Chapitre IV : Premiers pas
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Baekhyun était tétanisé, et ça le rendait fou de rage. Le sentiment d'impuissance, à cet instant précis, alors que le bras puissant de l'homme lui ceinturait la taille, était si intense qu'il en avait oublié sa capacité à se mouvoir. Il se sentait pris au piège, comme immobilisé par quelque chose d'invisible, une force immatérielle qui pesait atrocement lourd sur ses épaules affaissées par le fatalisme.
Il n'osait pas se retourner, cette crainte irrationnelle avait supplantée la raison, effaçant son esprit logique au profit d'une paranoïa handicapante. Il se sentait comme un enfant pris en faute, n'osant pas croiser le regard de ses parents qui s'apprêtaient à lui faire la leçon, ces adultes toisant de haut le petit garnement maculé de sa bêtise.
Ridicule certes, mais cet étrange cocktail d'humiliation et d'appréhension lui bouffait coeur.
Il n'y avait qu'une personne susceptible de se trouver dans cette pièce, et c'est individu précis se tenait à une distance définitivement inconvenante, investissant son espace personnel saturé par les effluves de parfum musqué et piquant. La senteur lui donnait le tournis, c'était à la fois agréable et bien trop prononcé pour qu'il garde ses esprits, le genre d'odeur qui en trop grande quantité, était susceptible de vous rendre confus, désorienté.
À moins que ce ne soit ce toucher intime, qui lui fasse perdre la tête.
-Vous êtes bien silencieux, fit pensivement cette même voix aux intonations graves, et définitivement masculines.
Baekhyun lui-même se surprenait de part son mutisme soudain. Il était vrai qu'habituellement, il n'avait pas sa langue dans sa poche, l'on pouvait même dire qu'il la sollicitait un peu trop souvent. Néanmoins, le franc-parler n'était vraisemblablement pas disposé à se manifester pour le moment, et c'était bien incommodant.
Subitement, les mains calleuses se déplacèrent, lui arrachant un sursaut de surprise. Elles s'attardèrent un instant sur ses hanches qu'elles caressèrent avec curiosité, avant de remonter le long de sa colonne vertébrale, flattant au passage ses omoplates, pour finalement terminer leur course sur ses épaules à peine couvertes. La paume rugueuse frotta avec douceur sa chair frissonnant d'appréhension, cajolant cette peau douce comme l'on choyait un tissu délicat et d'une rareté précieuse. Il se sentait comme une étoffe soigneusement inspectée par les mains expertes d'un collectionneur, une sorte d'objet onéreux que l'on tâtait respectueusement, voulant s'assurer de sa tangibilité.
Cela lui déplut horriblement.
Agacé, Baekhyun se dégagea un peu trop brusquement de la poigne du nouvel arrivant, profitant de l'effet de surprise pour placer une certaine distance de sécurité entre eux. Le dos toujours tourné, il pouvait sentir l'intensité brulante du regard léchant sa nuque, cette avidité qui avait été présente dans le toucher, se concentrant brusquement dans les yeux de l'homme qu'il devinait brillants de curiosité.
Il n'avait jamais imaginé que les choses se dérouleraient ainsi. Pour la première fois depuis son arrivée il se sentait pris au piège, prenant finalement conscience du statut qu'il avait revêtu à l'instant même où ses pieds avaient foulé le sol du Palais Royal. Il n'osait pas se retourner, ce serait comme admettre sa défaite, constater pleinement l'étendu de sa bêtise, l'évidence de son erreur.
Il était acculé.
-Vous n'aimez pas que l'on vous touche, nota simplement l'homme.
Il ne paraissait pas particulièrement énervé, ou même vexé par son comportement. Pourtant, il aurait imaginé qu'une personne de sa stature soit aisément irritée lorsqu'on lui refusait des faveurs, elle qui était habituée à recevoir tout ce qu'elle désirait. C'était curieux, et peut-être cette indulgence inattendue cachait-elle des objectifs sous-jacents, dont il convenait de se méfier.
-En effet, répondit-il enfin, s'investissant pour la première fois dans l'échange.
Il n'allait pas pouvoir indéfiniment tourner le dos au problème, alors que celui-ci se tenait juste derrière lui, visiblement peu disposé à quitter les lieux. C'était l'occasion de découvrir ce qu'on lui voulait, de mettre un mot sur sa présence dans la salle du trône, en compagnie de l'homme le plus influent de l'Egypte de l'époque.
Un lourd soupir s'échappa de ses lèvres jusqu'alors pincées, attestant de sa prise de décision. Son organe vital pulsant férocement dans sa cage thoracique, menaçant d'imploser sous le poids de l'anxiété, il le sentit redoubler d'effort lorsque ses pieds se déplacèrent enfin pour amorcer quelques pas.
Une fois qu'il lui aurait fait face, il ne pourrait plus faire machine arrière.
Le coeur au bord des lèvres, les mains crispées contre le tissu du vêtement richement orné qui dissimulait à peine les courbes de son corps, Baekhyun se tourna finalement en direction de son interlocuteur, lui présentant un visage fermé, à peine trahi par le bref froissement de ses traits.
Dissimulé par l'ombre projetée par l'un des piliers, l'on aurait presque pu le manquer, si la lueur qui embrasait son regard n'avait pas été aussi intense.
Le pharaon ne ressemblait à rien à ce qu'il s'était permis d'imaginer, au détour de quelques pensées indiscrètes.
L'homme était grand, à n'en point douter, si bien que s'il s'en était rapproché, il aurait été contraint de relever le menton pour espérer croiser son regard. Sa taille de colosse n'avait d'égale que la largeur virile de son torse et de ses épaules, faisant de lui un véritable mastodonte à la sature intimidante. Ses pectoraux bombés présentaient deux boutons de chair aussi sombres que son épiderme cuivré, étiré par la largeur impressionnante de sa cage thoracique développée. Surplombant sa poitrine virile, une gorge striée de veines apparentes, déformée par une pomme d'Adam proéminente, ondulait à chaque déglutition. La ligne médiane séparant ses pectoraux était parfaitement définie, au même titre que les sillons intermammaires plissant légèrement sa peau lisse. Sous ses aisselles, les muscles obliques externes traçaient des mouvements dentelés aussi profonds que des tranchés, rivalisant seulement avec son abdomen découpé en plaquettes fermes et solides, résultant d'exercices intenses. Il était si large et si musclé, que l'on oublierait presque de détailler les riches vêtements qu'il arborait.
Le Pharaon portait une étoffe attachée au niveau de sa ceinture d'Apollon saillante, retraçant ses hanches étroites, tout en retombant sur ses cuisses. Elle était ramenée d'arrière en avant vers le milieu du corps, fixée par une ceinture elle, d'origine matérielle, incrustée de pierres précieuses, laissant les extrémités libres pour voiler la nudité de l'homme. Par dessus ce simple pagne, était posé un tissu plus noble à la couleur rubis, raide et plissé finement, traçant une ligne médiane entre ses jambes. Une sorte de surtout, plutôt étroit, en peau de léopard, avait été placé au dessus de son épaule, voilant une moitié de son torse, décoré de perles et noué au niveau de la ceinture. Un collier large en or, tapissé de lapis-lazuli, encadrait son cou, dissimulant ses clavicules en une lourde plaque dorée.
Son visage était fermé, et possédait un charme exotique. Ses lèvres pulpeuses étaient surplombées par un nez droit, légèrement pointu, encadrées par une mâchoire aussi tranchante qu'une lame de rasoir. Ses cheveux étaient aussi sombres que les siens, bien que lisses et plus ordonnés, fendus par deux oreilles décollées qui auraient pu être adorables si elles avaient été rattachées à un corps plus frêle. Ses yeux quant à eux, bien qu'ils présentaient une origine asiatique, étaient semblables à deux malachites luisant d'un vert presque surnaturel, lui rappelant sa propre particularité.
Tout comme lui, le Pharaon était doté d'iris uniques, semblait-il forgés par les mains des dieux en personne.
Baekhyun en resta muet de stupeur.
-Vous n'êtes pas exactement comme je l'avais imaginé, fit pensivement le Pharaon.
Baekhyun, encore figé par la surprise, ne réalisa même pas que l'homme avait amorcé plusieurs pas dans sa direction, comblant progressivement l'espace sécuritaire qu'il avait placé entre eux.
-L'on m'avait vanté votre beauté, reprit-il de cette même voix songeuse, nombre d'adjectifs ont été utilisés pour vous désigner. "Etonnant", "Ravissant", "Charmant", et autres éloges. Pourtant, maintenant que je vous ai en face de moi, je réalise qu'aucun ne vous convient réellement.
L'égyptologue ne réalisa que trop tard que le Seigneur des Deux-Terres se trouvait désormais à quelques millimètres de son corps statufié, le dominant impunément de part sa taille avantageuse et son regard autoritaire.
Le souffle court, les yeux du noiraud s'équarquillèrent lorsque la main du Pharaon se posa avec une délicatesse inattendue contre sa joue, son visage s'abaissant dangereusement, de telle sorte que ses mèches ébènes frôlent son nez.
Il ne savait plus quoi penser, et cela l'effrayait. Une part de lui était terrifiée à l'idée de rentrer en contact avec une telle figure historique, et s'inquiétait toujours du sort qu'on lui réservait. Néanmoins, un côté bien moins pragmatique de son esprit, exultait d'allégresse face à ce retournement de situation inespéré, cette chance qui se présentait à lui, érudit passionné par les civilisations antiques, petit homme ordinaire pestant continuellement contre la société contemporaine. Il n'aurait jamais dû se retrouver ici, cerné par un pharaon du Moyen Empire, prisonnier de ses mains aventureuses, dévoré par son regard de toute évidence désireux. Il représentait à lui seul une anomalie temporale, une bizarrerie qui allait peut-être se retourner contre lui mais qu'il, indépendamment de sa volonté, ne pouvait s'empêcher d'apprécier.
Après tout, serait-il présomptueux d'affirmer qu'il se trouvait là où il aurait toujours dû être ?
Le Pharaon ne semblait pas non plus opposé à sa présence, à en juger par la manière dont il caressait son visage, son faciès froissé par un curieux mélange d'intérêt et d'envie, se rapprochant inexorablement de sa bouille d'enfant grincheux.
-Bien ignorants sont ceux ayant pensé pouvoir vous décrire de cette façon, il semble qu'aucun mot ne soit réellement approprié. Néanmoins, je vais me risquer à dire que vous êtes sublime, le complimenta calmement le roi du Double-Pays.
Baekhyun, bien qu'il demeura impassible, fut intérieurement dévasté par la tirade de cet homme de pouvoir. Méritait-il seulement qu'une telle personnalité historique lui manifeste une si grande attention ? Il n'était qu'un simple mortel, doté d'un regard certes, singulier, mais accablé par d'innombrables défauts qui avaient fait de lui un marginal endurci, fui par le troupeau docile, rejeté par le berger. Il se lasserait de lui à la minute où il prendrait connaissance de son caractère imbuvable, c'était inéluctable. Il avait l'habitude d'attirer quelques prétendants puis de les dissuader dès les premiers dialogues, c'était inscrit en lui, une sorte de malédiction persistante l'empêchant de nouer un quelconque lien social avec qui que ce soit.
Baekhyun, accablé par ce constat irréfutable, se fit la réflection qu'il était peut-être attirant d'un point de vu extérieur, mais terriblement laid lorsqu'on prenait le temps de voir à travers cette apparence séduisante Et cela, personne n'était apte à le supporter, même le plus fervent optimiste qui avait si gracieusement offert un diction devenu universel pour soutenir les coeurs en peine. Car il était vrai que nul charme extérieur ne saurait être être pleinement apprécié sans le soutient interne d'une âme resplendissant de joliesse. Si l'on était nécrosé de l'intérieur, tôt ou tard, l'enveloppe superficielle finirait par être atteinte, elle aussi.
-Vous semblez...Songeur.
Baekhyun, ramené à la réalité par l'intervention du Pharaon, y vit une opportunité d'obtenir des réponses.
-J'essaye simplement de comprendre ce qui m'arrive, affirma-t-il, soutenant pour la première fois le regard de son interlocuteur, on m'a traîné de force jusqu'à vous après m'avoir fair subir une torture insoutenable, alors je pense qu'il est normal de se poser des questions.
Ses joues devinrent brulantes, lorsque la main jusqu'alors libre du Seigneur se posa dans le creux de ses reins, l'obligeant à se rapprocher un peu plus. Le visage relevé pour ne pas que son nez rentre en contact avec le pectoral dénudé du plus grand, son propre ventre intimement pressé contre sa ceinture, il crut suffoquer lorsque son dos rentra en contact avec la surface glaciale d'un pilier.
le rapprochement était beaucoup trop soudain. C'était définitivement trop pour une personne qui, comme lui, n'avait connu comme gestes intimes qu'une première fois catastrophique suscitée par un taux d'alcoolémie déraisonnable, ne tirant de cette expérience que la certitude implacable que son interêt pour la gente féminine frôlait le néant. À ce souvenir, le visage de Baekhyun esquissa une grimace d'inconfort, qui fut prise personnellement par l'homme à l'origine de ses tourments.
-La proximité vous incommode-t-elle ? S'enquit-il sur un ton se voulant courtois.
Pourtant, Baekhyun devinait aisément qu'il s'agissait plus d'une moquerie déguisée que d'un réel élan de sollicitude à son égard. Le Pharaon paraissait particulièrement s'amuser de la situation, et s'il se fiait à son instinct, il continuerait ce petit jeu aussi longtemps que cela le divertirait, quitte à heurter la sensibilité de son nouveau jouet.
Ainsi, préféra-t-il garder la bouche close, ne voulant pas lui accorder satisfaction en lui confiant qu'en effet, son toucher l'embarrassait terriblement.
Ayant certainement deviné sa nouvelle résolution, un sourire appréciateur se forma subitement sur les lèvres du dirigeant de l'Egypte, ôtant à son faciès jusqu'alors placide le sérieux qui l'avait caractérisé. Il paraissait dorénavant plus amical, bien qu'un tantinet dominateur sur les bords, mais c'était toujours plus rassurant que l'expression qu'il lui avait présenté jusqu'à présent.
Le Pharaon avait l'air tout simplement plus humain.
-Vous avez parlé d'une torture, c'est bien cela ?
Déstabilisé par le changement de sujet, Baekhyun hésita un instant, oubliant momentanément la main qui pesait pourtant lourd dans le bas de son dos.
-Eh bien oui, fit-il en fronçant des sourcils, se demandant où il voulait en venir.
N'avait-il pas mieux à faire que de l'aiguillonner de la sorte ?
-Je suppose que vous faites référence à la purification, s'avança sereinement le roi du Double-Pays, sa main se baladant sereinement le long de son dos, caressant avec curiosité le creux courbé de sa colonne vertébrale, cela n'aurait pas été si douloureux si vous aviez pris le temps de le faire régulièrement.
-Je n'en voyais simplement pas l'intérêt, siffla Baekhyun, passablement irrité.
Si l'homme préférait être aussi couvert d'un nouveau née, tel était son choix, mais lui n'avait jamais envisagé de pratiquer cette chose barbare qu'était l'épilation, et n'était pas prêt d'oublier cet outrage.
Trop accaparé par la confrontation, il paraissait avoir oublié qu'il s'adressait à un homme capable d'ordonner sa mise à mort dans la minute qui suivait. Tout respect avait disparu à l'instant même où le Pharaon s'était permis de le traiter comme un trésor, un objet, et non pas telle l'entité vivante et distincte qu'il était. Il se fichait éperdument de froisser l'égo de sa Majesté dorénavant, personne n'avait le droit de le rabaisser au rang d'une décoration, qu'il soit un personnage historique, ou le plus banal habitant de cette planète rongée par l'avidité de ses occupants.
-Vraiment ? S'enquit calmement le plus grand, son visage se penchant avec affront en direction du sien, si bien que leurs soufflent se fracassèrent l'un contre, confinés par l'espace minime. Vous devez bien avoir remarqué, pourtant, que vous êtes bien plus séduisant ainsi.
-Peut-être que cela vous plait à vous, et franchement cela m'importe peu, mais je suis le principal concerné, et je vous avoue que j'apprécie moyennement le traitement que vous m'avez fait subir.
L'élan de témérité fut récompensé par un bref rire guttural, qui lui arracha contre son grés une poignée de frissons incontrôlés. Hagard, Baekhyun laissa échapper un couinement de surprise lorsque la main brulante du Pharaon se faufila sous son vêtement, profitant de la fente pour s'affranchir du tissu. Figé, il sentit la paume rugueuse frotter tendrement sa chute de reins, contournant l'arrondi de ses hanches pour se poser finalement contre son bas-ventre désormais imberbe. Celui-ci se tordit au contact de la main imposante, presque intégralement recouvert par cette dernière.
Baekhyun, déboussolé, voulut s'extirper de cette étreinte asphyxiante, mais la dureté de la colonne dans son dos lui rappela qu'il était pris au piège. Subitement, le sentiment d'impuissance déferla sur son être, se calquant sur la descente progressive de la main qui le caressait impudiquement, s'écoulant de plus en plus, jusqu'à atteindre le point du non-retour.
-Voyez comme le toucher est plus doux, susurra le Pharaon contre son oreille frémissante, seulement le contact d'une peau contre une autre, aucune barrière pour les séparer, des chairs intimement pressées, parées de leur nudité la plus pure...
Baekhyun se mordit férocement la lèvre, priant intérieurement pour que l'homme n'ait pas l'idée de s'aventurer plus loin encore dans la découverte de son corps. Il ne pouvait rien faire, il était bien trop imposant pour sa frêle stature et puis...Même s'il ne se l'avouerait jamais, la proximité étouffante du Souverain lui embrouillait les esprits, tel un aphrodisiaque s'écoulant dans ses veines saturées de désir, l'étourdissant, le transformant en un brasier incandescent qui ne demandait qu'à ce qu'on l'éteigne de la manière la plus plaisante soit-elle.
Ce n'était pas normal, plus rien n'avait de sens depuis qu'il avait posé les pieds sur le sol ancien d'une époque qui n'était pas la sienne.
Chancelant, il fut rattrapé à la dernière minute par le bras puissant de son vis-à-vis, acceptant contre son gré son statut de marionnette désarticulée, dirigée par les doigts royaux d'un homme aux projets indéchiffrables.
Il ne se reconnaissait plus, et c'était effrayant.
-Mon petit Lazuli, soupira-t-il avec une tendresse incommodante, des années que je vous cherche, et vous apparaissez devant moi, du jour au lendemain...N'est-ce pas d'une ironie insolante ?
Baekhyun ne comprenait rien au discours étrange du Pharaon, et le mal de tête occasionné par l'accumulation de questions sans réponse menaçait de le faire imploser. Il pouvait sentir la violence avec laquelle ses interrogations poussaient contre les parois crâniennes, comprimant son encéphale en ébullition qui paraissait pulser de frustration. Son incompréhension était réellement pénible, et il ne pouvait hélas pas faire grand chose pour y remédier, si ce n'était tenter d'en apprendre plus auprès du principal concerné.
Il ne savait pas ce qu'il faisait là, ni pourquoi l'on traitait sa personne comme une apparition mystique, et encore moins comment sa présence avait été rendue possible. Il était aveugle, aussi ignare qu'un nouveau-né expérimentant ses premiers pas, trébuchant, sans comprendre la raison de son erreur. Ses connaissances historiques ne valaient rien face au surnaturel qui entourait son voyage inexplicable dans le temps, elles lui permettaient de ne pas être trop discordant avec l'époque, mais leur utilité s'arrêtait là. Et pour ne rien arranger, il fallait que le Pharaon soit un homme nourrissant un attrait évident pour la gente masculine, et qu'il corresponde parfaitement aux critères de sélections de cet homme affamé, visiblement insatisfait du Harem renfermait ses diverses épouses, pourtant toutes disposées à lui accorder l'attention qu'il désirait.
Peut-être allait-il sérieusement considérer l'idée qu'une malédiction se soit abattue sur lui, aussi contre-scientifique cette explication pouvait-elle paraitre, et soyez assurés de combien cela lui coutait d'y songer.
Baekhyun réprima au dernier instant le soupir d'exaspération qui lui brulait les lèvres, l'envie d'expulser la frustration qui lui rongeait les poumons se faisant plus grande à mesure que les secondes défilaient. Le Pharaon le détenait toujours fermement contre lui, l'empêchant de réellement se mouvoir. Cependant, cette prise vigilante autour de son corps lui avait permis d'être libéré de ses attouchements déplacés, ce qui n'était pas plus mal au final.
-Vous avez conscience, répondit-il finalement lorsqu'il eut la certitude que sa voix ne le trahirait pas, que je ne comprends strictement rien à ce qui m'arrive, n'est-ce pas ?
Au lieu de s'agacer, comme il l'aurait supposé, le souverain se contenta d'un sourire amusé, comme galvanisé par l'attitude de sa proie.
-Je suppose qu'il aurait été trop simple que vous sachiez tout ce qu'il y a à savoir, les Dieux ne font pas des cadeaux par simple plaisir, il faut les mériter.
Baekhyun aurait juré que la perceptive de rencontrer une difficulté représentait un défi aux yeux du géant. Plus encore, il croyait deviner, en ses orbes de jade, une excitation toute particulière, un réel élan d'allégresse à l'idée d'être confronté à une résistance.
Figé, l'égyptologue réalisa que le caractère exécrable qu'était le sien ne dissuaderait certainement jamais le Pharaon de l'approcher. Pire, son appréciation du challenge le rendait parfaitement disposé à le supporter, si ce n'était-même à en raffoler. Ce qui avait jusqu'alors représenté une arme contre des prétendants trop entreprenants, venait subitement de se transformer en la clé scellant son enfermement définitif. Plus il s'appliquerait à lui tenir tête, plus fort le seigneur contre-attaquerait, rendu fou de désir par son tempérament rendant l'affrontement plus divertissant, la victoire plus savoureuse.
Baekhyun n'avait jusqu'alors jamais expérimenté un tel sentiment de dépit. Il avait l'impression que chacun de ses choix le ramènerait inexorablement là où il ne souhaitait demeurer, un ensemble de paramètres parfaitement défini qui ne laissait au hasard qu'une place douteuse, illusion de libre-arbitre là où en réalité, une décision découlait nécessairement d'une autre. Que devait-il faire ? Avait-il seulement un moyen de s'échapper de cette prison dorée, ou avait-on décidé à sa place quelle serait la finalité de son histoire ?
Qui que soit le Dieu s'amusant actuellement de ses malheurs, si Dieu il y avait, il le maudirait jusqu'à la fin de sa misérable existence de mortel pour avoir fait de lui le jouet de sa comédie dramatique.
-Vous pensez que ce sont les Dieux qui sont responsables de ma présence ici ? S'enquit-il, cherchant désespérément une réponse.
Le Pharaon haussa un sourcil surpris, comme interloqué qu'il doute un instant de cette possibilité.
-Qui d'autres ? Nous sommes leurs serviteurs, chacun de nos gestes découlent de leur volonté. Que vous dit-on, dans votre culture ?
Baekhyun voulut rétorquer que sa culture prônait l'égoïsme et la parasses intellectuelle, et que de se fait, l'existence même de Dieu représentait un questionnement bien dérisoire face à la problématique qu'était celle du repas du soir, ou bien de la manière dont il allait arrondir ses fins de mois. L'on croyait à une entité supérieure plus par crainte de ce qui nous attendait de l'autre côté que par réelle croyance, une sorte de réconfort personnel où l'on s'abreuvait des paroles d'autrui pour détourner les yeux de l'inconnue morbide de l'au-delà. Il n'avait jamais réellement prêté attention à la religion, préférant consacrer sa vie à la science et aux découvertes historiques, se jugeant trop rationnel pour réellement s'investir là où l'on demandait de croire sans preuves tangibles, ce qui allait à l'encontre de toute la démarche qu'il avait mis des années à assimiler : hypothèse, recherche, expérience, interprétation, conclusion.
Néanmoins, il préféra ignorer le venin qui piquait sa langue, se faisant la réflexion qu'il serait tout de même embêtant de passer pour un illuminé prônant l'athéisme face à la figure polythéiste affirmée et intransigeante qu'était le Pharaon. Peut-être disposant-il d'une certaine immunité maintenait qu'il avait conscience de son importance aux yeux de l'homme, mais il n'allait pas jouer avec le feu, au risque qu'on l'accuse de diffamation et de traitrise envers les Dieux, chose que même sa jolie bouille d'ange grincheux n'allait pas lui épargner, il ne se faisait pas d'illusions.
-Eh bien, je n'appartiens à aucun peuple. Assurément suis-je issu d'une culture aux idées tranchées sur la question, mais quelque soit son interprétation, j'y suis ironiquement étranger, improvisa-t-il prudemment.
-Un solitaire, constata le Pharaon en écarquillant des yeux, intéressant. Etes-vous nomade ?
Baekhyun acquiesça doucement, tentant d'ignorer la manière dont l'étreinte du roi s'était accentuée.
-En regard de votre stature, je peine à vous imaginer survivre seul. Le désert est impitoyable, il n'épargne rien, y compris les belles créatures.
L'égyptologue releva hautainement le menton, ses bras jusqu'alors immobilises se soulevant soudainement pour repousser les mains entreprenantes, toujours ancrées sur sa taille, alors qu'une réplique acerbe osait franchir la barrière de ses lèvres :
-Je suis tout autant sévère, ne vous fiez pas aux apparences, mon Seigneur, vous seriez surpris.
Mais alors qu'il aurait imaginé que le visage de son interlocuteur se froisserait de fureur, l'égo royal n'acceptant pas d'être soumis à une telle impertinence de la part d'un simple étranger aux origines douteuses, celui-ci le surpris à nouveau en laissant résonner un bref rire sincère, faisant voler son masque d'assurance.
Était-il donc incapable de saisir ce drôle de personnage ?
-J'en tiendrai compte, lui certifia-t-il, sa main remontant avec une lenteur calculée le long de son dos avant de se figer sur sa nuque, vous êtes plein de surprises, mon petit Lazuli.
Baekhyun sut, lorsque les doigts se refermèrent sur sa peau sensible, avides de contrôle, qu'il ne réchapperait pas entier de ce séjour dans le Palais Royal. Ainsi, lorsque le Pharaon intima à Ensémekhtouès, visiblement toujours derrière la porte, d'accompagner le noiraud dans une chambre de son pavillon personnel, il comprit que son rôle au sein de la Grande Maison venait de revêtir une teinte des plus incertaines.
Il s'était attendu, conformément à la manière dont il avait été traité par les mains baladeuses du Pharaon, à s'installer dans la Harem, en compagnie des maîtresses et épouses. Pourtant, il venait de lui accorder un statut unique, qu'aucun amant traditionnel ou même favoris ne pouvait espérer obtenir.
Accordant à peine un regard en direction de la servante qui lui avait doucement saisi le bras, le noiraud refusa de détacher ses orbes marins du regard exceptionnel du dirigeant, l'incompréhension ayant frappé son esprit, réticente à l'idée de le laisser partir sans avoir obtenu un semblant de réponse.
-Que suis-je, exactement ? Souffla-t-il.
Il fallut quelques secondes pour que son interlocuteur formule une réponse, durant lesquelles Ensémekhtouès le traina jusqu'aux portes de la salles du trône, l'éloignant progressivement de son obsession nouvelle.
Finalement, alors que le désespoir gagnait sa poitrine froissée par la contrariété, les lèvres charnues du Pharaon se murent pour laisser échapper quelques paroles, qui le laissèrent pantelant de stupeur :
-Vous n'êtes ni mon prisonnier, ni mon invité. Vous ne serez ni une maitresse, ni un fantôme dans ce palais. Vous êtes mon Lazuli, et vous comprendrez bientôt ce que cela implique.
Les portes se refermèrent avant même qu'il n'ait eu le temps de formuler la moindre protestation.
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Le voici enfin, et même si aucun nom n'est donné, je pense que vous avez deviné de qui il s'agissait, outre son statut de Pharaon.
J'espère que ce chapitre vous a plu, je me doute que Lapis-Lazuli n'est pas une histoire hyper palpitante, celle-ci est très descriptive et je pense que le thème historique en a dissuadé plus d'un. Mais voilà, j'émets le souhait que ce chapitre vous aura plu, et qu'il vous aura donné l'envie de partager d'éventuelles impressions.
J'ai posté un nouvel Os, Love Myself, n'hésitez pas à y jeter un coup d'œil !
Merci de votre lecture, à bientôt ~
PS (comprendront ceux qui pourront) : les fées sont de retour... :3
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