peluche. Sans honte, il la ramasse et décide de la garder contre lui pour se rassurer. JungKook lui accorde un regard le pensant pathétique puis analyse ses portées. Il voudrait les déchirer, les brûler avec plaisir. Il sait qu'elles sont excellentes mais lui ne veut pas de ça. Un moment de silence.
« J'ai du mal à me prononcer. Il me faudrait un peu plus de temps. »
Puis il lui rend. Il a l'impression que le petit ne l'écoute pas et c'est un peu plus vexé. Ses yeux sont vides d'émotions et il fixe constamment un point pour éviter le regard avec l'autre, trop timide. Mais ce n'est rien face au regard méprisant et aux gestes hypocrites que le jeune homme peut avoir envers lui. Malheureusement, YoonGi ne remarque rien. Il récupère ses feuilles puis les ranges. Autant rentrer. Le pianiste ne veut pas rester avec quelqu'un qu'il connait à peine et qui en plus ne peut pas l'aider à travailler. Son aîné avait raison, c'était une mauvaise idée de venir ici. Il se lève et met son sac sur son dos. Faiblement il se dirige vers la porte mais au moment de partir la voix de JungKook retentie.
« Tu n'es pas avec Nam Joon ? Il me semblait que vous étiez presque inséparables. Au dernier concours vous étiez si proches l'un de l'autre sous les cerisiers. »
Heureusement que les jambes de YoonGi le tiennent. Il se serait effondré à cette réflexion sinon. La vision de Nam Joon sous les cerisiers avec son sourire si tendre et ses gestes remplis de tendresse, ses bras qui l'entouraient pour le protéger et chacun de ses mots qui lui semblaient être unique le hante soudainement. Les larmes commencent à monter tandis qu'il serre un peu plus la peluche. Il doit retenir ses pleurs, il ne veut pas paraître faible encore une fois devant quelqu'un. Alors le petit amène sa main près de sa bouche et étouffe un sanglot. Il ne bouge pas et attend que la douleur passe, que ses visions si douces disparaissent enfin pour ne plus avoir mal.
« Pardon. J'ai dit quelque chose.. ? »
JungKook observe son petit dos courbé. Il sourit fièrement. Il laisse le lourd silence écrasé un peu plus l'enfant jusqu'à ce qu'il craque. Les minutes passent mais il attendra jusqu'à le voir faiblir et chuter. Finalement YoonGi reprend difficilement la parole, ravalant ses larmes. Il lâche vaguement qu'il ne lui parle plus. Une dispute entre eux ? Voilà pourquoi il semble encore plus anéanti que d'habitude ? C'est parfait pour le trompettiste qui compte profiter de la situation avec plaisir. Il fouille et prend un papier ainsi qu'un crayon pour écrire son numéro. Il vient ensuite le glisser dans la main du petit et tapote son épaule. Il ne se retourne toujours pas pour affronter son regard mais ce n'est pas important. Le jeune homme a l'impression de gagner du terrain.
« YoonGi soyons amis. Envoie-moi un message rapidement et je te donnerai mon avis sur ta composition. Je vais même y penser activement. »
Il a déjà son idée pour briser de manière définitive son adversaire mais il va y aller progressivement. Un pauvre merci de la part de l'autre puis il s'enfuit de la salle en serrant le papier dans sa main avant de le glisser dans sa poche. Il veut pleurer. Le petit se met à courir pour sortir. Il a besoin d'air frais. Il pousse la porte du conservatoire et remonte la rue pour aller jusqu'à la voiture mais s'écroule sur le sol, pleurant à chaud de larmes, sa peluche un peu plus loin de sa main puisqu'il l'a lâché. Il sanglote bruyamment. Ses jambes lui font terriblement mal et il ne peut plus tenir debout. Son corps est sans force. Il relève la tête. Il veut voir Nam Joon, l'appeler et se blottir dans ses bras. Il aimerait hurler son nom à s'en déchirer la voix pour qu'il entende enfin sa douleur et ses nombreux appels désespérés mais il ne peut pas. Il ne peut que pleurer comme un enfant.
Son frère ne tarde pas à arriver. Il a vu la chute au loin. En découvrant son cadet si fragile son coeur se brise un peu et il prend le petit ourson pour lui rendre puis le serre dans ses bras essayant de le calmer. Contrairement à YoonGi, il se moque du regard des autres. Il les affronte depuis des années déjà. Alors le bercer en plein milieu de la rue ne le dérange plus. Il dépose un doux baiser sur son front et lui chuchote plusieurs fois qu'il est là, à ses côtés et que tout va bien. Mais le pianiste s'en moque. Il est seul au fond de lui et aimerait uniquement Nam Joon et ses bras. Finalement l'aîné des Min le soulève et le porte jusqu'à la voiture où il l'assoit délicatement et caresse ses cheveux. Il sait. Son frère est malheureux sans son ami. Il l'entend parfois la nuit pleurer et demander après lui. Cette histoire le met en colère. Il ne supporte pas que le délégué le laisse livré à lui-même, qu'il ne lui donne même plus de nouvelles, plus un signe. Il rend triste son protégé et ça il ne peut pas le tolérer. Un dernier baiser sur la joue de YoonGi puis il roule jusqu'à l'appartement ne disant rien de plus. Personne ne peut rien faire hormis Nam Joon.
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