4.
Lettre 4
Je n'ai pas osé te le dire à l'époque, mais notre danse à la patinoire m'a rempli de joie ce jour-là. J'aurais aimé tant d'autres instants aussi légers, sans souci ni complication...
°•°
Jour-J moins 61
Un soupir profond s'échappe de mes lèvres, brisant le silence feutré de la chambre. Je détourne mon regard de la fenêtre, où le paysage enneigé m'offrait un semblant de tranquillité. Mais ici, dans cette chambre d'hôpital silencieuse, mon cœur est lourd de tristesse. Je fixe mon grand-père, allongé et faible, son visage marqué par les épreuves qu'il a traversées. La fragilité qui émane de lui serre mon cœur douloureusement.
Doucement, je me lève de ma chaise, mes pas à peine audibles sur le sol. J'approche de lui avec précaution, m'asseyant délicatement au bord du lit. Ma main se pose tendrement sur son bras, cherchant un soupçon de réconfort dans ce contact intime. Mes doigts effleurent sa peau ridée, communiquant les émotions qui tournoient en moi.
-Et les études, ça avance bien ?, demande-t-il d'une voix fatiguée et fragile.
Je laisse échapper un soupir empreint d'une tristesse profonde, comme si mes mots se mêlaient aux courants d'air chargés d'émotions. Je résiste à l'envie de plonger dans le regard fatigué de mon grand-père, cherchant à maintenir une certaine distance entre nous, afin de lui offrir une réponse délicate.
-Doucement, grand-père, murmuré-je d'une voix caressante. J'ai arrêté mes études après le lycée. Je me consacre entièrement au patinage, car c'est ma véritable passion, celle que je veux transformer en métier.
Un silence s'installe, dense et lourd, comme si chaque seconde était une éternité suspendue dans l'air. Ses yeux cherchent à comprendre mes paroles, combattant vaillamment contre les ravages de l'Alzheimer qui érode sa mémoire et brouille son esprit. Puis, d'un froncement de sourcils délicat, il tente de donner forme à ses pensées, un sourire nostalgique éclairant brièvement ses traits ridés. Sa voix tremblante s'élève de nouveau dans la pièce, cherchant des repères dans les méandres de la confusion :
-Le lycée... Vous me parlez de lycée ? Mais qui êtes-vous réellement ? Mon petit-fils est encore un enfant à l'école primaire...
Un serrement douloureux étreint mon cœur à ces mots, comme si une âpre réalité venait lacérer notre lien affectif. De cette maladie neurodégénérative qui grignote inexorablement la mémoire de mon grand-père, j'en suis témoin impuissant, confronté à la fragilité de notre condition humaine. Les larmes menacent de jaillir de mes yeux, mais je m'efforce de les contenir, préférant offrir à mon grand-père un sourire doux, empreint de tendresse et de chaleur.
-Je suis ton petit-fils, grand-père, même si nos souvenirs semblent prendre des chemins différents. Ne t'en fais pas, je suis là avec toi, et je t'aime toujours autant.
Mes mots oscillent entre la vérité brisée et les échos du passé, cherchant à traverser les abysses qui se creusent dans l'esprit de mon grand-père. Dans mon sourire, j'essaie d'apporter une lueur d'apaisement, même si elle est fugace, comme un éclat de lumière filtrant à travers les nuages.
-Dors maintenant, repose-toi. Je vais partir, je murmure doucement à son oreille, tandis que ses paupières se referment lentement, emportant avec elles un semblant de sérénité.
Je quitte la chambre, traversant les couloirs aux murs immaculés, imprégnés de cette fragrance si caractéristique des lieux hospitaliers. Les visages du personnel dévoué croisent mon regard, empreints de bienveillance et de compassion. Au fil des années passées dans cet établissement, un lien particulier s'est tissé entre nous, une familiarité dans ce monde réglementé par les soins. Mais malgré cette familiarité, la douleur demeure, inaltérable et implacable, se répétant jour après jour, comme une litanie lancinante.
Je franchis les portes de l'hôpital, accueilli par une bouffée d'air frais qui caresse mes joues. L'hiver enveloppe la ville de son manteau blanc, tandis que mes pensées tourmentées cherchent un apaisement. Je m'arrête un instant, m'imprégnant de l'instant présent, laissant mes émotions s'exprimer librement. Les larmes sillonnent mes joues, reflétant la douleur silencieuse qui s'entremêle à l'atmosphère glaciale qui m'entoure.
Le froid pique ma peau, un frisson parcourt mon être, mais je me sens vivant. Chaque respiration est une affirmation de mon existence, chaque larme versée une preuve que je suis capable de ressentir et d'aimer profondément. Je m'accorde ce moment de vulnérabilité, laissant les larmes emporter une partie de mon fardeau émotionnel.
Je ferme les yeux, laissant la neige tomber sur mon visage. Chaque flocon est unique, semblable à chaque souvenir précieux que j'essaie de préserver dans mon cœur. La nature elle-même semble pleurer avec moi, accompagnant ma tristesse dans un silence solennel.
Après un instant de recueillement, je reprends lentement mon souffle, déterminé à continuer à avancer malgré les tourments qui agitent mon esprit. Je sais que mon grand-père, même s'il ne parvient plus à me reconnaître, même s'il me confond avec des souvenirs lointains, souhaiterait me voir persévérer dans la voie que j'ai choisie. Je me fais une promesse solennelle, celle de ne jamais abandonner, de faire honneur à la force et à la détermination dont il m'a légué une part de son héritage.
Soudain, une voix résonne dans mon univers intérieur, brisant le silence qui m'enveloppait.
-Jungkook ? s'échappe des lèvres de Taehyung.
Le son de son appel me surprend et un sursaut incontrôlé secoue mon être. Par réflexe, j'essuie précipitamment mes joues, cherchant à masquer les signes de mes larmes. Les yeux perçants de Taehyung sont rivés sur moi, ses sourcils légèrement froncés, trahissant une évidente perplexité. Je sens qu'il a remarqué mon état émotionnel fragilisé.
Mais au lieu de se lancer dans une série de questions comme il en a l'habitude - parce que c'est bien Kim Taehyung, le garçon le plus bavard que je connaisse - il se contente de m'offrir un sourire lumineux. Cette simple expression de bienveillance et de compréhension suscite en moi des sentiments contradictoires. La vérité est que je le déteste autant que je l'apprécie, car son charme naturel et son caractère enjoué ont le don d'illuminer n'importe quelle pièce.
Pourquoi diable ne peut-il pas afficher ne serait-ce qu'une lueur de tristesse, de mélancolie, comme tout un chacun ? Ne réalise-t-il pas que le monde ne resplendit pas toujours d'une beauté éblouissante, telle qu'on la dépeint parfois ?
-Par moments, Kim, tu sembles tout droit sorti d'un conte de fées, lâché-je d'un ton mêlé de surprise et d'exaspération, avant de poursuivre mon chemin, laissant mes pas marquer leur empreinte éphémère dans la neige fraîche.
Il me suit, fidèle à son habitude. Comme au temps de notre jeunesse. Sa seule constance est de m'accompagner, tandis que moi, je ne fais jamais le moindre geste pour le retenir.
Il semble si distant, et pourtant si proche de moi, à quelques centimètres près.
-Pourquoi serais-je comme ça ? me lance-t-il, sans ralentir le pas.
-Pourquoi me suis-tu toujours ? répliqué-je, bifurquant dans une ruelle à l'instar de mes pensées.
Il hausse simplement les épaules, prenant une profonde inspiration alors que ses yeux parcourent l'atmosphère glaciale qui nous entoure.
-Il fait si froid... Mais cela n'est-il pas idéal pour nous, enfants de la glace ? déclare-t-il, les bras ouverts en une posture quasi théâtrale, accueillant les premiers flocons de neige qui descendent du ciel telles des étoiles éphémères.
Taehyung est ainsi, toujours prompt à détourner la conversation vers de nouveaux horizons, esquivant habilement les questions qui lui sont adressées.
°
Ne me demandez pas comment ni pourquoi je me suis laissé entraîner dans cette folie. Assis à une table de fast-food, face à un Taehyung insatiable, je ne peux m'empêcher de me questionner sur son énigmatique capacité à dévorer sans prendre le moindre gramme de graisse.
Je suppose que c'est parce que son ventre a émis un grondement menaçant, suivi d'un petit "Oups" gêné de sa part, qu'il m'a entraîné de force dans ce restaurant. D'ordinaire, j'aurais catégoriquement refusé, l'envoyant promener comme je le fais si bien. Mais aujourd'hui, je crois que...
-Tu ne manges pas ? m'interrompt-il, la bouche pleine de frites.
...je n'avais pas envie d'être seul, simplement.
-On ne parle pas la bouche pleine, Kim, lui rappelé-je d'un ton sévère.
-Pourquoi n'utilises-tu jamais mon prénom ? C'est frustrant... se plaint-il, réalisant une moue enfantine que je déteste autant qu'elle lui sied à ravir.
Bạn đang đọc truyện trên: Truyen247.Pro