𝐗𝐗𝐈 | 𝐓𝐡𝐞 𝐃𝐚𝐰𝐧 𝐢𝐧 𝐲𝐨𝐮𝐫 𝐄𝐲𝐞𝐬
*l'aube dans tes yeux.
Cr. artist : Onanario
☾
Le doux soleil d'une fin d'été inondait la petite chambre d'une lumière dorée, projetant des ombres chaleureuses sur les murs.
Jungkook cligna des yeux, troublé par cette clarté inhabituelle. L'éclat lui semblait trop vif, presque irréel après l'obscurité et le froid du fleuve. Il plissa les paupières, tentant de s'habituer à la lumière.
Lentement, il réalisa que les rideaux avaient été écartés, laissant entrer toute la chaleur du jour. Ce n'était plus le matin depuis longtemps. Malgré les brumes voilant son esprit, il supposa que le jour était déjà bien avancé, quelque part au milieu de l'après-midi.
Mais le temps lui paraissait flou, insaisissable.
Il se sentait désorienté, comme si un poids invisible l'écrasait. Sa tête était lourde, bourdonnante, envahie par une brume tenace. Ses pensées s'échappaient, difficilement regroupées. Son corps engourdi par la fatigue et la douleur refusait de répondre. Une oppression lui serrait la poitrine, chaque respiration était arrachée à l'air ambiant comme un combat rude et laborieux, comme si l'eau glacée s'accrochait encore à ses poumons.
Il inspira profondément, mais l'air qui entrait dans sa poitrine était trop lourd, lui rappelant les effets de la noyade. Glacé et brûlant. C'était cruellement inconfortable.
Soudain, une toux rauque et douloureuse éclata de ses lèvres, secouant son corps affaibli. La douleur irradia dans sa poitrine. Chaque spasme lui rappelait le souvenir de sa lutte pour survivre, pour remonter à la surface. Il grimaça, ses muscles tendus, se crispant sous l'effort. L'effet meurtrier du fleuve persistait en lui, comme un fantôme impossible à chasser.
Alors qu'il essayait de reprendre son souffle, des images floues et terrifiantes de tourbillons d'eau le hantèrent, le plongeant dans un maelstrom d'angoisse et de réconfort étrange.
L'eau noire du Han.
Les mains de Shin, implacables.
La panique sourde.
La lutte acharnée.
Le manque d'air et la sensation atroce de ses poumons assoiffés d'air.
Les ténèbres.
La mort.
Un sursaut de conscience lui coupa le souffle. Il réalisa alors, entre épuisement et panique, qu'il était vivant.
Il prit une profonde inspiration, luttant contre la toux qui menaçait de revenir. Peu à peu, il apaisa sa respiration haletante, domptant les battements effrénés de son cœur, puis ferma les yeux.
Son cœur lui faisait étrangement mal.
Son esprit encore engourdi ne cessait d'errer dans les remous du fleuve. Il était sûr que la mort l'avait l'emporté. Les souvenirs flottaient, flous, insaisissables. Sa mémoire flanchait face aux événements récents. Chan était parvenu à s'échapper, mais ensuite... Shin avait tenté de le noyer. Il avait prononcé quelque chose, des mots qui l'avaient heurté, exacerbé. Pourtant, tout lui semblait flou, insaisissable.
Il grinça des dents, frustré face à ce mystère encore hors de portée.
Il baissa lentement les yeux vers ses mains. Elles tremblaient légèrement, comme si l'effort de les maintenir immobiles les faisait faiblir encore davantage. Ses sourcils se froncèrent alors qu'un sentiment de malaise s'enracinait en lui. Son corps lui paraissait étranger, d'une lourdeur dérangeante et d'une fragilité qu'il ne reconnaissait pas.
Il prit conscience qu'il avait été placé en position mi-assise.
C'est curieux.
Il bougea légèrement.
Le malaise s'accentua.
Chaque mouvement semblait puiser dans des forces qu'il n'avait plus. Ses bras lui semblaient pesants, chaque muscle récalcitrant, et ses jambes, molles, se dérobaient presque.
Une bouffée de chaleur lui monta à la tête, accentuant ce malaise persistant, cette faiblesse diffuse qui le laissait inquiet. Le moindre mouvement lui paraissait risquer de briser ce corps devenu fragile, comme s'il n'était plus que l'ombre de lui-même.
Une légère panique s'insinua en lui, écho fantomatique de cette lutte contre l'eau glacée.
Jungkook tourna légèrement la tête, son regard errant dans la pièce, cherchant de l'aide, une explication, un soutien. Quelqu'un.
Oh, mon Dieu.
Son cœur fit un bond dangereux. Il haleta et plaqua vivement sa main sur sa poitrine, le souffle court, les yeux écarquillés se fixant sur une silhouette.
Namjoon.
Là, allongé à côté de lui, presque roulé en boule, la tête reposant sur un coussin près de son flanc. Jungkook sourit doucement, malgré son état préoccupant.
Même dans le sommeil, le visage de Namjoon restait tendu, marqué par l'épuisement et la peur. Ses vêtements étaient encore froissés, ses cheveux en désordre, mais la vue de cet homme, son homme, lui permit un doux retour au calme.
Jungkook inspira difficilement, la brûlure semblant arracher un peu plus ses poumons. Pourtant, cette fois, une chaleur inattendue glissa doucement en lui, une présence rassurante malgré l'inconfort lancinant qui persistait.
Il voulut tendre la main, le toucher, s'assurer qu'il n'était pas une chimère née de son esprit harassé. Mais son corps restait figé, captif d'une inertie étrangère, ses membres alourdis, engourdis, comme s'ils avaient désappris à lui répondre.
Ses lèvres s'entrouvrirent, laissant un murmure s'échouer au seuil de sa gorge meurtrie, mais aucun son ne naquit. Il percevait chaque cicatrice gravée en lui par sa bataille contre l'eau et la mort.
Sa voix n'était pas encore prête pour les mots.
Alors, il se contenta de contempler Namjoon, de le sentir près de lui, s'ancrant dans sa présence familière et ô combien rassurante, chassant l'angoisse rampante.
Il aurait voulu tant lui dire, lui murmurer qu'il était là, bien vivant, que ses battements de cœur étaient bien réels sous sa poitrine alourdie. Qu'il n'avait plus besoin de s'inquiéter, que le pire était passé...
La porte de la chambre s'ouvrit doucement, laissant entrer une autre silhouette. Jungkook releva la tête, et son visage s'illumina d'un sourire fragile mais sincère sur ses lèvres légèrement sèches et gercées.
Taehyung.
La tête baissée, occupé à refermer la porte, ce dernier entra en silence, un plateau-repas pour Namjoon dans les mains. Il s'immobilisa brusquement en croisant le regard de Jungkook, éveillé, un sourire discret illuminant ses lèvres malgré la fatigue évidente qui pesait sur lui. Ses yeux brillèrent d'une vive émotion. Il s'approcha, délaissa le plateau avec précipitation près du lit, et se rua vers Jungkook, l'émotion lui faisant oublier la présence endormie de Namjoon.
« Jungkookie ! s'exclama-t-il. Tu es enfin réveillé ! »
À ses mots, Namjoon se redressa d'un coup, le cœur bondissant furieusement, ses yeux écarquillés d'effroi, comme s'il venait d'être arraché à un cauchemar trop réel. Son souffle se coupa, cherchant désespérément Jungkook du regard, ses pupilles sombres et dilatées reflétant une angoisse encore vive.
Il perçut sans vraiment l'écouter un « Oh, mince, désolé, Joon ! » lancé par Taehyung dont l'enthousiasme débordant montrait l'absence de véritable regret.
Son regard fébrile s'accrocha à celui calme et éreinté de Jungkook.
Un instant de silence figé s'étira, presque irréel.
Namjoon cligna des yeux, l'incrédulité peignant chaque trait de son visage. Ce simple contact visuel laissait son cœur battre à un rythme irrégulier, témoignant de l'intensité de son soulagement et de sa terreur mêlés.
Quand Jungkook esquissa un sourire, aussi faible soit-il, Namjoon sentit une vague d'émotions déferler en lui, trop brutale pour qu'il parvienne à la maîtriser. Un flot d'images l'envahit. Jungkook inerte, la froideur de l'eau, de sa peau, la peur terrassante d'apprendre sa mort...
Sa gorge se noua. Il se demandait s'il était enfermé dans un mirage. Que le réveil serait cruel. D'une main tremblante, il se pencha lentement vers Jungkook, ses doigts effleurant son visage comme s'il craignait qu'un contact trop brusque ne le brise ou le fasse disparaître à nouveau.
Namjoon osait à peine respirer. Ses mains pressèrent doucement les joues de Jungkook, ses pouces traçant les contours de ce visage qu'il croyait à jamais perdu.
Il ne quittait pas ses yeux.
« Tu... tu as ouvert les yeux... ? », souffla Namjoon, les sourcils froncés.
Pour lui, tout n'était qu'un songe cruel, une illusion irréelle qui lui faisait plus de mal que de bien. Mais sa voix brisée avait résonné d'un soulagement qui lui coûtait presque tout le souffle de ses poumons.
« Namjoon... », murmura Jungkook.
Namjoon sursauta.
Il a... !
Il battit des paupières, son expression se muant en un étonnement profond.
Alors c'est réel... ? Il est revenu ?
Ses yeux brillèrent, ses larmes sur le point de couler. Il se perdit dans les traits affaiblis de Jungkook, cherchant à imprimer chaque détail, chaque infime preuve de sa survie. La tension dans son propre corps ne se relâchait pas. L'écho de sa peur passée refusait de le libérer.
« Tu es vraiment là... ? »
Sa voix n'était qu'un murmure fragile et vacillant. Son regard restait rivé sur Jungkook. Il n'arrivait pas à regarder ailleurs, la simple pensée de le perdre à nouveau broyant son cœur.
Malgré sa fatigue écrasante, Jungkook ouvrit de nouveau des lèvres légèrement tremblantes, et les mots réussirent à franchir la barrière de sa gorge éraflée.
« Oui. »
Chaque mot émergea de ses lèvres avec une lenteur difficile. Une certitude douce adressée à Namjoon, mais qui, d'une manière apaisante, atteignait aussi Taehyung. Silencieux, ému, et le cœur léger, il les observait sans oser troubler la magie de leurs retrouvailles.
Le soleil baignait leurs silhouettes immobiles d'une lumière douce. Jungkook percevait cette chaleur enveloppante, mais son esprit était encore engourdi par la faiblesse. Il peinait à saisir pleinement l'instant, même la silhouette silencieuse de Taehyung, toujours présente à leurs côtés lui parut irréelle. Il la percevait vaguement, comme une ombre bienveillante.
Mais tout le ramenait à Namjoon. À cette main rassurante qui encadrait toujours son visage. À ses yeux brillants et ses doigts encore tremblants. Il était son ancrage.
Taehyung fixa le visage épuisé de Namjoon, chaque trait tiré trahissant les deux jours d'angoisse et de veille qui l'avaient usé. Il observa avec un sourire doux la scène qui se déroulait devant lui, soulagé. Le poids des deux jours d'angoisse s'allégeait peu à peu en voyant Jungkook éveillé, conscient, et même capable d'offrir un fragile sourire.
Il s'était tenu en retrait jusqu'à ce que Jungkook le remarque. Et maintenant, il s'approchait lentement, son regard lumineux, empli d'affection.
« Bon retour parmi nous », murmura Taehyung.
Il s'agenouilla près du lit, juste derrière Namjoon, qui restait tout aussi immobile, fasciné par le moindre mouvement de Jungkook. Un large sourire aux lèvres, Taehyung posa une main légère sur son bras, presque hésitant, comme s'il avait encore du mal à croire que Jungkook était réellement revenu à lui.
Ce dernier le regardait, les yeux fatigués se posant sur lui. Il lui sourit faiblement, reconnaissant pour sa présence.
« Tu nous as fait une sacrée peur, tu sais ? dit Taehyung avec une tentative de légèreté dans la voix, bien que l'émotion ne soit qu'à demi dissimulée.
— Désolé... »
Ce mot lui arracha un effort, sa gorge portant encore les stigmates de l'eau et des deux jours de silence.
Taehyung esquissa une mine outrée.
« À peine éveillé, et te voilà déjà à débiter des absurdités ? Il n'y a rien à pardonner à celui qui a sauvé l'héritier ! Tu as fait preuve d'un courage admirable, Kookie. »
Jungkook grimaça à ce surnom, puis esquissa un petit sourire gêné. Taehyung serra doucement son bras, son regard se teintant d'une légère gravité.
« Il faut que tu te reposes, d'accord ? Et laisse Namjoon s'occuper de toi. Il en a besoin autant que toi. »
Bien que confus, Jungkook hocha lentement la tête, son mouvement entravé par la fatigue. Une vague de gratitude envahit son cœur, rendant son sourire un peu plus vibrant, malgré sa faiblesse.
« Merci, Tae hyung... », mima-t-il de ses lèvres.
Taehyung hocha la tête en retour, puis se releva avec précaution.
« Je vous laisse tous les deux, dit-il en se dirigeant vers la porte. Joon, on se voit plus tard. »
Il lança un dernier regard à Namjoon, qui, absorbé par l'état de Jungkook, finit par lui adresser un signe de tête, ses yeux toujours emplis de cette lueur reconnaissante et fébrile.
Une fois seuls, Namjoon abandonna les digues fragiles qu'il avait érigées, laissant les vagues d'émotions l'assaillir. Le soulagement, si intense, lui serra la gorge au point de lui couper le souffle.
Incapable de se retenir davantage, il se pencha, posant son front contre celui de Jungkook, fermant les paupières pour savourer ce simple contact. Cette chaleur ténue, mais réelle.
Il fronça les sourcils, s'efforçant de retenir des larmes prêtes à jaillir, emporté par l'intensité poignante de cet amour mêlé de peur inscrits en lui telles des cicatrices indélébiles.
« C'est un miracle que tu sois déjà éveillé... »
Une main tremblante effleura doucement la joue froide de Jungkook, tandis que l'autre se posa sur son cœur. Il s'assurait, encore et encore, qu'il était bien là, qu'il respirait, que son cœur battait malgré sa fragilité apparente.
« Tu es encore un peu froid. »
Son inquiétude transparut dans le timbre doux mais inquiet de sa voix.
Jungkook ferma les yeux sous ce contact, un heurt le traversant bien au-delà du corps. Dans la voix éraillée de Namjoon vibraient la peur et l'angoisse, lourdes et tenaces. Chaque nuance témoignait une blessure, une fragilité que Jungkook percevait avec une douloureuse clarté.
Comme si les cris de Namjoon avaient arraché chaque mot à son âme.
« Tu veux boire ? »
Jungkook hocha lentement la tête, ses paupières lourdes de fatigue. Namjoon l'aida à se redresser un peu plus, et approcha un bol d'eau fraîche de ses lèvres, glissant une main douce sous sa nuque pour le soutenir pendant qu'il buvait.
Le liquide apaisa instantanément Jungkook, qui se laissa ensuite retomber sur les oreillers, les yeux clos, retrouvant dans leur douceur un réconfort bienvenu.
Jungkook ouvrit paresseusement les yeux, son regard encore voilé par la brume de la convalescence se posant sur Namjoon, qui déposait délicatement le bol sur le plateau, l'air plus apaisé, mais toujours vigilant.
« J'ai dormi longtemps... ? », s'enquit-il dans un souffle rauque et éraillé.
Une main faible s'agrippa au haut de Namjoon, comme pour s'assurer qu'il était bien ancré dans la réalité. Namjoon releva légèrement la tête, un sourire fin, presque triste.
« Deux jours. »
Jungkook cligna des yeux, hébété, la notion du temps encore floue, perdue dans le brouillard de sa conscience malmenée.
« Quoi... ? »
Jungkook tenta de s'éclaircir la gorge afin de parler davantage, mais une grimace déforma aussitôt son visage, une douleur aiguë irradiait dans sa poitrine.
Une quinte de toux l'ébranla, violente, chaque spasme enflammant ses poumons, comme s'ils rejetaient l'air qu'ils étaient contraints d'aspirer à nouveau. Ses côtes meurtries protestaient à chaque sursaut, l'obligeant à fermer les yeux, comme s'il pouvait fuir l'emprise de la douleur.
Saisi par la panique, Namjoon posa une main tremblante sur la poitrine de Jungkook, cherchant à apaiser les tremblements fébriles de son corps affaibli. La chaleur de sa paume offrait une fragile consolation, qu'il devinait pourtant dérisoire.
Son âme s'affolait à l'idée de voir Jungkook si vulnérable, ses peurs se ravivant malgré le réconfort récent.
« Tiens, bois encore un peu. »
Les mains tremblantes, il remplit de nouveau le bol et le porta précautionneusement aux lèvres de Jungkook. Il but avec lenteur, chaque gorgée étant une épreuve. L'eau fraîche apaisait doucement le feu dans sa gorge, le soulageant à peine.
« Ça va mieux ? »
Jungkook secoua faiblement la tête, ses lèvres étirées en un sourire pâle. Il releva les yeux vers Namjoon, cherchant à alléger l'atmosphère.
« Deux jours... J'ai manqué la fête », lança-t-il avec une pointe d'humour.
Sa voix était un peu plus audible, bien qu'affaiblie et plus rauque.
Namjoon demeura un instant hébété, puis étouffa un bref rire avant de secouer la tête, les émotions toujours vives s'apaisant peu à peu. Il observa Jungkook, scrutant son visage marqué par l'épreuve, mais chaque seconde passée à le contempler éveillé était un baume pour son cœur tourmenté.
Son âme vibrait, reconnaissante de pouvoir admirer ces yeux profonds, même fatigués, et d'entendre la mélodie de sa voix, même affaiblie.
« Tu es vraiment incorrigible. C'est ça, ta première pensée au réveil ? Je suis déçu, Jeon. »
Jungkook lâcha un souffle faible, amusé.
Cet instant léger leur semblait presque irréel après tout ce qu'ils avaient traversé.
« Nam ? »
Bien que faible et légèrement rauque, sa voix captiva immédiatement Namjoon qui se redressa aussitôt, prêt à répondre à la moindre demande.
« Oui ? répondit-il avec douceur.
— J'en veux. »
Jungkook désigna du menton le plateau-repas déposé par Taehyung derrière Namjoon. Ses yeux étincelants trahissaient un appétit soudain. Namjoon suivit son regard. C'était son propre plateau, mais il hocha la tête avec un petit sourire indulgent.
« Tu es sûr ? Tu n'as pas de nausées ?
— Non. Je pourrais dévorer un cheval entier, hyungie. »
Amusé, Namjoon se munit du plateau et le déposa précautionneusement sur les genoux de Jungkook, veillant à ce que tout soit stable.
Les yeux de Jungkook s'illuminèrent à la vue des mets, contrastant avec l'épuisement qui y brillait. Une soupe encore légèrement fumante, un riz délicatement parfumé, des légumes croquants et des tranches de bœuf marinés à la perfection. Pour quelqu'un qui venait de frôler la mort, c'était un véritable festin.
L'odeur des aliments lui fit réaliser à quel point son corps avait besoin de réconfort.
Il tenta de se redresser dans le lit, ses mouvements prudents et mesurés, chaque geste amplifiant l'inconfort dans ses muscles engourdis. Une grimace passa sur son visage lorsqu'il s'appuya sur les coussins soigneusement disposés pour le maintenir mi-assis.
Alerte, Namjoon guettait chaque signe de faiblesse avec une attention presque excessive, prisonnier d'une inquiétude qu'il n'arrivait pas à apaiser.
Namjoon lui tendit doucement une paire de baguettes.
« Prends ton temps. »
Jungkook les saisit. Sa main trembla légèrement, comme si l'effort était colossal. Ses sourcils se froncèrent. Il s'appliqua à attraper un morceau de viande. À peine l'eut-il soulevé que la bouchée glissa, retombant mollement sur le plateau. Il tenta à nouveau, mais cette fois, ce furent les baguettes qui lui échappèrent. Son regard se posa sur ses doigts, comme s'ils n'étaient plus les siens.
Une vague de frustration l'envahit.
« Non, mais quel désastre », grommela-t-il.
Il soupira, ses épaules s'affaissant légèrement, tandis qu'il regardait un Namjoon perdu dans ses pensées, l'air de réfléchir à ce qu'il venait de voir.
« Nourris-moi, avant que je m'étrangle avec ma dignité. »
Caustique, il masqua sa gêne par un sourire espiègle, bien que sa voix se brise légèrement à la fin.
Namjoon ne put réprimer un petit rire. Il attrapa les baguettes, les tenant avec assurance.
« Si tu en plaisantes, je suppose que c'est bon signe. »
Jungkook haussa les épaules en émettant un petit souffle amusé.
« Quel brillant espri... »
Une quinte de toux l'interrompit, sa gorge irritée révoltée par l'effort. D'une main tremblante, il pressa sa poitrine, cherchant son souffle, tandis qu'une douleur familière s'insinuait, enserrant ses poumons dans une étreinte cruelle.
« Ne parle pas beaucoup, Jungkook », souffla-t-il, inquiet, se penchant instinctivement vers lui.
Jungkook leva une main faible pour lui faire signe que tout allait bien, malgré son teint pâle et son souffle laborieux. Puis, avec un sourire mutin, il ouvrit la bouche, imitant un oisillon attendant sa nourriture.
Namjoon ne put s'empêcher de sourire face à cette tentative de légèreté.
Il saisit le bol de soupe et, à peine eut-il trempé la cuillère dans le liquide fumant qu'un clappement de langue sec, réprobateur et impatient le figea. Intrigué, il releva la tête et rencontra le regard perçant de Jungkook, fixé avec insistance sur l'assiette de...
« Viande. »
Namjoon haussa un sourcil, un éclat amusé passant dans ses yeux. Son regard glissa de Jungkook à l'assiette garnie de lamelles juteuses, avant de revenir se poser sur lui.
« Après. Commence par la soupe pour ne pas brusquer ton cor...
— Nan.
— Mais tu vas...
— Viande », répéta-t-il d'une voix bougonne, levant des yeux aussi fixes qu'un faucon surveillant sa proie.
Son doigt pointa vers l'assiette comme s'il s'agissait d'un trésor inestimable. Face à son regard brillant d'une détermination farouche et presque enfantine, Namjoon émit un petit rire, et capitula. Il posa le bol et la cuillère en soupirant, comme un médecin contrarié par un patient têtu.
Puis, sans un mot, il se pencha pour déposer un baiser furtif sur la pommette de Jungkook. Le rouge qui fleurit sur ses joues eut le don de lui arracher un sourire en coin.
« Très bien, mon prince capricieux. »
Il pinça une lamelle de viande qu'il porta avec précaution à ses lèvres.
« Voici donc le mets divin que votre majesté exige, mais allez-y doucement, je vous en prie », déclama-t-il avec une révérence simulée.
Jungkook pouffa tout en tendant déjà le cou comme un oisillon affamé, ouvrant la bouche avec une expression mi-triomphante, mi-ravie. La viande disparut rapidement entre ses lèvres, et il ferma les yeux avec une expression de délice exagérée, lâchant un soupir de satisfaction presque dramatique.
Namjoon secoua la tête, un sourire en coin.
« Content ? »
Jungkook tarda à répondre, mastiquant lentement, sa satisfaction s'étirant presque jusqu'à l'arrogance. Ses paupières mi-closes reflétaient une extase gourmande digne d'un banquet royal.
« Encore. Trois morceaux d'un coup », murmura-t-il avec un aplomb désarmant.
Namjoon s'esclaffa, désarmé.
« Tu sais que tu es censé être convalescent, pas roi des caprices ? »
Il tendit néanmoins trois lamelles, incapable de résister à cette obstination à la fois exaspérante et terriblement charmante.
Jungkook mastiqua sa bouchée avec une lenteur presque théâtrale, comme s'il pesait chaque mot à venir. Puis, levant un regard espiègle vers Namjoon, un sourire malicieux étira ses lèvres.
« J'espère que tu comprends que je n'ai pas l'intention de m'arrêter, hyungie. »
Namjoon leva les yeux au ciel, bien que son petit sourire trahisse sa fausse indignation.
« Me voilà officiellement ton serviteur personnel. Quelle vie ingrate.
— Ne fais pas semblant de te plaindre. Tu aimes me choyer, et tu es celui qui m'a habitué à un traitement royal. »
Namjoon inclina subtilement la tête, laissant une lueur malicieuse danser dans ses yeux. Il s'approcha suffisamment pour que sa voix s'adoucisse et frôle le murmure.
« Oh, mais qui a dit le contraire ? Et si je suis ton serviteur, tu as intérêt à bien me payer... »
La pique atteignit son but, et Jungkook sentit ses joues s'embraser sous le regard brûlant et sans équivoque de Namjoon.
« En sourires, évidemment, susurra-t-il, son souffle butant contre sa peau. À quoi pensez-vous, Votre Altesse ?
— Yah ! fulmina-t-il, le visage écarlate. Je n'ai pensé à rien, cesse donc de... »
Un doigt se posa sur ses lèvres, l'interrompant, tandis que l'espièglerie dans le regard de Namjoon laissait présager quelque fourberie.
« Les serviteurs aussi ont leurs exigences. »
Sans attendre de réponse, Namjoon se pencha et effleura le coin des lèvres de Jungkook d'un baiser léger. Une chaleur brûlante envahit aussitôt le visage de ce dernier, qui, l'espace d'un instant, demeura figé, les yeux et la bouche grands ouverts.
En parfait maître de la situation, Namjoon en profita pour glisser la bouchée entre ses lèvres avec un sourire narquois, presque provocateur.
« Mange. Il faut bien que je prenne soin de mon prince capricieux. »
Outré, abasourdi, Jungkook ouvrit sa bouche pleine, cherchant désespérément une réplique, mais les mots se dérobèrent, laissant place à un silence hébété. Namjoon lui releva doucement le menton pour refermer sa bouche entrouverte, réprimant un rire. Irrité, Jungkook détourna vivement le visage, le fusillant du regard. Il maudit ses joues qui s'empourpraient davantage, tandis qu'il mâchait nerveusement, partagé entre l'embarras, l'agacement, et l'irrésistible envie de riposter à sa façon.
Trop fatigué pour se lancer dans une querelle, il se contenta de marmonner des paroles indistinctes, arrachant à Namjoon un éclat de rire qui lui valut aussitôt un regard noir. Mais, fidèle à ses habitudes, Namjoon riposta avec son arme douce et imparable : un baiser déposé sur sa joue.
Et Jungkook, démuni, n'était qu'un homme faible face à une tendresse pareille.
« Tricheur. Tu es énervant, grogna Jungkook, partagé entre l'irritation et le plaisir que ce geste lui procurait.
— Je sais, tu me l'as dit mille fois », répondit-il avec un rictus narquois, fier de lui-même.
Jungkook leva les yeux au ciel, marmonnant.
L'instant devint plus paisible, intime. Le poids des événements récents s'était allégé, ne laissant place qu'à cette tendresse simple, à ce lien profond qui les unissait.
Après avoir avalé la moitié des plats, Jungkook lâcha un soupir de contentement.
« Ça fait du bien... »
Namjoon sourit, sa main toujours occupée à préparer la prochaine bouchée.
« Tu es repu ? »
Jungkook secoua la tête, ses paupières se fermant brièvement sous l'effet d'une fatigue tenace. Mais il était apaisé, et cela suffisait à Namjoon pour ressentir un soulagement profond. Il lui continua de le nourrir, prenant soin de ne pas le presser.
« Tu as un bon appétit, tu récupères bien. C'est bon signe.
— Hé, je te rappelle que j'ai dormi deux jours. Mon appétit d'ogre a doublé. »
Namjoon arqua un sourcil amusé.
« Comme s'il n'était pas déjà colossal. »
Jungkook haussa exagérément les sourcils, mutin.
« Et en pleine forme, à ce que je vois, railla Namjoon.
— Moui, pas tout à fait. Mais il en faut plus pour m'abattre, tu s... »
Il se tut brusquement. Une nouvelle toux plus légère le secoua. Namjoon réagit aussitôt, posant une main rassurante sur son épaule pour lui donner un point d'ancrage. Jungkook inspira lentement, son souffle enfin apaisé, et lui offrit un sourire contrit.
« Raconte-moi ce que j'ai manqué. Ces absences dans ma mémoire me perturbent. Aux dernières nouvelles, Shin m'a... »
Il s'interrompit, son regard se perdant dans le vague. Ses sourcils se froncèrent légèrement alors qu'il tentait de rassembler les fragments épars de souvenirs. C'était comme essayer de saisir de l'eau entre ses doigts : flou, insaisissable. Une émotion brutale surgit, mais elle était trop diffuse pour qu'il puisse la nommer. Pourtant, elle pesait sur sa poitrine, oppressante.
Une sensation sourde de colère, inexplicable, semblait rôder dans les recoins de son esprit.
« Noyé. »
À son propre aveu, un léger frisson parcourut son corps, réveillant une tension latente dans ses muscles déjà affaiblis. Ses doigts se crispèrent involontairement sur les draps, sa respiration s'alourdissant légèrement.
Le souffle de Namjoon se coupa. Il prit un instant avant de répondre, son regard s'assombrissant. Ce mot résonnait douloureusement en lui. Sa main, jusque-là occupée à préparer une bouchée pour Jungkook, se figea. Il baissa les yeux, fixant le morceau qu'il tenait entre les baguettes, mais ses doigts tremblèrent imperceptiblement.
« J'ignore ce qui s'est déroulé entre Shin et toi avant mon arrivée », murmura Namjoon.
Sa mâchoire se crispa, ses muscles tendus comme si la simple mention de cet événement ravivait les souvenirs brutaux de cette nuit. Il revoyait l'eau glacée, la pâleur inquiétante de la peau de Jungkook, la lutte désespérée pour le ramener à la vie. Son cœur meurtri se contracta douloureusement à ces images. Il serra les baguettes, presque au point de les briser.
« Conte-moi ce qui t'est arrivé, alors », proposa Jungkook.
Namjoon leva enfin les yeux, croisant les siens. Ce qu'il y vit lui arracha un pincement au cœur. Une fatigue immense, une confusion désarmante. Une lueur fragile, comme s'il cherchait à comprendre l'inexplicable.
« Pas maintenant, tu as besoin de repos, murmura-t-il d'une voix plus rauque qu'il ne l'aurait voulu. Mange d'abord, on reparlera de tout ça plus tard. »
Jungkook soutint son regard, son expression froissée par une légère irritation, bien qu'une lueur rassurante brillât dans ses yeux.
« Ne t'en fais pas, je suis apte à t'écouter. Et j'ai besoin de savoir.
— Tu n'as pas à tout affronter maintenant, tu viens de te réveiller.
— Puisque je te le demande, Namjoon... », insista-t-il, ses épaules s'affaissant.
Ce dernier posa les baguettes sur le plateau, avant d'effleurer tendrement la joue de Jungkook.
« J'ai encore besoin de temps », souffla-t-il, navré.
Ses mots résonnaient d'un poids que Jungkook ne pouvait ignorer. Un instant, il vacilla sous l'élan brûlant de son désir d'insister, avant de comprendre qu'évoquer à nouveau cette tragédie ne ferait qu'ébranler davantage Namjoon.
Résigné, il hocha lentement la tête. Sans prévenir, le souvenir oppressant de l'eau le happa, comme une empreinte persistante dans son esprit. Pourtant, la chaleur de la main de Namjoon contre sa joue parvenait à lui distiller un brin de réconfort.
Silencieux, Namjoon l'observait, lisant avec aisance les émotions sur son visage. La tristesse voilée dans son regard lui serra le cœur. Il voyait son esprit égaré, en quête des fragments effacés de sa mémoire qu'il venait de lui refuser juste par peur de replonger dans ce cauchemar.
Un instant, Namjoon s'imagina à sa place. Cela suffit à éveiller en lui une compassion profonde. Laisser Jungkook dans l'ombre de l'incertitude lui parut soudainement cruel.
Il inspira profondément, repoussant son propre malaise. Malgré le poids des mots sur son cœur, il trouva le courage d'accéder à la demande de Jungkook.
« Tu te souviens de ton affrontement avec Shin dans le fleuve ? »
Surpris, Jungkook releva la tête, les yeux emplis d'espoir.
« Oui, je me souviens... Un peu. »
Les souvenirs restaient fragmentés, comme des morceaux de verre brisés qu'il peinait à assembler. Pourtant, une sensation persistait, gravée dans son corps. La morsure glaciale de l'eau. Elle l'étreignait encore, fantôme d'un froid qui semblait avoir figé son âme.
Sa poitrine se souleva douloureusement.
« L'eau était si froide. Et lui... »
Il se tut, ses sourcils se fronçant à mesure qu'un sentiment de colère s'infiltrait dans son timbre affaibli.
« Il riait. Comme si ma mort n'était qu'un jeu. »
Une frayeur résonna dans sa voix.
Namjoon serra les poings, son visage se durcissant.
« Il a failli parvenir à ses fins. J'ai croisé Chan, qui m'a guidé jusqu'à toi. Quand je suis arrivé, tu... »
Il déglutit péniblement. Les mots semblaient coincés dans sa gorge, comme si les prononcer à nouveau réveillait une douleur insoutenable. Il détourna les yeux, hanté par le souvenir du visage livide de Jungkook. De sa peau anormalement froide.
« Ton corps flottait au fond du Han, perdu dans ces profondeurs presque abyssales. J'ai failli ne jamais t'apercevoir. »
Jungkook ouvrit légèrement la bouche, choqué, ses sourcils se fronçant. Un froid différent glissa le long de son échine. La peur. Les mots de Namjoon peignaient une réalité brutale qu'il n'arrivait pas encore à appréhender.
« Et Shin regagnait la rive. Il avait l'air... »
Il ferma les yeux un instant, comme pour chasser l'image.
« Fier de son coup. »
Sa voix s'éteignit dans un murmure.
Il baissa le regard, incapable de soutenir celui de Jungkook. Ses doigts posés sur le bord du lit tremblaient faiblement. Son corps restait tendu, pris dans l'étau de ces souvenirs qui refusaient de le lâcher.
Jungkook sentit son cœur flancher en découvrant la détresse qui noyait le regard de Namjoon. La façon dont il avait dit ces mots, avec cette voix vacillante, témoignait d'un traumatisme de plus. Le voir marqué par l'angoisse éveilla en lui un sentiment de culpabilité. Il aurait voulu dire quelque chose de réconfortant, mais ses pensées restaient embrouillées.
« J'ai... j'ai la peau dure. »
Sa tentative d'humour sonnait creux, mais il espérait que cela suffirait à alléger un tant soit peu le poids de la tension dans son cœur.
Mais son sourire s'effaça rapidement en voyant le sérieux gravé sur le visage de Namjoon, dont les yeux scintillaient toujours des réminiscences de la veille. Ses traits portaient encore la marque des heures passées à lutter contre la peur de le perdre.
L'humour ne suffirait pas à apaiser ce qu'il ressentait. Jungkook baissa légèrement les yeux, peiné de ne pouvoir effacer cette ombre.
« Hyungie... », souffla-t-il, peiné.
Il rassembla un peu plus de forces.
« Je ne t'aurais pas laissé seul. Il me reste encore tant à vivre à tes côtés », ajouta-t-il d'une voix plus douce.
Un éclat indescriptible passa dans les yeux de Jungkook. Avec précaution, il se pencha et déposa un baiser léger sur le front de Namjoon.
Ce dernier se figea. Ce geste était simple, presque furtif, mais il portait en lui une tendresse telle qu'il semblait éclipser tous les mots que Jungkook n'avait pas su lui dire.
C'était un acte protecteur, une promesse silencieuse, mais aussi, peut-être, une déclaration. Était-ce conscient ? Avait-il voulu que ce baiser porte un poids plus intime ? Namjoon n'aurait su le dire. Mais à la lueur douce dans les yeux de Jungkook lorsqu'il recula, Namjoon se permit d'y croire, même un instant.
Son cœur se réchauffa à cette marque d'affection. Quelque chose venait de changer entre eux, imperceptible mais indéniable. Comme si une barrière invisible maintenue par la peur et l'incertitude s'était fissurée.
Le silence qui suivit était doux, Namjoon recommença patiemment à le nourrir. Mais plus les bouchées se succédaient, plus Jungkook ressentait une gêne de plus en plus persistante. Il se tortilla légèrement dans le lit, son visage marqué par un malaise croissant.
« Je... je n'ai plus d'appétit... », murmura-t-il avec un soupçon de frustration dans la voix.
Il tenta d'inspirer profondément, mais l'oppression persistante dans sa poitrine le contraignit à un souffle plus court.
« J'ai une oppression thoracique. Plus je mange, plus il m'est difficile de respirer. »
Préoccupé, Namjoon l'observa attentivement, remarquant la tension dans ses traits. Il acquiesça, son inquiétude présente mais maîtrisée. Il prit le plateau et le posa derrière lui.
« Le père de Yoongi nous a dit que tu allais te sentir oppressé, mais que ça ne dure généralement pas plus d'une journée. »
Il s'assit à ses côtés, leurs épaules se touchant, et Jungkook se décala légèrement, grimaçant, pour lui permettre de s'adosser contre la moitié de coussins.
« Tu as eu la chance de ne pas être resté trop longtemps dans le fleuve. Ils ont réussi à évacuer l'eau de tes poumons. Tout est rentré dans l'ordre, on n'attendait plus que ton réveil qui a été estimé à une semaine. Il est étonnant que tu ne dormes que deux jours. »
Jungkook hocha faiblement la tête, mais son visage restait marqué par l'inconfort. L'oppression physique n'était pas la seule à peser sur lui. Un poids plus profond s'ancrait dans son esprit.
« J'aurais de graves séquelles ? »
Namjoon hésita légèrement, ses yeux glissant sur Jungkook comme mesurant l'impact de ses mots avant de répondre.
« Ça dépend de ton état. Le médecin m'a listé quelques séquelles auxquelles je dois faire attention et lui rapporter si elles s'aggravent. De ce que je vois pour l'instant, tu as des difficultés motrices, des tremblements, et quelques troubles de la mémoire. »
Lentement, Jungkook imprima ces mots dans son esprit. Cela rendait la situation encore plus réelle. Il fixa sa main. Elle tremblait légèrement lorsqu'il tentait de la crisper. Il détourna ensuite son regard vers sa table de nuit où reposait le flacon d'huile essentielle de camphre avec lequel il aimait se parfumer. Il effleura le flacon du bout des doigts, sa main tremblant d'un sursaut douloureux. Une grimace frustrée froissa son visage. Lorsqu'il força pour le saisir, un frémissement plus vif le fit lâcher prise. Le flacon s'échappa, tombant sur le sol en bois dans un bruit mat.
Jungkook soupira.
« Eh bien, voilà. Même un flacon me résiste, maintenant », grommela-t-il, bougon.
Il se tourna vers Namjoon, un sourire amer déformant brièvement ses lèvres, mais ses yeux trahissaient une peine plus profonde.
Namjoon l'observait en silence. Son regard glissa du flacon au visage de Jungkook, puis il se pencha au-dessus de lui pour ramasser l'objet. D'un geste mesuré, il le reposa sur la table de nuit avant de se redresser. Il tourna ensuite son attention vers Jungkook, son regard doux mais empreint d'une fermeté bienveillante.
« Ton corps a traversé une épreuve difficile. Il a besoin de temps. Tu n'es pas brisé, tu es en train de guérir.
— Hmm... », grognonna-t-il, haussant légèrement les épaules, un soupir presque exaspéré accompagnant sa réaction.
Namjoon sourit légèrement face à cette réponse typique de Jungkook.
« Ça ne va pas durer. Le médecin est optimiste. Il a dit que tes lésions cérébrales seront légères, puisque ton cerveau n'a pas été privé d'oxygène trop longtemps, et... »
Il hésita, fronçant légèrement les sourcils en essayant de se souvenir des termes médicaux.
« Enfin, je ne sais plus exactement comment il l'a expliqué, mais il pense que tu vas t'en sortir sans de lourdes séquelles, ou que très peu. Il viendra le vérifier.
— Et comment tu sais tout ça ? », demanda Jungkook, une curiosité sincère perçant à travers son ton fatigué.
Un sourire discret creusa les fossettes de Namjoon, mais ses yeux scintillaient d'un éclat malicieux.
« Yoongi. »
Jungkook le fixa, attendant qu'il développe. Mais Namjoon se contenta de soutenir son regard avec une nonchalance parfaitement calculée, un rictus légèrement narquois étirant ses lèvres. Le silence s'allongea, et Jungkook fronça les sourcils.
« Quoi, Yoongi ? Et pourquoi tu affiches une telle expression ? »
Namjoon haussa exagérément les sourcils.
« Arrête ça », grogna Jungkook en lui donnant un coup de coude, si faible qu'il n'était guère plus qu'une caresse.
Namjoon feignit un soupir exagéré, comme si l'on venait de le priver d'un amusement précieux.
« Arrêter quoi ? murmura-t-il avec innocence, ses yeux étincelant de malice.
— Yah ! Tu vas parler, oui ? », s'exclama Jungkook, son ton à mi-chemin entre l'impatience et un rire retenu.
Namjoon s'esclaffa doucement, la chaleur de son amusement remplissant la pièce comme un baume. Il se pencha légèrement, rapprochant son visage de celui de Jungkook.
« Le plaisir de t'embêter m'a terriblement manqué, » murmura-t-il, sa voix plus basse, presque conspiratrice.
Son regard captura celui de Jungkook, où scintillait une malice teintée d'une tendresse infinie.
« Surtout quand tu as cette expression-là. »
Jungkook détourna les yeux, et lâcha un soupir en secouant la tête. Mais ses joues, légèrement plus rouges que quelques instants auparavant le trahirent.
« J'ai oublié à quel point tu peux vite devenir insupportable. »
Un petit sourire adoucit la dureté de ses mots.
Absolument ravi de son effet, Namjoon appuya son menton sur sa main et le contempla, un air faussement rêveur sur le visage.
« Ah, ça m'avait manqué aussi... Te voir rougir. Même souffrant, tu restes irrésistiblement charmant. »
Jungkook ouvrit la bouche et tenta de protester, mais sa voix émit un petit rire désabusé et intimidé qu'il ne put à contenir.
« Tu m'énerves, Namjoon, je n'ai même pas la force de te tenir tête... Quelle horrible frustration. »
Amusé, Namjoon l'enlaça doucement, glissant un bras autour de son cou.
« J'ai eu peur de ne plus jamais te revoir. J'avais simplement envie de retrouver le plaisir de te taquiner. »
Cette fois, sa voix perdit un peu de sa légèreté, laissant transparaître une sincérité brute, désarmante. Il déposa un doux et chaste baiser sur sa tempe.
« En raviver la douceur. »
Bien que pris de court, Jungkook ne détourna pas le regard. Son sourire se fit plus tendre, adoucissant les traits fatigués de son visage, même si son cœur se serrait sous cet aveu doux-amer.
« Fais ce que tu veux, idiot », grommela-t-il, sa voix trahissant plus de chaleur qu'il n'aurait voulu.
Namjoon émit un souffle amusé, collant doucement son front contre la tempe de Jungkook. Il demeura silencieux un instant, savourant la chaleur émanant du corps de Jungkook, chassant le souvenir glaçant de cette peau froide qui l'avait hanté.
« Yoongi a été celui qui m'a le plus tenu compagnie, reprit-il, immobile. Il m'expliquait tant de choses médicales sur ton état, disant que c'était pour apaiser mes inquiétudes à ton sujet. Et ça fonctionnait, étonnamment. On s'est davantage rapprochés. »
Jungkook tourna la tête et fixa Namjoon avec intensité, ses sourcils se haussant légèrement.
« Tu es resté à mon chevet ?
— Je ne l'ai pas quitté. »
Le cœur de Jungkook bondit à ces mots. Il sentit une chaleur diffuse envahir sa poitrine, mais cette fois, ce n'était pas celle de l'oppression. Ses joues s'empourprèrent légèrement sous le regard profond de Namjoon, un mélange de vulnérabilité et d'affection traversant le moment.
Il détourna la conversation pour masquer l'émotion qui montait en lui.
« Et nos amis ?
— Ils m'ont tenu compagnie, répondit-il en hochant la tête. Même Park seonbae est venu me soutenir et prendre de tes nouvelles.
— Vraiment... ? », souffla-t-il, agréablement surpris.
Namjoon acquiesça, ne cessant de le contempler, l'âme heureuse.
« Ils sont tous venus ? reprit Jungkook.
— Tous.
— Même Mingyu ?
— Même Mingyu.
— Vous êtes restés seuls ?
— Seuls, affirma-t-il.
— Yah, tu vas répéter tout ce que je dis ? », pouffa-t-il, lui administrant un faible coup de coude.
Namjoon ricana, le cœur léger.
« Je suis vraiment surpris pour Mingyu, esquissant un sourire étonné mais sincère.
— Ne te méprends pas, répondit Namjoon avec un air amusé. Il m'a soutenu, c'est vrai, mais pas sans glisser quelques remarques piquantes.
— Ah... Ç'aurait été trop facile, en effet », rétorqua-t-il en ricanant, arrachant un sourire complice à Namjoon.
Une énième quinte de toux secoua violemment Jungkook. Sa poitrine se contracta douloureusement. Il porta une main tremblante à ses côtes, le souffle haché. Une grimace tordit son visage. Il enfouit son visage dans le creux du cou de Namjoon, se calmant doucement.
Il lâcha un soupir fatigué et frustré, avant de s'apaiser en sentant une main caresser sa chevelure.
« C'est horrible, murmura-t-il contre sa peau d'une voix faible et éraillée.
— C'est trop douloureux ?
— J'ai encore cette sensation... comme si l'eau remplissait encore ma poitrine. À chaque inspiration trop profonde, je tousse, et... l'air me brûle aussitôt après une quinte. »
Le cœur de Namjoon se serra violemment. Une vague d'impuissance le submergea, le laissant désemparé devant la souffrance de Jungkook. Il aurait tout donné, tout sacrifié, pour apaiser cette douleur injuste qui pesait sur celui qu'il chérissait.
« Je parlerai au père de Yoongi, murmura-t-il finalement, la voix empreinte de détermination. Il saura comment te soulager. »
Il le serra délicatement contre lui, le rapprochant davantage, espérant lui offrir une chaleur et une présence apaisantes.
« J'en ai déjà assez... soupira-t-il.
— Je sais que c'est éprouvant, mais tiens bon. Un peu de patience, et tout ira mieux. Tu t'en sors déjà très bien. »
Il savait que ces mots ne suffiraient pas à apaiser Jungkook, mais c'était tout ce qu'il avait à lui offrir : sa présence, sa chaleur, et la promesse de ne jamais le laisser affronter cela seul.
Un silence lourd mais teinté d'une étrange sérénité s'installa.
Jungkook se lova un peu plus contre Namjoon, trouvant dans cette étreinte un réconfort dont il avait désespérément besoin.
« Continue. Que s'est-il passé, ensuite ? », murmura Jungkook, les yeux rivés sur la poitrine de Namjoon, captivé par le doux mouvement de sa respiration.
Avec une lenteur due à sa fatigue, il mêla ses doigts à ceux de Namjoon, dont la main pendait sur son épaule. Son geste était maladroit, tremblant.
Namjoon sentit cette pression fragile et baissa les yeux vers leurs mains jointes. Il pressa doucement ses doigts, un petit sourire effleurant ses lèvres. Il prit une profonde inspiration, laissant son regard se perdre un instant par la fenêtre, où la cour de l'école baignait dans une lumière claire et apaisante.
Les souvenirs n'étaient cependant pas aussi doux que cette vision.
« J'ai affronté ce misérable Shin, reprit Namjoon d'une voix grave. Dire qu'il avait été notre professeur... »
Il marqua une pause, cherchant ses mots.
« On a fini dans le fleuve. Je t'ai trouvé au fond du fleuve et je t'ai remonté. Mais avant que je ne puisse faire quoi que ce soit d'autre, il a de nouveau cherché à nous attaquer. »
Ses doigts se crispèrent légèrement autour de ceux de Jungkook, comme si l'évocation de ces instants ravivait une tension qu'il avait du mal à maîtriser.
« Je me suis littéralement vu mourir. Mais il a été rapidement maîtrisé. »
Jungkook fronça légèrement les sourcils, essayant de mettre de l'ordre dans ce récit, une lueur de curiosité et d'inquiétude dans le regard.
« Par toi ? »
Namjoon secoua doucement la tête.
« Seungmin-ssi est arrivé à temps. Avec une partie de ses hommes... »
Il marqua une brève pause, ses traits se durcissant légèrement, puis poursuivit d'un ton plus bas.
« Dont ma mère. »
Ces derniers mots flottèrent un instant entre eux. Jungkook se redressa de son épaule, rivant ses yeux curieux dans ceux de Namjoon qui détourna brièvement le regard. Il digérait encore cette réalité.
« C'est elle qui nous a sauvés », acheva-t-il.
Jungkook resta bouche bée, les yeux écarquillés. Il comprenait l'ampleur de ce qu'il venait d'entendre. L'expression de Namjoon trahissait un mélange de confusion et de soulagement.
« Comment ça se fait... ? », souffla Jungkook, hébété.
Voyant la surprise sur son visage, Namjoon lui narra brièvement l'événement, presque à regret. Il lui décrivit Sooyeon, perchée sur son étalon noir sur les hauteurs des berges, ayant dégainé son arc avec une précision inouïe. Il supposa qu'elle avait tenu en joue l'homme le menaçant avec une détermination farouche, ne lui laissant aucune échappatoire.
« Je suppose qu'elle a tiré quand elle a compris que je ne pouvais plus rien faire, murmura Namjoon. Sa flèche l'a abattu avant qu'il ne t'atteigne... ou moi.
— Et... et moi ? Où j'étais ?
— Évanoui, dans mes bras. »
Jungkook resta silencieux, les yeux fixant un point invisible devant lui, tandis que son esprit peignait cette scène dramatique. Il pouvait presque entendre le souffle haché de Namjoon, sentir la peur désespérée qu'il avait dû ressentir en ce moment, à la merci de Shin, incapable de le protéger.
Il comprit soudain pourquoi Namjoon avait d'abord hésité à lui confier ces événements, puis pourquoi une retenue teintait encore son récit.
Elle touchait à son passé. À sa relation difficile avec sa propre mère.
Surtout, elle touchait ses démons intérieurs, tenaces, qu'il connaissait presque aussi intimement que Namjoon, à force de l'observer. Parfois dans le silence de ses yeux. Souvent dans le chaos de ses cauchemars.
Il connaissait aussi le rapport compliqué de Namjoon avec la mort. Le poids des absences qui avait façonné ses peurs les plus intimes. La perspective de perdre encore quelqu'un, ou d'être laissé seul...
De me perdre, moi...
Ces cicatrices ne pouvaient être cachées à ceux qui savaient regarder.
L'âme affligée par la mélancolie, Jungkook se pencha légèrement, aussi loin que sa force le lui permettait. Il posa ses lèvres sur le dos de la main de Namjoon, toujours liée à la sienne, pendue à son épaule.
Surpris, ce dernier le fixa. Un sourire discret et sincère adoucit ses traits crispés et fatigués. Une chaleur familière réchauffa son cœur.
« Pardonne-moi de t'avoir tant inquiété. Je me mets à ta place, et je devine combien tu as dû être effrayé... »
Les yeux ancrés dans ceux scintillants de fatigue et navrés de Jungkook, Namjoon fronça les sourcils, ses doigts resserrant doucement leur prise sur les siens.
« Inquiété ? »
Il entrouvrit les lèvres, prêt à parler.
Comment te décrire la terreur que j'ai ressentie ?
Puis il les referma, doucement.
À quoi bon ? Ça ne ferait que nourrir en lui une culpabilité inutile.
Namjoon esquissa un sourire triste, avant de secouer légèrement la tête.
« Jungkook, si c'était à refaire, je n'hésiterais pas un instant. Je serai là pour toi. Toujours. »
Sans attendre de réponse, ses lèvres déposèrent un doux et long baiser sur son front, avant de se reculer, ancrant son regard dans le sien.
« Quoiqu'il m'en coûte. »
Envoûté par son aura, Jungkook papillonna des cils, son cœur s'emballant. Une délicate teinte d'incarnat embrasa ses joues sous la gravité sincère de ce regard qui le vénérait. Troublé, il détourna les yeux, un sourire timide effleurant ses lèvres. Ce simple geste pudique et intimidé éveilla en Namjoon un plaisir subtil. Un sourire discret, presque ensorcelé, étira ses lèvres.
Ils demeurèrent un moment en silence, chacun plongé dans ses pensées.
Namjoon ne pouvait s'empêcher de capturer chaque détail de Jungkook. La fatigue marquant ses traits. Les légers tremblements de ses mains. Mais surtout cette lueur indéfectible dans ses yeux. Malgré tout ce qu'il avait traversé, Jungkook brillait encore d'une force silencieuse.
Et Jungkook, de son côté, sentait toujours le poids des événements, mais la présence rassurante de Namjoon endormait doucement ses doutes et ses craintes.
« Il faut que tu parles à ta mère », murmura-t-il, brisant doucement le silence.
Namjoon tressaillit. Son corps se raidit, surpris par la fermeté de cette suggestion. Le ton sérieux de Jungkook ne laissait aucune place à l'esquive. Il ancra ses yeux dans les siens. Ses traits se durcirent et ses yeux s'assombrirent.
« Non. »
Son ton était tranchant, glacial, abrupt.
Jungkook soupira doucement, puis leva ses mains tremblantes pour encadrer le visage de Namjoon. Il força son attention, le capturant dans ce geste intime et protecteur.
« Na...
— Plutôt mourir », l'interrompit-il, sa voix froide mais vibrante d'émotion.
Ses yeux s'enflammèrent, un éclat de colère brillant dans ses perles sombres.
Loin de se laisser intimider par cette froideur, Jungkook resserra doucement sa prise sur lui, ses pouces effleurant ses joues en un geste apaisant. Son regard durcit à son tour, reflétant une fermeté qu'il n'avait que rarement exprimée face à Namjoon.
« N'est-ce pas elle qui t'a sauvé de la mort ? »
Namjoon le foudroya du regard. C'était comme si les murs autour de lui se refermaient, comme s'il refusait d'admettre ce que Jungkook lui disait. Ses mots l'avaient heurté. Ses lèvres se crispèrent, mais il ne répondit pas.
Jungkook restait implacable, cherchant à briser la muraille que Namjoon dressait autour de lui.
« Et j'aurais pu mourir sans elle », ajouta-t-il, cette fois avec douceur.
Ses mots tombèrent comme un poids sur les épaules de Namjoon. S'il était debout, il aurait vacillé. Son visage se déforma en un mélange poignant de peine, de confusion et d'irritation.
Accepter que Jungkook ait raison lui semblait un fardeau insupportable. Comment pouvait-il accorder du crédit à une femme qui l'avait abandonné, mais qui, dans un élan qu'il ne comprenait pas, lui avait sauvé la vie ?
Passé et présent s'entremêlaient dans son esprit, créant un chaos qu'il peinait à contenir.
Jungkook l'observait, attentif à aux lueurs et expressions qui faisaient vivre son visage. Il savait que ce moment était crucial, que Namjoon était tiraillé entre son passé et une vérité qu'il ne pouvait plus nier.
« On lui doit la vie. Alors le minimum que tu puisses faire... »
Alors, il se pencha, retenant une grimace de douleur alors que son corps protestait à chaque mouvement. Il posa un baiser léger sur l'angle de la mâchoire de Namjoon, un geste aussi doux que ses paroles.
« C'est simplement de l'écouter la prochaine fois qu'elle vient à ta rencontre. Personne ne te demande de lui pardonner. »
Sa voix était une caresse, ses mots choisis avec soin pour ne pas ébranler la fragile barrière derrière laquelle Namjoon se protégeait.
Ce dernier secoua la tête, emporté dans une vive effervescence d'émotions conflictuelles. Il oscillait entre le désir d'entendre la version de sa mère et l'envie irrépressible de l'effacer définitivement de sa vie, de ne plus jamais croiser son regard.
« Tu m'en demandes trop, Jungkook. Je ne saurais lui faire face sans perdre mon calme. »
Sa voix était anormalement caverneuse, étranglée par l'effort de retenir une marée d'émotions. Ses épaules s'affaissèrent sous le poids de cet aveu, comme s'il avait drainé le peu de force qui lui restait.
« Tu n'as pas à le faire maintenant. »
Ses mots étaient rassurants. Ils s'insinuaient doucement dans la muraille de fer que Namjoon tentait encore de maintenir.
« Mais un jour, tu comprendras comme moi que la rancune est un fardeau qui t'enchaîne. »
Namjoon ferma les yeux, abdiquant. Il laissa les mots de Jungkook se glisser entre les failles de ses défenses. Il savait qu'il disait vrai, évidemment. Pourtant, cette vérité portait un poids écrasant. L'accepter, c'était renoncer à une douleur si ancienne qu'elle s'était fondue en lui, devenant une ombre indissociable de son âme.
De celui qu'il était.
« Et puis... »
Namjoon releva doucement la tête, ses yeux voilés par une fatigue émotive qui pesait sur lui. Jungkook devina qu'il était sur le point de flancher. Il resserra doucement sa prise sur sa main, son regard empreint de tendresse malgré l'étau qui enserrait son cœur.
Il ne supportait pas de voir Namjoon sombrer dans la douleur.
« Si tu me le demandes, hyungie, je serai derrière toi pour te soutenir. Tu n'auras plus à l'affronter seul. »
Et à cet instant, quelque chose se brisa en Namjoon.
Une fissure explosa.
Tout ce qu'il avait tenté d'enfouir jaillit.
Ces émotions qu'il pensait dominer l'engloutirent sans une once de remords.
Il ne fit rien contre l'unique larme qui coula silencieusement. Ni pour les suivantes. Namjoon pleurait avec une dignité désarmante. Ses larmes prenaient vie librement, mais son visage demeurait stoïque, ses yeux scintillant d'épuisement et de douleur.
Son corps demeurait immobile, sans tremblement ni sanglot. Seules ses épaules tendues, sa mâchoire crispée, et sa respiration légèrement hachée le trahissaient.
Affaibli, il s'abandonna doucement dans les bras de Jungkook, son refuge, son unique havre où il pouvait libérer ce fardeau qu'il portait depuis deux jours.
Désemparé face à cette brusque détresse, Jungkook le serra aussi fort qu'il le put. Il passa doucement ses mains dans les cheveux de Namjoon. Ses doigts caressaient tendrement ses mèches, cherchant à apaiser cette tourmente qu'il savait pénible et déchirante.
La gorge nouée, il tentait de contenir ses propres larmes. Le voir dans un tel état de détresse le poignardait. Son cœur saignait, chaque battement était une plaie vive. Il était terrifié par cette sensation d'avoir entre ses mains un être si fragile qu'un souffle pourrait l'anéantir.
C'était la seconde fois qu'il étreignait un Namjoon brisé, et pourtant, l'instant lui semblait toujours irréel, tel un songe fragile redoutait d'effleurer. Namjoon, cet indomptable roc face aux tempêtes, était bien plus brisé qu'il le laissait croire. Bien trop vulnérable. Cette vision lui était insoutenable.
Une haine sourde montait en lui, dirigée contre celle qui l'avait irrémédiablement blessé. Il en venait presque à haïr celle qui avait marqué l'âme de Namjoon d'une blessure irréparable, malgré son acte salvateur.
Kim Sooyeon.
« Je suis là, Namjoon », souffla-t-il d'une voix tremblante, mais ferme.
Qu'importe ce que nous deviendrons, qu'importe ma peur... Je sais que je serai toujours là.
C'était ce qu'il avait voulu dire. Mais les mots moururent sur ses lèvres, étouffés par cet effroi familier et tenace.
Soudain, en lien avec cette peur, des fragments de voix traversèrent son esprit.
« Ton secret avec Kim. »
« Potence. »
« Vous êtes abjects. »
« Des aberrations de la nature. »
« Kim pourrait bien finir sur la place publique... »
Ces mots resurgirent en lui avec une violence cruelle, comme gravés dans sa chair d'une encre indélébile. Le mépris glacial qui imprégnait la voix grave et sifflante de Shin était plus mordant encore que l'eau qui avait failli le tuer.
Le souvenir revenu avec une netteté effroyable aviva sa terreur. Il serra les dents à s'en faire mal.
Shin savait.
Ce n'était pas seulement le lien avec leurs pères dans cette intrigue politique et leur assassinat qui les avait mis en danger. Shin avait découvert leur secret.
Jungkook sentit son cœur se contracter douloureusement à cette révélation. Que faire de ce fardeau ? En parler à Namjoon ou le porter seul ? Et surtout... combien d'autres détenaient ce secret ? Pouvait-il vraiment trouver un semblant de soulagement dans la disparition de Shin ?
Une vérité si dangereuse qu'elle aurait pu sceller leur destin dans la mort, amplifiait cette ombre menaçante qui l'effrayait.
Soudain, il sortit de sa torpeur en sentant Namjoon bouger lentement. Ce dernier enfouit davantage son visage dans l'épaule de Jungkook. Il inspira profondément, se délectant du doux mélange atténué du camphre et du musc qu'il associait à Jungkook. Ses larmes s'étaient progressivement taries, et son souffle brisé avait retrouvé une cadence plus paisible.
Chaque larme versée avait emporté un peu du poids immense qui pesait sur son âme.
Bien qu'épuisé par sa propre convalescence, Jungkook resta solide, le tenant contre lui, conscient de l'importance de cette libération émotionnelle.
Ils n'avaient pas besoin de mots. La simple présence suffisait.
Le silence s'installa, apaisant, réparateur, où les dernières larmes de Namjoon coulèrent, sans honte ni retenue. Son visage portait désormais une sérénité fragile. Jungkook était le seul capable de lui offrir ce réconfort, lénifiant son cœur meurtri.
Jungkook éprouva une étrange sensation. Il sentit que le lien invisible s'était intensifié entre eux, tissé avec une force nouvelle. Il était incapable de le définir. Mais il comprit avec effroi qu'il ne pourrait plus jamais se détacher de Namjoon. Qu'il était maintenant trop tard.
Il réprima un souffle tremblant.
Jamais leur destinée commune ne lui avait semblé si inéluctable.
Tandis qu'un calme enveloppait la pièce, un tumulte sourd faisait rage en lui.
Au fil des jours, plus il partageait de moments avec Namjoon, plus son cœur s'attachait, et moins il trouvait de réponses.
La porte s'ouvrit dans un fracas qui les fit sursauter violemment. Avant même qu'ils ne puissent réagir, un tourbillon d'énergie s'engouffra dans la pièce, emportant avec lui toute l'intimité de l'instant.
Seokjin surgit en tête, le sourire éclatant, les bras grands ouverts.
Et il s'exclama – hurla – avec une exubérance contagieuse.
« OH, DOUX SEIGNEUR, MON POUSSIN ! »
À suivre...
Cette fin de chap de qualitax stp 😭🤌🏼✨
Voilàààà, good neeews pour JK, héhé
Il s'en sort pas mal quand même ! J'ai voulu garder des séquelles réalistes, mais j'ai choisi de les rendre temporaires pour ne pas alourdir l'histoire. Bon, certaines mettront quand même un peu de temps à disparaître, cela dit
Normalement, il aurait dû avoir des lésions cérébrales bien plus graves, mais je suis partie sur une petite perte de mémoire temporaire et des soucis de concentration (ça se verra dans le chap suivant). Niveau neurologique, j'ai opté pour un problème de motricité plutôt que des convulsions et la perte de réflexes moteurs, et côté respiratoire, j'ai évité des complications trop sérieuses comme une détresse respiratoire aiguë et le risque de pneumonie
Je me suis dit que gérer des séquelles trop lourdes aurait compliqué le déroulement de la suite, donc j'ai préféré des choses plus « légères »
Mais il aura quand même des troubles psychologiques permanents liés à l'eau et un souci cardiaque temporaire (qui s'effacera pas trop vite non plus, faut pas abuser, mdrrr)
Première partie qui marque une pause dans l'action pour des discussions importantes et poser les bases de ce qui arrive après !
À dimanche ♡
P.S. 1 : désolée, je n'ai pas eu le temps de bien relire la partie II. Comme elle est importante, je préfère la décaler à dimanche prochain pour mieux la travailler 🥺
P.S. 2 : je sais pas ce qu'il s'est passé pendant la rédaction de ce chap, mais j'aime pas du tout le rendu. Il m'a été chiant à écrire, je sais pas pourquoi (et ça m'inquiète kjkmjdfkc, peut-être que j'arrive à ma limite de production)
J'ai l'impression de ne pas avoir assez décrit les émotions, tout en sachant avoir assez insisté dessus, et ça me terre dans un entre-deux bizarre, ça me perturbe
Sans parler de la manière dont j'ai amené le réveil de JK, j'ai l'impression que c'est pas réaliste, tout en ayant la certitude que si-
ANYWAY, NEVERMIND- 😭
Je ferai mieux la prochaine fois (mais ça me fait chieeeeeer fjnfkjnv) !
𝑾𝒊𝒕𝒉 𝑳𝒐𝒗𝒆, 𝑫𝒂𝒓𝒌 𝑬𝒚𝒆𝒍𝒆𝒕 🖤
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