chapitre 11
Eden se redressa brusquement, trébuchant légèrement, et se dirigea en hâte vers la salle de bains. Elle luttait pour respirer, essayant de retirer son sweat avec frénésie avant de le jeter négligemment sur le sol. Face au miroir, elle se tourna pour examiner son dos, cherchant désespérément une échappatoire à la douleur qui la déchirait. Il n'y avait pas de flammes, seulement des brûlures disgracieuses, mais le désir de s'arracher la peau pour échapper à cette souffrance était presque irrésistible. La douleur était une compagne tenace, toujours là pour lui rappeler qu'elle faisait partie intégrante de sa vie. Sa peau était boursouflée, rouge, marquée par la cruauté du feu.
Habituellement, elle se préservait des regards en utilisant un sortilège pour dissimuler ses blessures, mais ce soir, elle était trop épuisée pour maintenir l'illusion. Une plainte étranglée s'échappa de ses lèvres, les larmes continuant de couler sans relâche. Même ses meilleurs amis n'avaient jamais perçu l'ampleur de sa douleur, elle avait toujours su jouer la comédie, cachant son désespoir derrière un masque de normalité. Ironiquement, bien que les rumeurs prétendaient qu'elle venait des Enfers, elle était hantée par la peur du feu, une terreur qui ne l'avait pourtant pas empêchée d'allumer son briquet sur le toit.
Tom grogna et ouvrit les yeux. Encore engourdi, il chercha Eden du regard dans la chambre, réalisant rapidement que sa place était vide. Un malaise croissant lui serra le ventre lorsqu'il entendit une plainte. Il se leva et se dirigea vers la salle de bains. Lorsqu'il ouvrit la porte, il s'arrêta net, la main toujours posée sur la poignée. Le spectacle devant lui était loin de ce qu'il avait imaginé, et l'idée de manipuler Eden s'évanouit devant la réalité de la scène.
Eden se tenait là, en larmes, son regard effrayé fixé sur le miroir, mais c'était l'état de son dos qui frappa Tom de plein fouet. Il savait ce qui s'était passé cet été, mais voir les cicatrices, les brûlures, la peau malmenée fût un choc brutal. La rouquine, horrifiée, tenta maladroitement de cacher les marques. Tom, déstabilisé par la vue de ce spectacle, se força à avancer avec précaution pour ne pas la brusquer. Il s'approcha doucement.
— Eden... Eden, tu dois respirer, dit-il d'une voix étonnamment douce. Respire profondément.
Tom posa ses mains sur les épaules d'Eden, la forçant à le regarder. Il reconnaissait la panique dans ses yeux, une panique qu'il avait lui-même ressentie lorsqu'il avait eu la marque sur son bras. Ces souvenirs étaient enfouis profondément en lui, mais les voir réveillés en Eden le touchait profondément. La rouquine s'agrippa à lui, tremblante, et Tom hocha la tête en signe d'encouragement lorsqu'il vit ses respirations commencer à se réguler.
Il se recula légèrement pour faire couler un bain, ajustant la température de l'eau pour qu'elle soit tiède et apaisante. Avec une douceur inattendue, il souleva Eden et se glissa dans la baignoire avec elle. L'eau enveloppa leurs corps, atténuant la douleur et offrant un répit à ses brûlures.
Tom plaqua son torse contre le dos d'Eden, ses jambes étendues devant eux dans la baignoire. Il plaça leurs mains sur le cœur de la jeune fille, sentant les battements rapides sous ses doigts. De sa main libre, il caressa doucement ses cheveux mouillés, essayant de lui offrir un semblant de réconfort. Il n'avait jamais été un expert en consolation, mais il savait gérer les crises de panique. Lentement, il releva les cheveux d'Eden pour dégager sa nuque et posa ses lèvres contre sa peau, un geste tendre et protecteur.
— Respire calmement, murmura-t-il. Écoute les battements de ton cœur et essaie de respirer en même temps que moi.
Il guida ses respirations, espérant que la chaleur de l'eau et le contact réconfortant de ses bras l'aiderait à retrouver un peu de sérénité. Eden obéit, fermant les yeux tout en prenant une profonde inspiration. Elle la bloqua un instant avant de la relâcher lentement. Sous ses doigts, elle sentit les battements de son cœur se calmer peu à peu, et l'eau chaude sembla apaiser le feu qui brûlait son dos. Lentement, elle replia ses genoux contre sa poitrine et éclata en sanglots.
Tom, d'ordinaire exaspéré par les larmes qu'il associait à une faiblesse insupportable, était pourtant touché en voyant Eden ainsi. Le cœur qu'il avait passé tant de temps à endurcir se serra malgré lui. Instinctivement, il resserra son étreinte, la gardant tout contre lui, comme s'il pouvait la protéger de tout. Eden, d'habitude si forte, si maîtrisée, s'effondrait pour la première fois devant quelqu'un. Peut-être était-ce parce que, pour une fois, elle se sentait vue, appartenant enfin à quelqu'un qui reconnaissait ses douleurs.
— Ne regarde pas mon dos, s'il te plaît, sanglota-t-elle entre deux respirations tremblantes.
La peur que Tom voie ses brûlures, que son regard se remplisse de dégoût, la rendait malade. Elle craignait qu'il découvre à quel point ses marques avaient ravagé sa peau, la transformant en quelque chose qui ne ressemblait plus à ce qu'elle était.
— D'accord, murmura Tom. Je ne regarde pas
Eden se recroquevilla, ses tremblements trahissant son effort pour garder le contrôle. Elle inspira profondément avant de forcer un sourire sur son visage et se redressa légèrement.
— Désolée, dit-elle avec un ricanement nerveux. C'est la fatigue, je divague.
Mais ce soir, même ses mensonges habituels échouaient à cacher ce qu'elle ressentait vraiment. Ses yeux, vides et tristes, restaient ancrés dans un désespoir profond, incapable de refléter l'humour dont elle essayait de se parer. Elle passa une main tremblante dans ses cheveux, fixant un point invisible devant elle, une boule d'angoisse coincée dans son estomac.
— C'est stupide, vraiment, reprit-elle. Je raconte n'importe quoi.
Elle se racla de nouveau la gorge, comme pour effacer la vérité qui montait en elle. Mais à force de mentir, elle avait perdu de vue qui elle était réellement. Face à Tom, ce rôle qu'elle jouait si souvent lui semblait soudain impossible à tenir. Peut-être était-ce à cause de la douceur inattendue dans son regard, ou de la manière dont il l'avait réconfortée avec une tendresse insoupçonnée. Les barrières qu'elle avait soigneusement construites s'effondraient, et sans le vouloir, elle commença à parler, sa voix brisée.
— J'ai essayé de sauver mes parents, lâcha-t-elle enfin. Il y a eu un incendie cet été. Je ne sais même pas comment je me suis retrouvée dehors, mais la maison brûlait déjà. Je suis entrée, j'ai crié pour les appeler... mais il n'y avait que le son des flammes, détruisant tout. Une poutre m'est tombée dessus, et mon t-shirt a pris feu. Je ne sais pas comment je suis sortie, j'aurais dû mourir, dit-elle, mais je me suis réveillée à l'hôpital.
Eden trembla encore, ses mots emplissant la pièce d'une douleur qui dépassait la simple souffrance physique. C'était la première fois qu'elle laissait quelqu'un voir ce qu'elle cachait derrière ses sourires et ses mensonges.
Eden se mordit la lèvre, le souvenir de cet incendie la hantait encore, sans cesse. Elle se demandait souvent comment elle avait pu se relever, alors que la lourdeur de la poutre et la douleur de ses chairs brûlées étaient gravées dans sa mémoire. Ses cheveux avaient même dû être coupés, si abîmés par le feu. Tom l'observa avec une inquiétude qu'il ne reconnaissait pas en lui-même. Lui, qui ne se souciait jamais de personne, se souciait d'Eden à cet instant précis. Où était passée sa volonté de la manipuler? C'était pourtant le moment parfait, Eden était brisée, vulnérable. Un soupçon de manipulation aurait suffit pour la lier à lui, définitivement.
Mais il n'en fit rien. Il resta silencieux, écoutant chaque mot qu'elle prononça. Tom savait ce qui s'était passé ce jour-là, du moins en partie. Il n'avait jamais imaginé à quel point Eden avait souffert. Son père avait simplement mentionné qu'elle était en vie, mais Tom n'avait pas cherché à savoir à quel prix. Il ignorait que Mattheo l'avait emmenée à l'hôpital, et qu'elle avait frôlé la mort.
— Je suis désolée, murmura-t-elle finalement. Je n'aurais pas dû m'endormir. Quelle idiote... Je te raconte ma vie alors que ça n'a aucun intérêt.
— Tu n'es pas une idiote, Eden, répliqua Tom doucement, sa voix grave emplie d'une sincérité rare. Arrête de dire ça. Tu as été courageuse, tu as survécu.
L'évocation de la survie résonna en lui, lui rappelant son dégoût pour Harry Potter, le survivant que son père détestait tant. Pourtant, il se pencha et déposa un baiser léger sur le front d'Eden, un geste presque protecteur, qu'il ne se serait jamais cru capable de faire.
— Eden, regarde-moi, dit-il en prenant doucement son visage entre ses mains. Tu n'es pas un monstre. J'ai des cicatrices moi aussi, beaucoup, et je n'ai pas honte. Elles font partie de moi. Tu ne devrais pas te sentir mal d'en avoir. Elles montrent à quel point tu es forte.
Bạn đang đọc truyện trên: Truyen247.Pro