𝐸𝑦𝑒𝑠 𝑡𝑜 𝑒𝑦𝑒𝑠
Quelques jours se sont écoulés depuis que j'ai rencontré cette jeune fille. Qui est-elle ? De quel lycée vient-elle ? Pourquoi a-t-elle fait preuve d'autant de gentillesse à mon égard ?
Je veux avoir des réponses.
Et dire que je garde son écharpe à la suite de notre rencontre à l'arrêt de bus. Je voudrais la revoir pour la lui rendre, car c'est la première fois que l'on me prête quelque chose et j'ai peur d'égarer cette chose qui doit lui être chère.
Ce simple geste a éclairé ma fin de semaine. Le peu de gentillesse qu'elle m'a donné m'a tellement réconforté.
Je voudrais la remercier pour cela, mais peut-être qu'elle me trouvera bizarre.
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Pour le déjeuner, je me rends au restaurant à côté de mon lycée, afin d'être tranquille des harceleurs de ma classe.
Nous avons le droit, durant quelques jours de la semaine de sortir de l'établissement le midi afin de varier entre les repas de la cafétéria et ceux de dehors.
J'entre dans le restaurant qui n'est pas si bondé de monde, puisque nous sommes en journée et il y a peu d'employés qui travaillent à proximité de ce restaurant.
J'arrive devant la vendeuse, commande mon déjeuner puis attends pour payer l'addition. Après avoir reçu mon repas, je paye et me dirige vers une table.
C'est à ce même moment que je tourne la tête et, je la vois. La fille à la capuche.
Je ne sais pas comment réagir. Dois-je la rejoindre ou faire comme si de rien n'était ?
Finalement, je décide de venir vers elle. Peut-être qu'elle se souvient de moi après tout. J'arrive à sa table et elle sirote son jus, regardant son téléphone. D'un ton timide, je l'aborde.
- Euh, excuse-moi.
Elle lève les yeux et me reconnaît.
- Oh, mais je te connais, toi. Tu es le lycéen de l'arrêt de bus.
- Oui, je hoche, gêné, c'est moi.
- Qu'est-ce que tu fais de beau ?
- R... rien de spécial, je voulais te rendre ton écharpe.
- Ah oui, mon écharpe !
Je la sors de mon sac puis la lui tends.
- Merci beaucoup, elle m'a aidé.
Elle la prend puis me souris.
- Mais je t'en prie.
Alors que je m'apprête à partir, elle me retient.
- Eh ! Pourquoi tu ne viendrais pas t'asseoir ?
Je me retourne, surpris.
- Je... Je ne voudrais pas te déranger.
- Mais pas du tout ! Au contraire, je me sentais un peu seule.
- Oh.
- Au passage, ça me permettra de mieux te connaître que le lycéen blond qui pleurait.
Je souris.
- Pas faux.
Je tire la chaise face à elle, pose mon plateau sur la table puis m'assois.
- Merci.
- Tout le plaisir est pour moi, dit-elle en piquant une frite dans sa boîte.
Je commence à siroter mon coca et elle pose ses coudes sur la table.
- Alors, tu viens de quel lycée ?
- Je viens du lycée Fredrik Kristiansen et toi ?
- Moi, du lycée Karl Pedersen.
- Ce n'est pas un lycée d'élite ?
- Oui, c'est ça.
- Et il est bien le système scolaire ?
- Pas mal, pas mal.
- C'est cool, ça. Donc, tu es en seconde ?
- Non, je suis en terminale.
Mes yeux s'écarquillent.
- E... Excuse-moi, je...
- Pourquoi tu t'excuses ?
- C'est juste... ton visage...
- Donc mon visage te fait dire que je suis en seconde, hein ?!
- Désolé, désolé ! Je ne voulais pas te vexer...
Elle soupire.
- De toute façon, tu n'es pas le seul à me dire ça. Mes parents me disent que je suis encore un bébé avec cette face.
- Ah, d'accord...
Je commence à manger dans mon sandwich et la regarde, encore gêné.
- Donc, tu te fais harceler, c'est ça ?
Je hoche.
- Je le savais, j'étais comme toi au collège.
- C'est triste d'être harcelé à cet âge-là, je trouve.
- Tu l'as dit.
- Moi, ça date depuis la fin du collège.
- Ah ouais, et tu en as parlé à quelqu'un ?
Je hoche non de la tête.
- Pourquoi ?
- Peut-être, parce que j'avais peur.
- Si tu ne te confies pas, tu n'auras pas le soutien qu'il faut. Et tu pourrais avoir une dépression ou même passer à l'acte.
- J'ai déjà essayé.
Elle me regarde, sans voix.
- Quoi ?
- J'ai presque réussi, au passage, dis-je, un sourire triste. Je n'ai pas réussi à planter ce couteau dans ma poitrine. J'étais prêt à le faire, mais une chose m'a retenu. Moi-même. Cette voix, m'a retenu et m'a empêchée de commettre l'irréparable alors que le monde entier était contre moi. J'ai déjà fait mes adieux, mais cette voix me disait de lâcher ce couteau et de pleurer. Cela s'est déclenché en l'espace de dix secondes. J'ai lâché le couteau et j'ai éclaté en sanglots.
Il y a un silence entre nous deux et je sens que j'ai tout gâché. J'ai gâché l'ambiance qui s'était installée depuis le début du repas.
Elle détourne le regard et je vois ses yeux se remplir de larmes.
- Elle a eu raison cette voix. Elle t'a sauvé.
Je baisse les yeux, coupable.
- Je suis désolé, si... j'ai gâché l'ambiance.
- Ne t'excuse pas, tu as le droit de le dire. Tu as le droit d'exprimer ce que tu ressens.
Elle me regarde et m'affiche un sourire.
- J'ai failli passer à l'acte, mais on m'a aidée. Et je vais en faire de même pour toi.
Mes yeux se figent de surprise.
- Je ne vais pas te laisser tomber. Même si nous nous connaissons peu, je ferai en sorte que tu ne sois pas seul.
Elle me tend sa main et me sourit.
- Et si nous devenions amis ?
Je la regarde un moment, peu sûr.
- Ai-je le droit de l'accepter ?
- C'est toi qui vois. Je ne te forcerai pas.
J'ai rêvé de ce moment. Celui de voir une main tendue vers moi, un sourire qui m'est destiné et des yeux qui me rassurent.
Je lui souris puis lui prends la main.
- J'accepte. Soyons amis.
- Moi c'est Imène Ali et toi ?
- Je m'appelle Magnus. Magnus Martinsson.
- C'est un beau nom, remarque-t-elle.
- V... Vraiment ?
Elle hoche.
- Magnus Martinsson, répète-t-elle. Ça sonne bien.
Je ris, tout gêné.
- Merci.
Elle me sourit avec tendresse puis détachons nos mains afin de poursuivre notre repas jusqu'ici dans le silence à cause de mon passé tumultueux.
Pour la première fois depuis sa rencontre, son sourire est comme un cadeau qui m'est destiné.
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