Un rêve éveillé

Sous un ciel nocturne tel un voile d'étoiles qui englobait la terre, Amelia reconnut le paysage si familier de son enfance, cet endroit où elles allaient si souvent, elle et sa sœur. Ne se demandant pas comment elle était arrivée jusque-là, elle aperçut, au bord de la plage, là où tant d'histoires avaient été racontées et où tant de souvenirs fusaient dans sa tête rien qu'en y repensant, une silhouette assise au loin.

Elle riait d'un rire clair, tel un cristal qui tinte dans l'air nocturne. Autour d'elle, des dizaines de lucioles dansaient, voletant, tel une escorte de lumière, suspendues dans le temps, comme si elles savaient qu'elles éclairaient une nuit précieuse, un fragment d'éternité.

« Ivy ? » chuchota Amelia, d'une voix à peine audible, comme si elle avait peur que ce mot ne brise la magie de l'instant présent.

Sa sœur, Ivy, se retourna, elle lui sourit de son plus beau sourire, un sourire étincelant qui pouvait faire fondre le soleil et faire danser les étoiles. Elle s'avança vers elle, lui prit doucement la main, une main chaude, une main qui signalait une présence réelle, une chaleur qui lui fit tambouriner son cœur si longtemps brisé.

Voulant savourer chaque fraction de seconde, ne se souvenant pas de la dernière fois où elle avait été aussi heureuse, Amelia s'abandonna dans l'instant de cette joie pure et inattendue. Sa sœur la fit tournoyer, elles dansèrent ainsi sous la nuit étoilée, un sourire collé aux lèvres, comme si le monde autour d'elles n'avait plus d'importance. Elles chuchotaient des secrets à la brise, des mots oubliés que seule l'obscurité pouvait garder.

Ivy l'emmena à travers champs et forêts, jusqu'à une clairière. Un immense arbre se dressait, ses branches caressant les étoiles, désignant le ciel tel un enfant émerveillé. Amelia posa une main sur l'écorce, chaude comme une respiration. Elle lui murmura quelque chose, tout en ayant ce même sourire étincelant sur ses lèvres, mais sa voix semblait soudain venir de loin, si loin...

Le rire s'estompa, comme une chanson qui s'éteint doucement. L'herbe sous ses pieds devint floue, les contours du monde se distordirent lentement. Un dernier éclat de lumière s'éteignit dans le ciel, et Amelia sentit, sans comprendre pourquoi, que quelque chose avait changé.

Et d'un coup, elle ouvrit les yeux.

Le plafond de sa chambre l'accueillait, muet. Elle était seule, une fois de plus, enveloppée dans les draps tièdes de son lit. Une larme traça un chemin silencieux sur sa joue. Un chemin qu'elle ne connaissait que trop bien. Elle leva la tête pour regarder la photo qui se trouvait sur sa table de chevet. Ivy souriait, assise à côté d'elle, toutes deux figées dans le temps, une éternité avant l'accident.

Une deuxième larme trouva son chemin le long de sa joue.

D'un souffle rauque, brisé, elle murmura dans l'obscurité :

« Tu te souviens ?

Et quelque part, peut-être dans le battement d'une étoile ou dans le bruissement du vent entre les branches, une réponse sembla murmurer.