𝐭𝐰𝐞𝐥𝐯𝐞
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Miho était une bombe à retardement. Son caractère était aussi changeant qu'un vent en pleine tempête, tout comme sa santé mentale qui dégringolait aussitôt qu'elle remontait. Pourtant, à ce moment précis, alors qu'elle était assise au bord du lit aux couvertures blanches de celui qu'elle considérait comme son meilleur ami, c'était lui qui était une vraie bombe qui attendait d'exploser.
Ryosuke était assit à ses côtés, son visage caché entre ses mains, les coudes posés sur ses cuisses, le cœur battant encore la chamade et les larmes aux bords des yeux. La voix de Mei retentissait dans son esprit, les grésillements du téléphone ayant quittés son souvenir encore frais. Ses dents mordaient frénétiquement le coin de ses lèvres, nerveusement, et il ne savait pas s'il s'apprêtait à tout casser autour de lui ou s'il allait s'effondrer d'un moment à un autre. Cette sensation de perdre le contrôle de lui-même l'énervait encore plus, Ryosuke n'était pas quelqu'un de nerveux, il était calme, contrôlé, composé.
Et, les yeux doux de Miho semblaient dévisageaient ce garçon qu'elle avait devant elle. Ce garçon qu'elle n'avait vu que rarement aussi blessé et perdu. C'était tout nouveau pour elle.
C'était Ryosuke qui était sa bouée, pas l'inverse.
- Miho, je vais tout foirer.
Les premiers mots qui sortaient de sa bouche depuis qu'elle était entré dans sa chambre lui firent l'effet d'une douche froide.
Ses yeux s'étaient écarquillés doucement, comme si les mots avaient fait un à un leur chemin respectif jusqu'à son cerveau, en comprenant le sens.
- Qu'est-ce que tu racontes?
- J'arrête pas de foirer tout ce que je fais.
- N'importe quoi.
Sa voix était dure, son intonation ferme. Elle savait ce qu'elle disait, il deblatarait n'importe quoi.
- T'as aidé une fille que tu connais à peine, t'as des super bonnes notes, t'as une incroyable meilleure amie, tu dors dans des couvertures chaudes, qu'est-ce que tu foires?
Miho n'avait pas besoin d'expliquer beaucoup. Elle avait définitivement raison dans les quelques arguments qu'elle venait de lui balancer, posant sa main sur les siennes.
Veineuses, grandes et chaudes, Miho connaissait ces mains comme sa poche : elle les attrapait soudainement pour tirer Ryosuke derrière elle comme une enfant, elles l'avaient protégés contre une dizaine de choses, elles la rassuraient lorsqu'il les posait sur ses épaules, la faisaient rire lorsqu'il attrapait ses joues pour les tirer avec un air agacé par ses piaillements. Elles avaient sèches ses larmes salées, elles l'avaient rattrapés alors qu'elle s'enfonçait.
Miho connaissait ces mains : elle les adorait. Mais elle les fit doucement glisser contre le visage mate de son ami japonais, délicatement, comme si elle avait peur d'ébrécher Ryosuke.
Ses yeux observèrent le visage du garçon : il était triste, ses sourcils étaient froncés lentement, ses yeux encore légèrement rouges, ses lèvres encore tremblantes des sanglots qui l'avaient sûrement assaillis pendant que Miho rejoignait l'appartement de Shihiro après le coup de fil de l'adulte.
Un rapide silence passa dans la chambre sous tension avant que Miho n'ouvre encore une fois sa bouche pulpeuse :
- Tu foires rien, Ryosuke. Regarde-moi.
Un instant, il hésita lentement avant de lever ses yeux chocolats vers elle. Ses yeux doux, froids, parfois glaçant étaient maintenant suppliants. Ils attendaient de retrouver cette lueur, ils attendaient qu'on les sauve de la noyade.
- Tu foires rien.
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- Hamlet est l'une des plus grandes œuvres de Shakespear. Elle a été traduite dans un nombre fulgurant de langues, elle a fait le tour du monde, ce chef d'œuvre d'art littéraire est un cadeau de la langue anglaise.
Madame Han était déjà partie dans sa tornade de compliments sur Shakespear. Les élèves de terminales, qui avaient eu le malheur ou le courage de s'inscrire à l'option littérature anglaise que proposait le lycée Han, avaient prit l'habitude de la voir prendre cet air théâtral lorsqu'elle parlait de son écrivain préféré.
Et aujourd'hui, Ryosuke avait définitivement du mal à se concentrer sur sa voix claire et passionnée. Elle était pourtant une de ses professeur préférée, mais son esprit ne trouvait pas la motivation de suivre son récit.
Ses yeux restaient bloqués sur la feuille vide de son cahier à spirale, son stylo pincé entre son index et son majeur, le corps comme oppressé depuis ce matin.
Tournant la tête sur la gauche, il aperçut la tête de cheveux noirs de Raein et son ventre se tordit. Elle lui ressemblait tellement que d'en était douloureux pour lui. Elle était soudainement devenu le fantôme de Mei qui hantait ses nuits sans qu'elle ne le sache. Et ainsi, une culpabilité moqueuse se mélangeait à son malaise tandis que son téléphone portable vibrait à nouveau dans sa poche.
Le son sembla un instant faire tiquer madame Han mais elle l'ignora sans faire de remarque.
Le jeune homme en profita pour sortir l'objet de son jeans noir, déverrouillant de l'empreinte de son doigt le portable maintenant posé sur sa feuille blanche. Miho, à quelques places devant lui, se tourna discrètement et fronça ses sourcils en le voyant si concentrer sur le petit écran allumé.
Qu'est-ce qu'il foutait?
Ce matin, elle l'avait trouvé plus énergique que la veille au soir, lorsqu'elle l'avait quitté après un film nul qu'ils avaient décidé de mettre sur la télé de Ryosuke. Il s'était endormi devant, sûrement épuisé par ses pleurs, et Miho était sortie sur la pointe des pieds de l'appartement.
La jeune fille d'origine américaine savait pertinemment à qui il pourrait répondre et cette pensée ne lui plaisait pas le moins du monde.
Alors, elle leva la main.
Madame Han, prise dans une autre vague de compliments et de référence théâtrale sur Hamlet, sursauta en remarquant l'élève aux cheveux emmêlés devant elle. Ce n'était pas dans les habitudes de Miho de demander la parole si on ne l'y obligeait pas. Les sourcils froncés, là professeur de littérature anglaise lui envoya un signe du menton, l'autorisant à parler.
- Madame, Ryosuke ne va pas vraiment bien, je pense qu'il faudrait l'emmener à l'infirmerie.
Le garçon, entendant soudainement son nom sortir de la bouche de son ami qui parlait à voix haute, sursauta sur sa chaise, les yeux paniqués, tournant ici et là sans savoir ce qui se passait. Ses mains tremblaient alors qu'il tentait de ranger son téléphone de manière discrète, les yeux de madame Han déjà sur lui.
L'enseignante le regarda avec des yeux inquiets alors que, la bouche ouverte, il s'apprêtait à protester en foudroyant sa meilleure amie du regard. Triomphante lorsque madame Han parla, Miho croisa ses bras contre sa poitrine.
- C'est vrai que tu as l'air vraiment mal en point, tes yeux sont gonflés, tu as mal au ventre?
- Non, madame, ça va, vraiment.
- Ne prenons aucun risque, quelqu'un va t'accompagner voir monsieur Moon.
Serrant ses dents pour éviter de répondre à la charmante enseignante, Ryosuke continua de regarder Miho comme s'il allait la tuer.
Il allait bien, vraiment, mais tout les regards des autres élèves étaient maintenant portés sur lui et ses yeux gonflés par les pleurs honteux de la nuit dernière et les filles de sa classe gloussaient déjà en levant la main pour accompagner le garçon aux cheveux bicolores.
Toutes, sauf une. Et c'est sur elle que les yeux de madame Han s'arrêtèrent.
- Mademoiselle Moon! Vous êtes en avance sur le programme, rater quelques minutes de cours ne vous fera pas de mal. Accompagnez donc monsieur Yohkomura à l'infirmerie, votre père se fera une joie de l'osculter.
Soudainement surpris, Ryosuke tourna son regard vers Raein, les sourcils arqués.
L'infirmier du lycée Han était donc le père de Raein? Ce n'était pas logique! Son père détestait l'idée que sa fille était au lycée Han, il l'avait bien comprit lorsqu'il avait entendu sa discussion avec Donghae.
Et puis, le garçon oublia ses hypothèses lorsque Raein se tourna vers lui, les joues rouges, e lui sourit doucement, se penchant en avant pour s'excuser auprès de madame Han.
Et Miho, dans son coin, jubila.
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