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- Mais qu'est-ce que vous faites ?! s'impatiente Phœbé.
Les yeux couverts d'un bandeau et le corps coincé dans une robe qui lui coupe presque la respiration, Phœbé avance à tâtons, à l'aide des deux femmes qui l'accompagnent depuis le début de la journée. Le chemin qu'elles lui font emprunter lui est inconnu et cela l'effraie d'autant plus.
- Attention aux marches, la prévient la voix grave, mais féminine de Kanelle.
- Mais vous allez parler ! grogne l'Afro-Américaine.
- Calme-toi, s'exaspère Kelyanne. Tu le sauras dans quelques secondes...
À peine sa phrase finit qu'elle sent une main ferme se poser sur sa hanche. Son corps se presse contre un autre bouillant et une douce musique se fait entendre, lui permettant de reconnaître Chad immédiatement. Le tissu tombe au sol et les sourcils froncés, ses yeux s'ancrent aux siens.
- Que faites-vous ici ? Je pensais que vous étiez censé travailler ?
- C'était le cas, mais les avantages d'être le patron c'est qu'il finit lorsqu'il le décide, sourit-il avec gaieté.
La jeune femme se mord la lèvre inférieure, se retenant de lui faire des reproches concernant la veille, et s'amuse de l'arrogance qui peint son visage. Par la suite, il la conduit à une petite table disposée sous le kiosque et lui tire sa chaise afin qu'elle s'asseye.
- Et puis-je savoir en quel honneur je suis conviée ?
- Une soirée en tête-à-tête, se réjouit l'homme.
- Il y a une chose que tu veux te faire pardonner ? se hasarde la jeune femme. Comme le fait de disparaître du jour au lendemain ? Sans un seul coup de fil ?
Chad garde le silence, les lèvres pincées d'avoir été si facilement démasqué. Sa réaction provoque un léger rire chez sa compagne qui se contente de le scruter, peu décidée à le retirer de sa gêne. Finalement, il se racle la gorge et ses deux bras droits font leur entrée avec des plateaux. Ils les posent et dans un même geste, ils retirent les couvercles, dévoilant un filet de bœuf, de grosses pommes de terre cuites au four avec du fromage blanc aux herbes et une salade de carottes râpées. Ce repas a l'air succulent. Kanelle fait son entrée avec une bouteille de vin et lui fait un clin d'œil avant de quitter les lieux.
- Je pensais que je n'étais pas censée boire, avance-t-elle.
- Je fais une exception pour ce soir, dit l'Alpha.
- Quelle âme charitable, plaisante la jeune femme en attrapant ses couverts. Je peux savoir quel est ton travail exactement ?
Tout en mangeant, elle écoute attentivement le Sud-Américain lui expliquer en quoi consiste son travail. Elle lui pose toutes sortes de questions et ils dérivent rapidement sur de plus larges sujets bien qu'ils ne traitent pas des plus brûlants. Ils sont sur la même longueur d'onde concernant cette soirée : ils ne la gâcheront pas. Ils discutent de nombreuses heures et soudain, une question germe dans l'esprit de Phœbé. Elle ne lui semble pas source de tensions alors la jeune femme tente sa chance et interpelle Chad :
- Y aurait-il moyen que je reprenne les cours ? se risque-t-elle. Je veux retourner à l'université et finir mes études de comptabilités.
Elle triture nerveusement sa fourchette dans l'attente d'une réponse seulement, sa mine sombre lui fait comprendre d'avance que cela ne se passera pas comme prévu.
- Phœbé, écoute...
- Tu as l'intention de me refuser le droit de m'instruire...? l'interrompt-elle.
Elle ne demande que ses études et lui refuse de réaliser ce seul souhait. Un sentiment de déception s'empare de son être. Qu'a-t-elle cru...? Qu'il accepterait avec un énorme sourire ? Qu'il changerait à la suite d'un malheureux dîner ? Étrangement, elle ne ressent même pas l'envie de s'énerver. Après tout, c'est elle qui s'est mise en tête de croire en lui. C'est elle qui s'est trompée sur son compte. Elle dépose sa fourchette dans son assiette et se met debout.
- Phœbé...
- Merci pour cette soirée, mais je vais rentrer, je suis fatiguée...
L'Alpha essaie de l'arrêter seulement, elle lève la main pour lui faire comprendre de la laisser tranquille. Rebroussant chemin grâce à son sens de l'orientation, elle croise les deux jeunes femmes debout à l'opposé l'une de l'autre, des mètres plus loin. Des hommes apparaissent à leur droite, main autour de leurs épaules, l'étonnant quelque peu : Clugan avec Kelyanne et Gordon avec Kanelle.
Ne leur adressant ni un mot ni un regard, Phœbé s'éloigne d'eux et poursuit sa route jusqu'à ce qu'un craquement résonne derrière elle. Surprise, celle-ci examine la zone d'où provient le bruit et ne voyant rien, elle suppose que ce n'est que Chad qui la suit furtivement. Néanmoins, lorsqu'elle se remet à marcher, une présence se fait ressentir à ses côtés.
- Vous n'êtes pas fatigué de vos conneries ? râle la jeune femme en faisant volte-face.
Malheureusement, il n'y a rien dans cette direction, faisant monter en elle un sentiment d'angoisse. Doucement, elle prononce le nom du loup, mais aucune réponse ne lui parvient.
- Je me présente : Hayden Alexandesco et non, Chad, déclare solennellement une voix dans son dos.
Sursautant, elle virevolte sur la droite, mais ne voit rien dans cette noirceur semi-opaque. Un petit bois encadre le chemin de pierre blanche où les rayons de la lune filtrent avec peine. Dans cette situation, elle a l'impression de faire un bond en arrière jusqu'à son premier rêve avec Chad, à l'exception que l'atmosphère qui y régnait était moins oppressante que celle-ci.
- Il semblerait que tu sois en conflit avec l'Alpha suprême..., souffle ce fameux Hayden. Il ne faut pas lui en vouloir, il est impulsif, colérique, cruel : bête.
- Vous êtes un de ces larbins venus me convaincre de lui pardonner ? crache la jeune femme.
- Moi ? s'esclaffe-t-il. Non. Juste venue faire les présentations : Phœbé Brown, future Luna de la meute de la Demi Lune Morte et donc, la compagne de mon ennemi.
- Votre ennemi ? questionne-t-elle.
- Tu devrais chercher à savoir qui il est vraiment au lieu de te comporter de la sorte, affirme-t-il. Savoir pourquoi un Alpha suprême est allé dans la prison la plus sécurisée du monde... Quoique ce soit assez amusant de voir une humaine avec autant de cran face à un loup de son rang.
Une silhouette apparaît dans la pénombre à quelques mètres d'elle et disparaît avant de réapparaître juste devant elle. Une main gelée se pose sur sa joue et la tripote dans tous les sens, arrachant un grand frisson à son corps. Ce n'est pas un frisson agréable comme avec Chad. Celui-ci a l'air de lui lancer une alerte.
- Je suis sûre que tu serais ravie de connaître la raison, dit-il avec sarcasme.
- Ne me touchez pas, l'interdit-elle en reculant d'un pas.
L'homme réduit l'espace entre eux et glisse son visage dans son cou. Son nez, qui ne cesse de faire des allers-retours en prenant de grandes inspirations, se promène sur cette partie sensible et chaude.
- Tu sens divinement bon, tu sais ? sourit l'inconnu.
- Pour la dernière fois, ne me touchez pas !
Ce compliment sonne à double sens. Elle le sait. Elle le pressent. Ce n'est pas son parfum qui l'attire, mais l'odeur de son sang. La pulsation de son sang à travers son corps. À ce moment précis, un puissant grognement s'élève dans l'air.
- Il semble que nous ayons de la compagnie, sourit Hayden en s'éloignant de l'Afro-Américaine. Chad, mon cher ami !
Un énorme loup noir se place de façon à la cacher de l'étranger et grogne férocement contre lui.
- Tu n'as toujours pas appris à faire autre chose que grogner ? plaisante-t-il.
Le canidé fléchit ses pattes, paré à l'attaque tandis que les ricanements de « l'ennemi » lui parviennent avant de cesser sèchement.
- J'espère que tu te rappelles ce que tu m'as fait parce qu'il t'arrivera exactement la même chose. En pire, en bien pire.
L'envie de vengeance emplit chacun de ses mots. La haine déforme chacun de ses traits. Et le sadisme anime son regard luisant d'une étincelle sournoise. Sur ce, il se volatilise tandis que l'animal se retourne vers la jeune femme afin de la renifler. Avec son museau, il la pousse légèrement tout en l'observant de ses prunelles rouges qui semblent lui souffler une demande. Elle lève la main et l'appuie délicatement sur son museau. Ses doigts se glissent dans son pelage doux et soyeux et se perdent derrière ses oreilles.
- Tu es toi ou tu es lui à travers toi ? Je n'ai aucune envie de me faire acheter, boude-t-elle en continuant à le caresser.
Soudainement, il se couche sur le ventre et l'encourage à grimper sur son dos. Plissant les yeux pour déterminer si elle a à faire à l'homme ou à l'animal, elle lui monte docilement dessus et sans plus attendre, il s'enfonce dans la forêt. Ce n'est pas Chad. Du moins, il n'est pas totalement là et la bête doit sûrement avoir le dessus en cet instant. Elle espère en tout cas. Bâillant bruyamment, elle s'installe confortablement sur le dos de l'animal dont la chaleur corporelle est des plus élevés et s'endort, agrippée à ses poils.
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