496 | AVENGERS
suite du n°483, on replonge dans l'ambiance royale de la Chronique des Bridgerton ;)
***
- C'est ainsi que j'ai eu la chance d'être convié au dîner somptueux organisé par le Baron. Mais peut-on réellement parler de chance quand cette invitation n'est qu'une résultante de mon talent inouï en chasse à cour, ce qui a subjugué le Baron ? Très modestement, je peux affirmer que ce n'est pas un hasard ! Après tout, il a été si impressionné par la finesse de mes tirs, ainsi que par la symétrie de mon visage et mes nombreuses qualités, qu'il m'a tout de suite eu en adoration
Tu hoches la tête en n'écoutant que d'une oreille lasse le monologue égocentrique de cet énième prétendant face à toi. Celui-là est particulièrement insupportable, si imbu de sa personne que tu songes à mettre de côté toutes tes bonnes manières pour lui rafraîchir les idées du plat de la main en un geste sec mais ô combien libérateur.
Ce pignouf est l'incarnation même de tout ce qui te fait horreur dans la société. Ce genre de personnes, qui ne voient rien d'autre que leur nombril et le titre pompeux dont ils ont hérité sans aucun mérite, tu préfères de loin de pas t'encombrer de leur compagnie toxique. Ils se pensent tous meilleurs que le reste de la population, s'attribuant des louanges bien puériles. Tu n'as jamais pu supporter ces esprits étroits dénués de profondeur, de connaissances ou de talents, tous si fiers de se croire maîtres du monde.
Malheureusement pour toi, le premier bal de la saison - organisé par ta mère - en est le parfait théâtre. Tous ces acteurs écervelés sont entrés sur scène et se succèdent dans un tourbillon étouffant bien difficile à supporter pour toi.
D'ailleurs, tu ne crois pas parvenir à faire illusion plus longtemps. Si le paraître est un principe essentiel au sein de votre élite fortunée, tu n'arrives plus à le mettre à exécution. Alors forcément, tu ne caches plus combien le discours auto-centré de ce prétendant t'ennuie profondément.
- J'ai fait forte impression ce soir-là chez le Baron, continue-t-il avec un sourire vaniteux proprement détestable. J'y suis habitué certes mais-
- Vous connaissez le mythe de Narcisse ? le coupes-tu
Étonné que tu interrompes son éloge égoïste de la sorte, l'imbécile dont tu as oublié le nom te dévisage quelques secondes avant de reprendre contenance.
- B- ... bien sûr ! C'est un de mes mythes préférés, t'affirme-t-il
- Voyez-vous ça, comme c'est surprenant, railles-tu en buvant une gorgée de ta flûte de champagne
- J'aime particulièrement le passage où il réalise douze travaux pour prouver sa valeur à son père, quel héroïsme !
Tu manques de t'étouffer dans ta flûte, abasourdie devant autant d'inculture. Tes yeux arrondis se posent sur ton interlocuteur, ce dernier pas le moins du monde alarmé par sa stupidité. Si c'est cela le mariage, pas étonnant que l'idée d'un mari me fasse avoir des hauts-le-cœur, songes-tu.
- Quelle démonstration impressionnante de connaissances, ironises-tu
- N'est-ce pas ? se vante-t-il. J'aimerais que ma future épouse aime autant la culture que moi, je me nourris tant d'art et d'intellect, que voulez-vous ...
- Ah oui ? Que recherchez-vous chez votre demoiselle, au juste ?
Les yeux plissés, tu attends avec une curiosité un brin narquoise de connaître le fond de sa pensée. Tu es convaincue que sa réponse ne te surprendra pas outre mesure mais que, au contraire, elle confortera la répulsion qu'un tel individu t'inspire.
- Et bien ... il faudra évidemment que son portrait soit à la hauteur du mien et que notre image s'accorde. Je ne voudrais pas qu'elle paraisse désavantagée aux côtés de son époux, te répond-il dans un rire désobligeant
Ben voyons, te dis-tu. Intérieurement, tu t'imagines étrangler cet idiot tiré à quatre épingles et retiens l'envie de lui hurler dessus.
- Il va de soi qu'elle devra savoir déambuler en société, avec élégance et discrétion. Je compte aussi sur une certaine docilité, il ne faudrait pas qu'elle soit trop fantasque pour autant
- Bien évidemment, ce serait complètement indécent qu'une femme soit libre d'être elle-même, l'interromps-tu. D'avoir le loisir de mener sa vie comme elle l'entend, de faire ses propres choix et d'avoir des passions personnelles. Quelle catastrophe cela serait que la personnalité de votre future épouse ne se fane pas pour ne faire qu'un avec la vôtre
Sans plus de ménagement, tu lui décroches ton sourire le plus ironique et, sous son regard outré et eberlué, tu l'abandonnes sans te retourner, le laissant seul comme l'imbécile qu'il est. En soupirant un grand coup, tu finis d'un trait ta flûte de champagne et te fraies un chemin entre les nombreux invités, cherchant à mettre le plus de distance entre tous tes potentiels prétendants et toi. Du coin de l'œil, tu repères ce qui pourrait bien être ton salut : le gigantesque buffet.
- Grand dieu, enfin une bonne chose ce soir ...
Pour ton plus grand bonheur et celui de tes papilles, tu te lâches sur le buffet en priant pour que la valse des prétendants ne continue pas entre les verrines sophistiquées et les tartelettes joliment dressées. Si ta mère Frigga sait comment organiser un bal d'une main de maître, il faut également lui attribuer le mérite de connaître suffisamment de beau monde pour pouvoir décrocher le meilleur cuisinier du comté.
L'espace de quelques agréables minutes de paix, tu te coupes de l'ensemble des invités pour souffler un peu. Le bal a commencé il y a quelques heures et depuis l'arrivée de la reine Ajak, tu n'as eu que très peu de répit. Alors tu savoures religieusement ton délicieux chou à la crème, autant que le calme apparent.
Calme qui n'est que de courte durée : deux jeunes hommes que tu connais très bien te rejoignent déjà.
- Et bien dis donc, on pourrait croire que tu n'as pas mangé depuis plusieurs jours, se marre Pietro
- Ou plusieurs semaines ... je ne sais pas si ça va séduire beaucoup d'hommes de te voir réduire à néant le buffet, observe avec humour Peter
- Dites-moi que je rêve ! Vous êtes bien mal placés pour me faire des reproches sur la nourriture, alors que vous avez dépouillé l'assiette de croquants au fromage dès votre arrivée !
Offusquée par ce que tu entends, tu adresses un regard outré aux deux frères. Peter et Pietro Featherington, cadets de ta meilleure amie Peggy et voisins de toujours, sont des adorateurs de la bonne nourriture depuis leur plus jeune âge. C'est un peu fort de café qu'ils te fassent une telle remarque et ils le savent parfaitement. Ils éclatent de rire sans ménagement et entendre des sons aussi légers venant de tes amis vient remonter ton moral mis à rude épreuve.
- Et peut-être que c'est précisément ce que je cherche à faire, figurez-vous, ajoutes-tu
- Faire fuir les prétendants ? devine Pietro
- Exactement, soupires-tu
- C'est vrai que tu es loin d'être ménagé ce soir, acquiesce Peter avec bienveillance. Entre tes débuts dans la société et le diamant de la saison-
- Je ne suis pas le diamant de la saison ! te défends-tu aussitôt
- Peut-être pas officiellement, pas encore du moins. Mais la reine t'a quand même adoré lors de ta présentation ce soir, Feb
Le grognement que tu pousses fait preuve de toute la joie que t'inspire l'idée d'être choisie par la reine Ajak pour être LA demoiselle à marier de la saison.
- Beaucoup de filles aimeraient être à ta place d'ailleurs
- Et bien, je leur laisse volontiers ! Je leur souhaite bien du courage pour supporter l'affreux ballet d'hommes inintéressants, arrogants et ignares que je viens de subir !
Les deux frères s'échangent un coup d'œil, en réprimant avec peine leurs sourires rieurs. Ce regard, tu le connais, tu l'as vu mille fois.
- Allez-y, riez de mon malheur, grognes-tu en enfournant une bonne partie de ton chou à la crème
- Oh ma pauvre Feb, tu as raison : ce ne doit pas être réellement amusant pour toi, compatit Peter, toujours plus sensible que son frère
- Quel calvaire d'être le plus beau parti de la soirée, ironise ce dernier en levant les yeux au ciel
- Ce qui les intéresse, ce ne sont que la fortune de ma famille et l'approbation de la reine, pas celle que je suis vraiment, leur dis-tu avec dépit
Les moues qu'affichent les frères Featherington sont limpides, elles viennent confirmer combien ce que tu dis est vrai. Et ce constat te révolte, depuis longtemps. Voilà pourquoi mes débuts dans la société n'étaient d'aucun attrait pour moi, constates-tu.
- Si vous étiez des femmes, vous comprendriez ce que je ressens mes jolis ! leur lances-tu en forçant un peu sur l'entrain
- Tu as raison, on ne peut pas comprendre ce que c'est que d'être une femme de notre époque, surtout lors de la saison, approuve Peter en te serrant brièvement contre lui
- Aller ... il n'y a vraiment aucun homme qui n'a touché ton cœur ? Ou qui te semble moins détestable que les autres ? te demande son frère
Mentalement, tu passes en revue le cortège s'étant succédé sous ton nez depuis le début de la soirée. Se faisant, tu balayes du regard le lieu de réception choisi par ta mère pour l'organisation de ce premier bal de la saison. Tes yeux traversent l'ancien colisée antique, naviguant d'invité en invité. Seul l'un d'entre eux tire son épingle du jeu, selon toi.
- Le seul qui m'a paru digne d'intérêt ne va certainement pas vous laisser de marbre. Il s'agit de Loki, le fils du vicomte Odin
- PARDON ?! s'exclament tes deux amis
Tu te mords l'intérieur de la joue, à deux doigts d'éclater de rire face à leurs têtes très expressives. En un même mouvement, loin d'être discret, Pietro et Peter se retournent vers l'homme évoqué dans votre conversation. Ce dernier, vêtu d'un costume noir rehaussé par quelques touches dorées et vert émeraude, se tient près d'un grand blond, à côté de l'orchestre. Ses traits affaissés ne s'embarrassent pas à camoufler l'ennui profond que lui inspire cette soirée.
- Loki, tu es sérieuse ? On parle bien de celui qui est passionné par la mort et les tours qu'il joue à tout le monde ? Plus les farces incommodent ses victimes, plus il y prend de plaisir, insiste Pietro
- Au moins, il est doté d'un esprit singulier ! Il est bien plus intéressant que la moyenne des gens invités ici et de plus, bien moins présomptueux que son frère Thor
De nouveau, tes deux amis font volte-face pour observer l'autre duo de frères du bal. Ces derniers remarquent vos coups d'œil, Loki te lance un regard malicieux avec un clin d'œil. Thor lui, se sentant flatté par votre attention, bombe le torse comme un coq en affichant un sourire de séducteur un peu lourd.
- Pas faux, Thor est le summum de la vantardise, se marre Pietro
- Et ce n'est qu'un euphémisme, te lamentes-tu
- Ce n'est pas facile de trouver la perle rare, n'est-ce pas ? constate Peter
- Je crois que cette mission s'avère impossible, lui affirmes-tu, dépitée
- Ne t'en fais pas trop Feb, il y a forcément quelqu'un pour toi sur cette planète. Tiens, ça ne te dirait pas de te marier avec l'un de nous deux ?
Cette question aurait de quoi surprendre si tu ne connaissais pas davantage le personnage haut en couleurs qu'est Pietro. Pourtant, tu sais déceler la pointe rieuse dans son ton, ainsi que l'éclat taquin brillant dans ses yeux. En revanche, ce n'est pas le cas de Peter, qui ne cache pas combien cette possibilité le laisse pantois de par ses yeux élargis. Alors tu ne te retiens pas et éclates d'un rire franc, attirant les regards surpris de plusieurs personnes autour de vous.
- Certainement pas ! On se connaît depuis que l'époque des culottes courtes, je vous adore mais mon estime pour vous est bien trop fraternel pour envisager un mariage avec l'un d'entre vous
- Comme tu voudras. Mais pense qu'il y en a une qui serait ravie de t'avoir comme belle-sœur ...
- Il me semble que Peggy a d'autres préoccupations en ce moment, intervient une voix féminine
Ta sœur Gwen se glisse près de vous, rejoignant votre coin de débauchés du buffet. Tu arques un sourcil, intriguée par ses mots. Pour toute réponse, elle vous fait un petit signe du doigt en direction de la piste de danse, occupée par plusieurs jupons virevoltants et pas de valse.
- Oh ... est-ce- ..., commence Peter, les yeux ronds comme des billes
- Je dois rêver ..., souffle Pietro sur un ton eberlué
- Je ne pensais pas avoir abusé tant que ça sur le champagne, mais visiblement j'ai des hallucinations
- Non, vous avez tous une bonne vue : Peggy est bel et bien en train de danser avec un homme. Et ce n'est pas n'importe qui !
Éclatante dans sa robe jaune pâle, ta meilleure amie glisse avec légèreté sur la piste de danse. Dans les bras de cet grand homme blond et bien bâti, dont le costume bleu marine est décoré de plusieurs médailles militaires, Peggy arbore un sourire absolument étincelant. Lui affiche une expression toute aussi tendre et ravie, tous deux transpirent d'un bonheur délicat, pure et presque timide.
- Elle m'avait parlé d'un lord devenu soldat et qui est récemment revenu au pays ... est-ce lui ? t'interroges-tu en détaillant du regard le partenaire de Peggy
- Exactement, Lord Rogers était capitaine de son régiment, confirme ta sœur
- Et bien ... si je m'attendais à voir ceci un jour, s'amuse Peter
- Et moi donc ! Elle qui a toujours été très fière d'être indépendante et sans attache, je suis étonnée de la voir aussi proche d'un homme
Tu pourrais ressentir une pointe de colère ou de trahison, à l'idée que ta meilleure amie au cœur bravement libre puisse succomber à tout ce qu'elle a toujours fui. La vieille fille Featherington, l'éternelle célibataire et réfractaire au mariage ... c'était une chose que tu admirait tellement chez elle ! Et pourtant, la voir aussi heureuse, de la plus pure des façons, te touche en plein cœur.
- Sa façon de le regarder ne laisse que peu de doutes, ajoutes-tu, attendrie
- Ils forment un beau couple, n'est-ce pas ?
Une énième voix, venant tout droit de ton berceau familial, s'élève dans ton dos. En jetant un œil par-dessus ton épaule, tu aperçois l'un de tes frères aînés se joindre à votre discussion.
- Tiens, Eros ! Tu ne t'es pas encore enfui de ce bal de malheur pour aller bouquiner dans ton coin ? lui lances-tu
- Et me priver du plaisir de tous les ragots que vous colportez ? Non merci !
- Tu sais bien comment les choses fonctionnent en société, petits scandales partagés en chuchotant et commérages à foison ! s'exclame Pietro
- Je suis surpris que tu te prennes à ce jeu-là sœurette, reprend Eros en te fixant. N'est-ce pas toi qui préfères ne pas prendre à ce genre de choses car tu es au-dessus de tout ceci ?
- Ne crois pas que je suis devenue une commère, ce n'est pas du tout le cas ! Mais il faut bien avouer que vos ragots sont pratiques : ils me tiennent occupés et pendant ce temps-là, je n'ai plus à endurer la compagnie d'idiots voulant me faire la cour, admets-tu en levant les yeux au ciel
- Nous ne sommes que ton bouclier anti-prétendants, si je comprends bien ? rit Gwen
- Exactement. Mais d'ailleurs, je te trouve assez mal placé pour me faire cette remarque, Eros, rétorques-tu à l'intention de ton frère. Pour quelqu'un qui ne s'intéresse qu'à ses lectures, tu dois t'ennuyer à mourir
- Le buffet suffit à combler-
Mais tout à coup, Eros s'interrompt. Son attention est attiré par quelque chose d'autre, quelque chose qui semble le troubler intérieurement. Il s'humidifie les lèvres, signe que ton frère fait seulement lorsqu'il est désarmé. Ses prunelles vertes sont rivées sur un point fixe, incapables de regarder autre part tandis qu'il reste complètement muet.
Il n'est d'ailleurs pas le seul, un voile silencieux s'abat sur la salle et l'enveloppe entièrement. Même l'orchestre s'est arrêté de jouer, laissant toute la place à deux jeunes femmes sublimes de fendre la foule. Leur beauté se mêle à un charisme certain, ainsi qu'à une élégance tout à fait naturelle, formant un tableau captivant qui suffit à réduire quiconque au silence. Seul reste l'admiration, la contemplation subjuguée de ces portraits.
Du coin de l'œil, ça ne t'échappe pas que ton frère semble envoûté par l'une des deux jeunes femmes. Tu l'observes discrètement détailler la blonde en robe noire et aux bijoux ornés d'améthystes. La seconde jeune femme, plus âgée, arbore une crinière de feu se mariant parfaitement avec la couleur rouge rubis de sa robe. Au delà des apparences majestueuses de ces demoiselles, une note exotique émane de leurs traits et de leur attitude.
- Ce sont les filles d'un empereur russe, elles font enfin leur entrée, vous murmure Gwen
- Et on peut dire que c'est une entrée remarquée, commentes-tu avant de te tourner vers ton frère. N'est-ce pas Eros ?
Le coup de coude que tu lui assènes arrache difficilement ton frère de sa contemplation, il paraît reprendre conscience du monde l'entourant à partir de cet instant.
- Qu- ... quoi ? te demande-t-il, n'ayant pas écouté ta question
Gwen et Pietro pouffent de rire, Peter se fait violence pour ne pas les suivre tandis que tu mobilises toute ta volonté pour ne pas rire au nez de ton frère.
- Wow, moi qui pensais que tu ne t'intéresserais jamais à rien d'autre que tes livres ..., commentes-tu
- Ne dis pas de sottises, je ne suis pas ... intéressé, vous dit-il en baissant les yeux d'embarras
Mais sa volonté contraire est transparente, personne ne s'en trouve dupé.
- Heureusement que tu n'es pas intéressé frangin, parce qu'elles arrivent vers nous, annonce Gwen, un sourire malicieux en coin de lèvre
- Juste ciel, s'affole Eros en ayant soudainement du mal à respirer
Effectivement, les deux filles du tsar se dirigent vers le buffet alors que la vie reprend peu à peu autour d'elles. Les murmures enflent, forcément, tandis que les autres reprennent leurs conversations habituelles. Vous n'avez pas le temps de pousser de force Eros à les accueillir, votre mère vous devance en les rejoignant telle l'hôtesse exemplaire qu'elle est.
- Mesdemoiselles, c'est un honneur de vous recevoir ici ce soir, sourit-elle en leur faisant une révérence. Nous sommes tous ravis que vous vous joignez à nous pour ce bal de début de saison
- Tout le plaisir est pour nous, Lady Bridgerton, lui répond la rousse avec un sourire poli. Votre bal semble tout à fait grandiose
- En effet, tout est très joli, ajoute la blonde avec un petit accent russe
- Oh merci. Mais je suis sûre que cela ne rivalise guère avec les réceptions que donne votre père, l'empereur Alexei,
- Détrompez-vous, vous êtes parfaitement à la hauteur pour entrer en compétition avec lui
- Surtout que ses bals sont toujours si guindés et ennuyeux
Un petit rire surpris, et un peu charmé, échappe à Eros, attirant l'attention des deux demoiselles russes et de votre mère. En vous apercevant, le sourire de cette dernière s'étire encore davantage.
- Laissez-moi faire les présentations. Mesdemoiselles Natasha et Yelena, voici mes enfants Gwendolyn, Y/N et Eros, accompagnés de leurs chers amis Peter et Pietro
Vous vous saluez tous élégamment, avec toute la bienséance qui vous a été enseigné.
- Ma fille Y/N fait ses débuts cette année, elle espère être choisie pour être le diamant de la saison désignée par la reine
Cette précision touche une corde sensible à l'intérieur de toi et déclenche une petite flamme de colère.
- Non, c'est vous qui espérez une telle chose Mère. Moi, j'aime beaucoup mieux rester du côté du buffet pour m'éviter l'épuisant exercice de faire la conversation avec des personnes n'ayant rien d'intéressant à dire
Cette démonstration brève de ton caractère fait réagir tout ceux qui t'entourent, de façons variées. Ton frère et ta sœur, nullement surpris, s'échangent un regard amusé. Peter et Pietro, eux, sont admiratifs que tu oses exprimer le fond de ta pensée. Natasha et Yelena sont tout aussi impressionnées, voire appréciatrices d'un tel tempérament.
En revanche, ta mère a la même expression que lorsque tu manquais une leçon de harpe étant enfant ou qu'elle te trouvait dans les cuisines de la maison avec l'un de tes frères et sœurs, en train de vous goinffrer de pâtisseries.
- Je suis tout à fait d'accord, faire la conversation peut parfois être une véritable corvée, approuve la blonde
Rassurée, tu adresses un regard
- Vous avez donc trois enfants, Lady Bridgerton ? interroge Natasha
- Nous y sommes : LE fameux sujet, ricane Eros, attirant le regard de Yelena
- Non, tous mes enfants ne sont pas venus se cacher près du buffet, répond Frigga avec un coup d'œil désapprobateur à votre égard. Trois autres de mes enfants ne peuvent pas être présents ce soir mais ... ah, tenez ! Vous voilà enfin !
Elle attrape au passage le bras d'un jeune homme, en train de boire dans une flasque en argent. Ce dernier, surpris de s'être fait prendre de cette manière, range précipitamment sa flasque dans sa veste en se retournant vers vous.
- Un autre de vos fils ? demande Natasha
- Bucky, pour vous servir madame, répond-il en faisant une courbette
Les prunelles de ton grand frère Bucky et celles de Natasha se trouvent et ne se laissent pas repartir avant de longues secondes, durant lesquelles vous avez tous pu assister à la petite connexion naissant entre eux.
- Je vous ai cherché une bonne partie de la soirée, le cingle Frigga
- Et bien ... j'étais ... là, répond évasivement le jeune homme en désignant l'ensemble de la salle d'un geste flou
- À éviter de faire la conversation avec les invités, vous aussi ?
La réprimande s'insinue dans le timbre de voix de votre mère, s'accentuant un peu plus grâce à son œil autoritaire. L'orage ne va pas tarder à s'abattre de toutes ses foudres sur vous ...
- Peut-être bien, avoue Bucky du bout des lèvres
- Bonté divine ! s'agace Frigga en faisant planer son regard agacé sur chacun d'entre vous
- Concernant les conversations, j'en ai fait plus que ma part Mère ! exploses-tu. J'ai enduré je ne sais combien de jeunes hommes, tous plus idiots les uns que les autres, parce que c'est précisément ce que vous attendez de moi. Mon seuil est atteint, je suis à deux doigts de la migraine. Alors oui, j'admets ne pas sauter de joie à l'idée de reprendre ce manège ridicule juste pour vous contenter
- Feb, te coupe Eros, bien qu'il soit un peu tard pour ça
Si une partie de toi se sent bien plus légère d'avoir relâcher toutes tes souffrances, l'autre s'inquiète davantage pour sa propre survie. Le silence de ta mère n'engage rien de bon, tu ignores si elle ne sait pas quoi répondre à cause du choc ou parce qu'elle fulmine intérieurement.
Celle qui intervient pour dissiper avec grâce le malaise ambiant est une personne étonnante, mais néanmoins très appréciable :
- Et bien, le meilleur moyen pour éviter d'avoir à converser, c'est encore de danser ! s'exclame Yelena
Sur ce, la jeune blonde s'empare de ta main et te guide dans son sillage, au centre de la piste de danse. D'abord surprise par son geste, tu te laisses finalement guider, prête à tout pour t'éloigner du courroux de ta mère. Les autres couples autour de vous continuent de valser en rythme, tout en vous regardant avec stupéfaction. Il ne t'en faut pas plus pour mettre de côté ta réserve, tu plonges tes yeux dans ceux de Yelena et, d'un commun accord muet, vous rejoignez la danse. Vos pieds foulent le sol avec la minutie qu'incombe cette danse, dont vos connaissez chaque technique par cœur. Ta main droite reste dans la sienne, tandis que ta gauche se trouve sur sa taille. La seconde main de ta partenaire s'est posée sur ton épaule, rapprochant vos corps.
Un discret sourire mutin réhausse ses lèvres, signe évident qu'elle est assez fière de son coup. Et tu dois avouer que tu es bien amusée par ce stratagème. D'une part, ça ne te déplaît pas du tout de danser avec une femme et encore moins avec elle. D'autre part, savoir que tu n'es pas la seule à faire volontairement jazzer la société te donne du baume au cœur.
- Merci, je crois que vous venez de me sauver la vie, lui glisses-tu avec reconnaissance
- Ce n'est rien, je suis contente d'avoir pu vous aider. Vous avez beaucoup de fougue, un sacré tempérament ... j'adore cela ! C'est si rare dans notre monde ...
- Indomptée et indomptable, à ce qu'il paraît, ris-tu en la faisant tourner sur elle-même
- Mieux vaut être un brasier sans limites qu'une petite flamme enfermée dans des parois de verre, affirme-t-elle
- C'est aussi ce que je pense !
Les esprits s'accordant avec le tien sont si rares, tu ressens soudain une vive joie à l'idée de ne pas être seule à trouver les convenances et les attentes de la société complètement lunaires.
- Dites-moi si je suis indiscrète mais, je n'ai pu m'empêcher de remarquer une chose tout à l'heure ... votre frère, celui aux magnifiques yeux verts ..., reprend avec délicatesse Yelena
- Eros ?
- Oui, acquiesce-t-elle
- Il vous trouve très belle également. Et pourtant, il n'est pas du genre à s'intéresser aux femmes mais plutôt aux bouquins, d'ordinaire
De petits rires échappent à la demoiselle russe, tels des carillons tout en douceur.
- C'est une bonne chose à savoir. Mais ce n'est pas ce que je voulais vous demander, au départ ...
- Dites-moi
- Il vous a appelé « Feb », pourtant votre mère vous a présenté sous le nom de « Y/N ». Comme vous prénommez-vous, en réalité ?
Tu hoches lentement la tête, comprenant enfin où la jeune russe voulait en venir.
- C'est une longue histoire, un peu stupide d'ailleurs. Mes parents ont toujours souhaité avoir une grande famille et lorsqu'ils ont eu des enfants, ils ont commencé une étrange tradition. Chaque enfant né porte un prénom dont l'initiale est dans l'ordre de l'alphabet. L'aîné de ma fratrie s'appelle Anthony, ensuite vient Bucky pour la deuxième lettre puis mon autre frère Clinton. La première fille est la quatrième de la fratrie, elle répond donc au nom de Darcy
- Oh je vois, comprend Yelena. Eros est donc le cinquième enfant ?
- Exactement, confirmes-tu
- Mais ... et vous, dans tout cela ?
- Et bien moi, je suis le sixième enfant Bridgerton. Pour perpétuer la tradition, mon prénom devait commencer par un F. Or, mes parents n'ont jamais réussi à se mettre d'accord sur un prénom à me donner. Si l'un aimait le prénom, l'autre le détestait. Quand ils sont arrivés au bout de la liste des prénoms commençant par un F, aucun n'avait trouvé grâce à leurs yeux. Mais le hasard des choses a fait que je suis née le premier jour de Février, d'où mon surnom : « Feb »
Yelena acquiesce lentement, avec une expression difficile à déchiffrer.
- C'est une histoire singulière, finit-elle par dire
- Je vous avais dit que c'était idiot
- Mais très joli, t'assure-t-elle avec un sourire. Au contraire, je trouve que cette anecdote donne le ton sur le caractère enflammé que l'on trouve derrière ce surnom
Ce compliment te touche en plein cœur et éveille une petite émotion chez toi. Ton tempérament est loin de te valoir d'aussi belles paroles habituellement, si bien que tu ne peux empêcher ton visage de se fendre d'un large sourire sincère. Les notes de la valse trouvent un épilogue, sonnant la fin de votre danse. Vous vous faites une révérence en inclinant la tête, autant pour vous saluer que pour vous remercier. Et de ton côté, un simple regard suffit à lui signifier combien tu lui es reconnaissante, pour plusieurs choses.
Un peu plus loin, vous distinguez ta mère, en train de se frayer un chemin pour te rejoindre. Un simple regard à Yelena suffit, elle te fait un signe de tête et fonce droit sur Frigga pour te couvrir. Ni une ni deux, tu te faufiles et disparais, entre les robes imposantes, les coiffes démesurées et les éventails en action. Ton but est de t'éloigner le plus possible et te trouver un coin dans le jardin où ta mère n'arrivera pas à te débusquer.
Tu parviens à sortir du colisée pour gagner les jardins tout autour. En chemin, la conversation de trois femmes, qui sont si investies dans leur séance de ragots qu'elles ne remarquent pas ta présence, te parvient aux oreilles et te hérisse le poil.
- Il semblerait que la reine Ajak choisisse la petite Bridgerton pour être le diamant de la saison, dit l'une, la mine réprobatrice
- Elle qui est si ... singulière, ajoute une autre et subitement, ce simple mot devient la plus grossière des insultes
- Il est évident qu'elle est de bon parti, mais enfin ...
Piquée à vif, tu ne peux t'empêcher de te pencher vers ces mégères afin d'effectuer une petite mise au point.
- Je préfère de loin être singulière mais conserver mon cœur, plutôt que de me transformer en une femme aigrie, qui ne sait plus celle qu'elle était avant de s'enchaîner pour la vie à un homme la dépouillant de toute sa personnalité. La dernière chose dont j'ai envie, c'est que mon existence ne soit plus que pimenté par le colportage de ragots ... quel cauchemar cela serait
Durant ta tirade, tu as su maîtriser ton ton pour le conserver parfaitement posé. Ainsi, tu as conservé une attitude digne et élégante, tout en mettant les choses au clair. Une main de fer dans un gant de velours, en somme.
Estomaquées, le trio de mégères ne sait pas quoi répondre. Un plaisir un brin malsain traverse ta poitrine, tu peux reprendre le chemin de ta fuite, la tête haute.
Tu connais ces jardins par cœur, tu sais quel chemin invisible prendre, quel écart entre tels arbres emprunter. Derrière une haute haie de lauriers sauvages formant une sorte d'arc de cercle, un vieux chêne au tronc à moitié creux se dresse avec majesté. Un petit repaire secret, que les enfants Bridgerton se sont transmis d'années en années pour se retrouver à l'abri des regards de votre mère.
C'est pourquoi, tu n'es pas si étonnée d'y rencontrer le cadet de tes frères et sœurs.
- Coucou petite tête, c'est là que tu te caches ? souris-tu
- Toi aussi, Feb ? s'amuse Harley
- Tu as tout compris
Tu t'installes à côté de lui, tandis qu'il continue à construire une petite maisonnette avec des branches et des morceaux de mousse.
- On est bien mieux ici ..., souffles-tu
- Dis Feb, tu vas te marier bientôt ? te demande ton petit frère
- Oh ça, je ne compterai pas là-dessus ! Même si maman aimerait bien
- Moi non plus, je ne veux pas me marier. Je veux être un pirate, toute ma vie !
- C'est mère qui va être ravie d'apprendre ça, t'amuses-tu
Harley te sourit, amusé par tes mots.
- Elle a tiré le gros lot avec nous tous, n'est-ce pas ? Quoi que ... il est possible que des gènes russes apparaissent dans la famille, avec Eros et Bucky ..., penses-tu
- Oh chouette ! Maman sera peut-être moins concentrée sur toi alors
- Tu es perspicace, dis donc. Tu es bien mon petit frère, c'est certain ! On fait une belle paire toi et moi et si on ajoute Gwen, maman a de quoi s'occuper un moment
Les saisons à venir risquent d'être mouvementées ! Si tous les espoirs de ta mère basculent sur tes frères charmés par deux belles russes, tu gagnes un peu de répit. Tes souffrances pourront reprendre l'année prochaine ... ah, la vie dans la société ne va pas être de tout repos avant un moment !
*****
Je m'excuse mille fois de ne pas avoir posté depuis plusieurs semaines 🥲🙈
Ça a été un peu la course pour moi, tellement que je n'ai quasiment pas le temps de venir sur Wattpad.
Les choses devraient revenir à la normale, avec une publication par semaine 😌
J'espère que je suis pardonnée avec cette suite et dernière partie dans l'ambiance de Bridgerton 😉
Bạn đang đọc truyện trên: Truyen247.Pro