Ils discutent tout le long du trajet et au bout d'une dizaines de minutes, ils arrivent au bar. L'ambiance néonisée les engloutit dans une décoration aux teintes vives et ils repèrent leur groupe attablé sur un canapé d'angle plus loin. En l'apercevant, les traits de Rosella se peignent d'enthousiasme et elle lui saute littéralement dessus, ravie que Lenora ait pu se libérer.

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Les allées de Salamanque sont désertes à cette heure tardive de la nuit. Pas un chat ne court les rues et le silence est uniquement brisé par le groupe d'amis. Ils viennent tout juste de quitter le bar qui fermait ses portes et les voici maintenant à errer sans but. L'alcool coule à flot dans le sang de la plupart et seuls deux n'en font pas partie.

Placés en queue de fil, ces derniers discutent paisiblement et font fi des remarques désobligeantes qui leur sont adressées. Perdue dans ses pensées, Lenora prend un certain temps avant de réaliser qu'un bras est en train de se glisser sur ses épaules. Silencieuse, elle saisit la grande main de Rafael et la retire, sans pour autant la relâcher. Elle la garde dans la sienne, profitant de la chaleur qu'elle dégage, et continue de marcher.

— Ma chère Ofelia te reprochera d'être bien trop entreprenant, le prévient-elle avec un faux sérieux.

— Puis-je t'embrasser ? s'enquiert-il de but en blanc. Ses foudres me paraissent plutôt futiles...

— Sous-estimerais-tu sa colère ? riote-t-elle.

Les pas du jeune homme s'interrompent et obligent l'étudiante à faire de même tandis que celle-ci pose sur lui un regard interrogateur. Il s'avance à sa hauteur et ses prunelles luisantes s'ancrent dans les siennes.

— Je suis prêts à m'attirer ses foudres si je peux répondre à mon envie de t'embrasser, dévoile-t-il avec honnêteté.

L'attention de Lenora se porte sur sa bouche à l'aspect savoureux et avec délicatesse, ses doigts caressent sa joue. Ils descendent sur sa nuque et, le rapprochant d'elle, la jeune femme dépose ses lèvres contre les siennes. Leurs paupières closes, elles se meuvent avec douceur et sensualité pendant que la main de Rafael, frôlant sa taille, s'installe dans le creux de son dos.

Les cris moqueurs de leurs amis leur parviennent dans un bruit lointain toutefois, cela ne les arrête pas. Elle n'a aucune envie de s'éloigner et, à mesure que les secondes s'écroulent, la fougue de leur baiser l'entraîne davantage dans un agréable brouillard. Finalement, ses talons retrouvent le sol et à regret, leur échange prend fin.

— Ça te dit qu'on aille prendre un café avant ton service, demain ? quémande-t-il, le regard pétillant.

— Avec plaisir, souffle-t-elle.

Un sourire étire la commissure de ses lèvres et son bras reprend sa place autour de ses épaules. Et avant qu'ils ne rejoignent les autres, il lui embrasse tendrement le front. Le bien-être dans lequel elle est plongée est tel qu'elle a l'agréable impression d'être dans une bulle increvable. La soirée touche à sa fin et habitant le plus près, ils la raccompagnent à son immeuble.

— A lundi, poulette ! la salue Ofelia tandis que Rosella la gratifie d'un doux baiser sur la joue avant de s'éloigner légèrement pour la laisser seule avec Rafael.

— A demain, alors ? s'enquiert celui-ci. Je passerai te chercher pour neuf heures.

La jeune femme acquiesce et il lui vole un dernier baiser. Il rejoint les autres où il se fait moquer par ses amis et rouspéter par Ofelia.

— Et soyez prudents ! leur intime-t-elle alors qu'ils se remettent en route.

— Oui, maman ! hèlent-ils en cœur.

Amusée, elle les suit du regard jusqu'à ce qu'ils disparaissent au coin de la rue et monte dans son appartement. Elle se défait de tout habit et s'affale dans son lit, morte de fatigue.

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— 'Nora !

Surprise d'entendre la voix de son amie de si bonne heure, Lenora se détourne des grilles pour faire face à la brune toute pimpante malgré l'anarchie qui réside au sein de ses cheveux. Quand elle arrive à sa hauteur, ses joues rougies et son souffle rapide attirent son attention. Pourquoi a-t-elle l'allure d'une femme qui vient de déchaîner ses passions ? Sa curiosité à son paroxysme, elle fait fi de ces détails et lui renvoie son sourire.

— Tu es tombée du lit ? se moque-t-elle.

— Non, non ! glousse-t-elle.

Ce n'est tout de même pas ce qu'elle a fait ? Mais avec qui ? Intriguée, son regard se promène sur la petite place qui sépare l'université des autres commerces et lorsque Esteban apparaît plus loin, le doute n'a plus sa place. Ces deux-là sont tout le contraire de matinaux alors leur présence simultanée est tout sauf un malheureux hasard.

— Je n'arrive pas à y croire, rit-elle. Tu te dévergondes un peu trop, jeune fille.

— Je ne vois pas de quoi tu parles, feint-elle, les bras croisés sous la poitrine.

— Esteban m'en dira tant, je suppose...

A l'énoncé de son prénom, elle s'empourpre davantage et Lenora retient de peu un rire alors qu'Ofelia fait son entrée dans son champs de vision.

— Tu devrais faire quelque chose pour tes cheveux, lui conseille la Saragossane. Madame tirée à quatre épingles avec une coiffure pareille est très suspect.

— Rosella ? quémande la nouvelle arrivante, surprise. Que s'est-il passé dans tes cheveux ? Tu as fait un aller-retour en Enfer ou quoi ?

Empêtrée dans la gêne, Rosella s'enfonce dans le campus, certainement en direction des toilettes alors que Lenora et Ofelia partent dans un fou-rire. Pour toute réponse au regard interrogatif de celle-ci, elle nomme le partenaire de la brune et aussitôt, leur rire double d'intensité. Que feront-elles de cette brunette ?

— Bon, je vais la rejoindre avant qu'elle n'empire la situation, déclare-t-elle, essoufflée.

— Je viens avec toi, affirme-t-elle.

— Je ne pense pas, non, l'arrête-t-elle en lui adressant un clin d'œil.

Avant qu'elle ne pose la moindre question, une main se glisse sur son ventre et son dos se heurte contre une surface dure et chaude au moment où des lèvres se posent sur sa joue.

— Bonjour, toi, lui susurre-t-on à l'oreille.

— Rafael ? s'étonne-t-elle en se retournant. Mais qu'est-ce que tu fais là ?

— J'avais envie de te voir alors j'ai fait un détour, avoue le jeune homme.

— Tu ne m'as pas assez vu ce week-end ? se moque-t-elle, le sourcil arqué.

— Pas assez à mon goût...

Il l'embrasse tendrement et son cœur frétille dans sa poitrine alors que son parfum enivre ses sens. Inconsciemment, ses mains agrippent les pans de sa chemise à mesure que leur baiser se fait pressant toutefois, l'endroit dans lequel ils se trouvent lui permet de recouvrir ses esprits.
Elle interrompt leur échange et recule d'une petit pas.

— Tu as des heures de libre cette semaine ? s'informe-t-il.

— Non, j'ai cours jusqu'à vendredi, soupire-t-elle.

— Je passerai tous les matins alors, sourit-il ; je ne suis qu'à six minutes.

Ils bavassent un bref instant et suivant un coup d'œil sur sa montre, Rafael lui signale qu'il est temps pour lui de s'en aller. Il baise son front et s'éloigne en direction de sa faculté de Science à plusieurs centaines de mètres. En chemin, il salue brièvement Esteban et s'en va pour de bon.

— Toi aussi, tu veux faire un tour en Enfer ? s'esclaffe Ofelia en revenant.

— Cela ne serait pas de refus, souffle-t-elle ; mais je préfère attendre encore.

— Que c'est adorable, 'Nora veut bien faire les choses, fait-elle mine de s'attendrir. Mais, que tu le fasses maintenant ou plus tard, tant que ce n'est pas après le mariage, c'est la même direction que tu prendras.

— Mais tu vas arrêter avec cette histoire d'Enfer ?! s'agace Rosella.

— Pourquoi ? Tu préfères nier ta culpabilité ? plaisante-t-elle.

— Non, j'aurais pris la direction de l'université pontificale si me faire bassiner de propos religieux était dans mes projets !

— Je te trouve particulièrement tendue, constate Lenora. Est-ce ton chignon qui est trop serré et qui cause la suppression des bienfaits du déferlement de tes ardeurs ?

Si un regard pouvait tuer, leur corps joncherait à coup sûr le sol, victime d'une terrible fusillade. Rosella leur tourne le dos et, pouffant, elles la rejoignent.

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