twenty o'clock
Comme chaque jour de travail, je somnolais dans la salle de réunion durant ma pause. Bien que je ne sois pas spécialement fatigué, les canapés étaient vraiment confortables et rien que de m'y allonger m'endormait directement. Et comme chaque fois que je fermais les paupières, je rencontrais les orbes carmin de Mina, me fixant sans jamais ciller jusqu'à ce que je me décide de me réveiller. À force, j'avais appris à ignorer – en parti, ses regards, mais à cause de ça, cela faisait quatre ans que je n'arrivais jamais à avoir une nuit noire, saine, et véritablement reposante.
Pourtant, alors qu'elle me regardait depuis une vingtaine de minutes, pour la première fois, Mina avait disparue.
Il faisait complètement noir, et une chaleur couvait le bas de mon corps, remontant jusqu'à mon cœur.
Mais ce n'était pas la chaleur que procurait une couverture installée sur un être froid, c'était plutôt une chaleur psychologique.
Que dans tout cet océan morose et glacial, une mèche s'était allumée.
Une mèche qui me donnait chaud, qui avait fait fuir Mina.
Je me sentis alors tellement bien à ce moment-là. Comme si tous mes problèmes m'avaient tourné le dos, m'avaient finalement abandonné en se disant, laissons-le en paix. Je ne comprenais pas pourquoi, si soudainement, tout était devenu paisible au point de faire décontracter l'entièreté de mon corps. Le pauvre souffrait tellement d'une angoisse constante que ce n'était pas rare que je chope des maux de dos ou d'épaules. Je planais.
Pourtant, ce moment de silence n'avait pas duré assez longtemps. Un regard était posé sur moi. Je le sentais, il me piquait le visage, le nez, les lèvres, les yeux.
Alors non sans lassitude, j'avais entrouvert les paupières et un fin sourire enfantin m'avait accueilli. Un sourire qui méritait tout l'or du monde.
Yumin se tenait assise devant moi, sur la moquette et jouait avec une poupée. Ses cheveux bruns coupés en carré se relevaient en une petite queue de cheval à l'arrière de son crâne. Elle avait aussi deux petites boucles d'oreilles qui illuminaient son visage angélique. Cela ne m'étonnait pas qu'elle soit belle, c'était quand même la nièce de Taehyung.
Je lui souris lorsqu'elle me montra sa poupée, à laquelle elle avait dressée une robe bleue.
— Qu'est-ce que tu fais-
Elle me coupa la parole en mettant son indexe sur ses fines lèvres.
— Chhht, fit-elle tout bas. Mon tonton dort.
Je fronçai légèrement les sourcils, qu'est-ce qu'elle racontait ?
Alors que je voulus étendre mes jambes fléchies, je fus bloqué par un poids couché sur mes hanches. Un poids qui avait l'air humain. Étrangement, je ne ressentais pas de le moindre stress du fait que quelqu'un était en train d'avoir un contact direct avec moi. Je me sentais bien, dénué de tout problème comme si je ne les avais jamais eus.
Conscient que j'étais bloqué, je relevai légèrement le visage au-dessus de mon épaule afin de regarder qui était la personne qui prenait mes hanches pour un coussin.
Sainte Mère de Dieu.
Le canapé faisait environ deux mètres de longueur. Comme à mon habitude, je m'installais légèrement recroquevillé sur le côté, et la tête sur l'accoudoir où je piquais un coussin. Ce soir-là, j'avais bien cru que mon cœur allait cesser de battre face à la vision que j'avais.
Taehyung, la tête dans les bras, eux-mêmes déposés sur mes hanches, dormait d'un calme infiniment profond.
Je ne voyais pas vraiment son visage, il était en partie caché par ses mèches ébènes, mais à l'entente de ses respirations lentes et berçantes, cela ne faisait aucun doute qu'il voyageait actuellement très loin. Je ne savais pas où, mais j'espérais dans un monde serein. Là où il n'y avait aucune tache sombre. Le reste de son corps longeait mes jambes, et mes pieds semblaient toucher son ventre. Nous étions dans la même position.
Un filet alcoolique s'infiltra dans mes narines, me tirant de la rêverie. Je fis une légère grimace.
Je ne l'avais même pas entendu ni senti arrivé, sûrement trop loin dans mes rêves.
Je me reportai sur Yumin, toujours souriante face au tableau qu'elle avait devant elle.
— Il est là depuis combien de temps ? Chuchotai-je.
— Un petit moment.
Sans savoir l'heure qu'il était, je ne pouvais pas connaître approximativement ce qu'un petit moment signifiait pour une fille de six ans.
— Pourquoi il est là ?
Elle haussa les épaules en baissant les yeux sur son jouet. Comme attristée.
Il n'y avait personne d'autre dans la pièce.
— Il s'est disputé avec Jin, expliqua-t-elle doucement. Ça criait beaucoup...
Elle se frotta les yeux. Je me sentis désolé, pour elle, ainsi que pour Seokjin qui un peu plus tôt dans la soirée, m'avait appris un peu plus de choses au sujet de mon patron. Cette dispute, créée pour je ne savais quelle raison, avait dû l'affecter considérablement. Seokjin ne voulait plus de conflit, ne voulait plus se battre, je l'avais bien compris.
Mais Yumin aussi devait savoir des choses que je ne savais pas. Surtout au ton qu'elle avait employé, triste certes, mais je sentais que ce n'était pas la première dispute à laquelle elle assistait. À six ans, on commençait à prendre conscience du monde qui nous entourait.
— Pis Tonton m'a pris par la main, il voulait me ramener à la maison, continua-t-elle. Il était très en colère, mais quand on est passé devant cette salle, la porte était ouverte et il vous a vu dormir. Il m'avait demandé si j'étais fatiguée, mais moi j'ai dis que non parce que c'était pas encore l'heure de dormir.
J'esquissai un sourire, elle était vraiment mignonne dans sa façon de parler. Même si je savais que toutes ces tensions l'affectaient elle aussi, mais qu'elle le cachait derrière sa joie d'enfant.
— Par contre lui, il a dit qu'il l'était. Alors il m'a demandé d'aller chercher des jouets dans le bureau de Jin. Quand je suis revenue, il dormait déjà sur vos fesses.
Je lâchai un rire, qui apparemment fut communiqué car un doux son venait de sortir de sa gorge. Et après l'avoir fixée pendant quelques secondes, je retirai mon bras d'en-dessous de mon coussin pour regarder l'heure à ma montre.
Vingt heures vingt-et-un.
— Vous savez, reprit la petite fille en regardant son oncle. Il est très très très fatigué... Pis là, c'est la première fois que je le vois dormir aussi bien. Elle sourit et se mit à rire. Vous devez être confortable.
Je souris à ses propos.
Moi aussi je me sentais bien, aussi bien que quand Jihyung était encore en vie. Le contact qu'il y avait entre nous ne semblait exister qu'à la vue d'autrui. Car je ne ressentais rien, comme si nos chaleurs s'emboitaient l'une à l'autre. Toute angoisse s'était dissipée, et depuis mon réveil, mon esprit flottait comme sur un petit nuage au-dessus de l'océan noir dans lequel je me noyais depuis longtemps.
Cela faisait des années que je ne m'étais pas senti aussi serein.
Pour une raison inconnue, savoir que mon patron était tout proche m'apaisait.
— Ma Maman veut jamais que je vienne ici, râla-t-elle. Elle dit qu'il est dangereux et bête. Du coup c'est mon Papa qui m'amène ici même si Maman le sait.
— Pourquoi elle laisse ton Papa t'amener si elle le sait ?
— Je sais pas. Lui il dit que Tonton est quelqu'un de très gentil, mais que comme il a des soucis depuis quelques temps il est très fatigué. Alors des fois il dit des choses sans s'en rendre compte.
— Tu penses que c'est vrai ? Elle haussa légèrement les épaules en me regardant.
— Je sais pas trop. Moi il m'a jamais rien fait, il est tout le temps gentil avec moi, elle tripota sa poupée. Maman me demande tout le temps s'il m'a fait mal, et quand je lui dis non, elle me croit pas vraiment. Mais avec Jin il est souvent méchant, et j'aime pas les voir se disputer...
Je ne savais pas comment rassurer un si petit ange. Elle était trop jeune pour connaître ce genre de problème, ou même participer à des engueulades qui pouvaient devenir impulsives.
Je lui disais tout de même de ne pas s'en faire, qu'un jour tout se calmerait car la raison de Taehyung reprendrait le droit chemin. Elle n'était pas très convaincue, elle m'avait même fait peur lorsqu'elle avait évoqué certaines paroles monotones de son oncle. Qu'il parlait souvent seul avec lui-même, et qu'un jour, alors qu'elle avait rejoint la cuisine après s'être réveillée d'une bonne nuit, elle l'avait vu regarder un long couteau de cuisine en murmurant des choses qu'elle n'avait pas compris.
Même si à ce moment-là mon cœur s'était mis à battre de stress, je lui avais dit que peut-être, il réfléchissait à une recette de cuisine et non à autre chose. Elle avait haussé les épaules, toujours pas très convaincue de ce que je pouvais avancer.
À présent, elle continuait à jouer calmement. Moi, je n'avais pas bougé depuis mon réveil, Taehyung dormait toujours comme une statue sur mes hanches et je me sentais tellement bien que je n'avais pas du tout envie de me retirer. Je n'arrivais même pas à croire que quelqu'un me touche sans que je n'aie une quelconque crise. De toute façon, ma vie prenait des tournants chaque jour depuis mon arrivée à Séoul, et c'était le premier que j'évaluais comme bon, et agréable.
— Vous allez rester avec mon Tonton, vous ?
☯︎
Vingt-et-une heure dix.
— Jungkook, m'appela Luca depuis l'entrée entre la cuisine et le bar, la table douze réclame de l'eau !
Luca était mon collègue de service, et s'occupait de la même zone que moi. J'avais bien sympathisé avec lui depuis mon arrivée, et comme il était un peu plus âgé que moi, cela facilitait nos échanges. Il travaillait à temps plein dans ce restaurant depuis plus d'un an, Seokjin lui avait demandé de m'apprendre comment bien se comporter envers les clients. Les explications qu'il m'avait données ne suffisaient évidemment pas.
Luca était un bel homme qui avait tout pour lui, une très grande gentillesse, un corps sculpté, et un physique plus qu'accrocheur à tout genre. Un peu le physique d'un idol, et à cause de ça, certains clients lui avaient donné plusieurs fois leur numéro de téléphone. Mais pour une raison que j'ignorais, il les jetait tous ensuite.
Sauf que depuis ma reprise, une quarantaine de minutes, la gentillesse qu'il me portait et notre petite complicité avait complètement changée sans que je ne sache pourquoi. Il ne me regardait plus, ne me souriait plus, et me parlait d'un ton agacé. La demande d'eau qu'il venait de me dire, il pouvait la faire lui-même en temps normal.
Je franchis le couloir, rejoignant la cuisine au bar, avec trois assiettes de légumes et viandes dans les mains, avant de me pointer devant Luca, légèrement plus grand que moi.
— Excuse-moi, fis-je en voyant qu'il ne se poussait pas.
Il m'adressa un bref regard avant de se décaler de moitié, sans m'aider à ouvrir la porte. Ma fierté, certes assez restreinte, me hurlait de lui balancer les plats à la figure mais je me retins fortement. Qu'est-ce que j'allais dire à Seokjin, moi, sinon ? D'une épaule, je poussai donc la porte en faisant attention aux commandes. Bien sûr, Luca n'oublia pas de me rappeler non chaleureusement que j'avais à servir aussi la table douze d'une carafe d'eau. Je levai les yeux au ciel à ses paroles, mouvement qui ne passa pas inaperçu à Seokjin, en train de préparer des alcools.
Il haussa un sourcil dans ma direction, mais je me contentai de secouer la tête de droite à gauche pour lui dire que ce n'était pas important. Puis je partis tranquillement servir mes clients, leur souhaitant un bon appétit avant de m'occuper finalement de cette table douze.
Table où bien sûr, il n'y avait personne.
Se foutre ouvertement de moi me tapait sur le système, alors j'allai reposer la carafe au bar en râlant des mots que moi-même je ne comprenais pas. Dans ces moments là, j'avais l'impression de toujours parler une langue inconnue, un peu comme celle quand je me prenais le petit orteil dans un meuble. Je ne savais pas ce qui avait fait changer le comportement de Luca en si peu de temps, mais s'il continuait ses blagues de mauvais goûts je n'allais pas tarder à imploser.
J'allai ensuite vers d'autres clients de ma zone, et leur demandai si tout allait bien. Après avoir apporté du pain ou du vin à quelques tables, je me rendis, comme à mon habitude, derrière le bar où se trouvait encore Seokjin et un autre serveur. Je l'aidai alors à faire les boissons, et il me regarda en souriant.
— Ça va ? Demandai-je en lui rendant son geste.
— Ça va, c'est calme ce soir.
Ce n'était pas le cas à l'intérieur de son crâne, ses pensées devaient y rebondir en lui donnant un mal à la tête. Certes c'était assez calme, mais la dispute qu'il y avait eue entre lui et Taehyung ne devait pas avoir disparue de son esprit. Raison pour laquelle il était souvent dans la lune depuis la fin de ma pause.
— Et toi ? Je haussai les épaules.
— J'étais de bonne humeur mais Luca gâche tout avec ses blagues de mauvais goût.
Un sourire étira ses lèvres pulpeuses. Comme s'il était amusé de ces instants. Son regard noisette s'ancra dans le miens, s'arrêtant alors de préparer les commandes.
— Il t'a vu dormir avec Taehyung.
Si mon dos avait été pourvu d'une fermeture éclaire, mon âme se serait directement envolée dans le plus loin des mondes sans possibilité de retour. Mon pouls s'était accéléré, et mon sang réchauffait l'entièreté de mon corps. Il devait aussi bien s'intensifier dans mes joues. Ah, il faisait tellement chaud d'un coup. Je regardai discrètement s'il y avait une clime, sans succès. Alors j'entourai de mes mains le verre frais que je préparais.
Seokjin éclata de rire lorsque je voulus rappliquer, mais je n'arrivais pas à aligner un seul mot avec un autre.
— Luca est sous le charme de Taehyung depuis bien longtemps, renchérit-il, toujours en riant. Et comme cet homme se donne l'allure d'être inaccessible, Luca n'a jamais pu être aussi proche de lui comme toi tu viens de l'être. Alors comprends bien qu'un petit nouveau qui arrive à se rapprocher autant de Taehyung, ça ne passe pas inaperçu.
Je gonflai les joues, honteux.
— Tu as vu toi aussi ?
— Oui, j'ai suivi Yumin quand elle est venue chercher des jouets. Vous ressembliez à deux bébés ours, rit-il une nouvelle fois.
— Arrête c'est super gênant...
— Vous auriez pu aller dans ta chambre quand même.
— Stop ! M'écrirai-je en continuant de faire fleurir son euphorie. Je ne sais pas ce qu'il s'est passé dans sa tête, peut-être que c'est l'alcool qui lui a donné l'illusion que j'étais un coussin mais il n'y a rien eu d'autre !
— Ça fait bien longtemps que l'alcool n'a plus vraiment d'effet sur lui tu sais, dit-il calmement en se remettant à faire ses boissons. Des fois il devient complètement incontrôlable mais sinon, il est conscient de ce qu'il fait.
Il m'expliqua ensuite que peu de temps avant, lui et Taehyung s'étaient disputés férocement. Seokjin avait eu envie de l'étrangler tellement il n'en pouvait plus de ses sauts d'humeurs, et encore une fois, le conflit se basait sur l'état du patron. Qu'un jour, il allait aller trop loin à cause de cette boîte noire qui se refermait peu à peu sur lui. Même s'il était conscient de ses actes, Seokjin savait qu'un jour tout allait s'écrouler une nouvelle fois. Qu'un jour, Taehyung ne viendrait pas au café et qu'en allant voir, il découvrirait la scène redoutée, insupportable, et impensable envers autrui.
Malheureusement, c'était déjà arrivé.
Sa voix s'était brisée à ses explications, et j'avais baissé la tête.
Une nouvelle fois, je me sentais vide. Même si je savais – par les explications de Seokjin et Yumin, que mon patron avait de telles pensées noires, je ne pouvais pas m'empêcher de visionner cette scène. Surtout quand j'avais su qu'il avait déjà tenté de s'envoler vers la paix. J'avais tellement de peine pour lui, je me retrouvais tellement en lui, j'avais tellement envie de le comprendre réellement.
Je soupirai, ne savant quoi faire pour aider une telle statue. Je ne voulais pas non plus empirer une telle chose.
— Au fait Jungkook, reprit Seokjin en me sortant de ma rêverie, et en changeant soudainement de sujet. Le vingt-huit décembre au soir on a un repas d'entreprise.
— Où ça ?
— Ici, on ferme du vingt-sept décembre au deux janvier pour que tout le monde profite de leur famille et leurs amis.
Je lui souris chaleureusement, acceptant avec honneur son invitation.
Et alors que Seokjin était reparti servir les boissons, mon regard se porta sur une feuille pliée en quatre sur la partie inférieure du bar. Jetant un œil autour de moi, l'autre serveur était plus loin et occupé à ranger des bouteilles, je la pris discrètement et l'ouvris l'air de rien.
Mon regard survolait les lignes d'une douceur sans égale. C'était une écriture vraiment belle, les signes ressemblaient à ceux de l'ancien temps comme si, cette lettre venait de faire un bon dans le temps depuis des centaines d'années en arrière. Et d'après ce que je pouvais lire, elle avait été écrite pour ce fameux repas d'entreprise. C'était un discours reprenant les profits de Coquelicot et tout plein de chiffre que je ne comprenais pas. Bien sûr, il n'y avait qu'un patron pour faire ça. Mais tout ce que je voyais, c'était les tournures de phrases qui ne voulaient absolument rien dire. Un sourire s'était dessiné sur mes lèvres lorsque je vis des ratures ou des mots n'ayant aucun sens dans son contexte.
Il avait dû tellement se casser la tête afin d'écrire ce discours.
Et mon âme d'écrivain me hurlait de corriger toutes ces incohérences, alors, avec une audace sans limite, je me permis de prendre un stylo – vers la caisse, afin de rayer pratiquement l'entièreté de la feuille. J'avais surligné les chiffres, et écris un petit mot en bas de la page, là où il y avait un peu de place. Ses paroles étaient beaucoup trop robotiques, rien n'avait l'air naturel.
La feuille repliée et reposée à son endroit initial, je continuai mon travail l'air de rien en allant débarrasser des clients.
Et ayant compris la raison de la méchanceté gratuite de Luca envers moi, je m'étais mis à ignorer le reste de la soirée ses réflexions ou ses tentatives de blagues nulles.
☯︎
Vingt-et-une heure quarante.
— Merci beaucoup, bonne fin de soirée, saluai-je au couple que je venais d'encaisser.
Il me restait une vingtaine de minutes à travailler, et comme il n'y avait plus grand monde dans ma zone, je m'étais autorisé à m'assoir au bar. Ce n'était pas rare que je m'octroie une petite pause pour m'assoir et me détendre le dos. Et j'avais pour habitude d'écouter, ou regarder, Yoongi jouer au piano. Mais à ce moment-là, c'était de la douce musique qui sortait des enceintes, pas de l'instrument.
Notre pianiste était installé sur le petit banc de cuir, il avait joué une bonne partie de la soirée comme à l'accoutumée. Depuis le bar, j'entendais des bruits de feuilles et son visage semblait concentré sur ce que je devinais des partitions. Peut-être en étudiait-il des nouvelles ou faisait le tri parmi les plus anciennes.
Le calme revenait petit à petit, la douceur des lieux renaissant dans le restaurant pour lequel j'avais un coup de cœur considérable. Je me sentais apaisé lorsque je travaillais, le stress de l'école s'envolait à mon premier pas ici.
La porte noire du fond s'ouvrît alors sur Taehyung, faisant louper un battement à mon cœur. Il n'était pas réapparu depuis que j'étais retourné travailler, et avec l'aide de Yumin, j'avais réussi à me dégager de son emprise. Ce qui bien sûr l'avait faire grogner dans son sommeil. Dès que j'avais retrouvé ma liberté, j'avais eu froid à l'intérieur, il me manquait quelque chose. Et mes hanches, là où il y avait eu contacte entre lui et moi, me picotait agréablement. Lorsque je m'étais remis à marcher, j'avais eu l'impression de voler tellement je me sentais léger.
Inconsciemment, je m'étais mis à lui sourire en le regardant jusqu'à ce que ses yeux sombres rencontrent les miens. Et là, j'avais cru voir, pendant une demi-seconde, l'esquisse d'un sourire à ses lèvres, plein de douceur.
Comme si l'ange commençait doucement à se délier des bras du démon.
Si seulement c'était si facile.
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