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Chapitre 5

Je haïssais le mercredi. C'était long, et en plus on avait pas maths.
Je haïssais aussi l'idée de cette future soirée et de ses gobelets rouges achetés par l'administration pour nous faire croire à une vraie soirée américaine.
Et plus que tout, je haïssais Tessa.

Je devais avouer que la jalousie, c'était pas joli joli. On était mercredi après-midi et je fixais le bocal vide de notre ancien poisson rouge, acheté par l'ancien amant de ma mère. Qui était mort en même temps que le départ dudit amant. Mes pensées dérivaient sur Leo, et surtout sur Tessa ET Leo. Elle avait bien compris, la peste, qu'il m'intéressait. Alors elle me l'avait tout bonnement piqué sous mon nez. Jeudi dernier, elle s'était assise à côté de lui à la cantine et désormais, tout le lycée disait qu'ils étaient en flirt. Ce que je la haïssais ! En rentrant du lycée, je m'étais effondré sur mon lit, en pleurs, encore une fois. Comment un tout petit crush pouvait-il prendre une ampleur pareille? C'était incompréhensible.
Et désormais tout le lycée parlait de Tessa, Tessa va briser le cœur du nerd, Tessa va le larguer avant l'été, Tessa, Tessa. J'étais mille fois mieux qu'elle, non? Apparemment pas. De toute façon, il n'avait pas voulu m'embrasser dix pitoyables secondes. Alors peut-être que oui, Tessa était mieux que moi, finalement.
Peut-être. Mais elle était vache, quand même. Une vraie cruche, avec une cruauté sans pareille. Elle aurait pu se contenter d'une rumeur, elle qui était si douée. Mais non, elle me l'avait piqué sous mes yeux. Je mettais du fond de teint et de l'anticerne tous les matins pour oublier à quel point j'avais pleuré dans mon sommeil. C'était la première fois qu'un garçon me retournait le cerveau comme ça.
C'était la première fois que j'étais amoureux, je crois.
Et je décrétais d'emblée que ça serait la dernière.
Non, non, pas d'excuses, mon cœur qui se serre, perdre l'appétit quand quelque chose se passait mal, espérer pendant des heures un appel -c’était stupide, il n'avait même pas mon numéro-, et surtout pleurer, rire et sourire pour tout et pour rien. J'avais l'impression d'être niais, tout seul dans ma chambre. D'être totalement stupide, à la merci d'un gars avec qui je parlais quatre fois dans la semaine. Je m'en voulais, de l'aimer sans le connaître. Et puis je me disais que c'était comme ça. Qu'on ne choisissait pas. Ma mère disait que l’amour s'entretenait, comme elle et Deliah, tandis que Clarisse disait que ça nous tombait dessus. J'avais un avis plus mitigé, plus réservé, parce que mon crush pour Leo avait doucement basculé vers quelque chose de plus profond. Et rien que d'y penser, ça me faisait mal au cœur.
J'ai enfilé la robe avec les cerises que Deliah m'avait filé. Elle m'allait bien, sans mentir. Une petite robe d'été mignonne, avec un chapeau de paille, et tout serait parfait. Il n'y avait qu'une ombre au tableau : qui m'emmènerait en balade? Sûrement pas Caleb. Ni Clarisse, d'ailleurs, vu qu'ils partaient ensemble chez les grands-parents de celle-ci. Ils faisaient ça tous les ans. Et tous les ans, je restais seul, sans personne. Je ne demanderai pas à ma mère de partir, elle avait bien trop de travail. Caissière, vous y croyez ? On n'avait pas de taxes, pas de loyer à payer, juste les factures qui tombaient tous les mois. Et même avec la pension alimentaire, elle n'avait pas assez pour qu'on aille à la mer. Pas grave! Je ferai du vélo, comme tous les ans, pour sillonner notre campagne qui se drapait d'or lors des premiers jours d'août. Je connaissais bien l'épuisement, les crampes à force de trop pédaler, la douce chaleur sur mes bras nus, c'était mon moment. C'était mon été. Et je ne laisserai personne me le voler, surtout pas un garçon.

Je pensais donc à mes vacances, plus calme, dans cette petite robe à cerises qui était magnifique sur moi, en toute modestie. Mais j'étais mal à l'aise. En voyant mon reflet, je voyais une jolie jeune femme, oui. Mais je ne me voyais pas. Ma main a effleuré le miroir, traçant les courbes de mon visage, celles de mes hanches, mes seins, et finit par se poser sur la source du problème. Je ne me voyais pas dans cette jolie fille parce que je n'étais pas une fille.
Je n'étais pas une fille. Ces mots ont résonné dans ma tête. Oui, ce corps était très beau, bien foutu, mais ça n'était pas moi. Désormais je ne voyais plus que ça. Mes hanches. Mes courbes. Mon visage fin et élégant.
Pourtant, mon regard ne se détachait pas du miroir. Karen se tenait face à moi et moi j'étais quelqu'un d'autre. La robe aux cerises était ce lien entre elle et moi. Une question est apparue dans mon esprit aussi vite que la certitude s'y était imposée : si je n'étais pas une fille, alors qu'est-ce que j'étais?
Ma chambre est soudainement devenue très silencieuse. Moi de même. Oui, c'était vrai, ça. J'étais quoi? J'étais qui? Je n'étais pas Karen. Ce n'était qu'une illusion, une carapace pour se protéger du monde, pour se protéger tout court. Peut-être avait-elle vraiment existé, cette Karen, un moment, un instant fugace, mais de toute ma vie, jamais je n'avais été ‘Karen Green’ pour moi même. Et ça faisait mal.

Je me suis endormi tard, ce soir-là. J'ai fait de longues recherches, je suis allé sur des forums, j'ai pas mal lu et une fois couché, j'avais la réponse à ma question : je n'étais ni une fille ni Karen, j'étais… j'étais moi. Je n'osais même pas dire le mot dans ma tête, tellement c'était étrange. Ma mère était bisexuelle, j'avais grandi dans cet univers où chacun aimait qui il voulait. Mais être qui on était… n'était-ce pas ça, la vraie difficulté ? Savoir nos valeurs, nos choix de vie, jusque-là aucun souci. Mais quand venait la question de la sexualité ou même du genre, tout le monde était perdu.
Même moi, je me rendais compte qu'à dix-sept ans, je ne savais rien de moi. Enfin, pas grand chose. Je savais que j'aimais l'été, les prunes et les cerises, la pluie, et le soleil aussi, la couleur verte et écouter de la musique. Je savais mon nom, mon âge et le nom de mon lycée. Je savais que j'étais amoureux de Leo Salton. Au milieu de tout ça, de tout ce bouleversement qu'avait créé cette robe à cerises, il y avait une pensée à laquelle je me raccrochais. J'étais amoureux de Leo Salton. C'est en pensant à la place qu'il prenait dans mon cœur que je me suis endormi.

J'ai rêvé, cette nuit-là. J'imagine que tous les ados font ce genre de rêves, un peu décalés, un peu sentimentaux. Je me baladais dans le musée de notre ville, subitement transformé en galerie d'art où de sublimes statues grecques étaient exposées. En réalité, ce que j'appelle musée est un endroit tout délabré sur l'histoire du vin à travers les âges. Passionnant, n'est-ce pas? Mais bon. Dans mon rêve, j'étais avec Leo, dans cette galerie d'art ancien, à contempler la beauté d'une statue lorsque sa main a effleuré la mienne. C'est tout ce que j'ai retenu de ce rêve. Une statue et l'impression que ma main avait touché la sienne juste un instant. Et surtout, j'étais en retard.
Je me suis maquillé dans le bus, envoyant un message à Clarisse pour la prévenir de mon absence au cours que nous avions en première heure -physique chimie ou espagnol, je ne me souvenais plus très bien-. Mes cheveux étaient encore noués dans cette espèce de tresse que je me faisais la nuit. J'ai tiré sur l'élastique pour l'enlever. Mes boucles étaient parfaites, comme à leur habitude. Un soupir de soulagement s'est échappé de mes lèvres. Je n'avais pas changé durant la nuit. J'étais toujours Karen Green et je le resterais. Pourtant, mes pensées étaient concentrées sur l'événement de la veille, comme si une petite voix pointait toutes les anomalies de mon corps. Ma voix, par exemple. Trop criarde, trop aiguë pour être celle d'un garçon. Je n'étais pas un garçon. Biologiquement, du moins. Il fallait à tout prix que je règle cette histoire de crush avant de savoir si j'étais ou non un garçon.

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