𝐗𝐈𝐕 | 𝐁𝐥𝐚𝐜𝐤 𝐥𝐢𝐤𝐞 𝐋𝐨𝐯𝐞 𝐭𝐨𝐨 𝐝𝐞𝐞𝐩
Bon. 10k. On va faire comme si t'as rien vu 🙂
Enjoy ♡
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Après un au revoir joyeux, quittant le groupe avec qui ils venaient de passer d'agréables moments, Hoseok et Taehyung traversèrent tranquillement la cour, se dirigeant vers leur dortoir respectif.
Une ombre assombrissait légèrement l'humeur de Hoseok. Il haïssait rester sur un échec. Malgré ses efforts acharnés, il n'avait pas réussi à percer le mystère du poème, dont les vers restaient insidieusement gravés dans sa mémoire, moqueurs et narquois.
Comme pour ajouter à son tracas, il se mit à les répéter, improvisant un air mélancolique qui épousait ses pensées tenaillées.
« Arrête, tu vas nous attirer des ennuis, si les professeurs t'entendent ! pouffa Taehyung en jetant un coup d'œil autour de lui.
— Peu importe, ce poème est indéchiffrable, ils ne saisiront rien, rétorqua-t-il en bougonnant.
— Tu plaisantes ? C'est tellement grivois que même un sourd le devinerait !
— Je m'en fiche.
— Mais Hos... ! »
Poussé par un esprit de contradiction, Hoseok éleva la voix, récitant avec une intensité accrue sous le regard mi-amusé, mi-médusé de Taehyung. Comme prévu, son acte attira inévitablement l'attention d'un de leurs professeurs qui passait près d'eux.
« Eh bien, Jung, jamais je n'aurais imaginé entendre de telles frivolités de ta part. Moi qui vous prenais pour des élèves sérieux, modèles et exemplaires », lança le professeur, l'air faussement consterné.
Ils se figèrent, se regardèrent, puis s'inclinèrent respectueusement devant Hong Ji Su, cet érudit aux multiples talents en mathématiques et en littérature, qui s'approchait avec une élégante nonchalance. Le trio les composant avec Namjoon appréciait ce professeur proche de ses élèves, les traitant en égaux. C'était lui qui avait pris Namjoon sous son aile, lui confiant des exercices d'une rare complexité pour affiner son savoir déjà impressionnant.
« Je croyais qu'un peu de poésie ne faisait de mal à personne... », répondit simplement Hoseok, l'air innocent.
Taehyung réprima un sourire, tandis que Hong les observa avec une lueur amusée dans le regard, arquant un sourcil.
« Certes, mais la dernière fois que j'ai entendu quelqu'un réciter ces vers... inspirés, c'était lors d'un festival de villages après quelques verres de soju.
— Et dire qu'on pensait que vous étiez trop sérieux pour ce genre de festivités ! », rit Taehyung.
Hoseok tenta de dissimuler son rire en toussotant.
« Ah, jeunes innocents... soupira-t-il en secouant la tête, vous n'avez encore rien vu. Mais attention, si je vous surprends encore à déclamer de la poésie grivoise, je me verrai forcé de vous faire réciter des formules mathématiques en guise de punition. »
Taehyung écarquilla les yeux, hoquetant de stupeur comme s'il venait de recevoir une mauvaise nouvelle. Il se tourna vers Hoseok, mimant la panique, ses lèvres tremblant à peine pour contenir un sourire.
Hoseok prit un air faussement sérieux. Il croisa les bras comme s'il réfléchissait intensément, puis secoua la tête avec une petite moue de désespoir contenu.
« Les mathématiques, seonsaeng... Un supplice pour mon esprit voué à la littérature..., murmura-t-il d'une voix presque résignée.
— Et moi, si vous m'imposez ça, je crains que les mots eux-mêmes ne me fuient, seonsaeng... », soupira Taehyung, feignant une tristesse exagérée.
Hong les regardait avec cette étincelle de bienveillance dans les yeux, un sourire discret se dessinant sur ses lèvres.
« Arrêtez votre char », lâcha-t-il doucement, appréciant leur espièglerie mesurée.
Taehyung afficha un petit sourire amusé, inclinant légèrement la tête vers le sol en signe de respect et d'humilité. Hoseok ne put réprimer un petit rire, mais se reprit rapidement en baissant à son tour les yeux pour ne pas croiser trop longtemps le regard du professeur en guise de profonde estime.
« Bien. Ainsi, vous êtes amateurs de ce type de littérature, reprit le professeur. Ma foi, vous n'avez pas choisi le moins talentueux des auteurs en la matière.
— Oh, vous connaissez ce poème ? s'exclama Taehyung en relevant la tête.
— Si j'en juge les trois premiers vers que Hoseok criait, commença-t-il en jetant un coup d'œil amusé vers ce dernier, ce poème figure dans un recueil, l'un des meilleurs ouvrages de Kang Woo. En revanche, ce n'est pas Shin, le prénom, mais Sang. »
Hoseok et Taehyung échangèrent un regard stupéfait, comprenant que la précision de Hong sur le prénom n'était rien de moins qu'un indice de Jeon Dongwon, subtilement dissimulé sous une apparente modification.
Et si Jungkook avait eu raison sur Shin, leur professeur de biologie ?
« Kang Woo..., mémorisa instantanément Taehyung, un sourire en coin.
— Kang Woo... répéta Hoseok, faisant écho à ce sourire.
— Vous êtes étranges... remarqua Hong en arquant un sourcil, curieux.
— Merci infiniment, seonsaeng, dit Taehyung en s'inclinant.
— Je t'en prie... mais pour quelle raison ? répondit-il, déconcerté.
— Grâce à vous, nous avons une nouvelle piste ! s'exclama Hoseok, ravi de relancer leur enquête.
— ... Et je devrais comprendre en quoi un poème grivois vous est utile ?
— Nous aidons un ami à en décrypter les indices.
— Dans ce cas, puis-je me joindre à vous et vous prêter main-forte ? »
Les plus jeunes échangèrent un regard pensif. Hong aurait certes été d'une aide précieuse, mais ils sentaient que cette affaire revêtait un aspect trop périlleux pour être révélée. Peut-être même mettraient-ils leur professeur en danger s'ils le joignaient à la confidence.
« Vous venez de le faire, vous n'en avez pas idée, dit Taehyung, reconnaissant. Nous prenons congé, je vous prie de nous excuser. Très belle nuit, seonsaeng. »
Il adressa une révérence respectueuse au professeur, qui ne put s'empêcher de sourire en secouant la tête. Puis, saisissant Hoseok par le poignet qui avait à peine entamé sa révérence, Taehyung se mit à marcher en direction du dortoir des cinquièmes années, leurs pas pressés et déterminés.
L'esprit en ébullition, ils se mirent à la recherche de Jungkook et Namjoon.
« Attends, dit Hoseok, alors qu'ils se trouvaient devant la porte close de la chambre de Namjoon. Qu'est-ce qu'il t'arrive ? On dirait que tu as eu une révélation !
— Tu ne pourrais mieux dire ! répondit Taehyung en frappant le battant. Je viens de saisir comment on va déchiffrer ce poème.
— Et pourquoi on est devant la chambre de Joon alors que c'est Jungkook le premier concerné ?
— Oh, pitié. Qui est celui qui galope le plus souvent la nuit sous ma fenêtre en pensant être discret ? », dit-il en levant les yeux au ciel, amusé.
Hoseok ne put retenir un esclaffement.
« Tu penses qu'il est déjà là ?
— Je mettrais ma main au feu », ricana Taehyung.
Namjoon leur ouvrit la porte, l'air ennuyé.
« Je vois que notre retour te réjouit, Joon, dit Hoseok.
— On vous a entendus. La discrétion n'est pas votre fort, soupira-t-il.
— Il a dit "on" », l'ignora Taehyung en se penchant vers l'oreille Hoseok qui esquissa un sourire narquois.
Namjoon fit glisser lentement sa langue sous sa lèvre inférieure, une pointe d'agacement s'épanouissant en lui.
« Qu'est-ce que vous voulez. »
Sans un mot de plus, ils le poussèrent gentiment et entrèrent, accueillis par les protestations irritées de l'hôte.
« Je ne vous ai pas invités !
— Oh, il est déjà, là tu as raison ! », dit Hoseok l'ignorant à son tour.
Il pointait du doigt le dos de Jungkook en donnant un coup de coude à Taehyung qui lâcha un rire franc.
Leurs mains claquèrent dans l'air, sous le regard à la fois consterné et blasé de Namjoon, qui s'avança vers eux, les bras croisés et la mine renfrognée.
« Le "il" a un prénom, je vous signale », rétorqua Jungkook.
Il se tourna vers eux, un brin piqué, depuis le coin de la salle de bains où il débutait sa toilette. Bien qu'affichant une mine ennuyée, ses joues rosissaient malgré lui, témoignant de l'embarras de savoir que leurs aînés savaient. Ou du moins, qu'ils se doutaient de quelque chose.
« Vraiment ? Ce n'est pas "poussin" ? », lâcha Taehyung d'un ton moqueur.
Il esquiva de justesse un objet que Jungkook lui lança avec une précision impressionnante, déclenchant l'hilarité de Hoseok qui observait la scène d'un œil amusé. Même Namjoon s'était discrètement esclaffé.
« Je me brosse les dents avec ce bâtonnet, Jungkook, protesta Namjoon, le ton calme, mais l'œil rieur.
— Tu préférerais que je lui lance tes précieux ouvrages ? pesta-t-il, les joues empourprées d'embarras.
— Oh, je t'en prie. Tant que ça le blesse... répondit-il en haussant les épaules, désinvolte.
— Pardon ? s'offusqua Taehyung.
— Oh, très bien. Alors, dans ce cas... », susurra Jungkook, sadique.
Il fit mine de se pencher sur le bureau et saisir le plus gros livre pour donner suite à sa menace.
« Minute ! C'est comme ça que tu me remercies, alors qu'on vient à toi avec une nouvelle piste, espèce d'ingrat ? » brailla Taehyung, faussement outré, en haussant le ton pour dramatiser la situation.
Jungkook interrompit son geste, un sourire satisfait aux lèvres, avant de se redresser et de croiser les bras, ravi d'avoir fait mouche.
« Ça ne pouvait pas attendre demain ? soupira Namjoon.
— Non », répondirent simultanément leurs aînés.
Taehyung leur expliqua que, sans le savoir, Hong les avait orientés dans la bonne direction. Selon lui, la clé du mystère posé par Jeon Dongwon se trouvait assurément dans les livres de cet écrivain.
Saisissant l'instant avec une vivacité inopinée, Hoseok proposa une escapade à la librairie des Han cette nuit même.
Son enthousiasme soudain fit naître chez les trois autres un doute.
« On ira demain, mon ami. C'est la nuit, la librairie est fermée, dit Taehyung avec une suspicion amusée.
— ... Ah, effectivement », souffla Hoseok, déçu, se grattant l'arête du nez, déviant son regard vers la fenêtre.
Taehyung s'approcha de lui à pas de loup, tandis que Hoseok s'obstinait à fixer la lune, sous le regard intrigué de Namjoon et le sourire malicieux de Jungkook.
« Toi..., susurra-t-il. Toi, Hoseok, tu es amoureux. »
Seul le rouge couvrant les joues de Hoseok lui répondit.
« Écoute-moi bien, toi, tu... »
Namjoon les chassa, écartant l'orage avant que sa chambre ne se mue en un champ de ruines.
Enfin seuls, ils se fixèrent un instant en silence, les yeux papillonnant, avant que le rire éclatant de Jungkook ne brise le silence, se mêlant au souffle rieur de Namjoon.
« Je ne me lasse pas d'eux.
— À vrai dire, Jungkook, moi non plus. Même s'ils me donnent des cheveux gris avant l'âge requis. »
Jungkook ricana, tandis que Namjoon ne contrôlait plus son sourire.
Fins prêts à se coucher, leurs corps se trouvèrent comme deux aimants inexorablement attirés l'un par l'autre. Sous ses draps, Namjoon ouvrit ses bras, un refuge où Jungkook se blottit avec une confiance instinctive, retrouvant aussitôt la quiétude tant attendue à chaque lever du jour.
☾
Dès le lendemain, ce fut lorsqu'ils franchirent le seuil de la librairie de Han que le reste de la bande saisit enfin la véritable raison de la précipitation, l'anxiété et la bonne humeur excessive de Hoseok.
Retranchée derrière son comptoir, Han Hye-Jin observait avec méfiance le contingent d'étudiants braillards qui venait d'entrer bruyamment. Son expression froissée se dérida lorsque Hoseok s'approcha pour la saluer, sous les regards goguenards et complices de ses camarades.
« Bonjour, mademoiselle, dit-il en s'inclinant, le cœur battant. On sollicite humblement votre aide. »
Il sourit en voyant ses joues s'embraser d'un léger rose, savourant le fait qu'elle ne détourne pas le regard. Elle avait du cran, il le savait.
« Je vous écoute. »
Elle jeta un regard perçant à la bande derrière Hoseok, avant de hocher la tête, saluant silencieusement Namjoon qui, étant resté à l'extérieur, lui rendit.
Ses traits semblèrent se lénifier et son regard s'adoucir lorsqu'elle regarda Hoseok.
Galvanisé par son attention, il lui raconta alors qu'ils devaient résoudre une énigme d'une grande importance, dissimulée dans un poème faisant allusion à des textes littéraires obscurs. Malheureusement, les choses – qui avaient si bien commencé – prirent une tournure inquiétante lorsqu'il se mit à réciter les vers cités par le feu professeur Jeon. Hye-Jin, d'abord rougissante, devint livide entre deux strophes.
« Vous pensez être amusants ? s'exclama-t-elle. Comment osez-vous faire des plaisanteries si indécentes devant une jeune fille innocente ? Quittez ma boutique sur-le-champ et ne revenez jamais ! »
Les jeunes hommes se replièrent précipitamment, se retrouvant en un instant au cœur de la rue sans avoir eu le temps d'esquisser la moindre explication. Témoin de toute la scène, Namjoon, qui les avait observés depuis l'extérieur, les fixait d'un regard moqueur – tout en couvant Jungkook du regard.
« Ah, félicitations, monsieur "tact et subtilité" ! gronda Mingyu.
— Tu m'as habitué à plus de délicatesse avec les filles, le taquina Taehyung, hilare.
— Mais je n'ai fait que réciter les vers ! répondit Hoseok, contrarié. Je sais que le sens peut froisser une femme, mais tout de même, ce n'est pas comme si je... ! Raaah ! s'écria-t-il, frustré.
— Hoseok, tu manques vraiment de galanterie avec les femmes, dit Jungkook avec une pointe de lassitude.
— Pas du tout ! s'insurgea-t-il. On s'est parlé devant l'école et je l'ai rassurée sur...
— Peu importe, il est impératif que tu retournes à la librairie pour lui faire face et présenter tes excuses, intervint Yoongi. On a encore besoin des ouvrages qu'elle contient.
— Mais m'excuser de quoi ! s'exclama Hoseok scandalisé, levant les bras au ciel comme s'il venait de subir une terrible injustice. Et pourquoi ce n'est pas toi qui vas la voir, hein ?
— Et pourquoi irais-je la voir ? Ce n'est pas moi qui cherche à la séduire, répondit Yoongi, un sourire narquois.
— On n'est pas là pour ça, siffla-t-il, les joues se colorant d'un discret incarnadin.
— Ah oui ? », rétorqua-t-il, ironique.
Les narines de Hoseok frémirent d'agacement, incapable de trouver la moindre réplique, tandis que ses yeux se plissaient, menaçants. Yoongi se contenta de hausser un sourcil amusé.
« Bon, tu sais comment sont les femmes, intervint Taehyung. Elles sont sensibles à la délicatesse. Répète après moi : dé-li-ca... Pourquoi tu me regardes comme ça ? s'étonna-t-il en remarquant le regard noir que lui lançait Hoseok.
— Je m'attendais à un peu plus de soutien de la part de mon meilleur ami, répondit Hoseok en croisant les bras, l'air boudeur. Mais non, il semble que tu préfères te moquer de moi devant tout le monde !
— Quoi ? Ce n'est absolument pas le cas ! Pourquoi tu réagis comme ça ? répondit-il, indigné.
— Et ça recommence... soupira Namjoon, mi-amusé, mi-exaspéré, attirant les regards curieux du reste de la bande.
— Tu te moques clairement, et n'essaye pas de me prouver le contraire avec ta mine innocente et tes grands yeux de...
— Je te donne des conseils pour t'améliorer, obstiné que tu es ! l'interrompit Taehyung. Mais si tu refuses de m'écouter, tant pis pour toi ! Va donc dire n'importe quoi, fais-toi rejeter encore une fois, et ne viens surtout pas te lamenter dans mes bras après !
— Ah oui ? Peut-être que tu es simplement jaloux parce que, toi, tu n'as jamais su parler aux filles !
— Mais quel est le rapport ? tonitrua-t-il Je n'ai jamais eu besoin de leur parler !
— Oh, pardon, pardon ! lança Hoseok en exagérant une révérence théâtrale. J'oubliais que toi, tu préférerais les... »
Namjoon scella la bouche de Hoseok, empêchant de justesse qu'il ne dévoile le secret de Taehyung au reste du groupe. Jungkook, qui avait lui aussi amorcé un geste pour le faire taire, soupira de soulagement.
« Hyung », murmura Namjoon sur le ton de la réprimande, tout près de son oreille.
Hoseok se figea, les yeux grands ouverts, prenant conscience de ce qu'il avait failli dire devant tout le monde. Taehyung le transperça d'un regard si noir qu'il aurait dissuadé même un tigre de s'approcher.
Namjoon le relâcha et, sous son regard habitué, blasé et bienveillant, les mains de Hoseok et Taehyung finirent par se joindre, malgré leurs visages encore marqués par la contrariété.
« Pardon, grommela Hoseok en regardant à l'opposé de Taehyung.
— Hm, rétorqua ce dernier, avec la même intonation.
— J'allais dire que tu préfères les conversations intellectuelles, hein... bafouilla-t-il en se grattant la tête.
— Hm.
— Je suis nerveux, c'est pour ça, ajouta-t-il en le regardant.
— Hm, lâcha-t-il, réprimant un sourire qui menaçait d'apparaître.
— Tu comptes dire autre chose que "hm" ? bougonna Hoseok, malgré lui amusé.
— ... Hm », lâcha-t-il avant de pouffer, lorsque Hoseok râla en souriant.
Le silence.
« ... Vous êtes nos hyungs ou des enfants ? » lança Seokjin, hilare.
Tous éclatèrent de rire, à l'exception des aînés et de Namjoon qui se contenta d'étouffer le sien, tandis que Seokjin se récoltait un regard dangereusement noir des plus âgés dont les mains se délièrent.
Jungkook passa un bras autour du cou de Hoseok.
« Revenons-en à nos moutons. À en juger par la réaction de cette charmante demoiselle, pour ne pas dire pucelle, on devine aisément qu'elle est de bonne famille, susurra-t-il avec malice. Ne la laisse pas t'échapper, hyung. »
Des hoquets outrés – Mingyu et Seokjin – mêlés aux rires taquins des autres fusèrent, tandis que Hoseok, écarlate, repoussait vivement un Jungkook hilare qui atterrit dans les bras de Yoongi qui le réceptionna en pouffant.
« Épargne-moi tes remarques douteuses, toi ! », grogna-t-il, malgré le sourire discret qui le trahissait face à leurs rires.
Mingyu passa un bras autour de ses épaules et l'entraîna vers la boutique.
« Je te conseille vivement de réussir cette fois-ci. Et, s'il te plaît, fais preuve de plus de délicatesse. »
Mingyu fit coulisser la porte avec une prudence presque cérémonieuse, laissant glisser son ami à l'intérieur avant de la refermer prestement. Il craignait la colère de la jeune femme, la voyant comme une furie redoutable qui régnait sur la librairie avec une autorité indomptable.
« Vous pensez vraiment qu'il va réussir ? demanda Seokjin, sceptique.
— Ça relèverait du miracle, répliqua Mingyu en ricanant.
— Pourtant, il sait s'y prendre avec les femmes, je ne comprends pas, marmonna Taehyung, songeur. Serait-ce parce qu'il est éperdument amoureux ?
— On n'a pas d'autre option, répondit Yoongi. Notre ami aveuglé par l'amour est probablement le seul capable d'apaiser le redoutable dragon qui nous barre la route.
— Je vous entends encore ! Merci pour votre confiance ! s'exclama Hoseok, agacé, à travers le papier de riz couvrant le bois de la porte.
— Mais arrêtez, le pauvre, les réprimanda Jungkook, bien qu'amusé. Ne prête pas attention à ces mauvaises langues, je crois en toi ! », ajouta-t-il d'une voix plus forte pour l'encourager.
Seul un murmure indistinct s'éleva en réponse, leur arrachant un rire. Pourtant, tous furent certains d'avoir saisi dans ce grommellement, un « encore heureux, je le fais pour toi ».
Hoseok avança dans la lumière tamisée de la boutique. Ignorant les quelques badauds qui s'y promenaient, ses yeux tombant aussitôt sur le dos vêtu d'une étoffe ivoire satiné.
Il inspira longuement, appréciant le parfum de vieux parchemin et d'encre fraîche. Il avait beau en connaître chaque recoin, il prit le temps de redécouvrir les longs et larges rayonnages de bois sombre chargés de volumes soigneusement calligraphiés, afin de se préparer mentalement à revoir Hye-Jin. Cette librairie était spacieuse, il savait qu'elle renfermait de rares et onéreux précieux ouvrages. D'un geste doux, il effleura certains reliés. Il sourit à la sensation étrange que les histoires qu'ils contenaient se murmuraient à lui.
Il entendit le froissement caractéristique des pages que les quelques clients tournaient, mêlé au léger grincement du sol sous leurs pas, et celui de Hye-Jin qui grimpait l'échelle pour ranger des ouvrages. Ces sons mélangés caractéristique d'une librairie, ne manquant jamais de faire chavirer l'âme de l'esthète et passionné littéraire qu'était Hoseok. L'odeur de l'encre de riz se mêlant aux effluves de papier usé l'apaisait toujours lorsqu'il s'y promenait. À elle seule, cette senteur créait un cocon relaxant autour de lui, malgré la tension sur ses épaules.
Non seulement ses amis – surtout Jungkook – comptaient sur lui, mais il devait aussi reconquérir l'estime de celle qui avait fait naître en son cœur des battements si tumultueux qu'il ne pouvait les ignorer. S'excuser pour l'avoir blessée était impératif, ou il ne trouverait pas le sommeil, cette nuit.
Il soupira, se préparant mentalement à la confrontation imminente avec la jeune, ravissante, douée, et attrayante libraire, dont la colère bouillonnait déjà sous la surface.
Cette dernière rangeait quelques livres, le visage froissé, enflammé par la l'indignation. Elle haïssait ces étudiants incultes et grossiers qui ne trouvaient rien de mieux à faire que de la railler avec des poèmes obscènes.
Elle s'était bercée de l'illusion que ce Jung Hoseok serait différent... Quelle ironie d'avoir senti son cœur s'emballer de joie à l'instant où il avait franchi le seuil de sa boutique...
Elle descendit de l'échelle et s'immobilisa lorsqu'une voix grave et douce l'appela dans son dos.
« Mademoiselle...
— Allez-vous-en, lança-t-elle sans même se retourner. Rejoignez vos amis et cherchez-vous une autre victime.
— Vous n'êtes pas notre victime... »
Un souffle ironique échappa à la jeune femme alors qu'elle se dirigeait derrière le comptoir en bois massif, patiné par le temps, chargé de rouleaux de parchemin et de manuscrits reliés en soie. Les immenses étagères derrière elle, lourdes de savoirs précieux, semblaient veiller sur chaque geste maladroit que ferait Hoseok envers leur gardienne, comme si les mots eux-mêmes avaient leur propre mémoire, à l'abri du tumulte du monde extérieur.
« Je vous présente mes excuses, reprit-il, hésitant à s'approcher davantage. Je n'avais nullement l'intention de vous faire offense.
— Vraiment ? railla-t-elle. Et que pensez-vous accomplir en me récitant ces affreux vers ?
— On espérait simplement pouvoir compter sur votre aide », dit-il, le front plissé par le désespoir.
Hye-Jin frémit tant elle réprima la vague d'exaspération qui menaçait de la submerger.
« Vous me provoquez ou vous êtes simple d'esprit ?
— Mon esprit analytique en est sans doute la cause..., répondit-il, le ton navré. J'ai, certes, cité des vers au sens osé, mais jamais je ne me permettrais de vous porter atteinte. »
Son visage à l'air grave, sérieux et désolé apaisa un instant l'ardeur furieuse de Hye-Jin.
Les bras croisés sur le bois, elle le contempla avec prudence, se rappelant que c'était cet homme même qui l'avait aidée à accomplir les commissions pour les professeurs de l'école, ce jour où des gardes trop zélés lui avaient interdit l'accès. C'est lui qui, par ses paroles enflammées, l'avait chaleureusement encouragée à poursuivre ses rêves, offrant le plus sublime des discours qu'elle n'ait jamais entendus de la bouche d'un homme.
C'était lui, encore, qui venait deux à trois fois par semaine acheter de l'encre et du papier en abondance, à tel point qu'elle se demandait, avec amusement, si un motif secret n'expliquait pas son apparente prodigalité. Son visage s'illuminait à chacune de ses apparitions et sombrait à chacun de ses départs. Leurs échanges étaient courts, quelques mots volés à la hâte – elle, occupée par les clients, et lui, parfois repoussé par le regard sévère du libraire, le père de Hye-Jin qui s'était révélé un obstacle.
Et c'était ce même homme, maintenant, qui se tenait devant elle, le regard chargé du poids d'une faute qu'il semblait regretter amèrement...
« Je suis désolé, ma belle... ma... mademoiselle ! », balbutia-t-il, sa voix tremblante trahissant son embarras.
Il plaqua si fortement une main scandalisée sur sa bouche que le son du claquement attira quelques regards curieux vers eux.
Elle le dévisageait, les yeux grands ouverts par la surprise. Une rougeur légère colora ses joues, bien pâle en comparaison du visage cramoisi de Hoseok, dont la gêne ne faisait que croître. D'une main tremblante sur ses lèvres, elle tenta de masquer un sourire naissant, tandis qu'une vague de rire irrépressible menaçait de l'emporter là où elle aurait préféré se montrer indignée.
« Je... pardonnez-moi, ma langue a... Ce fut une erreur ! Bien sûr, vous êtes ravissante, très belle, même ! Je... »
Il se tut, désespéré.
Le silence tomba, lourd.
Se redressant du comptoir, elle croisa les bras sur sa poitrine et le regarda de haut, une lueur douce et moqueuse dans les yeux. Un rictus se dessina finalement sur ses lèvres. Hoseok sentit son cœur se serrer, ses mots lui échappant comme du sable entre les doigts.
« Je me ridiculise seul, n'est-ce pas... soupira-t-il finalement, cachant son visage écarlate dans une main, honteux.
— Vous êtes vraiment un cas spécial... Jung Hoseok », dit-elle en haussant un sourcil, amusée par son désarroi.
À ces mots, il redressa brusquement la tête, ébahi. Comment connaissait-elle son nom ? Et pourquoi l'avait-elle prononcé avec une telle douceur, presque comme une caresse ?
Il resta là, silencieux, le souffle coupé, les yeux fixés sur elle comme si c'était était son seul point lumineux dans la pénombre. Il ignorait que son regard insistant frôlait l'inconvenance, l'impolitesse. Pourtant, il était incapable de détourner les yeux. Son cœur battait avec une force effrénée, tambourinant dans sa poitrine jusqu'à l'étourdir.
Un éclair de lucidité illumina ses yeux, devinant qu'elle ressentait probablement le même tumulte. Il constata ses joues teintées de rose, ses yeux brillants, et son regard qui scrutait le sien, parcourant chaque trait de son visage comme si elle en mémorisait chaque détail.
Il ne s'aperçut guère qu'il avait maintenant les mains posées sur le comptoir, un demi-mètre les séparant.
Elle rompit le silence d'une voix douce teintée d'un soupçon de malice.
« Alors, Jung-nim... Me permettez-vous de vous appeler Jung-nim ? »
Son ton était toujours malicieux. Elle s'abreuvait du pouvoir qu'elle détenait sur lui.
« Hoseok suffira », s'empressa-t-il de rétorquer.
Son front se plissa légèrement. Il n'apprécia guère cette appellation. Il avait l'impression qu'elle instaurait une distance conséquente entre eux.
« Bien, Jung-nim, reprit-elle en faisant mine de scruter ses ongles, joueuse. Que faites-vous quand vous ne vous ridiculisez pas devant les jeunes femmes ? »
Il exhala un petit souffle amusé, se sentant un peu plus assuré. Il haussa les épaules.
« Eh bien, je crois que je passe le reste de mon temps à espérer les revoir, mademoiselle... ? »
Elle rit doucement, un son clair qui fit vibrer l'air autour d'eux, et le cœur du pauvre Hoseok qui réprima un sourire béat.
« Han Hye-Jin.
— Hye-Jin... répéta-t-il, savourant la douceur de ces deux syllabes. Vous avez un prénom aussi beau que vous.
— Et un audacieux compliment pour un homme qui, il y a quelques instants, ne savait plus comment m'appeler », répondit-elle.
Elle demeurait joueuse, esquissant un sourire en coin, presque narquois, bien que les joues devinrent pareilles à un champ de fleurs roses.
Hoseok rit à son tour, se détendant un peu plus, emporté par la complicité naissante entre eux. Ils se tenaient là, l'un face à l'autre, dans un jeu de regards et de sourires, comme si le monde autour d'eux avait soudain cessé d'exister, ne laissant place qu'à cette alchimie qui les unissait.
Elle ouvrit à peine la bouche, prête à lui adresser quelques mots, quand un père et sa fillette surgirent derrière Hoseok. D'un pas en arrière, il s'effaça pour leur laisser la voie libre vers la caisse. Ses yeux ne purent se détacher d'elle, la suivant, captivés, alors qu'elle saluait les clients d'un sourire sincère et lumineux.
Les yeux pétillants de Hye-Jin se braquèrent en direction de la petite, dont le livre semblait presque plus grand qu'elle, provoquant chez elle un geste doux et maternel alors qu'elle se penchait par-dessus le comptoir afin de lui caresser tendrement les cheveux. Il la vit s'émerveiller de quelques paroles dites par la fillette, avant de lâcher un rire qui fit soulever son âme à cet air qu'il jugeait paradisiaque.
Il ne prêtait guère attention aux mots échangés, absorbé par la grâce de ses gestes. Ses mains délicates manipulaient l'ouvrage avec le même soin qu'il y mettait lui-même.
Ce simple tableau fit battre son cœur plus fort, et ce qui ondoyait déjà en lui, s'enflamma brusquement, plus fort, plus ardent. Il en fut presque consumé.
« Merci, et à bientôt ! »
Il émergea de sa torpeur, son esprit soudain rappelé à la véritable raison de sa visite.
« Bien, finit-elle par soupirer. Je vais vous aider.
— Vous me pardonnez ? s'enquit-il avec empressement, se rapprochant de nouveau du comptoir.
— Je verrai. Toutefois, je concède que vous n'êtes pas de ces rustres qui portent atteinte à la vertu des jeunes filles respectables. Ce que je veux comprendre, en revanche, c'est la raison pour laquelle vous m'avez adressé des propos si inconvenants. »
Hoseok hésitait, partagé entre le doute et la prudence. Les informations que détenaient Jungkook et les autres étaient précieuses, réservées aux membres du groupe, et il se demandait s'il était juste de les partager avec une personne extérieure.
Son regard se glissa discrètement vers Hye-Jin, dissimulé derrière le rideau de ses longs cils noirs.
Il la scruta avec une attention particulière, et dans cet instant, il décela en elle une présence sincère. Il sentit qu'elle était digne de confiance.
Et peut-être de bien d'autres choses encore.
Il saurait tout cela en temps voulu, quand il trouverait enfin le courage de parler à ses propres parents et au père de Hye-Jin. Il leur demanderait d'accepter une union fondée sur l'amour, non sur la perpétuation des lignées, la solidification des alliances sociales ou le respect des traditions confucéennes.
Au diable tout cela.
Que l'Amour soit préservé.
Il voulait courtiser Hye-Jin, puis lui déclarer sa flamme, avant de faire d'elle son épouse, si elle le désirait également.
Il priait pour que le père de Hye-Jin ne l'ait pas déjà promise à un autre.
Sans tarder, il entreprit de raconter la révélation bouleversante faite à Jungkook : l'identité de son père biologique, les circonstances mystérieuses de sa disparition, et tous ses amis qui tentaient de démêler les fils ténus qui reliaient les vers grivois d'un poème à un secret farouchement gardé, un secret pour lequel Jeon Dongwon avait peut-être sacrifié sa vie.
Pendant qu'il exposait son monologue, Hye-Jin se sentit habiter par une curiosité flattée par l'énigme à résoudre et le défi que représentait la tâche. Elle relut les strophes du poème retranscrites par Jungkook. En fouillant dans ses souvenirs de lecture, elle se rendit compte que le poème renvoyait à des recueils d'une des premières anthologies de Kang Woo.
Laissant Hoseok à ses réflexions amoureuses, elle se glissa dans l'arrière-boutique où se trouvait la réserve. Déplaçant de vieux coffres et inspectant des étagères poussiéreuses, elle finit par trouver ce qu'elle cherchait. Elle revint alors vers lui, qui l'attendait patiemment.
« Voici la première édition de "Contes du Jardin et de l'Amour Perdu", annonça-t-elle en lui tendant l'ouvrage. C'est un tirage confidentiel dont le succès a été limité, non par un manque de talent, mais par l'anonymat de son auteur. Peu de librairies en possèdent un exemplaire ; permettez-moi de souligner la chance inouïe de pouvoir vous présenter ce livre.
— Vous êtes merveilleuse ! », s'exclama Hoseok avec une innocence désarmante, ce qui fit rougir la libraire sous la sincérité de ce compliment.
Elle s'éclaircit la voix.
« Bien, reprit-elle, la première strophe résume la troisième nouvelle du recueil intitulé "Les Lys du Jardin", tandis que la seconde fait référence à la septième histoire, "Les Rendez-vous près des Cèdres". Quant à la troisième, elle évoque l'avant-dernière nouvelle, assez scabreuse, si je puis me permettre d'exprimer mon opinion...
— Vous les avez lues ? demanda Hoseok, un sourire espiègle aux lèvres.
— En somme, ignora-t-elle après avoir maudit ses joues rouges et traîtresses, la nouvelle est intitulée "L'Amour sous les Lys". En revanche, les prénoms sont différents, dans ce papier-là, précisa-t-elle en montrant l'écriture de Jungkook.
— Oui, mon professeur de mathématiques m'a dit la même chose.
— J'espère que ça vous sera utile. »
Hoseok la remercia avec une telle effusion que, bien que flatteuse, elle parut à Hye-Jin un peu déplacée. Elle baissa les yeux, ses joues prenant une légère teinte rosée, tandis qu'elle se tortillait, embarrassée et légèrement irritée par son propre enthousiasme.
« Euh... je voulais simplement vous dire... merci, sincèrement », balbutia-t-il, cherchant ses mots.
Il hésita un instant, puis, comme s'il avait trouvé le courage au fond de lui, il prit une profonde inspiration.
« Je serais honoré de vous inviter à la fête célébrant la fondation de l'école dans moins de deux semaines... ajouta-t-il avec un sourire timide. Si le cœur vous en dit, votre présence y serait des plus agréables. »
Encore marquée par l'accueil glacial qu'elle avait reçu lors de sa venue à l'école sans son père, Hye-Jin se sentit prise entre deux émotions contraires. Elle scruta son visage, cherchant à lire ses intentions.
Hoseok se gratta l'arête du nez, un geste qui trahissait sa légère anxiété.
« Je vais y réfléchir, » répondit-elle, un sourire timide flottant sur ses lèvres.
Elle ne voulait pas paraître trop empressée, mais il y avait quelque chose dans le regard de Hoseok, une sincérité désarmante qui la touchait.
Il hocha la tête, soulagé, comme si sa réponse, bien que vague, portait déjà l'espoir d'un avenir.
« Bien entendu, prenez tout le temps qu'il vous faut... Sachez simplement que votre présence me ferait grand plaisir, mais, vraiment, sans aucune pression », bafouilla-t-il en jouant nerveusement avec une mèche de ses cheveux.
Leurs regards étaient accrochés, et pendant un bref instant, le monde n'existait plus à nouveau. Il y avait une maladresse dans leurs gestes, une hésitation dans leurs paroles, mais aussi une douceur, une sorte d'attraction timide qui les faisait sourire presque malgré eux.
Hye-Jin fit glisser les recueils vers lui, puis détourna enfin le regard, un petit sourire en coin, son cœur battant un peu plus vite qu'elle ne l'aurait voulu.
« Au revoir, Jung-nim. Rendez-les avant la semaine prochaine. »
Hoseok la regarda s'éloigner, un sourire plus large, rêvant déjà au moment où elle franchirait à nouveau les portes de l'école.
« Au revoir... »
Les livres serrés contre sa poitrine comme un trésor inestimable, il sortit de la librairie tel un conquérant victorieux. À peine installés dans une échoppe pour prendre le goûter, il leur partagea les clés du poème avec un ravissement exacerbé, les amusant. Taehyung le traita tendrement d'imbécile une fois son récit passionné sur Hye-Jin achevé.
Ils se plongèrent ensuite dans l'analyse minutieuse des vers et des titres, leurs esprits virevoltant d'interprétation en interprétation. L'un suggéra un sens caché derrière une métaphore, l'autre s'amusa à démonter les rimes pour y trouver une intention voilée.
Jusqu'à arriver à une conclusion finale et unanime.
« En prenant un mot de chaque titre, on obtient le nom d'un établissement fort réputé du quartier des plaisirs, soupira Taehyung, un brin irrité.
— Le Jardin des Lys et des Cèdres », conclut Namjoon, le ton las.
L'enthousiasme du groupe s'éteignit lorsqu'ils réalisèrent que toutes leurs pistes les ramenaient inlassablement au même point.
Les épaules voûtées et le regard sombre, Jungkook se passa lentement une main lasse sur son visage avant d'exhaler un soupir éreinté. Une irritation lui brûla le cœur sans qu'il en comprenne la raison.
À quoi rime tout cet acharnement ?
« Nous voilà revenus au point de départ, fit remarquer Yoongi avec lassitude.
— Je suis désolé, Jungkook... », murmura Hoseok, le cœur lourd.
Un petit sourire qui n'atteignit guère ses yeux fleurit sur ses lèvres.
« Ce n'est pas ta faute, hyung, je t'interdis de t'excuser. »
À ses côtés, Namjoon serrait les poings, luttant contre la frustration de voir les réponses leur échapper à chaque palier franchi.
Mais plus encore, c'était la désillusion de Jungkook qui lui déchirait l'âme.
D'une main douce qui surprit tout le monde, il lui caressa tendrement les cheveux. Leurs regards se croisèrent, puis s'enchaînèrent. Jungkook n'eut guère le cœur à scruter les environs par crainte qu'on les surprenne.
Tous furent témoins de ce dialogue silencieux et vibrant d'une puissance qui leur échappait, mais dont la beauté les bouleversait.
Un échange que seule une certaine intimité savait offrir.
Le doute s'immisça doucement dans les cœurs ds amis de Jungkook. Hoseok et Taehyung échangèrent un sourire attendri. Pourtant, ils étaient inquiets par les nombreux gestes furtifs que Namjoon et Jungkook laissaient parfois échapper, dévoilant une intimité qu'eux-mêmes ne semblaient pas percevoir, susceptible de les mettre en danger.
« Ne perds pas espoir, Kook. »
☾
« Nam... », l'appela-t-il.
Il était affalé sur le lit depuis un petit moment, les bras et les jambes étendus comme une étoile, attendant que Namjoon finisse sa toilette pour le rejoindre. Ils retrouvaient à présent l'un près de l'autre, dans l'intimité de la chambre de Namjoon.
« Oui ?
— J'ai la désagréable impression qu'on fait tout ça pour rien... »
Sensible à son désespoir, il posa une main réconfortante sur la cuisse dénudée de Jungkook, dévoilée par le glissement de sa tunique ample de nuit. Sans bas pour plus de confort, seul un sous-vêtement caché sous la toile presque translucide de son habit préservait le reste de sa pudeur.
Namjoon devait souvent lutter contre l'élan brûlant qui montait en lui, certaines nuits, lorsque Jungkook portait ses propres vêtements.
Le plus troublant ? Il savait que Jungkook n'agissait pas pour le provoquer ni attiser une quelconque tentation. C'était une habitude entre hommes proches de se vêtir plus légèrement pour la nuit, et Jungkook, naturellement à l'aise dans cette simplicité, n'y voyait aucun mal. Après tout, ses préférences allaient vers les femmes, et il était peut-être inconscient du trouble qu'il semait dans l'esprit de Namjoon avec un peu trop de peau dévoilée.
De toute manière, il se délectait des lignes harmonieuses du corps de Jungkook, fin et athlétique, fort et gracieux. Namjoon ne comptait ni s'en priver ni dissimuler ce plaisir des yeux.
Namjoon portait pourtant la même tenue, et parfois, il surprenait une lueur dans les yeux de Jungkook, happé par un bout de peau découvert lorsque ses cuisses puissantes apparaissaient dans un mouvement. Il le voyait alors détourner le regard, les joues rosies.
Et Namjoon adorait ce jeu involontaire, muet et timide.
Il y avait une certaine ambiguïté, il le reconnaissait. Mais il savait que, malgré la sensualité envoûtante, désarmante et presque insolente de Jungkook, ce dernier ne cherchait pas à le séduire. Ses regards, bien que longs et tendres, n'étaient pas des invitations à céder à la passion sur-le-champ. Ils étaient affectueux, doux.
Un langage qu'ils partageaient au-delà du désir pourtant mutuel.
Étrangement, c'était cette pudeur, ces regards délicats plutôt qu'ardents, qui rendaient Namjoon encore plus amoureux.
« Ce n'est que le commencement, Kook. D'autres indices nous parviendront », dit-il, le bout de ses doigts caressant doucement la peau à sa portée.
Il se délecta du frémissement de sa jambe.
« Je veux bien te croire...
— Rappelle-toi de mon offre : je peux continuer seul et te transmettre les informations, si tu le souhaites.
— Non, non. Je tiens à être impliqué. Après tout, il s'agit de mon père. Le tien aussi... Puis nos amis nous sont d'une aide précieuse.
— On dirait bien que tu te passionnes pour ces recherches, malgré ta réticence à en apprendre plus sur ton père », observa Namjoon avec bienveillance.
Jungkook se redressa brusquement sur son séant, quittant sa position d'étoile échouée, les yeux farouches accrochés à ceux de Namjoon qui arqua un sourcil interrogateur.
« J'ai dit que je le faisais pour toi, dit-il en posant son doigt sur le torse de Namjoon.
— Hm, hm. »
Jungkook plissa les yeux et croisa les bras. Il connaissait cette lueur espiègle dans le regard de Namjoon, cette étincelle familière qui brillait toujours quand il ne le croyait pas. Ce dernier s'approcha davantage, un sourire malicieux, et se blottit tout près, jusqu'à ce que leurs épaules se touchent dans un doux frisson. Adossés au mur de pierre froide, ils appréciaient la caresse de la brise nocturne glissant depuis la fenêtre au-dessus d'eux.
« Ne le ferais-tu pas aussi un peu pour toi-même, au fond ? susurra-t-il, ses yeux pétillants de malice.
— Non », s'entêta-t-il.
Son regard vacilla une fraction de seconde.
Deux fossettes triomphantes creusèrent les joues de Namjoon.
« C'est scandaleux pour les jolis garçons de mentir, tu sais. »
Le cœur de Jungkook bondit furieusement. Sous le poids de ce regard intense et pénétrant, il détourna légèrement les yeux, sentant la chaleur lui brûler le visage. Un clappement de langue témoigna de son profond embarras, élargissant le sourire mutin de Namjoon.
« Arrête », murmura-t-il, feignant l'agacement.
Namjoon s'esclaffa doucement.
« Mais je ne fais rien. »
Il posa sa tête sur l'épaule de Jungkook, un geste à la fois anodin et terriblement intime.
Jungkook inspira profondément, enfin libéré du joug enivrant et irritant de l'aura délicieusement écrasante de Namjoon.
« Tu as raison, Nam, dit-il après un petit silence. Depuis que tu m'as parlé de ton rêve, devenu plus qu'une simple intuition, je veux découvrir ce qu'il en est de nos pères et faire le lien entre leurs disparitions. Il est certain qu'ils détenaient des informations sensibles. Mais les doutes de Taehyung et son père sur une possible tromperie à l'égard de ta mère me laissent songeur. »
Il tourna la tête pour tomber dans les yeux de son ami, qui avait toujours la tête sur son épaule. Un fin sourire apparut à la vue de l'expression douce et compréhensive de Namjoon.
Ce dernier fit glisser sa main dans la sienne, entrelaçant tendrement leurs doigts.
« Je serai avec toi jusqu'au bout. »
Une vague de chaleur envahit le cœur de Jungkook à ce contact. Il serra tendrement la main de Namjoon, son pouce en caressant machinalement sa peau.
« Moi aussi. »
Le silence s'installa entre eux, lourd de non-dits et de sentiments refoulés. Finalement, Namjoon se redressa et se pencha légèrement en avant, son visage à quelques centimètres du sien, leurs côtés se touchant entièrement.
« Tu sais, tu n'as pas besoin d'avoir peur, » murmura-t-il, ses yeux déterminés braqués dans les siens.
Jungkook déglutit avant d'ouvrir la bouche, ses lèvres tremblant d'un silence où les mots se perdaient. Leurs visages étaient si proches qu'il sentait la caresse du souffle de Namjoon sur sa peau.
« Peur de quoi... ? » articula-t-il dans un effort conséquent, égaré dans ces gouffres sans fond.
Namjoon serra un peu plus la main qu'il tenait.
« De ce que renferme et trouble ton cœur. »
Jungkook sentit son cœur vaciller, comme hésitant entre deux battements. L'espace d'un instant, il songea à s'éclipser, à briser l'envoûtement de ce moment bien trop puissant pour son âme dangereusement ensorcelée. Mais le souvenir de Namjoon, son éternel pilier, son refuge, l'enveloppa et le rassura.
Pourtant...
L'appréhension, la crainte, la psychose n'avaient jamais cessé de le torturer.
Jungkook trouvait que l'Amour était un vertige ridiculement terrifiant.
Il n'avait jamais voulu offrir son cœur, conscient du pouvoir qu'il donnait à une personne de le briser. Lui qui s'était toujours gardé de céder sa confiance par peur de souffrir encore, entrevoyait lentement les premiers frémissements de cet élan.
Il suffisait d'un regard prolongé sur Namjoon, d'un instant de vulnérabilité partagé, pour que ce dernier s'empare d'un fragment de son cœur un peu plus chaque jour, chaque nuit. Jusqu'à ce que sa présence devienne aussi essentielle que l'air qu'il respirait.
Au point de délaisser un peu ses amis.
Namjoon glissa deux doigts sous le menton de Jungkook, levant délicatement son visage, avant d'effleurer sa joue d'un toucher léger.
Il savait que les yeux de Jungkook ne reflétaient qu'un noir profond et insondable. Pourtant, il y avait des moments où, grâce à la lumière vacillante des lampes à huile, il admirait l'éclat ambré qui s'y imprimait, pareil à un crépuscule doré débordant d'un désir que Jungkook contenait à peine.
C'était comme si Jungkook avait mille choses à dire, mille gestes à faire, mais qu'une retenue le paralysait.
Namjoon en avait assez de cette hésitation constante, mais il ne se résolvait pas à le pousser au-delà de ses limites. Peut-être que, tout comme lui, Jungkook redoutait de briser l'équilibre fragile entre eux. Peut-être Jungkook partageait-il les mêmes pensées que lui. Peut-être évitait-il de l'ébranler par une parole imprudente ou un geste déplacé.
Était-ce donc ainsi qu'ils agissaient l'un envers l'autre ?
Se frôlant sans jamais se heurter, avançant ensemble sur un fil toujours sur le point de se briser ?
« Pardonne-moi, peut-être n'est-ce pas le moment... », souffla Namjoon, navré.
Sa paume caressa tendrement la joue aux légères teintes carmin. Ses doigts échoués sur la jonction entre la mâchoire et le cou de Jungkook sentaient les pulsations frénétiques de son pouls.
« Et... et si tu me disais comment s'est déroulée ton entrevue avec Jin ? », balbutia Jungkook, le regard fuyant.
Namjoon retira sa main comme s'il s'était brûlé, fit légèrement reculer le haut de son corps, battit des paupières, encaissant douloureusement ce rejet. Son corps avait agi seul, le trahissant. Mais il demeura impassible malgré la douleur vive qui le broyait. Il en avait l'habitude. Sa main suspendue dans l'air se crispa en un poing, dissimulant le tremblement, avant d'échouer sur son propre giron.
À cet instant, il comprit que Jungkook avait laissé tomber sa garde et se trouvait désormais égaré dans le dédale de ses émotions vacillantes. Il était désemparé sous le poids brutal de l'affirmation que Namjoon venait de lui asséner sans crier gare.
Qu'il n'avait pas à craindre ce que son cœur éprouvait.
Jungkook ne comprenait pas. Il ne sut pas si Namjoon était naïf, s'il se moquait de lui, ou s'il vivait réellement détaché de la pression sociale pour lui affirmer une telle aberration.
Les sentiments étaient déjà si lourds à porter, eux qui avaient côtoyé la bêtise humaine de près dès l'enfance à cause de la pression sociale.
Alors, lui parler de l'Amour pur et brut ; c'était encore trop tôt. Encore trop effrayant.
Namjoon avait brûlé une étape. Il aurait dû lui laisser davantage le temps de procéder à une réflexion intime et une introspection prolongée. Il baissa les yeux, un demi-sourire d'excuse effleurant ses lèvres.
Jungkook ressentit un pincement au cœur, mais il ne pouvait que se résigner.
Alors, d'une voix douce, presque caressante, Namjoon lui narra l'entrevue.
Seokjin l'avait rejoint, son sourire éclatant illuminant le moment, heureux de se retrouver enfin seul avec lui pour apaiser les tensions et mettre cartes sur table. Sans s'aventurer dans la profondeur de ses sentiments pour Jungkook, Namjoon lui avait expliqué les raisons de son rejet. Seokjin s'était montré d'une rare compréhension, attentif, cherchant à percer la muraille derrière laquelle se dissimulait le Kim qu'il avait cru véritablement froid et solitaire. Namjoon avait laissé entrevoir une facette de lui que Jungkook connaissait déjà, et Seokjin en avait été touché, reconnaissant, très heureux même.
Ils s'étaient quittés sur une poignée de main ferme, un geste qui scellait la fin d'une relation minée par les non-dits, ouvrant la voie à quelque chose de plus pur, débarrassé de tout remords.
Jungkook hocha la tête, le regard rivé sur ses doigts qu'il tortillait, un désagréable manque l'envahissant à l'idée de ne plus sentir la chaleur de Namjoon contre lui.
« Je t'avais bien dit que Jin est une véritable boule d'amour.
— Il est fiable.
— Je suis ravi que tout se soit bien déroulé, murmura-t-il, un léger sourire sincère.
— La promesse que je t'ai faite me tenait particulièrement à cœur », répondit Namjoon, la voix basse.
Jungkook acquiesça, comblé.
« Hyungie. »
Le cœur de Namjoon bondit et il releva aussitôt la tête, fixant son profil, les yeux agités d'une attente nerveuse.
« Une part de moi se considère comme un esprit libre et insaisissable, refusant d'être... enchaînée.
— L'amour n'enchaîne personne, Jungkook. »
Namjoon le contredit sans retenue, puis se figea, conscient que ses mots étaient guidés par l'urgence de son cœur. Puis, il se tut, étouffant le cri que son âme brûlait de lancer.
L'amour libère. Il sauve. Pourvu qu'il soit véritable et sain. J'en suis la preuve vivante.
Un bref rire amer échappa à Jungkook, dissimulant ainsi le flot de désir qui montait en lui à l'idée de croire en ces mots si sincèrement prononcés par Namjoon.
« Je ne sais pas, Namjoon. Je ne me fais pas d'illusions. »
Namjoon grimaça sous la douleur que ces propos lui procurèrent. Mais il refusait de se laisser abattre par l'insécurité de Jungkook. Il se battrait de toutes ses forces pour lui prouver le contraire.
« C'est pourtant ce qui vibre en moi. Ne suis-je pas l'incarnation même de la transformation qui s'est opérée en moi depuis qu'on est proches ? Je me sens... pleinement moi. »
Jungkook ne put échapper à l'évidence qui s'imposait à lui. Pourtant, son regard se perdit ailleurs, refusant de concéder la victoire à la vérité qui l'écrasait.
Namjoon ressentait une douleur poignante dans son âme, son cœur brisé en mille morceaux, tandis que son esprit bouillonnait de confusion. Son corps oscillait entre l'envie de fuir cette souffrance insoutenable et le désir irrésistible de l'enlacer, de le serrer contre lui, et de lui promettre un avenir à ses côtés.
Mais il renonça à tout geste impulsif, craignant d'effrayer davantage Jungkook.
Doucement, il encadra son visage entre ses mains, ancrant son regard déterminé dans celui surpris et égaré de celui qu'il aimait.
Au diable la retenue. Son cœur débordait tant que c'en était insupportable.
« Ne pense pas t'en sortir ainsi, Jungkook. Je ne suis pas du genre à renoncer. Tu es trop important pour que je te laisse filer sans me battre. Alors, tant que tu ne me demandes pas explicitement d'arrêter, je suis prêt à tout pour toi. »
Pour nous.
Jungkook enveloppa les mains de Namjoon dans les siennes sur ses joues, ses yeux implorants tremblant à la frontière des larmes, le suppliant en silence de ne pas poursuivre.
Ce qu'il voyait le paralysait. Les iris de Namjoon se fondaient avec ses pupilles. C'était deux billes aussi noires que les abysses dans lesquels il voguait.
Aussi noirs qu'un amour trop profond.
Pourtant, ils brillaient. Intensément. Il y lisait tant de choses, tant d'émois différents que c'en était déroutant.
« Namjoon..., dit-il dans un murmure tremblotant.
— Je sais que notre sort est scellé. Il suffirait qu'une seule personne soit informée pour qu'on soit exilés ou abattus publiquement pour l'exemple. Mais tu m'es devenu indispensable, Jungkook. Je n'ai pas de mots pour l'expliquer. J'ai renoncé à essayer de comprendre. Mais le simple fait que tu me laisses m'imprégner de ta présence, t'embrasser, te tenir la main, te serrer contre moi et dormir à tes côtés me réconforte dans l'espoir que ce qu'on partage puisse évoluer à l'abri des regards. Je sais que c'est possible, il suffit de le vouloir. »
Le cœur vibrant d'une peur mêlée à cette douce chaleur qui envahissait son âme, Jungkook enserra de ses mains tremblantes celles de Namjoon qui ne quittaient pas ses joues.
Il le tenait à la fois si doucement et si fermement que Jungkook n'avait d'autre choix que de l'écouter.
« Autrefois, mes seules préoccupations étaient mes études et la quête de la véritable histoire de mes parents. »
Il inspira profondément, enivré par le parfum de Jungkook.
« Ce soir-là, il y a cinq ans, lorsque je t'ai aperçu pour la première fois, ton sourire m'a... »
Jungkook écarquilla les yeux, estomaqué.
Cinq ans... ?
Namjoon s'interrompit, secouant légèrement la tête, cherchant en vain un mot capable de saisir l'ampleur du bouleversement qui l'avait submergé.
Obsédé ? Envoûté ? Ensorcelé ?
Aucun ne suffisait.
« Ce fut le moment précis où je suis tombé amoureux de toi », murmura-t-il, les yeux s'embuant légèrement.
Il parlait avec la pureté désarmante de son cœur. Plus aucune armure ne le protégeait. Il s'offrait entièrement. Nu et vulnérable. Complètement exposé au regard de Jungkook. Il savait qu'il se risquait à un possible rejet, l'effroi lui glaçant l'âme en témoignait.
Mais son cœur débordait trop pour se taire.
Il avait trop enduré cet amour dans le silence.
Trop longtemps tenu prisonnier.
Ceux qui l'avaient connu en tant que Kim Namjoon, l'être glacial et distant, peineraient à le reconnaître sans le masque qu'il portait.
Jungkook vit l'expression de Namjoon se froisser, comme s'il retenait ses larmes. Il s'affola, saisi de crainte. Il eut soudainement peur de la suite, tout en étant désireux de la connaître.
« Ton sourire a suffi pour figer le monde dans un instant où seule ta présence importait. La brise d'un soir d'été, la chaleur des feux, le chant des cigales... tout s'était effacé devant ton éclat. Chaque battement précipité de mon cœur, chaque torsion au creux de mon ventre, m'ont révélé à quel point je suis devenu dépendant de toi. Ce fut si soudain que je n'avais absolument pas compris ce qui m'arrivait. »
Namjoon soupira de nouveau, bouleversé par l'intensité de ce qu'il renfermait en lui à mesure qu'il mettait des mots dessus.
« Tu étais à la fois si proche et si loin, insaisissable. Tu... tu m'as habité pendant si longtemps... »
Sa voix vacilla sur sa dernière phrase, tandis que son cœur se serrait en voyant le souffle de Jungkook trembler, retenant de toutes ses forces le torrent d'émotions qui l'envahissait à cette déclaration. Leurs yeux étaient humides, les larmes menaçant de se déverser en un flot torrentiel, dévoilant avec elles les secrets jalousement enfouis en leur sein.
Il était indéniable que la force de l'Amour les liait.
Mais en cet instant précis, il était douloureux.
Il les étreignait cruellement.
Il unissait leurs cœurs autant qu'il les brisait.
« J'avais l'impression étrange que mon âme t'avait retrouvé, comme si elle te connaissait », reprit-il.
Ces mots frappèrent Jungkook en plein cœur. Lui aussi... Il avait toujours ressenti cette même certitude inexplicable, sans jamais pouvoir la nommer.
« Il m'était si difficile de feindre le désintérêt alors que je me suis senti attiré par toi d'une manière que je ne peux décrire en un seul terme. Je brûlais de fièvre. Je luttais contre ce besoin incessant de te parler, contre ce désir qui me consumait. Mon cœur battait si fort que j'en venais à craindre que ce soient ses derniers battements. Ma raison vacillait. Mon ventre se tordait si violemment qu'il me coupait toute envie de me nourrir. Tu étais devenu mon obsession, mon rêve et ma folie, et plus rien ne comptait autant que toi. »
Il exhala un soupir tremblant, submergé par la tempête en lui.
« C'est toujours le cas, mais ça n'a fait que croître. »
Son âme était en osmose avec celle de Jungkook qui l'écoutait avec attention, l'expression agitée, craintive, curieuse, ses yeux ne l'ayant pas quitté une seule fois.
« Chaque fois que tu es près de moi, je veux me rapprocher davantage. Tout mon être m'incitait à te serrer contre moi et à ne jamais te laisser partir. Pourtant, il me terrifie. J'ai peur de t'étouffer, de t'enfermer dans un amour trop intense. Je suis déchiré entre l'envie de te posséder et la crainte de te détruire. »
Sa voix se brisa sur le dernier mot. Jamais ses paroles n'avaient résonné avec une telle sincérité, comme si toute sa vie s'était résumée à prononcer cette vérité.
Jungkook était stupéfait, heurté, ému, bouleversé. Son cœur s'était tordu sous le choc. Mais ce qui le secoua brutalement, à cet instant, c'était l'unique larme qui glissait doucement sur la joue de Namjoon.
Sa main chaude et tremblante effleura la nuque de Namjoon. Le cœur lourd, la gorge nouée, il ne put réprimer le désir de déposer un baiser tendre et prolongé sur sa joue, sur cette larme. Ce geste simple apaisa Namjoon. C'était agréable, malgré son être encore tourmenté. Ses doigts quittèrent les joues de Jungkook, glissant avec douceur jusqu'à la courbe où son cou rencontrait ses épaules.
Namjoon ferma doucement les yeux, savourant l'instant.
Jungkook glissa ses mains dans sa chevelure sombre, joignant leurs fronts dans une tendre intimité. Mais cela ne suffisait pas. Il voulait se fondre en lui, lui faire sentir à quel point ses mots le bouleversaient et le touchaient profondément.
Pourtant, il resta immobile, prisonnier de ses peurs.
« J'ai vainement cherché à m'échapper, à me soustraire à ce que tu me faisais ressentir. Je t'en ai même voulu », murmura Namjoon, livré à l'aveu de son supplice.
Il prit une inspiration tremblante, sentant les caresses de Jungkook s'interrompre, avant de reprendre timidement.
« J'ai tenté de fuir ton étreinte invisible, qui chaque jour me pesait davantage. Les heures s'étiraient en un tourment incessant, et plus je cherchais à m'éloigner, plus je me rapprochais de toi. Je me suis réfugié dans mes études, espérant étouffer cette flamme, mais il suffisait d'entendre ta voix ou ton rire pour que mon amour renaisse. Et pourtant, je ne te connaissais qu'à travers les récits des autres qui ne te dépeignaient pas avantageusement. »
Il soupira d'aise sous la douce étreinte de mains chaudes glissant dans sa chevelure, tandis que son cœur, lui, brûlait encore des mots lourds de sens qui avaient été prononcés.
« Puis, tu es venu frapper à ma porte, m'intimider avec des menaces, tel le voyou que tu es. Je t'ai vu comme un ouragan ravageant tout sur son passage, sans l'ombre d'un remords. »
Jungkook pouffa, provoquant un faible sourire à Namjoon qui décolla leurs fronts, désireux de se perdre dans ces gouffres scintillants.
« Malgré mon attitude envers Seokjin et la rancœur que tu avais contre moi, ce jour-là, j'ai ressenti un bonheur immense de te voir me parler, de t'avoir près de moi, même si je ne te l'ai pas montré. J'attendais nos heures d'études avec imaptience. Depuis, on s'est rapprochés, et je ne peux plus me passer de ta présence. »
Le visage de Jungkook se crispa, l'âme en ébullition, le cœur battant contre sa poitrine comme un oiseau pris au piège. Il brûlait de lui répondre, mais se laissait envahir par le plaisir coupable d'être aimé aussi intensément par cet homme qu'il avait, malgré tout, si longtemps respecté et secrètement admiré malgré sa rancœur.
« Je me tiens devant toi, entier. Je veux être à tes côtés, non pas en dépit de mon amour, mais grâce à lui. Je suis prêt à tout pour te protéger, pour te chérir. Que le ciel s'écroule et déchaîne son courroux sur moi si jamais je te cause du tort. »
Il ferma brièvement les yeux, secoua doucement la tête, les sourcils froncés, puis releva un regard pénétrant lourd d'une supplique muette.
« Alors, Jungkook, tu ne peux plus prétendre ne pas croire en l'amour alors qu'il me broie le cœur à cet instant même. Ce n'est qu'un infime aperçu de ce que mon âme murmure à la tienne. »
Le silence.
Jungkook était étourdi, ses pensées tourbillonnaient, ses oreilles bourdonnaient. Il se tenait, là, le souffle court, les yeux embués, les lèvres tremblantes, le cœur vif et l'âme en effervescence.
Chaque instant passé avec Namjoon était un enchantement, une évasion hors du temps où le monde s'effaçait dans la chaleur de ses bras.
Et ce soir, plus que jamais, il comprit avec horreur qu'il ne pouvait plus se passer de lui. Que le point de non-retour avait été franchi depuis longtemps. Et que déni n'y avait plus sa place.
Son cœur criait « tu me possèdes déjà ».
Son âme en écho vibrait « je ne suis euphorique qu'en ta présence ».
Mais son esprit était plus bruyant encore. Il se débattait, captif de ses peurs. Cloué par une vulnérabilité cruelle et déchirante.
Submergé par ce flot incessant et indomptable, Jungkook perdit tout contrôle. En son sein, c'était comme si une alarme avait été déclenchée, le plongeant dans un chaos sans fin.
Alors, sans crier gare, il éclata en sanglots. Ses larmes jaillirent comme un torrent.
Il agrippa désespérément le haut de Namjoon, dont les larmes menaçaient de couler, se réfugiant dans ses bras forts.
Jungkook n'en croyait pas ses sens.
Il était aimé.
Véritablement aimé.
Et cette déclaration... la plus précieuse qu'il puisse entendre en une vie. Nul ne saurait faire mieux, ni surpasser Namjoon.
Il se sentait démuni face à un tel trésor. Il ne savait comment le recevoir.
Étrange paradoxe ; cet amour le blessait autant qu'il le guérissait.
Cet amour apaisait ses doutes tout en éveillant des peurs nouvelles.
Son âme oscillait entre la terreur et la sérénité.
« J... je crois que moi aussi je veux être avec toi, Namjoon... je te le jure... », sanglota-t-il, le visage enfoui contre son torse.
L'étreinte qui l'enveloppa lui apporta une agréable chaleur, un réconfort lénifiant, mais il était si brisé qu'il souhaitait mourir, là, dans le creux de ses bras, pour enfin échapper à l'entrelacs déchirant de ses émotions.
« Mais je ne peux pas te promettre quelque chose qui peut nous coûter la vie, et les dieux savent combien la mort me terrifie. Peu importe ce que renferme mon cœur, tout est voué à l'échec... Je ne supporterais pas l'idée de te voir mourir parce qu'on est condamnés, Namjoon. »
Ses larmes coulaient sans bruit, mais chaque goutte portait en elle le poids d'un cri déchirant.
Mais rien ne déchira plus l'âme de Jungkook que ce son qu'il provoqua.
Un son qui vibra en lui comme une tempête grondante.
L'unique sanglot de Namjoon.
Et Jungkook en fut poignardé avec la force de mille épées plantées dans sa chair.
À suivre...
...
Coucou ? 🙂
ALORS, DITES-MOI TOUT 👀
J'ai eu des difficultés à retranscrire l'amour pur, profond et fort qui les lie, j'étais trop submergée, ils me surprennent un peu plus à chaque chapitre par ce lien que JE voulais qu'ils aient, mais pas aussi... intensément ????
Quand nos personnages sont maîtres de leurs histoires... nous, auteurs, on n'en devient que des pantins
J'en suis ressortie chamboulée à deux doigts de chialax, je vous mens pas 😭
À mercredi ♡
𝑾𝒊𝒕𝒉 𝑳𝒐𝒗𝒆, 𝑫𝒂𝒓𝒌 𝑬𝒚𝒆𝒍𝒆𝒕 🖤
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