Lettre 5

Les enfants de la glace... Mon désir ultime était de rendre mon dernier souffle en hiver. J'imaginais que, lorsqu'il serait temps pour moi de partir, ce serait au cœur du froid hivernal que je m'éteindrais. Mais, à présent, je me demande... Ne devrait-on pas survivre à l'hiver, tel un être de glace, pour fondre finalement à sa fin ? Je brûlais d'envie de contempler l'éclosion des fleurs, ou du moins leur début, avant de me laisser emporter par cette danse avec la mort. Une danse... Éternelle...

Jour-J moins 50

Janvier s'est évaporé en un clin d'œil, laissant dans mon cœur un arrière-goût de regrets. Les championnats nationaux se profilent à l'horizon, avec un début prévu pour début mars. Heureusement, cette année, nous avons la chance que les épreuves se déroulent ici, à Séoul. Plus besoin de voyager comme les patineurs des autres villes. Aujourd'hui, il ne sera que Seojoon, Taehyung et moi à l'entraînement. Monsieur Jo nous a annoncé que cette semaine serait dédiée au travail individuel sur notre programme court, avant de nous replonger entièrement dans le programme libre.

Pour faire simple, le programme court est plus court en durée, ne dépassant pas les 2 minutes et 50 secondes. Il met l'accent sur des éléments techniques précis, que chaque patineur doit exécuter avec perfection. Sauts, pirouettes, pas de danse et enchaînements spécifiques tels que les spirales peuvent être intégrés dans ce programme court. L'évaluation se concentre davantage sur la technique et la précision du patineur, que sur l'aspect artistique.

Le programme libre, baptisé également programme long, est le moment tant attendu où les patineurs peuvent dévoiler toute leur créativité, leur technique et leur expression artistique sur une durée plus étendue. Il s'étire jusqu'à un maximum de 4 minutes, permettant ainsi aux artistes de la glace de laisser libre cours à leur imagination. Dans cette danse sans contraintes, les patineurs jouissent d'une liberté totale pour choisir leur musique et incorporer une multitude d'éléments complexes tels que des sauts acrobatiques et des transitions créatives. Chaque détail est pris en compte dans les notes, depuis l'effusion émotionnelle transmise par le patineur en racontant l'histoire inspirée par la mélodie de son choix, jusqu'à la perfection technique de ses mouvements.

Pour mon programme court, plusieurs chansons m'ont été proposées, mais aucune ne m'a réellement enchanté. C'est pourquoi j'ai jeté mon dévolu sur "Feeling Good" de Michael Bublé. Seojoon, quant à lui, a opté pour la joviale mélodie de "Happy" de Pharrell Williams, tandis que Taehyung a préféré bâtir sa performance autour des envolées intenses de "Don't Stop Me Now" de Queen. Chacun de nous laissant guider par nos propres émotions et nos affinités musicales pour donner vie à notre propre univers sur la glace.

-As-tu achevé toutes les tâches nécessaires pour ton programme court ? interpelle Seojoon, tandis que nos corps s'échauffent gracieusement sur le manteau de glace.

-À peu près, j'ai redoublé d'efforts. Je trouve que le programme court est d'une complexité exacerbée, car seuls les aspects techniques sont soumis au jugement impitoyable des regards des juges. Pour ma part, je préfère m'envoler dans les méandres du programme libre, où aucune chanson ne nous est imposée par autrui. Là, enfin, nous pouvons exposer tout notre génie technique et libérer les émotions qui sommeillent en nous, réplique Taehyung, étirant gracieusement ses membres pour préparer son corps à la danse.

Je me laisse submerger par leurs échanges, mon esprit vagabondant au-delà de ces paroles qui flottent dans l'air glacé.

-Effectivement, le programme court est ardu, exigeant une concentration rigoureuse sur la technique des sauts. Toutefois, le programme libre n'est pas en reste. Malgré la liberté qui nous est octroyée, il n'est pas toujours aisé de communiquer efficacement le message que l'on désire transmettre, rebondit Seojoon, sa voix empreinte de réflexion. D'ailleurs, sur quelle mélodie t'élanceras-tu pour ton programme libre ?

-J'ai choisi les notes envoûtantes de 'Skyfall' d'Adèle", révèle Taehyung avec une lueur d'excitation dans le regard. Ses paroles résonnent comme une poésie en suspension dans l'air.

À peine ces mots se sont-ils échappés de sa bouche que notre entraîneur fait son entrée, interrompant leur conversation en plein envol. Il nous ordonne d'exécuter quelques sauts et étirements, puis se tourne avec attention vers Taehyung, exigeant de voir en premier ses progrès dans le programme court. Seojoon et moi glissons discrètement en arrière-plan, laissant à notre compagnon de glace tout l'espace dont il a besoin pour briller.

Les notes enivrantes de "Don't Stop Me Now" de Queen retentissent, et à leur écho, Taehyung se positionne au centre de la patinoire avec une pose saisissante, irradiant une énergie qui transparaît dans chacun de ses mouvements dès les premières harmonies qui s'élèvent.

Au refrain, il danse une série de pas vifs et légers, emplissant l'espace de la glace d'une grâce irrésistible. Ses bras se déploient telles des ailes, exprimant avec éclat l'excitation qui vibre au cœur de la mélodie.

Ébloui par son talent, je reste figé sur place. Même si le programme court ne requiert pas autant de profondeur émotionnelle, Taehyung y insuffle toute son âme, et cela me touche en plein cœur. Sa performance est un véritable tourbillon d'émotions qui s'emporte avec lui, nous transportant tous dans un voyage captivant sur la glace.

Il entremêle des sauts et des pirouettes pour ajouter diversité et maîtrise technique. Entre moments de légèreté et d'audace, il exécute tour à tour des sauts simples et doubles, parvenant même à synchroniser ses mouvements pour refléter la coordination et l'énergie de la musique.

Lorsqu'il passe à proximité de moi, nos regards se croisent à l'instant même. Un sourire éclot sur ses lèvres, tandis que ses yeux ne se détachent pas des miens.

Puis, il ralentit le rythme, plongeant davantage dans une interprétation artistique poignante. Ses gestes expressifs, de ses mains à son buste, tissent une narration envoûtante, capturant l'essence même de la chanson. Chaque mouvement devient un pinceau évoquant une toile vivante, emportant l'auditoire dans une aventure émotionnelle sans pareille.

"I'm burning through the sky yeah!"

("Je brûle dans le ciel, ouais!")

"Two hundred degrees"

("Deux cents degrés")

"That's why they call me Mister Fahrenheit"

("C'est pour ça qu'on m'appelle Mister Fahrenheit")

"I'm trav'ling at the speed of light"

("Je voyage à la vitesse de la lumière")

"I wanna make a supersonic man out of you"

("Je veux faire de toi un homme supersonique")

Il multiplie les instants où nos regards se croisent, m'enveloppant d'une ivresse troublante. À qui s'adresse cette danse et ces paroles qu'il déploie avec tant de ferveur ? Pourquoi ne cesse-t-il de me fixer ainsi, emplissant mes pensées d'un tourbillon de questions sans fin ?

Il insuffle à sa chorégraphie des mouvements de danse stylisés, des glissements, des glissades, des pivots, offrant ainsi la quintessence de la fluidité et de la grâce. Chaque geste est une calligraphie vivante sur la glace, tracée avec un art délicat et une maîtrise absolue. Son corps se plie et se déplie tel un poème incarné, racontant une histoire dont les contours se fondent dans la brume de l'éphémère.

"Don't stop me don't stop me"

("Ne m'arrête pas, ne m'arrête pas")

"Don't stop me hey hey hey!"

("Ne m'arrête pas hey hey hey!")

"Don't stop me don't stop me ooh ooh ooh (I like it)"

("Ne m'arrête pas, ne m'arrête pas ooh ooh ooh) (J'adore ça")

"Don't stop me don't stop me"

("Ne m'arrête pas, ne m'arrête pas")

"Have a good time good time"

("Amuse-toi, amuse-toi")

"Don't stop me don't stop me ah"

("Ne m'arrête pas, ne m'arrête pas ah")

Il retrouve cette énergie palpitante, cette exaltation propre au refrain, pour terminer sa chorégraphie d'une manière percutante. Une succession de sauts se mêle à l'intensité, ajoutant une dimension captivante à son art. La finale de sa performance est couronnée par une pose finale dynamique et teintée de confiance, saisissant l'instant avec une force irrésistible.

Sans que je m'en rende compte, j'ai cessé de respirer. Je suis emporté par ce spectacle, frémissant d'admiration et d'une légère appréhension. À cet instant précis, je sais que Taehyung récoltera des récompenses bien méritées. Si lors de simples répétitions, il est capable de nous offrir un tel chef-d'œuvre, j'ose à peine imaginer l'ampleur de sa performance lorsqu'elle sera prête à 100 %. Il a suscité en moi l'envie irrépressible de monter sur la glace et de patiner à ses côtés, de partager avec lui chaque éclat de sa prestation. Une sensation intense d'être appelé à rejoindre son univers a envahi mon être...

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J'ai d'ailleurs écrit ce chapitre avec la chanson plein les oreilles 🤧