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chapitre 5

Mattheo se figea lorsqu'elle prononça son surnom et le doute s'installa en lui, pouvait-elle se souvenir ? Son cœur se mit à palpiter frénétiquement tandis qu'Eden écarquillait les yeux de surprise. Elle ne savait pas d'où lui sortait l'idée de l'appeler comme cela mais c''était sorti tout naturellement. 

— Désolée, dit-elle, je ne sais pas pourquoi j'ai utilisé ton surnom.

La jeune fille se mordit la lèvre, elle se souvenait très bien qu'il s'était battu avec Draco parce que le blond l'avait appelé comme ça, il avait alors eu le nez cassé. Mattheo observa Eden et son visage s'affaissa.

— Ce n'est pas grave, murmura-t-il, toi, tu peux.

Il plongea ses yeux profonds dans ceux d'Eden et il eu encore une fois envie de l'embrasser, de la serrer contre lui, s'en était douloureux. Il enfonça ses ongles dans la paume de ses mains pour réfréner cette pulsion et détourna le regard pour les fixer sur le ciel.

— Tu es la seule qui le peut, souffla-t-il.

Mattheo n'ajouta rien de plus et il n'était même pas sûr qu'elle ai entendu. Leur histoire avait été un secret mais Draco avait eu des doutes et s'il l'avait appelé Matty, c'était simplement pour provoquer une réaction. Évidemment, avec son tempérament explosif, le jeune homme n'avait pas pu s'empêcher de frapper son ami. Même Theodore ignorait tout de ce qu'il avait dû affronter, de l'amour dévorant qu'il éprouvait pour Eden, de sa souffrance silencieuse qui le rongeait.

Il savait qu'Eden ne devait pas être proche de lui parce qu'il était dangereux pour elle mais son cœur refusait de laisser s'éteindre cet amour qui le consumait alors il continuait de tourner autour d'elle. C'était une torture douce-amère mais il préférait cela à la torture de son absence. Une part de lui espérait qu'Eden comprenne, que même sans souvenirs, elle comprenne à quel point il l'aimait et qu'il serait prêt à tout sacrifier pour elle.

Eden se leva soudainement et s'approcha du rebord du toit. La jeune fille se pencha dans le vide et observa la pénombre qui l'empêchait de voir le sol. Le vent la poussait légèrement vers l'avant et pourtant, elle resta là. Relevant le regard vers le ciel, elle tendit alors le bras.

— C'est Andromède, dit-elle. L'étoile de l'amour et là, c'est Orion, l'étoile de la mort. Je trouve que c'est ironique qu'elles soient si proches l'une de l'autre alors qu'elles s'opposent.

Mattheo se crispa en la voyant aussi proche du bord mais il suivit son doigt tendu vers le ciel. Il avait toujours aimé l'entendre parler des étoiles, elle en etait passionnée et il avait eu la chance d'être le seul à connaitre cette facette d'elle, à la voir s'illuminer et de l'entendre parler encore et encore jusqu'à ce qu'il doive l'embrasser pour la faire taire. Eden était son Andromède, l'amour de sa vie, celle qu'il aimerait à jamais. Elle avait connu tout de lui et un poids lourd s'installa dans sa  poitrine.

C'était une cruelle ironie qu'ils soient sur ce toit, sous un ciel étoilé à parler d'amour et de mort. Eden se retourna vers lui et lui tendit la main. Il se leva, l'observant dans sa veste trop longue pour elle et approcha.

— Ça te dit d'explorer la mort et l'amour ? demanda-t-elle avec amusement. Promis, ce n'est pas un piège pour te tuer, je ne vais pas te pousser même si ça m'arrive d'en avoir envie.

Mattheo n'avait pas peur qu'elle le pousse, il l'aurait mérité et il préférait mourir de sa main pour que son visage soit la dernière chose qu'il voit. Il glissa sa main dans la sienne et ce simple contact lui coupa le souffle. Des souvenirs affluèrent dans son esprit. Eden, dans son lit après avoir fait l'amour, leurs mains enlacées alors qu'ils marchaient et qu'elle ne cessait de parler.

— Expliquez-moi tout, Mme l'astronome, doit-il avec un sourire en coin.

— Bon alors, tu vois, il y a toujours un lien entre la vie et la mort, entre l'amour et la perte, expliqua Eden. C'est comme les étoiles, certaines meurent pour que d'autres puissent naître. Andromède et Orion sont proches mais ne se touchent jamais, tout comme nous parfois. 

Mattheo exerça une pression sur la main d'Eden qu'elle lui rendit et qui lui donna l'impression que plus rien existait au monde, que tout était redevenu exactement comme avant. Une étoile filante passa au dessus d'eux, laissant des particules scintillantes danser quelques secondes après son passage.

— Ma mère travaillait dans l'astronomie, reprit Eden. Elle m'a apprit un sort que seuls ceux qui travaillent là bas connaissent. Il permet de connaître l'histoire de chaque étoile.

Eden marqua une pause et tourna la tête vers Mattheo.

— Je t'ai dit qu'Orion était l'étoile de la mort mais je peux te montrer pourquoi en revanche, tu ne dois pas lâcher ma main.

— Aucun risque, souffla Mattheo pour lui-même.

Eden lui offrait un sourire qui fit chavirer son cœur, qui lui déchira en plusieurs morceaux. Elle remua les lèvres dans un murmure à peine audible et il ne comprenait aucun mot. Toutefois, il n'eut pas le loisir de lui demander ce qu'elle disait car une vive lumière les enveloppa comme un cocon chaud et apaisant. Il plissa les yeux, aveuglé puis la lueur disparue.

Ils n'étaient plus sur le toit de Poudlard mais dans un sanctuaire céleste ou tout était vif. Des nuages blancs qui ressemblaient à de la barbe à papa flottaient dans le ciel. De grandes arches s'élevaient ici et là et des fleurs lumineuses aux pétales translucides poussaient autour. Leurs couleurs changeaient avec chaque souffle que le vent apportait. Mattheo était subjugué , il n'avait jamais rien vu de pareil. Les arbres en cristal semblaient briller, leurs branches chuchotant des secrets plus anciens que le monde. Il remarqua des papillons qui virvoletaient, laissant des traînées scintillantes dans leur sillage, pareil aux étoiles filantes.

Le jeune homme n'arrivait pas à comprendre ce qu'il voyait mais il avait l'impression d'être au Paradis, hors du temps. Eden s'arrêta au bord d'un lac dont les eaux miroitaient comme du verre poli. En son centre, il y avait un arbre immense immergé qui se dressait fièrement et dont les feuilles ressemblaient à des étoiles. Elles pulsaient comme des cœurs battants.

— Eden ..., murmura Mattheo, cet endroit ...

— C'est le monde entre la réalité et les histoires, explique Eden. Regarde, tu vois ces silhouettes là-bas ? Ce sont des histoires. Elles ne sont plus vivantes mais ce qu'elles ont à raconter est important alors elles sont là. Les âmes fatiguées trouvent le repos ici, les cœurs brisés sont apaisés et l'amour est éternel. C'est là que les histoires d'Orion et d'Andromède prennent vie.

Mattheo dévisagea la rouquine, pourquoi ne lui en avait-elle jamais parlé avant ? Eden l'entraîna sur un petit sentier en pierres blanches aussi lisses les unes que les autres. Sur leur passage, il toucha un nuage du bout des doigts et sursauta lorsque la boule cotonneuse gloussa ce qui fit rire Eden. Le jeune homme avait l'impression d'être dans un rêve et essaya de tout envelopper du regard. Ils s'arrêtèrent devant deux étoiles suspendues qui brillaient d'une même intensité. Gardant sa main dans celle de Mattheo, Eden toucha l'une des étoiles. Une lumière douce éclot et les enveloppa dans son étreinte afin de les emmener avec elle. Une scène se créa devant eux pareil à un dispositif.

Il y a fort longtemps, bien avant la venue des humains sur terre, le ciel était habité par des êtres celestes qui veillaient sur l'univers afin que rien ne vienne perturber l'ordre. Orion faisait partie de ces êtres, c'était un guerrier redouté et respecté de tous dont la mission consistait à protéger l'équilibre des étoiles. Sa constellation brillait d'une lumière intense et rassurante qui illuminait la nuit. Orion était solitaire et dévoué uniquement à sa tâche mais un jour, alors qu'il parcourait le firmament, il aperçut une étoile d'une beauté envoûtante qui différait des autres.

Cette étoile, apprit-il, se nommait Asteria t rayonait d'une lumière si douce qu'elle aurait pu soigner tous les maux. Orion en tomba tout de suite amoureux et pour la première fois, connut l'amour. Chaque nuit, ils se rapprochaient, chaque nuit, le guerrier redouté devenait un poète, influencé par sa dulcinée. Leur amour était si puissant qu'il illuminait le ciel d'une lueur encore jamais vue.

Malheureusement, ce bonheur ne passa pas inaperçu et lesarques, les gardiennes du destin , voyaient cete relation d'un mauvais œil. Un amour entre un être céleste tel que Orion et d'une étoile comme Asteria pouvait perturber l'équilibre cosmique alors, craignant les conséquences de cette union, elles décidèrent de mettre fin à cet amour. Une nuit, tandis qu'Orion était occupé par un faux danger mis en place par les Parques, elles jetèrent une malédiction sur Asteria, la transformant en une force sombre et destructrice que rien ne pourrait jamais sauver.

Asteria perdit sa lumière, devenant un trou noir au coeur de l'espace. Lorsqu'Orion revint et découvrit ce qui était arrivé, il en fût anéantit. Il tenta par tous les moyens de briser la malédiction mais rien n'y fit, la douce étoile qu'il aimait était désormais un vortex de destruction. Accablé par le chagrin, Orion supplia l'univers de lui accorder une faveur. Il demanda à être transformé en une constellation aui veillerait pour toujours sur Asteria, espérant contenir sa puissance destructrice.

Les Dieux, touchés par son désespoir, acceptèrent sa requête. Ainsi, Orion devint une constellation et réussit à maintenir la noirceur d'Asteria en lui, l'engloutissant jusqu'à ne faire qu'un avec elle.

L'histoire s'effaça et Eden se retourna vers Mattheo. Leurs mains se serraient encore plus fort. Le regard du jeune homme croisa celui de la rouquine et il déglutit difficilement. Les cheveux roux d'Eden semblaient en feu dans cet endroit aussi lumineux.

— J'ai pleuré la première fois que j'ai entendu cette histoire, confia Eden. Parfois, je me demande ce qui est pire entre perdre quelqu'un qu'on aime et ne jamais avoir pu vivre cet amour pleinement. L'un est une tragédie et l'autre , un regret éternel. 

Mattheo resta silencieux, pour une fois, il n'avait rien à dire. Du moins, il avait trop de choses à dire mais il ne le pouvait pas alors, il ravala tous ces mots qui se bousculaient dans son esprit et secoua la tête.

— Peut-être que le pire, c'est de vivre avec ce souvenir qui te hante, le souvenir d'un amour que tu as perdu à cause de tes propres erreurs, dit-il.

Le jeune homme regarda Eden, essayant de trouver la force de continuer. Elle devait certainement le prendre pour un fou mais il continua quand même, d'une voix douce.

— Et chaque jour, tu espères pouvoir recommencer à zéro, tout réparer alors que tu sais que c'est impossible et que rien ne sera comme avant,

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