𝐗𝐈𝐗 | 𝐅𝐞𝐚𝐫
Quelques instants plus tôt
Tandis que Chan avançait vers les artères vibrantes du quartier commerçant, il sentit le poids d'un regard perçant dans son dos.
Troublé, il se retourna pour ne rencontrer que des groupes joyeusement éméchés, des enfants se faufilant habilement entre les jambes des adultes, des couples se rapprochant discrètement ou plus ouvertement.
Il reprit sa marche, s'efforçant de maintenir un pas régulier. Pourtant, une voix instinctive lui murmurait de fuir. Un pressentiment tenace qui ne le quittait pas.
Là... la sensation revint, ardente comme une flamme caressant sa peau. Il jeta un regard furtif derrière lui, bifurqua à la première intersection et faillit renverser le bol de soupe d'un client attablé à une gargote en plein air.
Accélérant le pas, il s'interrogea sur la disparition de ses sœurs de cœur. Minseo, courtisée par Yoongi, l'avait vu s'éclipser discrètement, ne voulant pas troubler cette nouvelle idylle et se sentant de trop. Sunhi, Yoomi et Jiwon s'étaient éloignées de leur côté, tandis que sa mère de cœur n'était toujours pas rentrée bien que Minseo était revenue, l'ayant accompagnée à son tournoi.
Un bref coup d'œil en arrière lui révéla une silhouette sombre se fondant rapidement derrière un groupe plus compact.
Les battements de son cœur s'emballèrent. Il était bel et bien suivi.
Qui ? Un client du Jardin qui l'aurait confondu avec une de ses sœurs ?
Quelqu'un ayant eu vent de ce qui se passait au Pavillon Doré ?
Pire, un des hommes de l'imposteur ?
Si oui, pourquoi ?
Sans même en être conscient, il se mit à courir, cherchant désespérément à fuir cette ombre de danger qui pesait sur lui. Il zigzagua entre les grandes avenues baignées de lumière et les ruelles sombres et désertes. Dans l'une de ces venelles, il trébucha, sa main trouvant appui sur une façade pour éviter la chute. Une lanière de sa sandale avait cédé, mais il ne pouvait s'arrêter, poussé par la peur.
Réprimant un juron, il se pencha pour ramasser la fine cordelette brisée, la contemplant d'un regard vide.
Mauvais présage.
Soudain, une main se plaqua sur sa bouche et un bras enserra sa taille.
Il cria, se débattit, l'horreur se peignant sur son visage.
Ses pensées se bousculèrent, chaotiques, désespérées.
Qui ? Pourquoi ? Que me veut-on ?
Il lutta davantage, chaque mouvement accroissant sa panique. Son regard écarquillé percevait l'ombre imposante de son assaillant, floutée par la peur qui faisait trembler sa vision.
Puis, une vive douleur s'abattit sur sa nuque.
Une onde électrisante et désagréable se répandit dans tout son corps. Une sensation de vertige le submergea dans une brume opaque.
J'ai peur...
Ses forces l'abandonnèrent.
La pression autour de sa bouche et sa taille devenait lointaine, diffuse.
Ses pensées s'évanouissaient une à une, son esprit happé.
Et les ténèbres l'engloutirent dans un silence total et effrayant.
Où seul résonnait encore, très loin, l'écho de son propre cri.
☾
« Oh ? Tu t'es perdu ? », lança Minseo d'un ton légèrement taquin.
Depuis une heure déjà, elle avait quitté le bureau de Haein, laissant Jungkook en tête-à-tête avec elle, Jiwoo et Sunhi. Elle avait eu tout le loisir de refouler son trouble pour se plonger dans le travail. À présent en compagnie de Yoongi, elle sentait le calme revenir, apaisant doucement les remous de son cœur.
L'histoire de Jungkook l'avait profondément ébranlée.
À peine entré au Jardin des Lys, Namjoon grinça des dents et serra les poings. Il était peu enclin à la plaisanterie. Après la rencontre avec sa mère, son esprit ne tolérait aucune légèreté.
La pensée de faire demi-tour et de retourner à l'école l'effleura, conscient que rester ici risquait de libérer en lui une colère meurtrière.
Il soupira, résigné à passer un bout de la soirée à voir naviguer autour de lui indésirables et curieux importuns, tout en attendant la probable venue de Jungkook.
Se tournant vers la courtisane, son regard fut soudain attiré par la silhouette dégingandée de Yoongi près d'elle, avachi sur l'une des six méridiennes occupées par d'autres clients et courtisanes, sirotant une coupe d'alcool en bavardant joyeusement, ou écoutant les mélodies nées de leurs instruments.
Namjoon ne cilla guère, son visage demeurant impassible, indifférent. Il avança vers le centre de la pièce d'accueil, le pas traînant, puis se laissa tomber une méridienne, près de Yoongi.
Ils se saluèrent d'un signe de tête, avant que Namjoon repose sa nuque sur le dossier, soupirant de lassitude.
Baignée d'une lumière tamisée diffusée par des lanternes en papier décorées, la vaste pièce offrait une atmosphère douce et chaleureuse. Les murs en soie chatoyante étaient ornés de peintures audacieuses, représentant des scènes de séduction et de passion, ajoutant une touche d'audace à ce cadre raffiné. Au centre, six méridiennes en bois sculpté formaient un cercle, leurs matelas rouge de soie brodée aux fils d'or scintillaient faiblement, invitant à la détente.
Chaque détail était soigneusement pensé, transformant l'espace en un havre accueillant, propice aux conversations et aux décisions tranquilles. Quelques courtisanes vêtues de hanboks colorés se déplaçaient avec grâce, servant thé et alcools raffinés ou jouant d'instruments, tandis que le parfum d'encens flottait dans l'air, mêlé aux murmures et aux rires feutrés.
Malgré la tranquillité environnante, Namjoon restait étrangement tendu. Il refusa poliment un verre offert par une courtisane. Une caresse espiègle sur son genou le fit se crisper. D'un mouvement vif, il se redressa sur la méridienne, adoptant une posture plus rigide. Son regard s'assombrit, le visage marqué par une ombre d'avertissement.
« Minseo, je t'apprécie, mais je n'ai vraiment pas le cœur à plaisanter, ce soir », siffla-t-il d'une voix froide et forte.
Il espérait ainsi dissuader toutes les courtisanes de tenter de lui chercher des noises, dont deux d'entre elles qui s'apprêtaient à le rejoindre, ayant fait demi-tour à l'entente de sa voix tranchante.
Cette dernière gloussa et se blottit dans les bras d'un Yoongi amusé.
« Min. Jungkook n'est pas venu ? », demanda-t-il sans même daigner regarder Yoongi.
Minseo échangea un regard complice avec Yoongi, l'éclat de leurs yeux trahissant leur amusement face à l'impolitesse de Namjoon. Nonchalante, elle en tirait une amusante indifférence, se contentant de faire glisser sa main sur le torse légèrement dénudé de son favori.
« Tu devrais te détendre, fit remarquer Yoongi d'un ton railleur. Ça te ferait le plus grand bien. Et je n'ai pas vu Jungkook.
— Je suis d'accord, ajouta Minseo d'un ton léger. C'est une soirée de fête et de divertissement, pourquoi donc cette mine sombre ?
— Bon sang, je vous en pose des questions ? », rétorqua-t-il, plus agacé.
Une lueur espiègle scintilla dans les prunelles finement maquillées de Minseo. Elle se leva avec une grâce naturelle, fit deux pas délicats et se pencha vers Namjoon, prenant soin de placer son décolleté plongeant devant son regard mêlé de désintérêt et d'irritation. Elle se pencha davantage, ses lèvres effleurant son oreille, veillant à ne pas être entendue par Yoongi.
« Tu as vraiment besoin de te détendre. Tu veux que j'appelle Chan ? », murmura-t-elle avec un sourire espiègle.
Namjoon s'apprêtait à répliquer d'une remarque acerbe, mais une la porte abritant le vestibule des quartiers privés de Haein coulissa. Jungkook en sortit, accompagné du reste de Jiwon, Sunhi, et de la propriétaire des lieux.
Toute colère s'évapora, remplacée par le bond agréable de son cœur. Sans même s'en rendre compte, il poussa doucement Minseo qui se redressa, amusée. Une expression ravie adoucit ses traits, vite remplacée par une mine renfrognée en apercevant Sunhi élégamment accrochée à son bras.
« Hyung ! », s'exclama Jungkook, son visage illuminé par la joie.
Namjoon respira plus aisément lorsque Jungkook, sourire aux lèvres, se détacha du groupe – et d'elle – pour le rejoindre aussitôt. Namjoon croisa le regard de Sunhi. Il dut réprimer l'envie de lui adresser un sourire arrogant.
Ce serait le summum de l'impolitesse.
Pourtant, ses yeux pénétrants trahissaient ses pensées inavouées.
Il est mien.
Quelle ne fut pas sa jubilation lorsque, dans un geste chargé de grâce et d'humilité, elle inclina la tête en signe d'abnégation.
« Hyungie, c'est ici que tu étais, tout ce temps ? demanda Jungkook, à la fois heureux de le revoir et perplexe. Je m'inquiétais, je pensais que tu étais rentré à l'école. »
Ses yeux brillaient d'une joie sincère de l'avoir retrouvé, et le cœur de Namjoon s'enflamma, battant fiévreusement, empli de bonheur de se sentir l'unique centre de son attention. Pourtant, Namjoon fronça légèrement les sourcils. Quelque chose ternissait le regard de Jungkook.
Lorsque ce dernier s'assit à ses côtés, leurs épaules et leurs jambes se frôlant dans une intimité assumée – à défaut de s'enlacer et d'échanger un baiser – Namjoon laissa son regard fasciné vagabonder sur sa silhouette.
« Est-ce que tout va bien, Kook ?
— C'est à moi de te poser la question », répondit-il, sa voix vibrant d'un rire bref et discret.
Ses yeux s'accrochèrent aux longues mèches sombres caressant la nuque de Jungkook, sa mâchoire et son cou. Ils descendirent, contemplant le long du col entrouvert de son hanbok tout aussi noir que le sien, débraillé par ses déambulations dans les ruelles festives et animées. Il s'attarda sur la gorge séduisante et opaline outrageusement dévoilée à son regard vorace et avide, sur ses clavicules saillantes, et sur le début de cette poitrine finement sculptée qu'il connaissait si bien.
La bouche sèche, il s'humecta les lèvres qui picotaient, brûlant de les poser sur cette peau qu'il savait douce comme du velours.
Intimidé et flatté, Jungkook s'abandonna à son regard, complètement indifférent aux nombreuses paires d'yeux qui les scrutaient avec amusement et curiosité. Indifférent à celui de Yoongi qui semblait les sonder, le visage grave. Envolée, la retenue. Oubliée, la crainte d'être surpris dans un jeu de séduction avec un homme. Avec Namjoon.
À cet instant, il était comme plongé dans une douce torpeur, insensible au tumulte du monde extérieur.
Son univers tout entier se résumait à un seul nom, une seule présence : Namjoon.
Jungkook se pencha davantage vers lui, offrant à son regard une vue imprenable sur son décolleté plongeant, ses lèvres effleurant son oreille. Namjoon frémit et y loucha, appréciateur, écartant pour un instant toute inquiétude. Il aurait voulu insister sur ce qui semblait troubler Jungkook, car, derrière cet éclat radieux, Namjoon avait décelé l'ombre fugitive d'une mélancolie.
« Qu'est-ce que tu attends, hyungie. Conduis-moi dans une pièce où tu pourras me contempler à ta convenance... », murmura-t-il d'une voix suave et séductrice avant de mordiller le lobe à sa portée.
Il esquissa un petit rictus satisfait. Il se nourrit du frémissement de Namjoon et de l'accroc provoqué à sa respiration.
Un sursaut de lucidité le retint de se pencher pour embrasser la peau sensible derrière son oreille. Lentement, il réalisa qu'il devait mettre fin à ce flirt sous les regards indiscrets de tous.
Ensorcelé et électrisé, Namjoon resta figé, l'esprit vidé, flottant loin des réalités terrestres. Lentement, il leva les yeux et se perdit dans ce regard sombre, illuminé par les multiples lanternes éparpillées dans la pièce, scintillant comme autant d'étoiles dans une nuit sans fin.
Ces yeux. Sources de sortilège permanent pour lui.
Grands, ronds, expressifs, lui conférant un charme et une candeur qui contrastaient avec son attitude féline et séduisante. Ces yeux qui, murmures muets de ce que la bouche de Jungkook taisait obstinément, avaient capturé son cœur en un instant. L'amour au premier regard, concept auquel il ne croyait pas, s'était révélé indéniable face à l'éclat édénique des prunelles de Jungkook.
Lorsque ce dernier leva un sourcil amusé qui disparut derrière ses mèches, Namjoon se réveilla de sa douce léthargie. Il expira longuement, puis enroula un bras autour de ses épaules, lui soufflant de se lever.
« Je rêve ou Kook m'a complètement ignoré ? », s'exclama Yoongi, indigné.
Émergeant de sa torpeur, Jungkook sursaute et leva les yeux, découvrant son ami alangui, une Minseo gracieuse et presque ronronnante blottie dans ses bras. Yoongi l'observait, les yeux plissés par l'incompréhension.
Une vague d'oppression l'envahit, alourdissant son souffle.
Crotte.
« Oh, Yoon ! sourit-il en dissimulant habilement son trouble. Ravi de voir que tu passes du bon temps ! On se voit tout à l'heure, je dois m'entretenir avec Namjoon », se justifia-t-il.
Il était intérieurement en proie à une angoisse sourde.
Namjoon le guida à l'écart de leur petit auditoire. Des regards tantôt curieux, tantôt perplexes, tantôt attristés suivirent leurs silhouettes. Yoongi demeura figé dans une stupeur manifeste, se demandant s'il devait les suivre en douce afin d'obtenir des réponses. Ou les confronter.
Il fallait qu'il sache. Qu'il comprenne. Il avait assez patienté.
À présent retranchés dans une chambre, Jungkook fit coulisser une porte entrouverte, signe qu'elle était inoccupée, qu'il referma aussitôt. Il se mordit la lèvre, nerveux, pensant aux derniers mots prononcés par un Yoongi sidéré – « Tu as bien vu ce que j'ai vu, Minseo ? » – avant qu'il monte aux étages supérieurs avec Namjoon.
Un torse chaud se pressa contre son dos et des bras entourèrent sa taille avec douceur. Il sourit, l'angoisse s'évanouissant progressivement, cédant la place à une douce quiétude. Mais son sourire se fana lorsqu'un soupir éreinté ricocha contre sa nuque.
Il avait fréquenté Namjoon assez longtemps pour discerner les nuances subtiles de ses soupirs, et à cet instant précis, il comprit que Namjoon portait un fardeau.
Soucieux, il se retourna dans ses bras, enlaçant tendrement son cou.
« Qu'est-ce qui te tracasse... ? », souffla Jungkook.
Namjoon resta silencieux, ses yeux dévorant Jungkook avec une intensité qui contrastait cruellement avec l'expression abattue de son visage. Le cœur de Jungkook se serra, bouleversé par ce regard chargé de tristesse.
« Nam... Je suis désolé. Si tu es parti à cause de la présence de Sunhi, je m'en excuse, je voulais la...
— Non, ce n'est pas ça, le coupa-t-il doucement.
— Oh... »
Un poids s'envola des épaules de Jungkook.
« J'ai revu ma mère. »
Jungkook se crispa. Véritables miroirs de ses tourments, ses yeux parlèrent avec une telle clarté que Namjoon, devinant son angoisse muette, répondit à ses questions inexprimées.
« Je ne sais pas si elle nous a vus. Je me moque de ce qu'elle pense.
— Elle nous aurait suivis ? demanda-t-il, anxieux.
— Probablement. Elle m'a l'air d'avoir attendu que je sois seul pour m'approcher. C'est ainsi que tu as perdu ma trace. Je ne suis pas parti à cause de Sunhi. Bien au contraire... murmura-t-il en déposant un baiser sur sa pommette. J'étais prêt à te soustraire à ses maudits bras envahissants. »
Sous la douce caresse, Jungkook clôt les paupières, hésitant entre froncer les sourcils à cause de l'évocation de la mère de Namjoon ou rire de son aveu vibrant de jalousie et de possessivité.
« Qu'est-ce qu'elle t'a dit ? », murmura-t-il, transporté par l'infinie douceur des lèvres chaudes.
Il s'enivrait de la douce traînée de baisers que Namjoon laissait sur sa joue, chaque contact étant une caresse agréable. Les bras autour de lui se resserrèrent. Par instinct, il inclina la tête en arrière, offrant son cou avec confiance. Un frisson parcourut son corps lorsque des lèvres s'attardèrent sur cet endroit sensible où le cou rencontre la mâchoire, éveillant une plaisante vibration.
« Nam... »
Son murmure flotta dans l'air, soupiré avec une douce allégresse. Sa poitrine palpitait comme un papillon en vol, tandis que ses mains agrippaient fermement le tissu sur les épaules de Namjoon, comme si tout son être menaçait de s'effondrer.
Grisé par la réaction du corps de Jungkook, Namjoon erra le long de son cou, se déplaçant avec une lenteur délicieusement frustrante sur sa peau. Ses baisers descendirent jusqu'au creux de sa gorge, où le cœur accéléra, percevant les pulsations frénétiques sous ses lèvres.
Jungkook était immergé dans un océan de douceur et de langueur, un abîme où il aimait se perdre. Il ne fallait que peu de choses pour que Namjoon l'enveloppe dans une bulle de mollesse exquise. Quand il posait ses lèvres sur lui, quand il le caressait, quand il le regardait, c'était toujours comme s'il le vénérait.
« Elle n'a pu prononcer un mot, souffla-t-il contre sa peau. Je ne lui en ai pas laissé l'occasion. »
Ses lèvres s'attardèrent longuement sur sa clavicule, maîtrisant l'élan furieux et possessif de la mordiller et d'y laisser sa marque.
En évoquant péniblement sa mère tout en cajolant Jungkook, Namjoon parvenait à trouver les mots pour exprimer ses maux. Le brasier sa colère ne subsistait plus qu'en un feu doux, crépitant à la lueur apaisante de sa présence.
Il chérissait ce pouvoir lénifiant que Jungkook exerçait sur lui. Sur ses démons. C'était soulageant.
Pourtant, depuis toujours, Namjoon appartenait à cette rare trempe d'hommes à l'esprit indomptable, porteur d'une force intérieure si puissante qu'elle le relevait inlassablement de chaque épreuve, même lorsque tout semble perdu.
Brisé, mais jamais vaincu.
Il puisait dans chaque épreuve la force de renaître, transmuant ses blessures en un pouvoir inflexible.
Malgré ses démons qui auraient pu le tenir éloigné de Jungkook, il s'était laissé porter par l'amour, par le désir de bâtir un lien qu'il espérait solide.
Il avait certes, hésité, tenté de noyer cet amour. Mais il y croyait de toute son âme. Une voix en lui murmurant de ne jamais laisser filer cette chance unique.
Cet amour, en vérité, était un acte de résistance, un défi lancé à ceux qui l'avaient éloigné de son père, marqué sa mère du sceau de l'infamie et arraché le père de Jungkook.
L'obligeant, lui, à cacher sa véritable identité.
Avec l'amour de sa vie à ses côtés, sa pulsion de vie se fit plus forte. Une force l'enracinant à la vie, balayant toute pensée de mort ou de destruction de soi.
Ne demeuraient que des ombres ; les doutes, les peurs, et les démons tenaces.
Il n'était plus celui d'avant, l'enfant qui ne s'estimait plus, l'adolescent qui errait, prisonnier d'un désespoir gris et écrasant. La perte de son père avait laissé une plaie béante, et le jugement implacable des autres, accusant sa mère de traîtrise, l'avait poussé à ériger une carapace.
Effrayé par l'idée d'aimer et de perdre, il s'était isolé, infligeant même ses blessures à ses amis les plus proches, Hoseok et Taehyung.
L'isolement était devenu sa plus fidèle armure, dissimulant un cœur éteint et un regard terni, incapable de croire en un bonheur qu'il ne pensait plus mériter.
Puis Jungkook était arrivé.
Unique lanterne éclatante parmi les lueurs vacillantes de ses amis, illuminant la noirceur étouffante de son monde.
Namjoon était lucide : Jungkook n'était pas son sauveur, il le savait. Il était son élan, une grande partie de sa force. Il nourrissait cette flamme ardente au creux de son être, celle qui le poussait à se battre.
Pour lui.
Pour eux.
« Je n'ai pas pu l'affronter, Jungkook. J'ai fui. Je lui ai d'abord hurlé dessus. La haine que j'éprouve pour elle est indicible, tu n'imagines pas... Et pourtant, croiser son regard m'a paralysé. J'ai tant aimé l'autre facette de ma mère. Elles ont le même visage... Ça m'a... Après tant d'années sans la voir, c'est... J'ai cru déceler quelque chose, en elle... Je ne sais pas, je ne sais plus... »
À l'entente de sa voix basse vibrante de désespoir et de son balbutiement soudain, Jungkook sentit son cœur se briser. Il lui fallut une volonté inouïe pour le repousser doucement. Un pli soucieux barra son front. Ses mains encadrèrent tendrement le visage de Namjoon.
Puis, il l'encouragea à poursuivre, à libérer le flot de ses émotions enfouies.
« Puis je t'ai désespérément recherché, et j'ai pensé que t'attendre au Jardin serait une terrible épreuve de patience, mais la meilleure façon de te retrouver. Puisque t'étais avec... l'autre », acheva-t-il en grommelant son dernier mot.
Jungkook exhala un soupir ténu, presque comme un bref rire étouffé, se sentant submergé sous l'intensité de son regard.
« J'ai croisé Haein et les filles en chemin. Elle devait me confier certaines choses et a tout simplement préféré la discrétion de sa maison. »
Il baissa légèrement la tête, la mine se froissant à peine au souvenir de son père. Inquiet, Namjoon redressa doucement son menton, cherchant son regard. Leurs yeux s'accrochèrent. Silencieusement, il lui offrit la liberté de parler ou de taire ses tourments.
« Puis, je n'ai plus aucune raison de venir ici, hyungie, sauf pour leur rendre visite. »
Il se mordit la langue, conscient que ses paroles trahissaient une justification maladroite plutôt qu'une véritable explication de sa présence en ces lieux. Namjoon le comprit. Le sourire en coin de ce dernier lui fit lever les yeux au ciel, mais le regard rassurant et doux de ce dernier l'apaisa.
« Viens. »
Namjoon le tira vers la méridienne, l'attirant fermement contre lui, un bras possessif autour de son cou.
« De toute manière, je suis de meilleure compagnie, n'est-ce pas ? », fanfaronna Namjoon.
Jungkook émit un petit rire, amusé par la façon espiègle et fière avec laquelle Namjoon le regardait, arborant un petit sourire faussement hautain.
« Imbécile... marmonna Jungkook, le cœur palpitant face à la manière dont Namjoon tenait toujours à le garder près de lui.
— Raconte-moi. Je suis toute ouïe, mon bel ange. »
Il se délecta de la façon dont Jungkook écarquilla les yeux, son visage rougissant jusqu'à colorer la pointe de ses oreilles et de ses clavicules. Cependant, Namjoon ne vit pas venir le coup de poing qui lui heurta le ventre, répercussion de l'embarras manifeste de son bel ange.
Penché, Namjoon s'esclaffa malgré la douleur diffuse. Puis, sans qu'il s'en aperçoive, des lèvres chaudes furent sur les siennes. Sévères, passionnées, furieuses. Puis lentes, douces et aimantes.
Namjoon était aux anges. Chaque parcelle de son être vibrait d'une euphorie terriblement enjôleuse. Il se dit solennellement que si la mort devait le saisir maintenant, il partirait comblé de bonheur.
« Tu vas m'écouter maintenant, au lieu de m'affubler de sobriquets digne d'un puceau énamouré ? », grommela-t-il en enlaçant la taille de Namjoon, sa bouche près de la sienne.
Ce dernier, bien qu'étourdi et l'âme en effervescence, lâcha un souffle rieur devant la mauvaise foi de Jungkook, mêlée à une timidité et un embarras qu'il jugeait charmants. Il acquiesça, le buste à présent droit.
Collés l'un contre l'autre, ils retrouvèrent peu à peu un semblant de sérieux.
« J'ai appris deux choses intéressantes. La première me concerne, il s'agit de mon père. Quant à la deuxième... Tu ne vas pas en croire tes oreilles, hyungie.
— Commence par celle que tu souhaites, répondit-il, désormais parfaitement attentif.
— Tout était lié. Le poème, mon père, cette maison, expliqua-t-il, désignant la pièce. C'était un véritable indice. La mission de mon père consistait à cacher le véritable héritier de Kwon Dongmin.
— Donc Insoo serait bel et bien l'imposteur que Seungmin soupçonne, murmura-t-il, le front plissé, l'esprit déjà en pleine ébullition.
— Il semblerait qu'il existe des preuves l'indiquant. Devine qui est le véritable fils de Kwon Dongmin », dit Jungkook, encore incrédule.
Silencieux, Namjoon le fixa intensément, les yeux naviguant de part et d'autres de ceux de Jungkook. En réponse, Jungkook esquissa un léger sourire en coin, mais son visage trahissait une légère ombre de tourment.
Alors, ignorant tout de l'histoire autour de Chan et Dongwon, Namjoon laissa son esprit errer vers une conclusion erronée.
Il entrouvrit les lèvres, intrigué, cherchant des mots qui ne vinrent pas, puis plissa les yeux, sondant le visage de son amant avant de se pencher vers lui, le regard brûlant de questions.
« ...Jungkook. »
L'éclair d'amusement dans les yeux de ce dernier se fit plus vif. Il arqua un sourcil, amusé par la déduction hâtive que Namjoon semblait faire. Jungkook n'avait aucune intention de dissiper le malentendu trop vite.
« Oui ?
— Ne prends pas cet air.
— Quel air ? », répliqua-t-il, feignant l'innocence tout en réprimant un rire.
Namjoon fronça les sourcils, un soupçon d'agacement mêlé à un sourire amusé.
« Celui qui me dit que tu te moques ouvertement de moi. »
Un sourire plus prononcé se dessina sur les lèvres de Jungkook.
« Et alors, monsieur l'inspecteur ? murmura Jungkook en s'approchant, inclinant la tête, faussement mystérieux. Quel est ton verdict ? »
Namjoon le dévisagea, méfiant.
« Tu veux me faire croire que c'est toi, l'héritier.
— Et si c'était le cas, hyungie ? », souffla Jungkook, glissant ses doigts le long du poignet de Namjoon, un geste troublant de douceur.
Namjoon lutta pour dissimuler son frémissement. À la place, il arqua un sourcil, esquissant un rictus moqueur.
« Tu crois vraiment que je vais tomber dans ton piège aussi facilement ? dit-il, arquant un sourcil arrogant.
— Oh, mais tu es déjà tombé », répliqua Jungkook, malicieux.
Il approcha ses lèvres de son oreille.
« N'es-tu pas déjà ensorcelé par mes beaux yeux ? », souffla-t-il, sa voix prenant une tonalité basse, suave, presque provocante.
Namjoon frissonna, se mordant l'intérieur de la joue pour ne pas montrer une once de faiblesse.
« Tu te sens pousser des ailes, à ce que je vois. Je ne suis même pas sûr qu'on parle encore de la même chose », grogna-t-il.
Jungkook pouffa, puis partit dans un rire clair et franc. Il se sentait un peu mieux, le cœur un peu plus léger.
« Arrête ça ! protesta Namjoon sans contrôler son sourire, en le frappant doucement à l'épaule. Je ne te croirai jamais si tu prétends être l'héritier, alors cesse de jouer et raconte-moi la vérité. »
Jungkook lâcha un petit rire si mystérieux que Namjoon eut un doute.
« Tu sais... répondit-il en haussant les épaules, le ton énigmatique. Je suis resté presque deux heures avec Haein et les filles, et j'ai appris que je suis bien plus lié à cette histoire que tu ne le penses. »
Namjoon sentit son cœur s'emballer un instant. Il fronça les sourcils, oscillant entre doute et agacement.
L'idée paraissait si invraisemblable. Un simple coup d'œil aux yeux pétillants de Jungkook suffisait ; cette lueur malicieuse démentait chaque mot avec une finesse déconcertante. Jamais Jungkook ne plaisantait lorsqu'il s'agissait de choses graves le concernant.
Pourquoi se montre-t-il plus joueur que d'ordinaire ? Tenterait-il de détourner mon attention, ou simplement de s'offrir un instant de légèreté ?
« Arrête ça, sale garnement, tu me ferais presque y croire », siffla Namjoon en plissant les yeux.
Jungkook réprima un rire et, feignant un soupir résigné, il posa une main sur la joue de Namjoon, se penchant un peu plus près pour rendre la tension plus lourde.
Namjoon maudit le rouge qui teintait ses joues, trahissant malgré lui l'émoi qu'il aurait voulu dissimuler. Ce Jungkook... audacieux, insolent, ne le laissait pas de marbre. Il aimait sa témérité, sa nouvelle façon de s'imposer. De lui faire peu à peu perdre la tête.
Namjoon savait qu'il pourrait vaciller, mais refusait de lui offrir cette victoire.
« Et si c'était moi, tu serais impressionné ? Ça te ferait de l'effet ? », murmura Jungkook, sa voix douce et provocante, un sourire enjôleur aux lèvres.
Namjoon arqua un sourcil, son regard perçant empreint d'arrogance, tandis qu'il implorait secrètement les divinités de lui accorder la force de résister à cet envoûtement qu'exerçait sur lui cet être bien trop enjôleur pour sa santé mentale.
« Impressionné ? Tu crois être le premier à tenter ça avec moi ? »
Jungkook glissa davantage près de lui, réduisant avec malice la distance qui les séparait.
« Peut-être bien, mais je suis le seul devant qui tu joues les sceptiques... et rougis. »
Namjoon écarquilla à peine les yeux, la mâchoire serrée dans une lutte silencieuse pour dissimuler sa réaction.
« Moi, rougir ? Ne sois pas ridicule.
— Allons, Namjoon, ne sois pas nerveux, susurra Jungkook en glissant ses doigts le long de sa mâchoire d'un mouvement lent et calculé. Qui aurait cru que le grand Kim Namjoon puisse perdre contenance... »
Namjoon prétendit l'indifférence, mais ses lèvres trahirent un sourire naissant.
« Tu as bien trop d'audace pour ton propre bien.
— Peut-être. Mais il te faut quelqu'un qui te perce à jour, qui te pousse dans tes derniers retranchements. Combien de temps encore tu vas jouer les durs ? »
Oh, par tous les saints.
Namjoon secoua légèrement la tête, tâchant de reprendre contenance, mais Jungkook, le regard fixé dans le sien, laissa ses doigts effleurer le long de son cou. Un sourire effronté étira ses lèvres, intensifiant le frisson qui se répandit sous la peau de Namjoon.
« Alors, hyungie, tu me demandes si je suis l'héritier, ou est-ce juste un prétexte pour prolonger cet instant avec moi ? »
Namjoon plissa les yeux, luttant pour résister aux charmes de Jungkook. Mais malgré lui, il vacillait, frôlant l'abandon.
Où donc a-t-il appris cet art de la séduction ? Il y excelle un peu trop.
« Tu joues encore avec le feu. Ton redressement ne t'a donc pas servi ? » grogna-t-il, la voix plus grave.
Jungkook haussa les épaules avec une nonchalance feinte, mais un frisson insidieux remonta le long de son échine. Il flanchait presque sous le poids de cette voix aussi tranchante que captivante, pourtant, il ne recula pas.
« Mais ce feu, c'est toi qui l'attises. »
Namjoon le dévisagea un instant, percevant l'irrésistible défi dans le regard de Jungkook. Un soupir amusé lui échappa, mais, lentement, son sourire s'évanouit, laissant place à une expression plus sévère.
« Tu frôles les limites, Jungkook. Peut-être un peu trop. »
Jungkook haussa un sourcil, amusé, bien que son sourire sembla vaciller légèrement. Son cœur battait à tout rompre, pris entre la crainte et le désir, comme une proie défiant le prédateur, attirée autant qu'effrayée par l'idée d'être dévorée.
« N'est-ce pas cette inclination pour le danger que tu aimes chez moi ? »
Le regard de Namjoon se durcit. Un éclat indéchiffrable luit au fond de ses prunelles sombres.
Oh, si.
Soudain, il se pencha vers l'avant, forçant Jungkook à reculer son buste jusqu'à sentir l'accoudoir contre ses omoplates.
« Il semble que tu oublies quelque chose », murmura Namjoon la voix basse, caverneuse.
Il glissa lentement une main contre le matelas, l'ombre de son corps enveloppant presque entièrement Jungkook, qui, malgré le trouble qui agitait son cœur, gardait ce sourire espiègle, une lueur de défi dans les yeux.
« Qu'est-ce que j'aurais oublié ? »
Namjoon approcha son visage, un éclat d'avertissement dans les yeux.
« Que je ne suis pas quelqu'un que tu peux manipuler. La vérité, maintenant. Qui est l'héritier ? »
Jungkook resta silencieux un instant, son sourire frémissant. Puis, reprenant son aplomb, il lui lança un regard intense.
« Tu sais bien que je ne peux pas te révéler ça si facilement... où serait le plaisir ? Peut-être qu'on pourrait trouver un terrain d'entente ? Tu pourrais... »
Il se tut, suspendant sa phrase avec un regard pénétrant. D'un geste calculé, il écarta un pan de son hanbok, dévoilant la courbe de son épaule nue et le haut de sa poitrine.
Le regard de Namjoon s'y attarda, irrésistiblement captivé. Son bas-ventre se contracta. Une tension brûlante fit vibrer son corps. Il s'humecta lentement les lèvres, distrait.
D'un charme irrésistible. Il tente le diable.
Pourtant, ses yeux se relevèrent, féroces, plissées, un sourire dangereux aux lèvres.
« Ça suffit. »
Instantanément, Jungkook se figea, pris dans les rets d'une injonction qu'il n'osa braver.
L'orgueil de Namjoon savoura cette soumission furtive. Il jubilait.
Un éclat malicieux dans son regard à présent intensément noir, il s'humecta à nouveau les lèvres, la bouche sèche, puis se pencha, réduisant la distance entre eux. Leurs souffles se confondirent, frôlant leurs visages si proches que Jungkook en frissonna, saisi par le désir brûlant de sceller leurs lèvres.
« À moins que ce ne soit précisément ce que tu veux ; que je te fasse ce pour quoi cette pièce est si parfaitement isolée. Aurais-tu oublié où nous sommes, mon doux ? »
Il appuya sur les derniers mots contre ses lèvres, sa voix grave et menaçante.
Un long frisson remonta l'échine de Jungkook. Son cœur bondit, laissant une chaleur brûlante s'emparer de ses joues. La tension lui embrasait les entrailles, crispant son bas-ventre, le clouant sur place, incapable de détourner les yeux. Il entrouvrit les lèvres, prêt à répondre, mais la voix grave et envoûtante de Namjoon le réduisit au silence, le paralysant.
Là, Jungkook se rendit compte qu'il était pris au piège de sa propre audace.
« N... non, ça ira.
— Sûr ? Aurais-tu fait tout ça pour finalement te défiler ? Je te pensais plus courageux. »
Jungkook serra les dents, sa fierté écrasée sous le sourire moqueur de Namjoon, un mélange d'agacement et d'une douce humiliation incendiant ses joues.
« ...Bon. Pousse-toi, je ne joue plus », maugréa-t-il.
J'en ai assez ! Pourquoi la situation tourne-t-elle toujours sa faveur ?
Namjoon arqua un sourcil amusé.
« Politesse. Demande-le-moi gentiment, si tu tiens tant à partir. »
Jungkook soupira, tandis que son cœur, indomptable, battait en une cadence effrénée.
« Auriez-vous l'obligeance de vous écarter, ô éminent Kim ? » lança-t-il les dents serrées, d'un ton sarcastique, ses yeux lançant des éclairs.
Les lèvres de Namjoon frémirent. Il tenta de conserver son sérieux, mais il pouffa, avant qu'un esclaffement irrépressible lui échappe.
« Yah ! Tu m'as postillonné dessus ! protesta Jungkook, en s'essuyant le visage.
— Fragile créature, roucoula-t-il, en lui pinçant délicatement la joue. Ce n'est pas comme si c'était la première fois que je te mouillais. »
Pendant que Namjoon déposait un petit baiser sur la courbe de son nez, Jungkook resta interdit, les joues empourprées, ses lèvres entrouvertes sous l'effet de la surprise et de l'embarras, le visage rivalisant avec un champ entier de coquelicots.
Un léger ricanement échappa à Namjoon avant qu'il prenne un air supérieur.
Observant cette métamorphose, Jungkook ne put s'empêcher de le comparer à un démon séduisant, un être arrogant et imbu de lui-même, parfait dans son rôle de provocateur, surtout parfaitement agaçant et délicieusement sadique.
Il m'énerve. Et profondément.
« Alors, qui est-ce ? », demanda Namjoon en reprenant place avec une élégance mesurée, s'asseyant droit, les jambes croisées, le regard pétillant, satisfait.
Jungkook se redressa, lançant des éclairs de reproche avec ses yeux sombres. Pourtant, Namjoon ne put réprimer une douce émotion en constatant que Jungkook, bien que fâché, collait leurs épaules et leurs jambes, comme si ce contact était indispensable à son équilibre.
Namjoon sourit doucement, ému.
« C'est Chan, annonça Jungkook sans préambule, la mine boudeuse.
— Quoi ? Impossible ! s'exclama Namjoon, stupéfait, son visage perdant toute trace de sérénité pour une mine stupéfaite.
— Et pourtant... grommela-t-il, se triturant les doigts.
— Mais... Chan ? répéta-t-il, incrédule.
— Étonnant, n'est-ce pas... souffla-il en baissant la tête. Il y a treize ans, mon père l'avait soustrait à la cour pour le cacher ici depuis ses six ans. Haein nous l'a elle-même confirmé, c'est elle qui l'a élevé. Quant au poème, il visait à guider un proche ami de mon père vers la vérité. Je suppose qu'il n'a pas agi seul, quelqu'un d'autre devait être au courant...
— Mon père ou Seungmin... murmura Namjoon, songeur.
— Ou les deux, j'y ai pensé aussi, répondit Jungkook en hochant la tête. Il y a trop de coïncidences pour que l'exécution de ton père à cette même période ne soit qu'un simple hasard.
— Tu te souviens de mon étrange rêve-souvenir ? demanda-t-il en attendant l'assentiment de Jungkook. Ton père est probablement venu chez nous il y a bien longtemps pour justement parler de cette mission. »
Jungkook hocha la tête, pensif. Irrésistiblement attiré, Namjoon contemplait son profil, l'âme bien trop sereine.
« Tu crois que nous aurions été amis d'enfance si nos pères étaient restés en vie ? souffla soudainement Jungkook, en relevant des yeux légèrement attristés vers lui.
— Sans l'ombre d'un doute », murmura Namjoon avec une certitude lisible dans ses yeux pénétrants.
Nos destins sont inextricablement liés. Je t'aurais aimé avec la même intensité.
Un infime sourire illumina le visage de Jungkook, pourtant marqué par la tristesse de savoir que cette parcelle de vie n'avait jamais appartenu à la réalité.
« Taehyung t'a dit que son père soupçonnait l'un des hauts dignitaires de manigancer dans l'ombre, n'est-ce pas ? Cet homme, quel qu'il soit, aurait alors orchestré la découverte par ta mère des preuves incriminant ton père de trahison.
— Rien n'est certain, répondit Namjoon d'un ton glacial, les yeux rivés sur le sol orné de tapis. Elle n'a pas hésité à détruire sa propre famille. »
Attristé, Jungkook entrelaça doucement leurs doigts sur sa cuisse, insufflant un soupçon de réconfort.
« Tu as déjà envisagé qu'on ait pu l'y inciter ? murmura-t-il en inclinant légèrement la tête en avant pour capturer son regard.
— Ne lui trouve pas d'excuses, répondit-il d'un ton froid, rivant sur lui des yeux intransigeants.
— Ce n'est pas ce que je fais.
— Je ne veux pas avoir cette conversation avec toi, Jungkook. »
Je refuse que son souvenir ternisse ce bel instant à tes côtés.
Jungkook ne fit rien d'autre que de lui offrir un petit sourire désolé avant de hocher la tête en silence, compréhensif.
« Excuse-moi », soupira Namjoon en se frottant le visage d'une main lasse, exténué.
Jungkook leva leurs mains jointes et déposa un baiser sur le dos de sa main, lui signifiant ainsi sans un mot qu'il ne lui en voulait pas.
Namjoon le contempla, une lueur désolée dans le regard. Puis, il se souvint d'une chose.
« Qu'as-tu appris d'autre au sujet de ton père ? », demanda-t-il d'une voix douce.
Jungkook tressaillit, son visage s'assombrit aussitôt. Le silence s'étira, pesant, et il demeura un long moment figé, observant leurs doigts entrelacés, tandis que ses jambes trahissaient son mal-être soudain en s'agitant nerveusement.
Namjoon glissa lentement sa main sur le genou de Jungkook, apaisant la nervosité de ses gestes. Le regard de Jungkook se posa sur lui, troublé, avant qu'il ne puise la force de confier son récit, chaque mot semblant arracher un peu plus son cœur.
Lorsqu'il acheva son histoire, ses traits marqués par l'épuisement, Jungkook laissa sa tête tomber contre l'épaule de Namjoon, qui l'enlaça doucement, perdu dans ses pensées. Ils restèrent ainsi, en silence, reliés par une douleur commune. Le temps suspendit son vol et, après un long moment, Namjoon inclina la tête et déposa un léger baiser sur le sommet de ses cheveux.
« Je saisis bien des choses, maintenant, murmura-t-il, la voix portée par sa réflexion amère. Notamment la raison pour laquelle Chan sollicitait mes cours. L'école lui était trop dangereuse. »
Jungkook hocha vaguement la tête, le regard vide.
« Oui, probablement », murmura-t-il, la voix éteinte.
Namjoon l'observa, devinant la tourmente qui l'habitait.
« Comment tu te sens par rapport à tout ça ? », hasarda-t-il, soucieux.
Jungkook haussa les épaules. Cette question le dépassait, incapable de nommer le chaos qui se déchaînait en lui.
« J'ai l'impression d'avoir vécu dans un mensonge. Je n'arrête pas de penser au fait que ma vie aurait été moins pénible et amère si j'avais su dès mes huit ans qu'il était mort. Pourquoi il était mort, qui il était vraiment, s'il m'aimait. Tu te rends compte que je l'ai haï alors que la veille même de sa mort, il s'apprêtait à venir nous voir ? »
Il secoua la tête, le front plissé sous le poids d'une peine ravageuse. Le cœur en lambeaux, Namjoon l'étreignit avec une force désespérée, comme pour réparer les fragments épars de Jungkook.
« Ils m'ont privé de la vérité, je leur en veux, souffla Jungkook, se blottissant davantage contre son cou.
— Qui ?
— Haein, Chan... Je ne devrais pas leur en vouloir, n'est-ce pas ?
— Et pourtant, moi aussi je leur en veux, Jungkook. »
Surpris, il se recula légèrement de son étreinte pour le regarder.
« Nam... Tu n'as pas besoin de...
— Si. Bien sûr que si. Comment ont-ils pu te regarder dans les yeux tout en gardant les réponses qui auraient allégé tes tourments ? Quelle cruauté de te sourire en sachant pertinemment que tu souffrais. Jamais je ne les excuserai et je me moque de leurs raisons. Ils auraient pu faire une exception. »
Jungkook battit des paupières, le fixant. La voix de Namjoon vibrait d'une profondeur teintée de rancœur, si intense que Jungkook en fut presque déconcerté. Son regard était plus acéré que sa propre colère. Il se déployait dans une noirceur profonde. Namjoon semblait affecté au-delà de ce que ressentait Jungkook même.
« Même si Chan avait voulu me révéler la vérité ? demanda-t-il avec une petite voix, tentant d'alléger la tension.
— Même. Il aurait pu attendre un moment plus propice, répliqua-t-il, la mâchoire contractée.
— Même s'ils redoutaient que tous les efforts de mon père aient été vains ?
— Et qu'est-ce qu'il en savaient ? Ils ont décidé pour toi. Ils n'en avaient absolument pas le droit. J'inclus aussi ta mère. »
Jungkook se sentit frappé par la ferveur avec laquelle Namjoon le défendait, comme si ce dernier portait en lui une force dévastatrice, prête à tout pour le protéger. Cette ferveur dépassait l'indignation simple. C'était un élan plus profond, presque bouleversant. Différente de celle où ses amis l'auraient aussi défendu et protégé. Ils ne le feraient jamais avec la force farouche d'un Namjoon qui clamait son droit de choisir pour lui-même.
Il a raison.
Malgré l'intensité de l'instant, un léger sourire de gratitude illumina les yeux de Jungkook, témoignant de l'émotion qui éclot dans son cœur.
Une vulnérabilité le traversa, éveillant d'anciennes blessures enfouies. Mais en cet instant précis, il se sentait vu, compris, aimé comme il n'avait jamais osé l'espérer.
Dans un geste tendre, Jungkook leva la main et caressa la joue de Namjoon, tentant de chasser l'amertume qui assombrissait ses traits.
« Tu es le plus en colère. Je ne sais même pas si je ressens vraiment de la colère. Tout est confus, en moi. »
Le regard de Namjoon se fit plus doux.
« Tu as souffert. Ça me suffit à leur en vouloir, malgré mon amitié pour Chan et le respect que j'ai pour Haein. »
Je t'aime, alors ta douleur m'appartient, aussi.
Porté par un élan vertigineux qui faisait s'envoler son cœur, Jungkook cueillit ses lèvres avec douceur, prolongeant le chaste contact. Puis, il ancra son regard dans le sien, s'y accrochant avec une intensité emplie de gratitude.
« Merci », souffla-t-il.
Namjoon acquiesça en silence, son regard se perdant un instant dans le sien. Il se sentait lui-même secoué par tout ce qui venait d'être révélé, et il n'osait imaginer le tourment qui devait habiter Jungkook.
Une sourde colère monta en lui, dirigée, cette fois, contre ces hommes de pouvoir, ces stratèges cruels, qui déplaçaient leurs pions sans pitié, ravageant des vies d'un geste aussi impitoyable que désinvolte.
Jungkook aurait pu être heureux.
« Ce qui m'a le plus marqué dans ton récit, c'est l'état de ton père lors du décès du mien », murmura Namjoon, sans jamais détourner son regard du sien.
Jungkook perçut l'inquiétude, la peur peut-être, dans cette phrase.
Le silence s'épaissit, chargé de tout ce qui restait en suspens. À ces mots, Jungkook sentit son cœur se serrer, frappé par la gravité de cette confidence qui semblait s'échapper des lèvres de Namjoon de manière indomptée.
Lentement, il leva une main, effleurant la joue de Namjoon dans un geste de réconfort, caressant sa peau pour chasser les ombres qui habitaient son regard.
« Si je venais à te perdre... je réagirais de la même façon, sinon pire », murmura Namjoon, sa voix brisée, alourdie par l'émotion qui l'étreignait douloureusement.
Jungkook sentit son souffle couper, son cœur s'affoler. Un flot de mots confus et inachevés se pressait en lui, cherchant désespérément à apaiser la douleur qui rongeait Namjoon. Alors, sans un mot, il se pencha lentement et déposa à nouveau un baiser doux et tendre sur ses lèvres.
Je crois que moi aussi, Namjoon.
Ce dernier comprit que les mots étaient vains ; Jungkook parlait un langage que seuls ses gestes révélaient, et Namjoon le percevait avec une clarté émouvante.
Était-ce là le langage silencieux de l'amour ?
Il se souvint des gestes simples de ses parents, de ces attentions qui lui avaient témoigné sans un mot à quel point il comptait pour eux. Son père lui offrant la plus grande part d'une tarte. Sa mère découpant des fruits rien que pour lui.
Jungkook, à sa manière, ne lui disait-il pas la même chose ; que l'amour ne s'enferme pas dans les mots ?
Quelle douce pensée. Peut-être une illusion. Pourtant, son cœur s'apaisa.
Leurs lèvres se séparèrent délicatement, leurs fronts se pressant l'un contre l'autre. Le regard de Namjoon se perdit sur les lèvres de son amant.
« Maintenant, tu vas pouvoir faire ton deuil correctement, murmura Namjoon.
— Pas tant que l'imposteur reste impuni, que justice n'ait pas été rendue pour nos pères.
— Je te comprends. Moi aussi. »
Jungkook acquiesça d'un léger hochement de tête, puis détacha doucement leur front. Son regard remonta vers les yeux apaisants de Namjoon, où il se perdit, incapable de briser cet instant. Submergé par ses émotions éparses, il sentait que cet être incarnait réellement tout son univers.
Mon univers, oui... Mais quel sens cela a-t-il si c'est pour vivre sans cesse dans la peur ?
Un petit sourire douloureux étira ses lèvres alors qu'il glissa une main dans les cheveux de Namjoon, écartant une mèche tombée sur son front.
Et s'il mourrait par ma faute ?
Jungkook soupira, puis secoua légèrement la tête. Il détestait se laisser plonger dans la mélancolie. L'avenir incertain le rongeait, et tout ce qu'il désirait, c'était s'oublier encore dans les bras de Namjoon.
Pendant qu'il le pouvait encore.
Un regard, un baiser de plus, et il ne le quitta plus des yeux, résolu à chasser chaque pensée sombre, savourant cet instant de paix dans la douce chaleur de Namjoon.
« Et maintenant, hyungie... », susurra-t-il d'une voix suave.
Il se pencha jusqu'à effleurer ses lèvres des siennes, enivré par le bonheur d'avoir fait sourire Namjoon, désormais amusé et réceptif à son aura séductrice.
« Tu ne souhaitais pas laisser tes yeux se promener sur mon corps tout à l'heure... ? », murmura-t-il en mordillant le lobe d'oreille à sa portée, tout en écartant lentement les pans de son hanbok, révélant ses larges épaules.
Les yeux de Namjoon s'assombrirent. Ses yeux avides se posèrent sur les épaules dénudées, et son cœur s'emballa. Fasciné, il leva doucement la main pour effleurer la peau nue, ses doigts vibrant de vénération. Son regard se fit plus intense, presque révérencieux.
« Tu ne t'arrêtes donc jamais...
— Arrête-moi, dans ce cas, susurra-t-il, joueur.
— Comment ? Tu es la tentation incarnée, bon sang. »
Flatté, Jungkook se mordit la lèvre inférieure. Une onde électrisante parcourut son corps tout entier.
Cette voix veloutée et puissante résonnait en lui, écho retentissant qui touchait à la fois les parois de son cœur et son bas-ventre.
Cette voix qui avait ce dangereux pouvoir ensorcelant, le rendant docile, désireux de plaire, prêt à exaucer le moindre de ses ordres.
Ou à le défier, lorsqu'il se sentait un peu plus téméraire.
Lui, Jeon Jungkook, adorateur des courbes féminines et dominant de nature. Il s'était bien fourvoyé. Il ne pouvait qu'embrasser sa vulnérabilité insoupçonnée. Tant que Namjoon existait, son côté délicat et réceptif existerait.
« Hyung... », soupira-t-il, allègre.
Sensible à son appel implorant, Namjoon s'apprêtait à le faire asseoir sur ses genoux quand un sursaut de lucidité l'immobilisa, laissant son geste inachevé dans l'air.
« Attends, Jungkook. »
Sa voix indécise interpella ce dernier qui se figea, son air lascif s'effaçant instantanément pour une expression inquiète.
« Chan était avec vous ?
— Euh... non.
— Je ne l'ai pas vu de la soirée.
— Oh, mon Dieu, moi non plus. J'ai... »
Jungkook ouvrit la bouche sur un silence, avant de couvrir ses épaules dénudées, l'esprit en pleine réflexion.
Ils se regardèrent.
Puis, comme une même personne, ils bondirent de la méridienne et quittèrent la pièce en hâte.
Dans le couloir, alors que Jungkook s'élançait à toute allure, Namjoon le retint d'un geste rapide en lui saisissant le bras. Ils s'immobilisèrent alors, au milieu du passage.
« Attends, murmura Namjoon, son regard sérieux contrastant avec l'esquisse d'un petit sourire charmeur. Embrasse-moi, d'abord. »
Jungkook décela cette lueur particulière qu'il connaissait si bien. Il émit un clappement de langue réprobateur.
« Nam, ce n'est pas le moment, on est pressés, grommela-t-il, les joues légèrement empourprées, troublé et un brin agacé.
— Dans ce cas, dépêche-toi », dit-il en haussant les épaules, un léger sourire joueur.
Jungkook soupira, jetant un coup d'œil furtif dans le couloir, s'assurant qu'ils étaient bien seuls.
« Et pourquoi ce serait à moi de le faire ? », grogna-t-il, rouge de gêne.
Namjoon approcha son visage, leurs lèvres se frôlant.
« Parce que tu as ta propre façon de... »
Un raclement de gorge les fit sursauter.
Ils tournèrent vivement la tête vers la source du bruit et se figèrent.
Yoongi.
Il se tenait là, un sourcil arqué, les observant. Namjoon ne sut s'il décelait une colère froide ou une pointe de malice dans ses yeux.
Pris de panique, Jungkook repoussa Namjoon qui heurta le mur en étouffant un grognement de douleur.
« Eh bien, Kook, tu pourrais y aller moins fort, non ? », ironisa Yoongi, un sourire narquois flottant sur ses lèvres.
Jungkook resta figé, hésitant entre s'excuser auprès de Namjoon ou affronter le regard perçant de Yoongi. Ce dernier croisa les bras, le regard suspicieux.
« Bien, j'ai une question qui me brûle les lèvres depuis plusieurs semaines. Qu'est-ce qui se passe exactement entre vous ? », demanda-t-il.
Jungkook entrouvrit la bouche, cherchant ses mots, mais aucun son ne vint. Embarrassé sous le regard perçant de Yoongi, il se tut, refermant les lèvres plusieurs fois. Remarquant son trouble, Namjoon s'avança alors calmement, dépassant Jungkook d'un air serein.
« Qu'est-ce que tu sais exactement ?
— Rien, justement.
— À d'autres », rétorqua Namjoon, avec une légèreté trompeuse.
Sous le regard éberlué de Jungkook, leur échange se déroulait d'un calme singulier, sans la moindre animosité.
« Il n'empêche que je vous observe depuis plusieurs semaines, avec Seokjin et Mingyu », dit Yoongi, le ton sérieux.
Jungkook sursauta, le sol semblant se dérober sous ses pieds.
« Tu es donc arrivé à une conclusion ? interrogea Namjoon, les yeux plissés, le visage grave.
— J'ai ma petite idée, oui. »
Yoongi observa Jungkook, qui, pris de peur, recula d'un pas. Un sourcil arqué, il laissa transparaître sa surprise face à cette réaction inattendue. Sur le point de prendre la parole, il fut soudain interrompu.
« On n'a pas le temps pour des explications, Yoongi. L'urgence est réelle : Chan est peut-être porté disparu. Il est le véritable héritier du yangban Kwon. Depuis ses six ans, Chan a été caché par le père de Jungkook et confié à Haein. Donc son absence est préoccupante. On vous expliquera plus tard, en réunissant tout le monde », expliqua Namjoon d'une voix claire, le ton grave.
Yoongi fronça les sourcils, battant des paupières sous le choc. Il était abasourdi par cette révélation inattendue. Les mots lui manquaient. Il mesurait soudain toute l'ampleur de la situation. Lui qui venait confronter ses amis, se trouvait maintenant face à une vérité des plus surprenantes.
« Attendez... l'héritier de l'ancien yangban ? », répéta-t-il, ahuri.
Namjoon acquiesça.
« Mais ce n'est pas Insoo ?
— C'est un imposteur.
— Qui vous a dit ça ?
— Haein-ssi l'a raconté à Jungkook et aux filles. Taehyung m'avait également partagé l'information qu'il tenait de son père.
— Attends, aux filles ? Alors Minseo est également au courant ? »
Namjoon arqua un sourcil étonné. Il posa un regard interrogateur sur Jungkook, mais celui-ci, figé, contemplait Yoongi avec un air si égaré que le cœur de Namjoon vacilla.
« Je le crois bien, répondit Namjoon avant de se forcer à détacher ses yeux de Jungkook.
— Alors c'était donc là, sous nos yeux, murmura Yoongi en passant une main lasse sur son visage, accusant le coup de cette révélation.
— Oui, je viens tout juste de l'apprendre, » ajouta Namjoon avec gravité.
Yoongi les fixa un instant. Il darda longuement son regard perçant dans celui presque larmoyant d'anxiété de Jungkook. Son visage s'adoucit légèrement, puis soupira.
« Très bien... Merci, Namjoon, dit-il avant de poser son regard sur Jungkook. Quant à toi, on doit parler plus tard. Et n'envisage même pas d'y échapper. »
Jungkook hésita un instant, hochant finalement la tête, les lèvres pincées, fuyant le regard perçant de Yoongi. Un soupçon de regret traversa ce dernier, conscient de sa froideur. Lentement, il s'avança vers Jungkook, et, instinctivement, ce dernier recula d'un pas, le cœur battant, les yeux écarquillés comme un enfant surpris.
« Je ne vais pas te manger, Kook », murmura Yoongi, le visage impassible.
Jungkook s'immobilisa, pris entre la crainte et une attente silencieuse.
Alors que Yoongi comblait la distance, il ébouriffa distraitement les cheveux de Jungkook. Son regard restait distant, sans la moindre chaleur. Jungkook sentit son cœur se serrer. Ce geste tendre et familier ne faisait qu'accroître ce vide qu'il ressentait. Il souhaita, en cet instant, que Yoongi lui dévoile ses véritables émotions plutôt que de lui offrir cette façade impénétrable.
Avant qu'il ne prononce un mot, Yoongi adressa un dernier regard à Namjoon. Un regard d'une neutralité troublante. Jungkook serra les dents, submergé par une angoisse dévorante. Il se maudissait d'être ainsi figé, incapable de s'expliquer. Il était terrifié. Ce n'était pas tant son secret, désormais découvert, qui l'effrayait, mais la crainte de perdre Yoongi, l'un des piliers qui le maintenaient à flot.
Yoongi tourna les talons, laissant un Jungkook déconcerté, les pensées tourmentées, une main posée sur l'endroit où son ami l'avait touché.
« Je vous attends en bas. Je me joins aux recherches. À tout à l'heure », lança-t-il avant de disparaître dans les escaliers.
Jungkook le regarda s'éloigner, le cœur battant un malaise lui nouant l'estomac. Il sentit la présence de Namjoon derrière lui. Se retournant vivement, il saisit doucement son visage avec une expression désolée, le regard suppliant.
« Namjoon, je suis désolé... je ne voulais pas te faire mal », balbutia-t-il, le regardant sous toutes les coutures.
Namjoon roula des épaules en grimaçant, un sourire amusé adoucissant ses traits.
« Eh bien, c'est raté. Tu es plus fort que je ne l'imaginais, mon doux... », dit-il, doucement railleur.
Déconcerté, Jungkook ouvrit la bouche avant de rougir face au sourire tendre de Namjoon.
« Ne t'inquiète pas, je ne t'en veux pas, murmura-t-il en effleurant sa joue.. À deux conditions. »
Le regard de Jungkook se fit plus attentif et curieux, bien qu'encore troublé par l'apparition surprise et l'aura froide de Yoongi.
« D'abord, tu me feras un massage, ce soir. Je sais que tu es doué. »
Un petit sourire étira les lèvres de Jungkook, qu'il humecta discrètement.
« J'ai comme un air de déjà-vu...
— N'est-ce pas, répondit Namjoon, un sourire en coin.
— Ça peut s'arranger. Et l'autre condition ?
— La deuxième... »
Namjoon réduisit légèrement la distance entre leurs visages, son souffle effleurant le sien.
« Si tu pars sans m'embrasser maintenant, je pourrais bien t'en vouloir. Il me semble que je ne pourrais plus le faire avant des heures. »
Jungkook oscillait entre un sourire timide et un rire nerveux.
« Mais Nam, il y a urgence... Tu viens de le dire à Yoongi, en plus, soupira-t-il.
— Oh, c'était pour le chasser », souffla-t-il, les yeux pétillants de malice.
Jungkook étouffa un rire. Il joignit tout de même leurs corps, enroulant ses bras autour du cou de Namjoon, jetant un regard anxieux dans le couloir sous celui amusé de ce dernier, qui enlaçait tendrement sa taille. Jungkook se mordit la lèvre, partagé entre l'urgence de la situation et l'envie de prolonger leur moment.
« On n'a pas le temps, murmura Namjoon d'une voix douce. J'attends. »
Dans un soupir théâtral, Jungkook leva les yeux au ciel, marmonnant un « dit celui qui nous fait perdre du temps » que Namjoon perçut avec amusement, un sourcil arqué. Mais avant que ce dernier ne réplique, Jungkook saisit doucement son visage et l'embrassa.
Namjoon le serra un peu plus fort, retenant doucement sa tête pour qu'il ne s'éloigne pas trop vite à son goût. Jungkook sourit dans le baiser et se laissa emporter dans ce ballet enivrant. Namjoon l'embrassait comme s'il ne le reverrait pas avant mille ans, et cette pensée, aussi troublante qu'agréable, fit naître en lui un léger frisson.
Lorsqu'ils se séparèrent, Jungkook baissa immédiatement les yeux, les joues empourprées, fuyant le regard de Namjoon qu'il savait embrasé de désir. Namjoon savourait ce moment, observant avec délice la façon qu'avait Jungkook de s'humecter les lèvres après chacun de leurs baisers.
« Dis-moi, tu n'as pas l'air plus troublé que ça de t'être fait surprendre par Yoongi... », murmura Namjoon d'un ton taquin, un sourire en coin.
Pris de panique, Jungkook leva un regard anxieux vers lui, son visage palissant à ces mots.
« S'il te plaît, ne m'angoisse pas davantage, un problème à la fois ! », geignit-il, presque implorant, sa voix trahissant une légère tremblote.
À la fois peiné et amusé par l'agitation de Jungkook, Namjoon se laissa aller à un bref rire. Il déposa un baiser doux et rassurant sur son front, puis tendit la main vers lui.
« Allez, viens. Yoongi nous attend. »
Sans hésiter, Jungkook entrelaça ses doigts avec ceux de Namjoon, cherchant un réconfort dans ce simple contact. Ses yeux s'accrochèrent aux siens, inquiets.
« Tu ne trouves qu'il avait un air... étrange ? », demanda-t-il à voix basse.
Namjoon pinça les lèvres, le regard pensif.
« Oui, un peu. Mais au moins, il n'y avait aucune trace de mépris dans ses yeux. »
Jungkook écarquilla les yeux.
Tiens, c'est vrai.
Un éclair de soulagement traversa son visage en réponse à cette constatation.
Il connaissait l'esprit ouvert de Yoongi, sa nature compréhensive, presque permissive. Il savait que Yoongi connaissait les attentions qu'il recevait parfois de la part d'autres hommes lui faisant du charme, et celles que Yoongi avait lui-même un jour reçues et respectueusement refusées – tout comme Jungkook. Pourtant, jamais ils n'avaient abordé le sujet de l'homosexualité.
Il ignorait alors tout des véritables pensées de Yoongi à ce sujet.
S'il n'a pas été méprisant, alors pourquoi autant de froideur ?
« Je ne veux pas le perdre... Ni lui ni les autres. »
Namjoon pressa doucement sa main, une lueur rassurante dans le regard.
« Pour Seokjin et Mingyu, je ne saurais dire, mais je doute fort que Yoongi renonce à votre amitié pour ça. Il t'en veut sans doute de lui avoir dissimulé la vérité, de ne pas lui avoir accordé ta confiance, expliqua-t-il calmement.
— Comment tu peux en être sûr ? demanda Jungkook, incertain.
— Yoongi est fin et perspicace. J'ai eu la chance de parler avec lui plus qu'avec les autres, de lire certains de ses poèmes, d'en débattre avec lui... Crois-moi, tu as là un ami inestimable. »
Un léger sourire éclaira le visage soucieux de Jungkook alors qu'ils descendaient les marches, leurs mains toujours liées. Peu à peu, son angoisse s'effritait, même si un léger tourment persistait, niché au creux de son cœur.
« Yoon est aussi ton ami », murmura Jungkook, fixant son profil.
Namjoon sourit sans le regarder, un éclat discret dans son expression. Ils continuèrent leur descente, détachant leurs mains en échangeant un tendre regard. Il se dirigèrent vers la salle principale où quelques courtisanes entouraient un Yoongi visiblement aux anges.
« C'est comme ça qu'il nous attend, lui ? », marmonna Jungkook, le ton blasé.
Namjoon se contenta d'un souffle rieur.
Ils regagnèrent vite leur sérieux. Les yeux de Jungkook scrutèrent chaque recoin, à la recherche de la silhouette tant espérée de Chan. Il s'approcha de Namjoon et Yoongi qui venait de les rejoindre, à présent pleinement sérieux et alerte. Jungkook leur confia qu'il partait immédiatement pour le Pavillon Doré, leur confiant la tâche de tenir informées les filles et Haein, puis de poursuivre les recherches au Jardin avec Yoongi.
« On se retrouve ici même. »
Ils se séparèrent.
Peu après, ils se retrouvèrent dans la pièce principale du Jardin, leurs visages marqués par une agitation plus prononcée. Sous les regards curieux et inquiets de Haein et des amies de Jungkook, on devinait la question silencieuse : que pouvait-il bien se passer pour qu'ils soient dans un tel état ?
« On ne l'a pas trouvé, dit Namjoon, l'air grave.
— Et toi ? demanda Yoongi.
— Moi non plus, répondit Jungkook en fronçant les sourcils. Noona, tu n'as pas vu Chan ?
— Il n'est pas au Pavillon ? À cette heure, il est déjà dans sa chambre, dit-elle, inquiète.
— J'en reviens, il n'y est pas.
— Tu as regardé aux alentours ? Dans les vestiaires ?
— Oui, noona. Il n'est nulle part. »
Les regards se croisèrent, perplexes. Minseo avoua que Chan avait passé un moment avec Yoongi et elle en ville, avant de disparaître sur un autre chemin. Elle avait alors supposé que Chan était allé rejoindre Yoomi, Sunhi et Jiwon.
Qui nièrent toutes l'avoir croisé.
« Il... il n'y a pas lieu de s'inquiéter, n'est-ce pas ? demanda Sunhi, tentant de dissimuler son anxiété croissante.
— Personne n'est au courant de notre découverte », renchérit Minseo.
Haein se mordit l'intérieur de la joue, délaissant sa pipe dont le tabac se consumait lentement.
« Les espions se glissent partout, dit-elle avec une pointe de gravité. Dans chaque recoin du pays, de cette ville, et même entre les murs de votre école. Quelles mesures avez-vous prises pour vous protéger lors de vos recherches ?
— Eh bien... soupira Jungkook, visiblement embarrassé.
— Aucune, admit Yoongi.
— Très bien, dit Haein avec une clairvoyance tranquille, malgré l'effroi qui étreignait son cœur. Séparons-nous et tâchons de le retrouver. Je vais dire à Jiwon que je la laisse gérer la maison », dit-elle en se levant, déterminée.
Chacun en duo, ils s'éparpillèrent comme des feuilles emportées par le vent, chacun suivant son propre chemin, déterminés à ne pas laisser les ombres de l'inquiétude envahir leurs esprits.
« Il ne peut pas être bien loin, déclara Jungkook en arpentant rapidement les rues aux côtés de Namjoon. Tu as remarqué quelque chose de particulier, cette semaine en lui remettant tes cours ?
— Non, je n'ai rien eu à lui transmettre ; on était tous accaparés par les préparatifs de la fête, répondit Namjoon.
— Alors depuis quand tu ne l'as plus revu ?
— Depuis la fameuse nuit où m'as jeté dans ses bras », répondit-il, lui offrant une œillade espiègle, les yeux pénétrants.
Jungkook leva les yeux au ciel en soupirant.
« J'aimerais que ce sujet ne soit plus évoqué, Namjoon.
— Ta punition n'est pas levée, alors n'espère pas que je m'abstienne de te taquiner avec ça, Jungkook. »
Embarrassé, Jungkook marmonna quelques mots avant de le pousser d'un geste vif, obligeant Namjoon à reculer de quelques pas. Un éclat de rire discret échappa à ce dernier, son regard amusé se posant sur la lutte futile de Jungkook pour contenir le rose qui s'emparait de ses joues.
Ils déambulèrent à vive allure à travers le quartier commerçant, leurs yeux scrutant chaque recoin à la recherche d'un signe de Chan devant les échoppes.
À l'orée de l'école, leur quête les mena à croiser Taehyung et Jimin. En quelques mots précipités, ils leur révélèrent les dernières découvertes. Touchés par l'urgence de la situation, leurs aînés jurèrent de prêter main-forte et d'enrôler Hoseok et Hye-Jin s'ils les croisaient, ainsi que Mingyu et Seokjin.
Jungkook et Namjoon firent demi-tour, leurs pas les menant à travers les rues illuminées par les lanternes et les fumées des cuisines de rue. Ils s'engagèrent dans les venelles obscures des quartiers populaires longeant le fleuve Han, serpentant au cœur de Séoul.
Bien qu'ils doutaient que Chan eût osé s'aventurer seul dans ces lieux mal famés, ils jugèrent plus sage de vérifier par eux-mêmes.
Malgré un pressentiment sombre qui lui nouait le cœur, Namjoon errait dans ses pensées. Son père, qui était probablement tombé pour avoir été de mèche avec Jeon Dongwon. Sa mère, aveuglée par les mensonges qui avait préféré trahir leur honneur plutôt que de le défendre. Kim Seungmin, leur ami, qui devait les avoir protégés en vain.
Et puis, il y avait Chan, dont la vie avait été épargnée au prix d'énormes sacrifices.
Il sursauta en apercevant une silhouette grande et frêle aux longs cheveux d'ébène s'effacer à l'angle d'une ruelle. Le cœur battant, croyant reconnaître son ami, il s'élança à sa suite, rattrapant la personne qu'il agrippa par l'épaule. Un cri perça l'air, et une main se leva prête à frapper. Il recula, navré, tandis que des mots venimeux jaillissaient des lèvres de la jeune fille.
Ce n'était pas Chan.
Poussant un soupir chargé de déception, il fit demi-tour vers la rue principale, sans prendre la peine de s'excuser.
Là, il constata que Jungkook s'était évaporé comme un mirage.
« L'imbécile... », marmonna-t-il entre ses dents serrées.
Animé par une détermination fébrile, il s'élança en courant, espérant retrouver son amant au plus vite pour reprendre leurs recherches inachevées.
Ignorant le mauvais pressentiment qui compressait son cœur.
À suivre...
Il est passé de
QUATRE MILLE MOTS
à
DIX MILLE MOTS.
Voilà.
C tt pr moa.
Alors, ce chap ? 👀 Encore un petit moment tension entre le namkook 🤭
ET YOONGI QUI LES SURPREND- comment tu imagines sa réelle réaction ? Il accepte ? Il méprise en cachette ? Est-il aussi ouvert d'esprit que le pense NJ ? 😇
Merci encore de me suivre sur Withdrawn ♡
À dimanche ♡
𝑾𝒊𝒕𝒉 𝑳𝒐𝒗𝒆, 𝑫𝒂𝒓𝒌 𝑬𝒚𝒆𝒍𝒆𝒕 🖤
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