Chapitre 8
Je suis rentré chez moi peu de temps après, prétextant un mal de tête violent à cause du bruit. Une fois dans ma chambre, j'ai tout enlevé. Les chaussures, les créoles, le collier, la robe, le maquillage, jusqu'au vernis vert pâle. J'étais épuisé, et ce n'était pas qu'à cause du fait que j'ai dansé.
J'étais épuisé à cause de l'ascenseur émotionnel de la semaine.
Alors je ne pouvais faire qu'une chose : dormir. C'est ce que j'ai fait. Je me suis affalé dans mon lit comme une masse, les cheveux même pas attachés. Les vacances commençaient.
Le lendemain, Deliah est passée avec un stock d'habits invendus.
“-Karen! Regarde, il y en a certains qui pourraient te plaire.”
J'ai fouillé dans le tas, des hauts, des bas, des robes, des jupes, des chemises… je me suis servi, pris quelques crop tops, des débardeurs avec des fleurs, des shorts aussi. Et des bermudas. Ce que j'aimais mettre des bermudas! C'était pratique et confortable, et, contrairement à ce que pensaient les gens, on pouvait être en bermuda ET être stylé. Du moins c'était mon avis.
Je suis remonté dans ma chambre avec tout ce bazar, et j'ai décrété que c'était l'heure de ranger mes vêtements de lycée pour sortir ceux d'été.
Quelques heures plus tard, une couche de poussière et des bermudas qui m'étaient tombés dessus plus tard, je me retrouvais dans ma cuisine entouré par deux adultes flirtant, ma tasse dans la main. Oui, décidément, c'était les vacances.
Je restais tranquille comme ça toute la journée du samedi. Le temps s'écoulait bien trop vite à mon goût, puisque mes amis partaient le lendemain. On avait prévu de se retrouver devant l'immeuble de Caleb pour leur dire au revoir avant de ne plus se parler pendant deux mois. C'était comme ça et ça m'allait, même si la solitude me pesait.
Ce n'était rien, après tout. Juste deux mois sans rien faire, à se balader dans les champs à vélo, sur les petites routes de campagne, cheveux au vent. Juste deux mois à profiter du soleil en maillot sur ma terrasse privée, à espérer que ma peau blanche bronze un peu. Juste deux mois à penser à Leo. Il fallait que je l'oublie, vite.
J'ai fait mes adieux à Clarisse et Caleb. J'ai embrassé toute la fratrie Duchamps qui partait au camping. J'ai aussi acheté un joli collier de perles à Deliah. Et surtout, j'ai envoyé un message à Leo. Je n'aurai pas dû, je le sais bien. Mais il me semblait avoir entendu quelque part, sans doute dans les couloirs, qu'il ne partait pas en vacances. S'il avait un vélo, ça pourrait le faire, non? On pourrait juste… devenir amis. Parce que tous mes espoirs étaient morts, vraiment morts. Je n'osait pas ne serait-ce que penser à prendre sa main. Et le pire était qu'il avait répondu. On avait même convenu d'une heure et d'un jour pour se retrouver avec nos vélos. Devant chez moi, j'étais plus près de la campagne que lui.
J'étais heureux. Oui, en me couchant ce soir-là, j'étais heureux. Je planifiais déjà quel short je porterais -ne devrais-je pas plutôt choisir de porter un de mes pantalons?- ou même la couleur de mes ongles. Mais on s'en foutait, non? Alors je m'endormais facilement cette nuit-là. Le chat me réveilla plusieurs fois dans la nuit mais quelle importance ? J'étais bien. J'étais même très bien, pour un début d'été.
Ma mère m'a réveillé brusquement.
“-Karen! Debout, ma chérie. On va au centre commercial.
-Mais maman…
-Ne fais pas d'histoires. Tu devrais être ravie.”
Et la tornade est descendue, lâchant au passage un “habille toi vite!”. J'étais abasourdi. Ma mère, au centre commercial ? Qu'est-ce qui se passait? C'était une blague. En regardant mon téléphone, je me rendis compte que non. Il était dix heures du matin et j'avais au moins une dizaine de messages me souhaitant… un joyeux anniversaire. Je soupirais. Aucun de Leo, forcément. Il n'était pas au courant.
“-Dépêche toi, Karen!”
A crié ma mère du rez-de-chaussée. J'ai soupiré, enfilé une robe froissée et attaché mes cheveux en vitesse. Pas le temps de mettre autre chose que du gloss dans notre Clio, aujourd'hui. J'allais faire du shopping avec ma mère. L'avantage d'être né en période de soldes! On s'est garés dans le parking de la zone commerciale de la ville voisine, qui alternait entre boutiques de luxe et magasin de vêtements au prix ridicule. On passait aussi devant une agence de voyage, avec en vitrine une mer d'un bleu turquoise si tentant… mais tant pis, je me contenterai de petits rochers sur lesquels étendre ma serviette, au bord de la rivière. Je fus tiré de mes pensées par ma mère qui s'arrêta devant une boutique de vêtements faits main que j'adorais.
“-Merci maman.”
J'ai souri. Puis je suis entré à sa suite, admirant les robes et les chemises serties de perles. Je regardais chaque pièce de tissu, admirais le talent et la beauté des jupes, des tee-shirts, même des habits pour bébé. Mon choix se porta sur un crop top bleu avec des perles blanches et un nouveau bermuda couleur kaki plein de poches. Ma mère paya, j'évitais de regarder le prix pour ne pas culpabiliser.
“-C’est le cadeau de Deliah, ma chérie. Elle voulait que tu aies un joli anniversaire. Elle m’a donné une jolie somme pour toi. On peut même manger des crêpes, si tu veux.”
Des crêpes. Ce que je préférais ici, c’était savourer chaque bouchée de la galette de sarrasin dans mon assiette. Supplément crème et champignons. Et jambon. Et œuf, aussi. J'ai hoché la tête, ravi.
En passant devant un magasin de montres, j'ai aperçu quelqu'un que je n’aurai jamais imaginé être dans ce genre d’endroit. Leo Salton se tenait face à la vitre, en train de contempler le ciel, attendant que l’homme qui l’accompagnait, ça devait être son père, oui, c’était ça, fasse son choix. J’ai paniqué, il ne fallait pas qu’il me voie ainsi! Il avait l'air ennuyé, presque lassé, il pourrait sans doute me remarquer, alors que j'étais même pas maquillé, dans un tee-shirt informé et-
Et de toute façon il ne me remarqua même pas. Du moins, c'est ce que je cru un instant, jusqu'à ce que son père et lui sortent de la boutique pour s'approcher de notre duo. Merde!
“-Bonjour, Laura!”
Lança l'homme avec un fort accent anglais que je n'avais pas remarqué chez Leo. Ils connaissaient ma mère ? En fait, ça paraissait logique. Elle était caissière dans l'unique supermarché de la ville.
“-Bonjour, monsieur Salton. Comment allez-vous ? Et la petite, remise de sa grippe ?”
Leo m'a regardé, un peu incrédule. Bon, il ne m'avait pas reconnu, au début. Maudites coïncidences!
“-Karen? Qu'est-ce que…
-Oh, Laura, je vous présente mon fils, Leo! Il est dans la même classe que votre fille! Une vraie beauté !
-Papa! Arrête, tu me fous la honte!”
Un rire s'échappa de mes lèvres. Leo me regarda un instant et sourit à son tour.
“-Ça va mieux, la tête ? Tout le monde était inquiet, quand tu as quitté la soirée de fin d'année.
-Oui, ne t'en fais pas.”
J'aimais l'idée qu'il se soucie de moi, même si c'était sans doute juste par politesse. Les adultes discutaient gaiement de leur côté, et nous, nous restions silencieux comme deux idiots.
“-Bon bah… ta mère a l'air de pas mal connaître mon père.
-C'est une vraie pipelette, on ne l'arrête plus. Je suis désolé.
-Non, c'est pas grave, ça fait plaisir de te… euh… voir.”
Il a souri légèrement. Je voyais bien qu'il était gêné, et ça me faisait sourire à mon tour.
“-Sinon, toujours partant pour la semaine prochaine ?”
Il a hoché la tête.
“-Papa, c'est la personne avec qui j'irai faire du vélo la semaine prochaine.
-Tu le diras à ta mère, qu'elle te regonfle les pneus du tien.”
Ma mère m'a fait un drôle de sourire, celui qui voulait dire qu'elle savait. Le père de Leo nous a souri.
“-Je vais dire à notre chauffeur que je mange ici, Leo. Dis à ta mère que nous serons en retard pour la réception de quatre heures. Mesdames, je vous invite à manger pour vous remercier d'avoir invité mon fils.”
J'ai ouvert de grands yeux. Une réception ? Une invitation à manger dans un restaurant juste pour une invitation ? Un chauffeur? Qu'est-ce que… peut-être que finalement, Tessa avait plus de raisons que juste me faire suer pour sortir avec Leo. Son père était riche. Mais alors super riche. Ça rendait Leo encore plus inaccessible, et ça me faisait mal au cœur. Mais j'ai remercié poliment son père et nous sommes tous rentrés dans la crêperie en un joyeux désordre, ma mère papotant avec celui-ci et son fils au téléphone, sans doute avec sa propre mère. Et moi, je fixais le sol. Quel beau sol. Je comprenais quelques mots anglais. Donc, Leo était bel et bien anglais (américain peut-être ?). On disait souvent dans les livres que l'accent français est séduisant. L'accent de Leo l'était mille fois plus.
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