6.
Lettre 6
La dépression... Un océan d'ombre et de tourments, s'insinuant perfidement dans les méandres de mon esprit, l'enveloppant d'une amertume tenace. Depuis quand mon âme est-elle captive de cette souffrance ? Pourquoi ai-je laissé ce mal s'enraciner si profondément en moi, sans lui opposer résistance ? J'ai longtemps espéré un avenir radieux, mais la personne pour laquelle je luttai avec tant de ferveur m'a précipité dans cette noirceur, cette oppression qui me ronge un peu plus chaque jour... Je suis désolé...
°•°
Jour-J moins 30
Courir, c'est l'unique ressource qui me reste à présent. Je m'élance, mes pieds frappant le sol sans relâche, refusant de s'arrêter. Mes larmes ruissellent sur mes joues, désinhibées, indifférentes aux regards curieux des passants qui ne saisissent rien de ma détresse intérieure. Mon grand-père vient de lâcher son ultime souffle, et je me demande ce qui est le plus douloureux : la prévoyance de ce jour inéluctable ou l'espoir insensé que cette heure funeste survienne bien plus tard. Je voulais qu'il me voie briller lors des nationaux, dans moins d'un mois. Mais il a préféré partir sans me laisser prononcer toutes ces paroles qui lui étaient destinées.
-Ahhhh !!! Mon cri résonne face à la rivière Han, figée par le froid de ce mois de février.
M'agenouillant, je libère toute la douleur qui percute mon âme sans répit. Mes cordes vocales tissent une chanson mélancolique, exprimant mon désespoir, ma souffrance, mon insondable confusion.
Une main, délicate, se pose légèrement sur mon épaule, faisant vibrer mon corps d'une surprise soudaine. Je bascule en arrière, m'effondrant au sol, mon regard embué se fixant dans les yeux de Taehyung.
Vêtu d'un manteau à carreaux, il me contemple un instant avant de s'agenouiller sur le sol, imprégné de neige fondue. Silencieusement, il me tend la main, que j'observe avec hésitation, incapable de la saisir immédiatement. Mais il ne renonce pas. Après de longues secondes de doute, j'élève lentement ma main, la déposant dans la sienne. Il me tire alors doucement vers lui, m'enveloppant de ses bras. Je suis incapable de comprendre l'intention qui le guide, mais je suis également dans l'incapacité de chercher une signification plus profonde. Tout ce que je veux, c'est... je ne sais pas.
Longtemps, je pleure dans ses bras, le serrant fermement contre moi. Je crains de lui faire mal tant je le serre avec force, mais il ne se plaint pas. Il reste silencieux jusqu'à ce que mes larmes se tarissent enfin. Avec raideur, nous nous levons et nous asseyons sur un banc.
-Tu veux passer un moment agréable ? me demande-t-il soudain, sans préambule.
Je l'observe, fronçant les sourcils, incapable de comprendre. Pourquoi ne me demande-t-il rien sur mon état ? Voyant que ma réponse tarde à venir, il prend ma main, me guidant à travers les rues de la ville. Tel un pantin désarticulé, je le suis docilement. Je me sens embrumé dans un coton évanescent.
Lorsque nous arrivons dans une fête foraine, je réalise enfin son intention. Il cherche à me distraire en me faisant participer à des jeux.
"Que dirais-tu de visiter la maison hantée ? Je cherchais quelqu'un qui m'accompagnerait. Et tu tombes à pic," explique-t-il, l'enthousiasme dans les yeux.
Taehyung est parfois un grand enfant. Cette lueur dans ses yeux me pousse à accepter de le suivre. Je ne souhaite pas rentrer chez moi et constater que ce n'est pas un rêve, que mon grand-père n'est plus qu'un souvenir.
La maison de l'horreur ne me réserve aucune surprise, comme à chaque fois, mais ce n'est pas le cas pour Taehyung, qui crie à tue-tête, s'accrochant à moi involontairement. Ce qui rend la situation plus amusante encore, c'est qu'il ne le fait pas exprès, il a réellement peur. Et je finis par éclater de rire.
-Oh mon Dieu, pourquoi sommes-nous venus ici ? me demande-t-il, les yeux exorbités, lorsque nous nous éloignons de la maison des horreurs.
Il serre mon bras fermement, je sens qu'il tremble.
-Franchement, tu as eu autant de peur ? Tu sais bien que tout est faux là-dedans, n'est-ce pas ? dis-je, espérant qu'il soit au moins conscient de cela. "Tu as vingt et un ans, ou bien est-ce un mensonge ?"
Légèrement pâle, il me demande si nous pouvons nous éloigner de cet endroit.
-J'ai toujours eu peur de ce genre de choses... Mais je... Je ne sais pas pourquoi j'ai voulu venir, avoue-t-il, les yeux baissés.
Un sentiment de tristesse m'étreint en le voyant ainsi, tel un enfant apeuré. Je soupire.
-Viens... lui intimé-je, et il me suit sans hésiter.
Je le guide jusqu'à un manège de mini-voitures de course, et en voyant les étoiles briller dans ses yeux, je me dis que cela lui plaît. Nous achetons deux billets, et Taehyung rit abondamment ce soir-là. Pour la première fois, j'ai l'impression d'entendre le son de son rire qui résonne à mes oreilles, et ce n'est pas ce sourire feint auquel j'ai pris l'habitude de me confronter. C'est un rire sincère, joyeux, qui réchauffe mon cœur glacé par la douleur de la perte. Je ne peux m'empêcher de sourire à mon tour, en le regardant s'amuser avec une insouciance qui semble chasser temporairement les sombres pensées qui hantent mon esprit.
Nous nous embarquons dans un tourbillon de jeux et d'attractions, naviguant à travers les lumières étincelantes et les rires contagieux de la fête foraine. Les montagnes russes nous offrent des sensations fortes, faisant surgir des éclats de rire enfantins de mes lèvres résignées. Nous nous essayerons aux jeux de tir, tentant de gagner des peluches colorées qui égayeront nos vies momentanément.
Le temps semble suspendu, les tourbillons de notre divertissement effaçant les soucis et apaisant les blessures invisibles qui se nichent en moi. Chaque moment passé avec Taehyung dans cette foire éphémère est une échappatoire à la tristesse qui m'envahit depuis la disparition de mon grand-père bien-aimé.
Nous nous abandonnons à cette soirée de jeux et de rires, goûtant à l'insouciance fugace de nos âmes tourmentées. Les soucis s'évaporent, remplacés par la complicité grandissante entre nous. Dans les yeux pétillants de Taehyung, je trouve un réconfort inattendu, un baume sur les blessures de mon cœur meurtri.
La fête foraine nous enveloppe, et dans ce tourbillon de couleurs et de sensations, je savoure chaque instant, reconnaissant d'avoir trouvé un bref répit dans cette tempête émotionnelle qui m'assaillit.
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