Chapitre 20 : Chancelier et miséricorde
Le cœur de la Confrérie des sorciers, là où reposaient les plus grands sorciers de l'histoire, n'était, aux yeux du monde, rien de plus qu'une vieille cathédrale désaffectée. Toutefois, pour chaque être doté de pouvoir, ou ayant du sang magique dans leurs veines, le sort se levait et laissait apparaître un lieu des plus époustouflants et féériques.
Bâti plusieurs siècles plus tôt, le siège du Conseil était entièrement fait de verre. La décoration y était épurée et très moderne. Dans le grand hall trônait majestueusement les visages des six personnes qui avaient fondé de la Confrérie, et ainsi sauvé les êtres magiques de l'extinction qui les menaçait.
Au milieu de toute l'agitation quotidienne de la grande salle d'accueil, un tourbillon apparut, amenant avec lui, un homme à la chevelure brune qui parvint à atterrir de justesse sur ses deux jambes. Ses bras ouverts pour se maintenir en équilibre, Jungkook reprit ses esprits une fraction de seconde avant de se redresser et de passer une main dans ses mèches noires.
— Putain, je comprends mieux pourquoi je déteste la téléportation, soupira-t-il.
— Conseiller Jeon ? lança une voix derrière lui.
Jungkook pivota et fit face à un garçon qu'il connaissait bien maintenant, Jax Willis. Ce dernier était l'assistant personnel de son père depuis presque cinq ans. Tout juste âgé de vingt-quatre ans, le jeune homme aux cheveux châtain clair dégageait une innocence et une bienveillance qui faisait tâche dans ce milieu. Lui qui était toujours si doux, se retrouvait à suivre les ordres d'un homme dur et sévère comme le chancelier Jeon.
— Bonjour Jax, fit le concerné avec un sourire poli.
— Ravi de vous revoir monsieur, comment allez-vous ? Et comment va monsieur Yoongi ?
— Yoongi va bien, merci, lui sourit Jungkook. Dis-moi, mon père est dans son bureau ?
Le châtain fut subitement embarrassé par la question du fils de son patron et ce détail attira l'attention du sorcier.
— Jax, où est mon père ? demanda-t-il d'un ton plus dur.
— Il... il est en réunion, monsieur.
— En réunion ? Avec qui ?
— Le... les membres du Conseil, monsieur, bafouilla Jax, serrant sa tablette contre son torse.
Jungkook était un homme intimidant, il le savait et se servait toujours de ça pour obtenir ce qu'il voulait. Cela fonctionnait avec tout le monde, enfin, presque. Seul son amant était insensible à ce côté de sa personnalité, mais cela lui était égal, il aimait que Yoongi ne se plie pas en quatre pour lui.
Toutefois, la réponse qu'il venait d'obtenir ne lui plus guère, car si son père avait réuni les membres, alors pourquoi n'avait-il pas été prévenu ?
— Ils sont en haut ?
— O-oui.
— Ok, merci Jax.
Le brun s'apprêtait à tourner les talons pour se rendre jusqu'à l'ascenseur, mais la voix de l'assistant l'interpella.
— Attendez, s'il vous plaît, ne... ne dites pas à votre père que c'est moi qui ai donné l'information. Il... il est d'humeur exécrable en ce moment et je-
— Ne t'en fais pas, je ne dirai rien, assura Jungkook. Mais tu devrais penser à changer de travail, tu mérites mieux que de supporter un égocentrique comme lui.
— Merci, fit Jax, les joues légèrement teintées.
Lui offrant un ultime sourire, le sorcier partit en direction de la cage de métal qui le mènera à l'étage. Pendant qu'il traversait le bâtiment, il se mit à penser à sa sœur et à ses deux amis. Est-ce que Hoseok était arrivé ? Avait-il pu faire quelque chose pour Taehyung ?
Toutes ces questions s'évaporèrent lorsqu'il entra dans l'ascenseur et appuya sur le bouton de l'étage choisi. L'habitacle d'acier entreprit sa montée puis prit à droite, faisant perdre l'équilibre au sorcier qui grogna dans sa barbe et se tenant à la barre de métal. Propulsé à grande vitesse à travers l'immense bâtisse, les trajets en ascenseur étaient toujours mouvementés pour les passagers, rendant cela parfois désagréable.
Lorsque la petite sonnerie retentit, Jungkook soupira de soulagement et quitta la boîte de métal sans attendre. Avec empressement, il marcha vers la grande salle de réunion et salua rapidement les gardes qui se trouvaient devant la grande porte double.
En faisant irruption ainsi au milieu d'une réunion, il risquait d'attiser la colère de son père, mais il n'avait pas d'autre choix. En plus de cela, son égo venait d'être heurté par ce rejet évident de ses fonctions de conseiller.
Expirant un bon coup, il saisit les deux poignées, les tira vers lui et ouvrit les deux portes de façon théâtrale. Comme il s'y attendait, son apparition mit fin à toutes les conversations et attira l'attention sur sa personne.
— Bonjour mesdames, messieurs, excusez mon retard, je n'avais pas été averti d'une quelconque réunion ce matin, fit-il, un grand sourire sur les lèvres.
Debout près du chancelier Jae-kyun Jeon, Namjoon Kim qui était le chef de la sécurité et de l'unité d'intervention de la Confrérie, toisa son ex-beau-frère.
— Chancelier, souhaitez-vous que je m'en occupe ? proposa ce dernier sans quitter le brun des yeux.
Nullement impressionné, Jungkook afficha un rictus arrogant. Pour répondre à sa question, monsieur Jeon bougea négativement la tête, son regard rivé sur son fils.
— Alors, de quoi vous parliez ? demanda-t-il en tirant une chaise pour s'y installer.
Ses mouvements furent stoppés par son père qui leva sa main dans sa direction, lui ordonnant silencieusement de ne pas s'asseoir.
— Jungkook, pourrais-tu nous laisser ? Ce n'est vraiment pas le moment pour l'un de tes-
— Pourquoi je partirais ? le coupa ce dernier. Que je sache, je suis membre de ce Conseil non ? À moins que j'aie été viré et que je ne sois pas au courant.
— Non, tu as raison, mais cette réunion concerne un sujet qui ne te regarde pas, répliqua son père d'un ton dur.
— Ah oui ? Lequel ? Est-ce que cela concerne le jeune homme aux oreilles de renard que vous avez décidé de condamner à mort sans même lui accorder un procès équitable ?
L'audace de Jungkook n'étonnait plus personne dans cette salle, encore moins l'homme qui l'avait élevé. Après tout, il tenait cela de lui. En revanche, ce qui surprenait toujours les membres de cette assemblée, c'était l'insolence dont il faisait preuve à l'égard de leur chancelier.
— Mesdames, messieurs, la réunion est suspendue. Je vous ferai part des nouveaux horaires par mon assistant, annonça ce dernier, un air dur qui en disait long sur ce qui allait se passer ensuite.
— Oh non ! Moi qui me suis déplacé exprès, dramatisa le jeune sorcier, une moue boudeuse sur les lèvres.
Ignorant totalement son intervention, les autres conseillers et leur assistant se levèrent et partirent en direction de la porte qui était restée ouverte.
— Au revoir. À la prochaine, se moqua Jungkook en les saluant tel un enfant.
Lorsque le dernier membre de la Confrérie quitta la salle en refermant les deux battants derrière lui, le brun perdit son sourire et planta son regard sombre sur son père qui le toisait avec colère.
— N'as-tu donc aucune éducation !? cingla monsieur Jeon.
— Je ne sais pas, père, êtes-vous en train de remettre en cause celle que vous m'avez donnée ? répliqua Jungkook, un rictus insolent sur les lèvres.
Assis sur l'une des chaises, à l'extrémité de son géniteur, le plus jeune des sorciers se pencha en arrière et posa ses mollets sur le rebord de la table. Tout en jouant distraitement avec le stylo qu'il avait trouvé, il attendait la réponse de son père.
— Espèce de petit morveux ! Tu oses débouler ici tel un éléphant dans une boutique de porcelaine et en plus de ça, tu es insolent !
— Moi, si j'étais vous, je resterais calme. Pensez à votre cœur, se moqua le brun.
— Je te conseille de faire très attention à tes paroles Jungkook. C'est au chancelier que tu t'adresses, intervint Namjoon d'un ton menaçant.
— C'est conseiller Jeon pour toi, et quand je voudrai t'entendre aboyer, j'irai chercher un os. En attendant, reste au pied et bien silencieux, répliqua Jungkook avec dédain.
Voilà, l'émotion que Namjoon lui aspirait, du mépris, du dégoût et de la colère. Ces deux hommes ne s'étaient jamais appréciés, mais la rancœur envers lui avait quadruplé, lorsqu'il avait appris pour son infidélité, mais aussi pour le sort qu'il avait utilisé pour oublier sa propre fille.
Touché dans son orgueil, Namjoon serra les dents et fit un pas en avant dans l'intention de défendre son honneur, mais sa lancée fut coupée par la voix de son supérieur.
— Namjoon, laisse-nous, ordonna-t-il.
— Oui, laisse les adultes discuter. Tu as sûrement une jeune femme quelconque à aller sauter, tacla Jungkook.
La mâchoire contractée, le grand brun au cou tatoué ne rêvait que d'une chose, mettre son poing sur le visage de cet homme qu'il détestait, mais il ne fit rien. Le chancelier lui avait donné un ordre alors, il s'inclina profondément sous le regard amusé de son ancien beau-frère.
— Bye bye, ajouta l'avocat en le suivant du regard jusqu'à ce qu'il ne quitte la pièce.
Quand il fut seul avec son père, Jungkook se leva et le sonda, un air sérieux sur le visage.
— Pourquoi le gardez-vous à vos côtés en sachant ce qu'il a fait a Lia ? demanda-t-il, outré.
— Cela ne nous regarde pas !
— À partir du moment où cela concerne ma sœur, ça me concerne ! s'emporta le brun. Il l'a abandonné après la mort de Jill ! Il lui a été infidèle, comment pouvez-vous tolérer un tel comportement !
— C'est un homme, avec des besoins, ta sœur-
— Je vous interdis de finir cette phrase ! le coupa Jungkook en frappant la paume de sa main sur la table. Rien n'excuse ce qu'il a fait à votre fille ! N'avez-vous donc aucun respect pour elle où pour votre petite fille ?
— Je n'ai pas de petite fille ! s'exhala Jae-kyun.
— Vous en aviez une ! Pourquoi tout le monde fait comme si ce bébé n'avait jamais existé ! Votre cher Namjoon a effacé le souvenir de son propre enfant et ensuite, il a trompé votre fille avec une autre femme ! Lia m'a dit qu'elle était venue vous voir lorsqu'elle avait pris la décision de s'en aller et vous l'avez acculée ! Comment avez-vous pu faire ça ? Vous le traitez avec plus de gratitude que votre propre chair !
Le chancelier toisa son fils de longues secondes, son visage d'ordinaire inexpressif, était rouge de colère et ses yeux injectés de sang.
— Ça suffit ! somma-t-il d'une voix forte. Cette conversation est terminée. Ta sœur a fait ses propres choix. Elle a préféré prendre la fuite plutôt que réparer son mariage et cela ne nous regarde pas ! Namjoon est un excellent élément pour cette Confrérie et que tu le veuilles ou non, jamais, je ne me séparerai de lui !
Jungkook était sans voix face à de tels propos. Son père était un homme froid et rigide, il le savait, cependant, il avait toujours pensé qu'il prendrait la défense de ses enfants. Il s'était trompé. Réalisant que cette discussion était peine perdue, il se concentra sur la réelle raison de sa visite.
— Très bien, ce n'est pas pour ça que je suis venu vous voir, fit-il en passant une main dans ses cheveux.
— Que veux-tu ? demanda son père d'un ton glacial.
— Je vous demande d'annuler la condamnation de Taehyung.
Le chancelier fronça les sourcils, perdu.
— Qui est Taehyung ?
— C'est l'homme que Namjoon est allé chercher chez Jimin.
— Le renard ?
— Oui. Il-
— Je t'arrête tout de suite, la réponse est non, le coupa monsieur Jeon. Tu devrais t'estimer heureux que ton ami humain ne finisse pas lui aussi dans une cellule à Blackcall. La seule raison pour laquelle ce n'est pas arrivé, c'est parce que Jaemin Park est un vieil ami, pour qui j'ai beaucoup d'estime. Ne m'en demande pas plus.
— Père, s'il vous plaît, écoutez-moi, implora Jungkook d'un ton plus calme en parcourant la distance qui les séparait. Taehyung n'a jamais fait de mal à personne et surtout, il ne mérite pas d'être condamné à mort ! Pourquoi n'a-t-il pas le droit à un procès équitable avec un avocat ?
— Parce que ce n'est pas un humain ! Ce n'est qu'un animal qui s'est retrouvé au mauvais endroit au mauvais moment !
— Taehyung n'est pas une bête que vous pouvez exécuter sans raison !
— Ça suffit ! Il n'a pas de nom ! Ce n'est qu'un renard, rien d'autre ! vociféra Jae-kyun pour asseoir sa dominance. Qu'est-ce qui t'arrive ? Depuis quand enfreins-tu les règles de notre Confrérie ?
— Les règles sont faites pour être contournées lorsqu'elles sont injustes ! répliqua l'avocat d'un ton dur. Taehyung est un garçon gentil et doux. Il n'a jamais fait de mal à personne et surtout, il n'a pas demandé à être changé en humain ! Si vous nous laissez le temps, Yoongi et moi pourrons lui rendre sa forme animale, mais pour cela, vous devez annuler sa condamnation.
Le chancelier garda son regard rivé sur son fils qui ne le quittait pas des yeux. Son expression n'avait plus rien d'insolent, à présent, il affichait son air de petit garçon qui suppliait son père d'exaucer son souhait.
— Non. Je suis désolé Jungkook, mais en tant que chef de cette assemblée je-
— Au diable cette putain de Confrérie ! cria le brun avant d'expirer, la gorge nouée. Vous êtes prêt à tuer un gamin tout ça parce qu'un sorcier n'a pas sur gérer les retombées d'un sort ! Si on se met à agir comme des animaux, qu'est-ce qui nous différencie d'eux ?
Sa voix mourut dans sa gorge tant il était épuisé par cette confrontation verbale. Lutter contre un homme comme son père était une véritable épreuve de force mentale, et il était fatigué. À chaque dispute, il avait l'impression qu'un fossé se creusait entre eux. Pourquoi ? Comment cet être si intolérant avait pu mettre au monde une femme aussi merveilleuse et douce que sa sœur ? Comment avait-il pu concevoir quelqu'un d'ouvert d'esprit comme lui ? Pourquoi étaient-ils si différents ?
— Père, ce n'est pas le conseiller qui vous le demande, mais votre fils, reprit le brun, mettant de côté sa fierté. Taehyung ne mérite pas ça. Si vous preniez ne serait-ce qu'une minute pour aller le voir, vous verriez que ce garçon est l'être le plus pur et innocent que vous ayez jamais rencontré. En quelques semaines, il a su apaiser la tristesse qui rongeait Lia. Il lui a redonné le sourire, et l'envie de vivre. Je vous jure, je crois que je ne l'avais jamais vu aussi vivante que depuis qu'elle l'a rencontrée. Il a apporté une immense joie dans nos vies, alors je vous en supplie, ne nous l'enlevez pas.
Cette tirade fut sûrement la chose la plus compliquée à dire pour Jungkook. Lui qui était toujours si fier et n'avait pas peur de tenir tête à son père, se retrouvait à le supplier, mais s'il fallait cela pour sauver son ami, il le ferait.
L'ambiance dans la grande salle de réunion était pesante et électrique. Le silence qui les entourait était brisé par les diverses voix des autres employés qui passaient dans le couloir. L'un en face de l'autre, les deux hommes de la famille Jeon se regardaient droit dans les yeux, tentant de déchiffrer ce que l'autre pensait. Toutefois, ce fut sans succès.
Un ange passa avant que Jae-kyun ne soupire et ne détourne le regard. En voyant son expression impassible, Jungkook sut quelle était sa réponse avant même qu'il ne prenne la parole.
— Je suis désolé, ce sont nos lois. Le renard sera exécuté dans deux jours, comme l'indique le code de la Confrérie, et ni toi ni moi ne pouvons changer cela, déclara le chancelier.
Son sang bouillonnant dans ses veines telle la lave d'un volcan, Jungkook serra les dents, mais décida de ne plus argumenter. Si c'était la guerre que son père voulait, il allait l'avoir, et que ce soit de la bonne ou de la mauvaise façon, il obtiendrait ce qu'il voulait.
— J'ai été diplomate avec vous père, mais vous ne me laissez plus le choix. Surtout n'oubliez pas ceci, rien de tout cela ne serait arrivé si vous m'aviez écouté.
Sans rien ajouter, Jungkook recula de quelques pas afin d'être à bonne distance de son géniteur, puis se téléporta sous les yeux de celui-ci qui était stupéfait par le ton menaçant et débordant de rancœur.
⊶⊷⊶⊷❍⊶⊷⊶⊷
À Blackcall, l'ambiance était tout autre. Dans la cellule du jeune renard, le calme régnait, donnant l'occasion à Taehyung de récupérer. Après le départ de Hoseok, Lia avait usé de la magie pour isoler le petit espace du vent froid et de l'humidité, puis elle avait également fait apparaître plusieurs couvertures. Avec l'aide de Jimin, la jeune femme en avait étendu quelques-unes sur le sol afin que le rouquin puisse s'y allonger, puis elle l'avait recouvert avec les deux restantes.
À aucun moment Jimin n'avait quitté son chevet. Assis à même le sol, adossé contre la paroi glaciale, le brun caressait tendrement le cuir chevelu de son ami dont la tête reposait sur ses cuisses. Cela faisait maintenant une bonne heure que Hoseok était venu et l'intraveineuse d'antibiotique continuait de faire son travail, faisant baisser la fièvre du jeune renard.
— Jim..in, murmura-t-il en se tournant lentement sur le dos.
— Je suis là, répondit le concerné en lui offrant un sourire débordant d'affection. Comment tu te sens ?
— J'ai mal... ici, fit-il en levant difficilement sa main jusqu'à sa tête.
Lia, qui était assise près d'eux, fut attirée par la voix de son cadet et s'approcha. Avec douceur, elle vint gratter le haut de sa tête, annonçant ainsi sa présence, puis elle sortit une des trois fioles de la poche de sa veste.
— Tiens, bois ça, ordonna-t-elle d'une voix basse et rassurante.
— Qu'est-ce que c'est ? demanda Jimin.
— C'est un médicament, mais les gardes ne doivent pas le savoir, alors restons discret, chuchota la sorcière.
Le vétérinaire hocha la tête et aida Taehyung à se redresser. Ce dernier gémit de douleur et expira difficilement. Il avait l'impression qu'un poids écrasait sa cage thoracique, rendant chaque inspiration pénible. Les yeux lourds, il saisit d'une main tremblante la petite fiole et l'amena jusqu'à ses lèvres avant d'en boire le contenu d'un coup sec.
Le goût qui caressa ses papilles fut des plus désagréables. Encore plus amer que le café, celui-ci était également acide, accompagné d'un goût de pourriture qui aurait pu le faire vomir si seulement son estomac n'était pas déjà vide.
— C'est... encore plus dégoûtant que ton café, se plaignit faiblement Taehyung à l'attention de Jimin, tout en rendant le petit récipient en verre à son amie.
Cette remarque fit rire le brun qui sentit son cœur se remplir d'une douce chaleur. Avec tendresse, il poussa les mèches rousses de son cadet en arrière, et l'invita à venir s'installer contre lui.
— Si tu fais de l'humour, c'est que tu te sens mieux, fit-il en déposant un baiser sur le haut de son crâne.
Trop affaibli pour rire, le jeune renard hocha simplement la tête et la laissa tomber contre son omoplate, enfouissant son nez dans le creux de son cou. L'odeur de Jimin lui avait tellement manqué qu'il avait l'impression de revivre maintenant qu'il pouvait la sentir à nouveau, et ce, même si ce n'était qu'un court instant.
— Je t'ai ramené quelque chose, annonça le vétérinaire.
Comme s'il lisait dans les pensées de son cadet, le brun demanda à Lia de lui donner son sac, et sans se séparer de Taehyung, il fouilla à l'intérieur pour en sortir son foulard noir.
— Tiens, chuchota Jimin en amenant le tissu jusqu'à lui.
Les yeux débordant de larmes d'émotion, le rouquin le saisit de ses doigts fins et branlant, puis il l'amena jusqu'à son nez. Avec délicatesse, comme s'il avait peur que l'objet ne parte en fumée, il huma le tissu et le serra contre lui.
— Merci, murmura le jeune renard.
Il était épuisé, non seulement par la maladie, mais également par tout ce qu'il avait vécu ces dernières heures, le rendant incapable de contrôler ses émotions. Fermant les yeux pour tenter de contenir cette tristesse et cette peur qui le dévoraient, il se laissa retomber contre son ami et profita de son contact et de sa chaleur.
— De rien, répondit enfin Jimin en enveloppant son corps de ses bras.
Leur moment fut brisé par l'apparition soudaine de Jungkook qui s'était téléporté jusqu'à eux.
— Jungkook ! s'exclama Lia en se levant précipitamment pour aller à sa rencontre.
Légèrement décoiffé et essoufflé, le brun tendit sa main devant lui, demandant une seconde d'adaptation à sa jumelle. Une main sur sa poitrine, il se pencha en avant, reprenant le contrôle de son pouls, mais surtout, tentant de calmer les nausées qui le menaçaient.
— Est-ce que ça va ? demanda Jimin toujours assis sur le sol.
— Oui, je me suis juste téléporté deux fois en trop peu de temps. J'ai un peu la nausée.
Lia détailla son jumeau, s'assurant qu'il n'était pas blessé, puis son attention se posa sur une poche qu'il tenait dans sa main.
— Qu'est-ce que c'est ? demanda-t-elle en désignant ce qu'il tenait entre ses doigts.
— Oh ça, c'est un petit truc pour notre renard préféré, annonça Jungkook avec un sourire.
Le concerné tourna lentement la tête vers lui, curieux, mais il fut incapable de bouger. Le grand brun avança jusqu'à lui et s'installa en tailleur face à son meilleur ami et leur cadet. Avec prudence, il posa le sac en plastique devant lui et plongea sa main à l'intérieur. Il en sortit un bol en papier kraft soigneusement fermé par un couvercle en plastique transparent, puis un gobelet à café à emporter et enfin un petit sachet en papier brun, ainsi qu'une cuillère en bois.
— Je suis passé au restaurant de Sam et je t'ai ramené un bouillon de poulet. Je suis aussi allé à la boulangerie à côté et j'ai pris un chocolat chaud avec des roulés à la cannelle, déclara l'avocat.
Touché par son attention, Jimin lui offrit un sourire et hocha la tête, le remerciant silencieusement pour son geste.
— Je n'aime pas Sam, murmura Taehyung qui s'était rallongé, sa tête reposant sur la cuisse de son aîné.
Les jumeaux et Jimin se mirent à rire, déclenchant un froncement de sourcil chez le jeune renard. Une moue boudeuse sur les lèvres, il prit la main de son colocataire qui reposait sur son flanc, dans la sienne et entrelaça leur doigt, gardant celle-ci contre lui, sous la couverture.
— Tu as le droit de ne pas l'aimer, mais tu veux bien manger la soupe ? demanda Jimin avec douceur en caressant ses cheveux de sa main libre.
Quand l'odeur de ce mets caressa ses narines, l'estomac de Taehyung se mit à gargouiller bruyamment.
— Allez Tae, si tu veux récupérer, tu dois manger, l'encouragea Lia.
Le rouquin leva les yeux vers elle et sentit sa gorge se nouer. Pourquoi devrait-il guérir s'il allait mourir ? Cela ne servait à rien, dans deux jours, il serait exécuté. Pourquoi prendre la peine d'aller mieux ?
— Pourquoi faire ? demanda-t-il dans un murmure. Je vais mourir ici.
Ses paroles plongèrent la pièce sombre dans un silence assourdissant et angoissant. Entre ses doigts, Taehyung avait senti ceux de Jimin se crisper et sa respiration devenir plus rapide.
— Arrête de dire ça. Je t'ai déjà dit que tu n'allais pas mourir ici. On va te sortir de là, pas vrai ? répliqua le vétérinaire en regardant son meilleur ami. Ton père a accepté de nous aider ?
Un air désolé sur le visage, Jungkook bougea négativement la tête avant de prendre la parole d'un ton plus assuré.
— La diplomatie n'a pas fonctionné, mais on ne va pas abandonner pour autant. J'ai encore quelques tours dans ma manche alors. Dès demain, on passera aux choses sérieuses.
— À quoi tu penses ? demanda Lia, inquiète.
— On va faire regretter à notre cher père de ne pas nous avoir écoutés.
La voix du grand brun résonna dans la pièce. Jungkook était déterminé, et pas seulement à libérer Taehyung, il voulait également punir son père pour son indifférence et sa cruauté.
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