04:03:00
⟣⎯⎯⎯⎯⎯⎯⎯⎯⎯⎯⎯⎯⎯⎯⎯⎯⎯⎯⎯⎯⎯⟢
« Mon cher fils, mon enfant qui a illuminé ma vie désastreuse, comment vas-tu ?
Si tu lis cette lettre, c'est que ta nouvelle Maman a estimé qu'il était temps que tu aies ma dernière trace écrite t'étant destinée. Peut-être voudras-tu la lire ou non, peut-être que tu penses que mon acte à été égoïste, car je t'ai laissé avoir peur, je t'ai laissé voir ce qu'un garçon comme toi n'aurait jamais dû voir et j'en suis profondément désolée. Tu es spécial, unique, je suis convaincue qu'un jour tu trouveras la personne qui te fera voir les étoiles.
Comment est le futur ? Les voitures volent-elles ? Les mentalités ont-elles changées ?
Au moment où j'écris cette lettre, je suis en train de choisir les couleurs pour ton écharpe, et tu es actuellement installé sur la balancelle, à regarder les oiseaux dans l'arbre de la voisine. Tu es tellement beau mon garçon.
J'espère profondément que ta vie s'est améliorée, que tu as eu une agréable adolescence, et peut-être que tu es déjà un adulte. Le temps passe si vite.
Sais-tu comment j'ai trouvé ton nouveau prénom ? Un mois avant que tout ne change, ma collègue de travail m'avait parlé de la prospérité d'une âme. Dans ses explications, j'ai directement pensé à toi et je me suis dis que ce mot te ressemblait. Alors j'ai voulu trouvé un prénom qui rappelait ce mot.
Taehyung, es-tu heureux ?
As-tu trouvé de bons amis ? As-tu encore peur de l'Avenir, comme tu me le disais quelques fois ? As-tu trouvé la personne qui te correspond ?
J'espère que tu ne m'en veux pas d'être partie si tôt, sans avoir eu le temps de te voir grandir comme se le devait une mère. C'était ma décision, je ne me sentais plus de vivre dans la peur constante de voir ton père débouler d'une seconde à l'autre, j'espère qu'il a eu ce qu'il méritait, et je fais confiance à ta Maman pour cela.
Continue de devenir un bel homme avec un grand cœur. Un jour, tout ira bien. Les étoiles te le diront.
Je t'aime, Taehyung.
Celle qui sera toujours fière de toi, Go Minha. »
⟣⎯⎯⎯⎯⎯⎯⎯⎯⎯⎯⎯⎯⎯⎯⎯⎯⎯⎯⎯⎯⎯⟢
La feuille glissa de mes doigts tremblotants et vint se déposer en silence sur la couverture de velours. Quelques larmes coulèrent sur mes joues mais je les essuyai rapidement de ma manche de pyjama. Je n'arrivais pas à croire au contenu de cette lettre, jamais je n'aurais deviné la réalité qui se cachait derrière mon patron. Elle ne devait pas être complète, mais rien que cette petite partie me rendait infiniment triste.
Lentement, je levai les yeux vers le concerné, assit en tailleur sur son lit, juste devant moi. Nos genoux se collaient presque, et il me fixait calmement, sans rien dire. Seule sa lampe de chevet nous éclairait, les rideaux étant fermés grâce à l'heure tardive. Cela faisait une bonne demi-heure que j'étais chez Taehyung, nous étions rentrés dans le calme, et il m'avait prêté l'un de ses pyjamas comme celui que j'avais eu la première fois. En montant dans sa chambre, il s'était retourné plusieurs fois pour voir si je le suivais toujours, comme s'il était inquiet que je parte ou que je disparaisse dans la seconde suivante. Alors, avec un sourire attendrit, je lui avais pris la main et il n'avait en aucun cas repoussé mon contact. Au contraire, il me l'avait serré à m'en briser les os.
À présent, nous étions assis sur son grand lit, plongés dans une lumière tamisée. Ce qu'il voulait me montrer ; était cette lettre. Cette lettre qui contenait les derniers mots de sa mère biologique. Mots qui m'avaient complètement bouleversé. Cette histoire était tellement triste que je n'arrivais pas à retenir les deux, trois larmes rebelles qui s'écoulaient encore sur mes joues.
— Tae...
Je pinçai mes lèvres entre elles et baissai les yeux sur la lettre, posée entre nos deux paires de tibias. L'une de ses mains se posa en douceur sur ma cuisse, comme s'il m'incitait à continuer dans ma lancée.
— Comment vas-tu ?
Mes iris dilatés se figèrent dans les siens, où s'illumina plusieurs petites étoiles au travers.
— Je ne sais pas, je n'ai pas encore tout retrouvé, répondit-il d'un murmure.
De mes deux mains, je pris la sienne qui était encore posée sur ma cuisse et l'amenai contre mes lèvres en le regardant toujours dans les yeux. Ses mèches ébènes tombaient devant les siens, lui donnant cet air si mystérieux qui je crois, m'avait fait tomber sous son charme dès la première fois. Comment faisait-il pour être aussi beau dans toutes les circonstances possibles ?
— Es-tu heureux ? Continuai-je en chuchotant contre ses longs doigts.
— Je crois que oui, il eut un léger sourire communicatif. Mais demain, je ne le serai plus.
Une nouvelle larme perla sur le coin de mes yeux et je soupirai petitement. Je savais ce qu'il lui manquait à ce moment là pour qu'il soit complètement heureux. Sauf que je ne pouvais rien faire pour réparer cela, c'était à lui seul d'aller la voir.
— As-tu trouvé de bons amis ?
Je baissai sa main et continuai de la caresser doucement. Je la lui ouvris entièrement et fis glisser lentement mes ongles contre sa peau, sur la longueur de ses doigts et sur la finesse de sa paume.
— Oui.
J'eus un léger sourire et ne pus m'empêcher de renifler un petit coup.
— As-tu encore peur de l'Avenir ?
Il se tendit légèrement mais ne fit rien de plus. Par contre, ses yeux jonglaient entre nos mains et moi, comme s'il tentait de formuler une réponse à la question. Pendant son temps de réflexion, je l'admirais. Je m'attardais sur tous les petits détails qui créait l'être qu'il était, j'essayais de lire dans ses iris ce qui se cachait derrière son dos, ou même de voir combien de murs restaient-il à faire tomber.
Devais-je vraiment tous les briser ?
Cela n'allait-il pas le briser ?
La lumière orangée de la lampe de chevet créait une atmosphère paisible dans laquelle nous nous étions abrités des démons dans notre petite bulle. Elle se reflétait sur la peau nacrée de Taehyung que j'aimerais embrasser le restant de mes jours.
— Pas tant que tu seras là, murmura-t-il finalement en plantant ses orbes sur moi.
Avant que je n'aie le temps de répliquer, sa main que je cajolais plus tôt se défit des miennes et se posa dans mon dos, accompagné de sa jumelle qui venait de déplacer la lettre plus loin. Instinctivement, je compris ce qu'il voulait que je fasse. Alors je m'exécutais sans plus attendre et m'avançai vers lui en rampant sur les fesses, jusqu'à monter sur ses cuisses. Mes jambes croisées derrière lui, j'enroulais mes bras autour de sa nuque tandis que ses mains auparavant dans mon dos vinrent caresser mon visage. Ses jambes étaient toujours pliées en tailleur autour de moi, et je ne pus m'empêcher de sourire.
La dernière fois que nous avions été dans cette position était chez moi, dans ma chambre, lorsqu'il regardait la photo de son ex. Cet épisode semblait remonter à des années. Tellement de choses s'étaient passées depuis, aussi bien dans notre relation que dans notre guérison.
Sous la pulpe de ses doigts, Taehyung retraça les trais de mon visage, passant sur mes sourcils, mes paupières, mon nez, mes pommettes, mes lèvres. Surtout mes lèvres.
— As-tu trouvé la personne qui te correspond ?
Ses prunelles quittèrent le bas de mon visage pour s'allier aux miennes et la lumière artificielle créa de nombreuses étoiles à travers les siennes. Une galaxie entière s'illuminait. Mon cœur battait à vive allure, mais j'étais tellement concentré sur la beauté qu'il dégageait que j'oubliais les tambourinements constants dans mon crâne. Cet homme me faisait tout oublier, me faisait décoller de la réalité à chaque fois qu'il posait ses yeux sur moi.
— J'espère qu'il en est de même pour cette personne.
Un sourire adorable anima ses lèvres et je me sentis mourir par sa réponse. Mes joues se tintèrent d'une couleur rosée et une chaleur monta en moi, faisant battre de plus en plus fort mon pauvre cœur dans sa prison d'os.
— Et si c'est le cas ?
Un éclat de surprise traversa ses pupilles, très vite remplacé par un bonheur inestimable. Son visage se rapprocha du mien et il chuchota contre mes lèvres tremblotantes d'excitation :
— Je ferai alors tout pour ne pas la perdre.
En vitesse, je ne pus me retenir plus et rompis les quelques centimètres qui nous séparait. Ses deux grandes mains tombèrent dans mon dos tandis que les miennes se perdaient dans sa chevelure de jais. Nos lèvres dansantes ensemble sur le même rythme effréné me faisaient complètement perdre la tête, j'en étais tellement avide que je pouvais passer ma nuit à l'embrasser sans jamais aller plus loin. Pour l'instant, je voulais seulement l'avoir contre moi, ressentir sa chaleur et faire fuir nos démons en les aveuglant face à ce que l'on était ensemble.
Finalement, ses mains remontèrent dans mon dos lorsque nos échanges devenaient plus ivres de sensations, et sans que je ne m'en rende compte, il me fit basculer sur le dos, me surplombant ainsi comme la première fois que nous nous étions embrassés. Ma tête se déposa avec douceur sur l'un des coussins qui animaient le lit pendant que nous nous dévorions les lèvres comme des bêtes. Des soupirs se faufilaient entre deux baisers, nos langues dansaient sans jamais être fatiguées et je le serrais contre moi de toutes mes forces comme s'il était menacé de disparaître d'un instant à l'autre.
Et, comme je me l'attendais, je le sentis trembler au bout de quelques minutes sous mes doigts jusqu'à ce qu'il mette fin à notre échange. Son visage légèrement rougi se cacha alors sans mon cou, et, reprenant mon souffle, je me mis à jouer avec ses mèches d'or noir. Ses respirations effleuraient ma peau, et je l'embrassai délicatement sur la tempe.
C'était comme la première fois. Quand tout devenait trop brusque, Taehyung se mettait à trembler de tout son être et se cachait contre tout regard extérieur. Il me faisait de la peine, qu'est-ce qu'il avait pu lui arriver pour qu'il ne supporte plus les baisers sur le long terme ?
Après une dizaine de secondes durant lesquelles il ne se calmait pas, je l'entendis murmurer des choses contre ma peau. C'était une seule phrase. Une phrase qu'il répétait à une vitesse hallucinante. Sauf que je ne comprenais pas ce qu'il disait, tout se faisait étouffé par ma peau.
Lorsque ses tremblements empirèrent, je commençais à prendre peur. Qu'est-ce qu'il lui arrivait ? Il semblait tellement serein à peine quelques minutes plus tôt. Cette phrase continuait à tourner en boucle de plus en plus vite et des gémissements plaintifs firent éruption. Mon cœur tambourinait dans mon crâne, m'alertait d'un certain danger et qu'il fallait absolument que je le calme avant que cela ne devienne ingérable.
Seulement, au moment même où je me fis la réflexion qu'il allait falloir que je le lève, Taehyung le fit de lui-même en s'asseyant sur mon bassin. Ses deux grandes mains prirent d'un coup son crâne et ses doigts s'entremêlèrent autour de ses mèches pour venir les tirer avec force. Sa respiration sifflait, son torse se surélevait affreusement vite, et ses yeux n'étaient plus que ceux d'une poupée de verre. Il était pris dans des horribles souvenirs, un véritable cauchemar se déroulait actuellement devant lui et il n'en était que prisonnier, enchainé jusqu'aux pieds avec pour seule obligation de regarder.
Une larme perla sur ma joue et je me redressai, le poussant ainsi un peu sur mes cuisses pour venir l'enlacer.
— T-Tae... Tae je suis là...
Je tentais tant bien que mal de trouver son regard mais cela m'était impossible, plus rien n'existait à travers ses prunelles à part de la souffrance.
— Elle est dans ma tête, murmurait-il avec vitesse, elle est dans ma tête, elle est dans ma tête...
Finalement, je fondis en larmes devant son état. Voir les murs s'écrouler un à un sans prendre leur temps m'était insoutenable, Taehyung souffrait atrocement de l'intérieur et je me sentais complètement impuissant. Des milliers de poignards se plantaient à répétition dans son corps, et je ne pouvais rien faire. Au fur et à mesure qu'il tirait sur ses cheveux, qu'il s'étouffait avec sa propre salive, je le voyais de plus en plus s'éloigner de moi.
Malgré cela, il fallait que je l'aide à s'extirper des bras de son démon. Sans quoi, je pourrais bien définitivement le perdre. Alors, en contrôlant mes larmes, je déposai avec appréhension mes deux mains sur ses poignets afin qu'il cesse de se tirer les cheveux.
— T-Tae... Q-Qui est dans ta tête ?
Il ne me répondit pas. Ce fut à ce moment que je me rendis compte que son état n'avait jamais été aussi catastrophique depuis que je le connaissais. Même chez moi, lorsqu'il faisait son cauchemar, j'avais l'impression que ce n'était rien par rapport à ce qu'il se passait maintenant. Il fallait absolument que je garde mon calme au risque de la faire encore plus paniquer.
Rapide, je me séchai les joues et pris une inspiration pour commencer à essayer de le calmer. Je baissai ses poignets et, avec délicatesse, j'emmêlais nos doigts ensemble.
— Dans ma tête, continuait-il tout bas, dans ma tête... Elle...
La vitesse de ses chuchotements ralentissait progressivement, contrairement à ses halètements et ses tremblements qui eux, ne s'étaient pas du tout calmés.
— Taehyung, repris-je d'une voix tentée douce, qui est dans ta tête ? Qui tient les cordes ?
Enfin, à mon plus grand soulagement, il me regarda. Ses prunelles ne me transperçaient plus comme si je n'étais qu'un fantôme, elles me fixaient bel et bien.
— E-Elle...
J'approchai mon visage du sien et lui fis un bisou esquimau pour essayer de l'attendrir. Il fallait qu'il parle de lui-même. Maintenant qu'il était revenu partiellement à la raison, il fallait qu'il avoue à voix haute tout le mal qu'on lui a fait, tout ce qu'on lui a fait subir pendant de si longues années. D'un côté, j'avais vraiment peur de ce qu'il pouvait se cacher derrière lui, mais plus j'avançais à travers l'histoire de son âme, plus j'apprenais.
Car par-dessus tout, Taehyung était un poème dont je mémorisais chaque jour une nouvelle ligne.
— Je... Je n'ai pas le droit...
Sa respiration se calmait doucement, mais ce n'était pas encore à une allure normale et reposée tandis que ses tremblements s'estompèrent lorsqu'il baissa la tête contre mon épaule pour y chercher du réconfort. Nos mains étaient toujours liées, et se caressaient mutuellement par pur automatisme. Je calai ma tempe contre son crâne et commençai à nous bercer.
— Pas le droit de quoi ?
Il lâcha un soupir dans mon cou en se serrant davantage à moi. L'arrière de mes jambes et mes genoux me lançaient à cause de son poids sauf que pour l'instant, je n'en avais rien à faire. Ma douleur physique était beaucoup moins importante que la sienne, psychologique. Il souffla profondément une énième fois comme s'il tentait de reprendre le rythme d'une respiration normale.
Finalement, au bout de quelques dizaines de secondes durant lesquelles il reprenait les cordes, il se redressa devant moi, le visage proche et les yeux rouges de fatigue. Ses lèvres tremblotaient légèrement, et son regard allait et venait entre les miennes et les détails que pouvait avoir mon visage. Comme s'il photographiait le présent.
— D'a... Débuta-t-il avec hésitation. D'avoir... Il baissa un peu la tête. D'avoir envie... C-C'est la première fois que ça m'arrive...
Mon cœur manqua un battement face à ce qu'il venait d'avouer mais je tentais de ne rien laisser paraître. Taehyung avait eu envie d'aller plus loin ? Avec moi ? J'eus un léger sourire flatté mais je restais tout de même sceptique. Pourquoi disait-il que c'était la première fois qu'il ressentait ce genre d'envie ? En sept ans de relation avec son ex, n'avaient-ils donc rien fait ? C'était étrange. Ses réactions n'étaient pas du tout normales, comme si autre chose se cachait quelque part à l'intérieur de son cœur.
Seulement, avant qu'il ne replonge dans un cauchemar sans fin, je déliai nos mains et vins prendre en coupe son visage, la pulpe de mes doigts effleurant sa peau de soie.
— C'est tout à fait normal, murmurai-je avec un petit sourire en cherchant son regard. C'est une réaction humaine, tu n'as pas à la rejeter. Pourquoi dis-tu que tu n'as pas le droit ?
Il ne me répondit pas. À vrai dire, je n'attendais pas forcément une réponse à ma question. Ses mains se déposèrent sur mes hanches qu'il se mit à caresser doucement, tandis que les miennes restaient accrochées à ses deux mâchoires décontractées.
— Tu sais, continuai-je sur le même ton, je ne connais rien à ce genre de pratique. Je les fuis un peu, ce n'est pas mon dada. Tout ce que je sais, c'est que lorsque tu as envie de faire ça avec la personne que tu aimes, c'est une réaction naturelle. Enfin, certaines personnes ne voient pas ça sous cet angle là, mais c'est ce que moi, je crois.
— Et... Ne pas en avoir envie alors que la personne que tu aimes, veut et t'obliges... Est-ce que c'est normal, ça ?
Le temps d'une seconde, je fronçai les sourcils à sa demande. Définitivement, il avait dû avoir quelque chose en rapport avec ce genre d'acte pour qu'à chaque fois que l'on s'embrasse, il se mette à angoisser. Une vague de colère me prit subitement, qui avait osé faire du mal à cet ange ? Qui avait osé lui briser les ailes ?
— Ne te dis-tu pas libre, Taehyung ?
À ma réplique, ses yeux s'écarquillèrent et sa bouche s'entrouvrit de stupeur.
— Si c'est le cas, pourquoi te poses-tu des questions alors que tu es libre d'y répondre comme tu le souhaites ?
Ses prunelles peintes d'une lueur d'espoir jonglaient dans les miennes, cherchant à tout prix une échappatoire vers la sérénité de l'âme.
— Penses-tu qu'une personne qui oblige celle qu'elle aime à avoir ce genre d'acte, est normal ?
Hésitant, il tourna lentement la tête de droite à gauche avec une légère appréhension. Ses yeux rouges de fatigue se mirent à briller tandis qu'une larme aux éclats de diamant s'écoula sur sa joue. Je savais à qui il faisait allusion dans cette conversation, je l'avais deviné facilement. Seokjin disait que les sept ans passés avec cette fameuse personne avaient été vécues comme un véritable calvaire pour lui, qu'elle avait été un poison, et qu'elle l'avait consumé jusqu'à sa chute.
— Si cette personne t'aimait vraiment, Taehyung, jamais elle ne t'aurait fait du mal, insistai-je en balayant ses larmes du pouce. Si tu veux le faire ou non, c'est ton choix, ce sont tes envies, ce n'est pas à elle de tenir les cordes, c'est à toi. Si elle t'a obligé, ça s'appelle du viol.
Il se raidit, et je me sentis infiniment mal. Les tremblements perpétuels de ses pupilles me disaient qu'il se retrouvait confronté pour la première fois à cette réalité. Sûrement l'avait-il refoulée durant toutes ces années pour ne pas sombrer davantage. Les femmes pouvaient donc abuser des hommes tout autant que l'inverse, comme me l'avait dit ma mère. J'en avais la preuve sous les yeux, et je ne pouvais pas être plus triste.
Une nouvelle vague de colère me prit. Cette Eunji l'avait souillé, elle lui avait fait vivre un véritable enfer et il était trop tard pour faire marche arrière.
— E-Elle... Bredouilla-t-il entre plusieurs perles.
— Chhhht... Taehyung, qu'est-ce qu'il s'est passé cette nuit-là ?... Tout est fini maintenant...
Finalement, il abandonna la lutte contre lui-même et fondit en larmes dans mon cou. Je crois que c'était la première fois que je le voyais autant pleurer, et à ses gémissements emplis de douleur, je ne faisais que de le serrer plus contre moi. Lorsque l'on se souvenait d'un chapitre, le coup était très dur. Alors que si on l'avait oublié, comme moi il y a quatre ans à Tokyo, la vie était un peu plus simple. Je ne savais pas encore qui avait profité de mon corps à cette époque, et je me demandais si un jour, j'allais réellement le savoir. Je ne me rappelais plus des sensations, si j'avais été pour ou contre, si cela avait été un homme ou une femme, alors d'un côté, je le comprenais un peu.
— J-Je voulais simplement... lire mon livre... Continua-t-il malgré ses spasmes bruyants.
Je compris alors qu'il désirait m'en parler, qu'il désirait exorciser cette souffrance quotidienne afin que ses épaules pèsent moins lourd. La première fois qu'il avait voulu faire une croix sur sa vie passée mais que malheureusement, cela avait échoué pour une raison qui m'échappait encore, je savais que du jour au lendemain, il ne pouvait pas tout oublier. Désormais, il reprenait ce combat en choisissant la victoire, même si cela pouvait durer plusieurs mois voire plusieurs années. Et un jour, il réussirait.
Pour être plus à l'aise, je nous fis basculer en arrière, me retrouvant de nouveau sous lui. Mais avant de continuer, Taehyung se redressa et se pencha vers sa lampe de chevet afin de l'éteindre. J'eus alors un sourire lorsqu'il se recolla contre moi, cette situation me faisait penser à la nuit où je lui avais raconté la mort de mon père et de Jihyung. Seulement, les rôles s'étaient inversés en l'espace de quelques mois.
Vingt-trois heures cinquante six.
Allongé à mes côtés, sur le ventre et un bras me passant sur le torse, il renfila son nez dans mon cou en poussant un léger soupir. L'une de mes mains remonta jusqu'à la sienne sur moi, et la lui pris délicatement.
— Jamais... Je n'aimais me retrouver seul avec elle...
Dans le noir, je fixais le plafond tout en écoutant ce qu'il disait. Il fallait le laisser parler.
— C-Ce soir-là... Elle venait dormir chez moi pour que le lendemain, on aille en ville fêter nos un an... Il renifla un léger coup. De base, il devait y avoir Mère mais finalement, nous nous étions retrouvés seuls...
Ses lèvres se déposèrent contre la peau de mon cou pour y laisser un baiser.
— C'est... arrivé comme ça... Elle en a eu marre d'attendre un an avant de faire quelque chose... Je repoussais tout le temps ses avances parce que je n'ai jamais été attiré par ça... M-Mais là... J-Je n'ai rien pu faire...
Son visage se cacha d'autant plus entre le coussin et ma nuque pour y pleurer silencieusement. De mon autre main, j'effectuai des ronds dans son dos.
— J-Je me sentais si pitoyable...
Mes yeux me piquèrent d'un coup et je me tournai finalement face à lui afin de le prendre complètement dans mes bras. L'un dans son dos et l'autre occupé à caresser ses cheveux, je tentai de lui donner un minimum de réconfort. Cependant, je pinçai mes lèvres entre elles lorsque je me souvins que, hier soir, je lui avais dit moi-même qu'il était pitoyable, lorsqu'il avait battu Seokjin. Avais-je aggravé son état psychologique ? Après tout, je n'avais pas cherché à discuter...
— Tu es l'homme le plus courageux que je connaisse, avouai-je dans un chuchotement. Le sacrifice de ta mère, ton adoption, les sept ans que tu as passé avec elle, votre rupture, tes tentatives d'en finir, ton besoin d'avoir un repère... Tu es tellement courageux... J'embrassai sa tempe. J'admire la force dont tu fais preuve pour surpasser toutes ces épreuves... Je crois que je n'aurais pas supporté, même si je ne pourrais jamais te comprendre complètement... Prenons le temps qu'il nous faut Tae... Rien ne presse...
Un soupir effleura ma peau qui s'emplit de frisson.
— C'est grâce à Yumin si je suis encore là...
J'eus un large sourire, mais qui tomba rapidement lorsque je me remémorai la façon dont, hier soir, elle était terrifiée par son oncle. La façon dont elle m'avait supplié de sauver Seokjin et non pas Taehyung voulait tout dire. Comment allait-elle d'ailleurs ? Elle qui aimait tellement son tonton...
— Il faut que je la récupère... Marmonna-t-il d'un ton qui s'endormait. Elle me manque... Mhh dis...
— Mh ?...
Mes yeux s'étaient fermés d'eux-mêmes et maintenant que la vague était passée, Morphée nous tirait progressivement vers son monde dédié aux rêves.
— Demain matin... Viens avec moi pour la récupérer... Elle t'adore...
☯︎
INC#NNU :
Ne penses-tu pas qu'il est
temps que tout cela cesse ?
Nerveux, je mis en veille mon téléphone et le retournai contre ma cuisse. Je jetai ensuite un regard à Taehyung, qui conduisait tranquillement, les doigts serrés autour du volant. Ils s'y crispaient de temps à autre depuis notre départ en direction de là où Yumin habitait. Nous n'avions pas échangés de grandes paroles ensembles non plus, ceci datant de notre réveil. Je savais bien qu'il n'était pas un grand bavard, mais ce matin, son silence me pesait sur les épaules. Il semblait stressé d'aller voir sa nièce, et je devais avouer que je l'étais un peu aussi.
Seulement, ce n'était pas totalement ça qui me tracassait, c'était plutôt les messages provenant d'un nouveau numéro inconnu. Cela faisait déjà quatre mois depuis le dernier, arrivé chez moi disant que cela faisait « du bien de me revoir », et depuis que mon patron m'avait ordonné de le bloqué, je n'avais plus rien eu jusqu'à aujourd'hui. J'étais sûr que c'était la même personne qui se cachait derrière ces deux messages.
Après quelques minutes à attendre que le feu tricolore veuille bien passé au vert, mon portable vibra un court instant sur ma cuisse. Instinctivement, mon cœur sauta et j'eus une bouffée de chaleur. Je savais que c'était un message.
Un nouveau coup d'œil vers Taehyung et je me mordis les lèvres de stress. Etait-ce encore cet inconnu ? ou bien quelqu'un d'autre ? Haneul, par exemple ? Je ne savais toujours pas ce que Jimin avait eu, hier soir. Aucune nouvelle.
Lorsque le feu passa au vert, la voiture redémarra et nous continuâmes notre chemin à travers la ville. Apparemment, Yumin et ses parents habitaient dans un appartement près de l'un des hôpitaux de la capitale. C'était les seules informations que j'avais eues avant de partir. Depuis, plus aucun son n'était sorti de la bouche de mon patron. Il semblait réellement ailleurs, à sûrement se préparer mentalement à ce qui allait suivre.
L'aura qu'il dégageait me prouvait qu'il avait peur. Peur de perdre Yumin.
Ne voulant pas le déranger dans ses réflexions, mon regard glissa de lui-même sur le petit crâne jaune fluo qui animait le rétroviseur intérieur. Il continuait de me fixer comme à chaque fois que je montais dans cette voiture. C'était bizarre quand même, jamais il ne regardait dans une autre direction que la mienne malgré les vibrations qui en temps normal, devrait le faire tourner sur lui-même. D'autant plus que je l'avais déjà vu face à la rue, ou encore face à une fenêtre.
Après une nouvelle vibration qui manqua de me faire sursauter, je retournai lentement mon écran et l'allumai. J'avais eu deux nouveaux messages, ne provenant pas de la même personne. Lorsqu'il fut déverrouillé par la reconnaissance de visage, je vis deux noms, auteurs des messages, qui me firent soupirer de soulagement : Maman et Haneul.
Cependant, alors que celui provenant de ma mère était court, celui de mon amie avait l'air d'être long. J'ouvris donc en premier celui qui n'allait pas me prendre de temps.
MAMAN :
D'accord, à tout à l'heure.
Je haussai un sourcil dubitatif. Elle était bizarre ces derniers temps, plus distante. Cela devait faire une bonne semaine que c'était comme ça, la dernière fois que je l'avais deviné enjouée, était avant mes partiels semestriels. Mais depuis, ce n'était plus vraiment la forme. En temps normal, elle m'aurait souhaité un bon voyage et m'obliger à passer le bonjour à Taehyung, j'en étais sûr.
De base, j'aurais dû prendre le train pour Busan à dix-heures, mais comme je devais accompagner mon patron chez Yumin, cela allait être limite et je n'étais pas sûr de l'avoir. Alors je l'avais repoussé à midi, raison pour laquelle j'avais prévenu ma mère qu'elle allait devoir venir me chercher vers quatorze heures, et non pas midi. C'était vraiment bizarre, j'espérais que rien de grave ne se soit passé.
Pour aller à la gare, Taehyung m'y emmènerait après être passé par mon appartement pour récupérer ma valise. Qu'il ait récupéré Yumin ou non, il m'avait affirmé qu'il m'y porterait.
Essayant de ne pas trop penser à ce qu'il pourrait y avoir derrière l'attitude de ma mère, je quittai la conversation pour aller sur celle d'Haneul. J'écarquillai les yeux en voyant la longueur du message, après avoir jeté un énième coup d'œil à Taehyung, je me mis à le lire.
HANEUL :
Salut les gars, j'espère que vous avez passé une bonne nuit malgré ce qu'il a eu hier soir. Jimin va beaucoup mieux, je l'oblige à se reposer. Je suis désolée que vous soyez contraint d'apprendre ce que je vais vous dire par message dans ces conditions.
Comme vous le savez, Jimin vous l'a dit, il a été gravement malade l'année dernière ce qui lui a fait redoubler son année. En fait, il a fait une rechute. Cela fait depuis ses quinze ans qu'il combat la leucémie, et on pensait qu'il s'en était enfin débarrassé jusqu'à l'année dernière. A cause de ça, cela lui arrive de saigner du nez ou autre, et ce qu'il s'est passé hier soir a été ce qu'il s'est passé l'année dernière juste avant sa rechute. Heureusement, son médecin traitant a affirmé que ce n'était qu'une chute de tension et qu'il y avait peu de risque que la maladie reparte. En plus de ça, Jimin a des troubles de coagulation, même si ce n'est pas très fort et que ca ne l'oblige pas à aller aux urgences juste après s'être coupé un peu, ça n'aide en rien.
Par ailleurs, il a été d'accord pour que je vous avoue tout ceci mais il vous demande juste de ne pas remettre ça sur le tapis, en ce qui le concerne en tout cas. Il voudrait continuer à bien s'entendre avec vous sans avoir pitié ni rien.
Passez de bonnes vacances les gars ! En espérant que cette histoire ne vous a pas plombé le moral !
La bouche entrouverte de choc, je verrouillai mon téléphone et me reportai sur la route. Jimin était en réalité atteint de la leucémie ? Je comprenais alors pourquoi il n'aimait pas les hôpitaux, il avait dû y passer tellement de temps à y souffrir, à y pleurer. Je n'osais pas m'imaginer dans quel état il avait pu être. Quinze ans, et déjà bourré de chimiothérapies, de médicaments, tout ce stress qu'il avait dû accumuler. Etait-ce pour cela qu'il avait une âme philosophique ? Parce qu'en connaissant ce genre d'épreuve, à se retrouver seul avec soi-même et penser que ca y'est, notre heure est venue, ne faut-il pas trouver une échappatoire ?
Je venais de me rendre compte qu'en réalité, je connaissais très peu Jimin. Jamais il ne m'avait parlé de son enfance ni rien d'autre dans ces goûts là.
Après tout, chacun avait son propre démon.
Je lâchai un soupir et écrivis rapidement une réponse à Haneul, la remerciant de nous en avoir parlé, et que je leur souhaitais à eux deux d'excellentes vacances. Seulement, alors que je voulus définitivement me couper des écrans, une nouvelle notification de message apparue.
INC#NNU :
Que ce passe-t-il lorsqu'une balle tranche les chaires ?
Un horrible frisson parcourut mon échine et mes mains se mirent à trembloter.
JUNGKOOK :
Qu'est ce que tu me veux, à la fin ?
Je vérifiai du coin de l'œil si Taehyung n'avait pas remarqué dans quel état d'anxiété j'étais, ni si il avait vu que je lui avais répondu. Sauf que j'en avais marre, si cette personne était bien celle que je pensais, je pouvais dire adieu à tout ce qu'il se trouvait autour de moi. J'allais vraiment être dans la merde.
INC#NNU :
Veux-tu un café ?
Subitement, les hurlements de Mina m'agressèrent les oreilles et je lâchai d'un coup mon téléphone, le laissant ainsi tomber à mes pieds. Je crois que j'avais étouffé un cri en même temps, mais j'étais beaucoup trop fixé sur les images qui défilaient devant mes yeux.
Sa tasse de café. C'était lui. J'avais raison.
La personne qui se cachait derrière ces messages était bien celle que je redoutais.
Kim Namjoon.
J'étais foutu. S'il venait à diffuser les preuves sur l'affaire de Mina, c'en était fini pour moi. Lui, s'en sortirait indemne grâce à son argent, moi, je n'échapperais pas à la cage et au riz.
Qu'est-ce que je devais faire ? Le bloquer à nouveau ? Je ne pouvais pas porter plainte à la police, cet homme rappliquerait de suite avec les preuves et ma mère ne pourra rien faire pour me protéger.
Puis d'un coup, les cris et les images se mirent en pauses avant de se briser en mille morceaux. Une chaleur agréable calma les démons et ma vision redevint nette, fixée sur la grande et fine main déposée sur ma cuisse. Lentement, je remontai au visage son propriétaire qui me regardait avec inquiétude. La voiture était arrêtée à un feu rouge, et en secouant la tête de droite à gauche, je remarquai que nous étions dans une grande avenue de Séoul. Un hôpital se tenait plus loin, il avait l'air gigantesque.
— Jungkook, m'interpella mon patron avec les sourcils légèrement froncé, ça va ?
— Ou... Je papillonnai des cils. O-Oui...
Ses doigts se fermèrent sur ma cuisse et je n'attendis pas pour poser mes mains sur la sienne.
— À qui tu parlais pour réagir comme ça ?
— À... À Haneul...
— Ne me mens pas, fit-il de sa voix grave.
Je déglutis difficilement en ne sachant pas où regarder. Cela faisait longtemps que son aura sombre n'était pas apparue, et au lieu d'en frissonner comme avant, elle me faisait peur. Est-ce que je devais le lui en parler ? Est-ce qu'il me poserait des questions si c'était le cas ?
À nouveau, mon téléphone vibra à mes pieds et je me raidis sur place, les yeux fixés dans ceux de mon patron.
— Lis-moi ce que l'on vient de t'envoyer.
Je secouai la tête de droite à gauche avec appréhension. Il soupira et lâcha un coup d'œil au feu, qui était toujours rouge avant de reporter son attention vers moi. Mes mains tremblaient sur la sienne à ma cuisse, je ne pouvais pas nier le fait qu'il n'y avait rien eu. Cela le mettrait en colère et c'était sûrement la dernière chose qu'il voulait, surtout en ayant deviné qu'il y avait bien eu quelque chose à cause de mon état.
— Je n'ai pas envie de me battre avec toi, dit-il en se frottant le front de son autre main. Quand je t'ai demandé de bloquer ce numéro inconnu, est-ce que tu l'as fait ?
Ordonner était plus le mot adéquat, mais n'allons pas chercher la petite bête au risque de se mordre. Il me regarda de nouveau, attendant ma réponse.
— Oui... Avouai-je en ne le quittant pas des yeux. Je ne peux pas le débloquer vu que je n'ai plus le même téléphone... Il est bloqué sur la carte sim.
— Ne le débloque pas dans tous les cas.
Puis il se reporta sur la route, le feu venant de passer au vert. J'eus une mine sceptique. Etait-ce quelqu'un qu'il connaissait ? J'en étais sûr, il avait vérifié ce fameux numéro sur son téléphone et sa réaction le trompait.
Alors Taehyung connaissait Namjoon ?
Je me remis droit sur mon siège sans plus d'histoire. Le nouveau message que j'avais eu devait être la réponse de Haneul. Enfin, j'espèrerais car je n'allais pas retourner sur mon portable de sitôt.
Après cinq bonnes minutes à continuer de se prendre les feux rouges et compagnie, Taehyung tourna dans une rue plus calme avant de se garer sur un parking privé, juste devant un magnifique immeuble moderne. Alors comme ça, c'était là que Yumin vivait ? Cela me faisait bizarre de me dire que j'allais aller chez elle, ou en tout cas, que j'allais rencontrer une partie de la famille de mon patron excepté sa nièce. J'avais déjà aperçu son frère mais pas longtemps. Enfin son frère... Pas de sang en tout cas.
Nous descendîmes en même temps et j'en profitai pour récupérer mon téléphone au sol, pour le mettre dans ma poche de manteau. La voiture fermée, Taehyung la contourna et vint à ma rencontre. Je le sentais stressé. Alors je me positionnai bien devant lui, arrangeai légèrement le col de son manteau marron et tapotai ses épaules en lui souriant.
— On parlera de ce qu'il s'est passé dans la voiture plus tard, d'accord ? Il acquiesça petitement. Pour l'instant, la mission est de sauver la princesse Yumin.
Ses lèvres esquissèrent un léger sourire et je me mis à loucher dessus sans même m'en rendre compte. J'aurais aimé les embrasser, sauf que je ne savais pas ce qu'il en était de notre relation, étions-nous un couple ou juste deux personnes ayant besoin d'être ensemble pour aller mieux ? J'abandonnai et relevai les yeux vers les siens, qui me fixaient d'une douceur inestimable.
— Un prince charmant, ça doit être beau, ajoutai-je en arrangeant ensuite un peu les mèches qui lui tombaient sur le front. Tadam !
Son sourire s'agrandit et l'une de ses mains vint prendre la mienne pour me tirer en direction de l'entrée de l'immeuble. Je le suivis comme un chiot à l'intérieur après qu'il est tapé le code d'entrée. Le hall était absolument magnifique, un grand miroir longeait l'un des murs parallèles aux rangées de boîtes aux lettres, et le sol brillait comme s'il était lavé trois fois par jour. Des plantes fleurissaient le long du miroir. Une seconde porte devait être ouverte par badge ou code pour pouvoir accéder à deux ascenseurs. Nous entrâmes dans l'un d'eux et mon patron appuya sur le bouton menant au sixième étage. Nos mains étaient toujours liées et je sentais ses doigts se contractés quelques fois, comme sur le volant plus tôt.
— Jungkook.
Interpellé, je tournai le visage vers lui. Il fixait les portes de l'ascenseur et ses mâchoires étaient serrées.
— La mère de Yumin est impulsive. Quoiqu'elle fasse, n'intervient pas.
Il inspira et expira bruyamment tandis que je me mis à craindre le pire.
— Un prince charmant se doit de surmonter tout un tas d'épreuves pour sauver sa princesse, plaisantai-je afin de détendre un peu l'atmosphère.
Contre toute attente, il lâcha un rire sincère et me regarda. Mon cœur crut s'arrêter à cette vision. Ses lèvres étaient étirées en un magnifique sourire rectangulaire et ses yeux formaient de petits croissants adorables. C'était le même sourire que lorsque je m'étais pris la tête avec les deux clientes allemandes, et que la baie vitrée m'avait empêché d'entendre ce son aux milles pépites. Nom de Dieu, j'avais soudainement chaud.
Seulement, la sonnerie de l'ascenseur annonçant le sixième étage nous coupa dans ce moment de douceur et nous fûmes obligés de retourner à la réalité. Un dernier sourire dans sa direction pour lui donner du courage et nous sortîmes dans un long couloir aussi beau que le hall. Je me laissai guidé par mon patron jusqu'à l'une des portes. Toutes étaient rouges avec une poignée au milieu semblable à celles que l'on pouvait trouver dans des châteaux. Tout le long du couloir, il n'y avait au total que cinq portes, ce qui voulait dire que les appartements devaient être assez grands.
Il appuya sur la sonnette de son autre main avec appréhension et nous dûmes attendre une trentaine de secondes avant qu'un tour de clé se fasse entendre. Les doigts de mon patron serrèrent d'autant plus les miens lorsque la porte s'ouvrit sur une jeune femme. Un tablier jaune l'habillait et elle s'essuyait les mains dans un torchon, sûrement en pleine cuisine. Ses cheveux bruns étaient relevés en une queue de cheval et son visage était légèrement maquillé, elle ressemblait beaucoup à Yumin.
Cependant, après une lueur d'étonnement face à qui se tenait devant elle, ce fut la colère qui la replaça rapidement.
Et sans que je n'aie le temps de prendre en compte les informations, un claquement retentit et le visage de Taehyung se tourna en un éclair sur la droite.
— Qu'est-ce que tu fous là ?! Hurla la jeune maman, furibonde.
Lorsque je me rendis compte de ce qu'il venait de se passer, je me raidis. J'aurais voulu le défendre, mais je devais respecter sa volonté : celle de ne pas intervenir. La tête de mon patron se remit droite doucement. Comme j'étais un peu en arrière, je ne voyais pas quelle expression pouvait tirer ses trais.
— Seokjin a toujours été à tes côtés et c'est comme ça que tu le remercies ?!
Taehyung n'eut le temps de répondre qu'un autre homme apparut derrière la mère de Yumin. Je le reconnaissais, c'était son frère. Maintenant que je savais qu'ils n'étaient pas frère de sang, la différence entre eux me frappait, et ce n'était pas à cause de la teinture blonde. L'une de ses mains attrapa le poignet de sa femme resté en l'air, et le baissa doucement. Celle-ci lui jeta un regard incompréhensif qu'il ignora.
— Laisse-le parler, chérie.
— Mais-
Les yeux noisette de l'homme passèrent rapidement sur moi avant de se reporter sur son frère. Finalement, Taehyung lâcha ma main et s'inclina respectueusement devant le couple. Je haussai petitement les sourcils de surprise.
— Je suis désolé pour ce qu'il s'est passé, dit-il.
— Ce n'est pas à nous qu'il faut t'excuser ! S'emporta la femme sans écouter le conseil de son mari. Sais-tu dans quel état Yoongi nous a ramené Yumin ?! Elle était inconsolable ! Jamais je ne l'ai vue autant pleuré !
Elle m'énervait.
— Soomin, reprit le frère de mon patron, s'il te plait calme toi.
— Comment peux-tu être aussi insensible à ce qu'il s'est passé, toi ?!
Il ignora de nouveau la remarque de ladite Soomin et pria Taehyung de se redresser. Celui-ci obéit sans broncher, gardant toute de même la tête un peu baissée. Je voulais tellement le prendre dans mes bras à cet instant-là, mais je dus me retenir difficilement.
— J'ai vu l'article, annonça l'homme d'une voix désolée. Tu as pris peur, n'est-ce pas ?
Mon patron se tendit et acquiesça. Je fronçai les sourcils, de quoi parlait-il ?
— C'est quoi cette histoire d'article ? Grogna une énième fois la mère en croisant les bras à sa poitrine.
Elle non plus n'avait pas l'air d'être au courant.
— Je t'expliquerai.
— Seungwoo bon sang ! S'écria la même en regardant son mari. Il a battu Seokjin sous les yeux de notre fille, et tu cherches à trouver une raison pour le lui pardonner ?!
— Maman, t'es bête.
Les deux parents se retournèrent promptement suite à la petite voix qui avait résonné dans leur dos. J'eus alors un léger sourire en voyant Yumin, juste derrière eux. Sa peluche gorille cachait le bas de son visage et ses cheveux bruns étaient tout emmêlés, signe que cela ne faisait pas longtemps qu'elle était réveillée. Un petit pyjama bleu avec un gorille blanc habillait son petit corps haut comme trois pommes. J'aurais voulu voir l'expression qu'affichait le visage de Taehyung à ce moment-là, en la voyant apparaître comme une petite fée.
— Je te demande pardon, jeune fille ? Grinça la mère.
L'enfant fronça les sourcils et laissa pendre son doudou le long de son corps, coincé dans sa main.
— J'ai dit que t'étais bête.
Elle s'avança par de petits pas et se placer devant son oncle sous les yeux écarquillés de ses parents. Je n'arrivais pas à croire qu'une si jeune fille oserait insulter sa propre mère.
Sa petite main libre s'enroula dans celle de Taehyung et elle me regarda quelques secondes avant de refaire face à ses parents.
— Tu cherches même pas à savoir pourquoi il a fait ça, clama-t-elle. Mon Tonton il a toujours été gentil avec moi, mais toi tu vois que son côté méchant alors que tu sais qu'il est fatigué.
Son père écarquilla les yeux avant d'esquisser un léger sourire tandis que sa mère resta abasourdie devant les paroles de sa fille de seulement sept petites années.
— En plus, tu l'as tapé.
Elle ne laissa pas à sa mère le temps de répondre qu'elle enroula son indexe autour du mien tout en tenant sa peluche pour venir nous tirer tous les deux à l'intérieur de leur appartement. En passant devant ses parents, je m'inclinai légèrement pour m'excuser d'entrer sans accord.
Nous entrâmes dans un grand salon moderne, absolument magnifique donnant sur l'avenue sur laquelle nous roulions plus tôt. Mais je n'eus le temps d'observer plus en détails que Yumin nous tira tous les deux dans un couloir. De son pied, elle fit coulisser l'une des quelques portes et nous fit entrer dedans. Je jetai rapidement un œil à Taehyung. Il ne cessait de fixer sa nièce, et une lueur d'espoir mélangée à du soulagement luisait au fin fond de ses prunelles.
La porte close, elle quitta nos mains et s'aventura dans sa chambre à la recherche de deux chaises. C'était une pièce tout à fait ordinaire, ni trop grande ni trop petite, sur les tons bleu et blanc. Un lit avec des dessins de gorilles se trouvait au fond, et dessus, se tenait l'énorme peluche blanche de ce même animal que Yoongi et Seokjin lui avaient offerte à son anniversaire. Elle l'avait appelé Cheesecake. Décidément, elle en avait l'air raide dingue.
Une grande étagère longeait le mur jusqu'une large fenêtre où se trouvait tout un tas de jouet de son âge ainsi que quelques cadres photos. Sur quelques uns, Taehyung apparaissait avec un adorable sourire qui me contamina. De l'autre côté de la pièce, se trouvait un petit bureau en bazar dont la chaise avait été retirée pour être placée au milieu, près d'une table en bois où il y avait une autre assise, beaucoup plus courte sur pied.
La petite fille revint vers nous et nous tira une nouvelle fois en direction de son installation. Mon patron fut placé sur la chaise de bureau, et moi, sur l'autre. Mes genoux remontaient pratiquement à mes épaules tellement la chaise était basse, mais cela ne pouvait pas être plus attendrissant. Yumin avait été très bien élevée, elle allait devenir une femme juste et sincère à l'avenir, j'en étais sûr.
— Je reviens ! Fit cette dernière en sortant de la chambre.
La porte refermée, je regardai Taehyung, juste devant moi. Seule la mini table en bois nous séparait où était déposé la peluche gorille, Pancake. Mon patron aussi m'observait, mais avec une expression amusée à cause de ma position pas très confortable. Je lui fis une grimace nonchalante qui eut le don de le faire sourire. Il semblait infiniment rassuré que Yumin réagisse aussi bien, et surtout, qu'elle ait pris sa défense. Par contre, sa joue gauche commençait à rougir dû à la claque.
Mais alors qu'il voulu dire quelque chose que la porte se rouvrit sur la petite fille tenant un tube de pommade dans sa main. Elle trottina vers nous, monta sur la table et s'y installa en tailleur en plaçant Pancake entre ses jambes, face à son oncle. Puis, à notre plus grande surprise, elle appliqua de la pommade sur la joue frappée sous les yeux ébahis de mon patron.
— Maman n'est pas très gentille.
Son oncle ne répondit rien, se contentant de la fixer comme si s'était la pierre la plus précieuse au monde. Ses petits doigts frottaient sa peau la délicatesse venue des cieux.
— Tu sais hier, je suis allée à l'anniversaire d'Ugo.
Elle remit un peu de crème pour faire le bas de la joue, passant sur sa mâchoire inférieure. Si je me souvenais bien, Ugo était l'un des deux amoureux de Yumin qui ne faisait que de la coller.
— Il m'a dit qu'il m'aimait plus, et qu'il était amoureux d'une autre fille pas belle.
J'eus un petit sourire tandis que Taehyung l'écoutait attentivement, toujours silencieux.
— Moi j'ai dis que je m'en fichais s'il m'aimait plus, parce qu'il m'énervait à me suivre tout le temps.
Satisfaite de son travail, elle reboucha le tube et le posa à ses côtés en se frottant les mains dans son pyjama afin de retirer l'excès de crème.
— Pis j'ai dis que les seules personnes qui m'aimeront toute ma vie, c'étaient Tonton, Papa, Maman, Papi et Mamie. Elle haussa les épaules. Il a rigolé mais je m'en fiche, il est pas intelligent de toute façon.
Enfin, Taehyung sourit grandement et amena une main timide au petit visage de Yumin, caressant d'un doigt l'une de ses joues bouffies.
— Est-ce que Jin va mieux ? Demanda-t-elle de sa voix cristalline.
Son oncle acquiesça en continuant de sourire. Ses yeux brillaient tellement que je me demandais s'il n'allait pas finir par pleurer de joie.
— Tu vas continuer de te disputer avec lui ?
Cette fois-ci, il secoua la tête de droite à gauche et Yumin ne put se retenir plus. Elle sauta dans les bras de son Tonton si aimé et le serra de toutes ses forces, ce dernier lui rendant la pareille. Ayant vu que Pancake le gorille était tombé au sol lors de son saut, je me penchai entre mes genoux pour le reposer sur la table.
Ils restèrent ainsi à s'enlacer pendant quelques minutes, la petite fille s'était assise sur les cuisses de son oncle qui lui, effectuait des ronds dans son dos. En même temps, par-dessus son épaule, il me regardait en me transmettant le bonheur qu'il éprouvait à ce moment-là.
Mission réussie : sauvetage de la princesse Yumin.
☯︎
Ma valise à la main, je sortis du train et me dépêchai de quitter les vomissements de personnes de chaque wagon. En me repérant du mieux que je le pouvais tout en évitant d'entrer en contact avec quelqu'un, je me dirigeai vers la sortie de la gare pour respirer le bon air frais du Sud.
Après trois mois, j'étais enfin de retour à Busan.
Comme prévu Taehyung m'avait déposé après être passé chez moi pour récupérer mes affaires. Yumin avait été avec nous, elle avait décidé de passer la journée avec son oncle au plus grand bonheur de celui-ci. Après avoir eu des explications quant au comportement qu'avait eu mon patron envers Seokjin, Soomin, la mère de Yumin, s'était finalement excusé avant que l'on parte. Malheureusement, je n'avais pas pu les entendre, et je ne savais donc toujours pas ce qui avait provoqué un tel désastre. J'hésitais à demander à Taehyung lui-même, mais j'avais peur de quelle pouvait être sa réaction si cela était aussi grave et traumatisant pour lui.
Je ne voulais pas en faire trop. Déjà qu'il m'avait avoué s'être fait abuser lorsqu'il était plus jeune, et qu'il avait été adopté suite au meurtre de sa mère biologique, cela faisait déjà beaucoup pour lui. Il fallait avancer pas à pas, et non pas courir.
Pendant que je me dirigeais vers la sortie, mes doigts se posèrent sur mes lèvres et j'eus un sourire. Avant mon départ, Taehyung m'avait embrassé sans même prévenir. Yumin avait applaudit au tableau qui s'était joué devant elle, et elle avait tenue à me faire elle aussi un bisou sur la joue. Puis elle avait sauté dans les bras de mon oncle en attenant que le train parte afin de me faire signe jusqu'au bout.
Ces deux là étaient beaucoup trop mignons ensemble, j'enviais presque leur relation. Si Jihyuk avait un jour un enfant, je pense que jamais je ne serais un aussi bon tonton. D'une part parce que je ne le verrais pas souvent comme il vivrait en Australie, et d'une autre part parce que mon grand-frère ne voudrait jamais que je m'en approche.
Je soupirai et effaçai ces horribles pensées pour me tourner vers un autre sujet : ma mère.
Normalement, elle devait venir me chercher à mon arrivée, on s'était donné rendez-vous sur le parking sud. Encore par message, elle agissait vraiment froidement. Habituellement, elle m'aurait donné plus de détails sur notre lieu de rencontre, du genre proche d'une voiture orange, mais là, elle m'avait simplement dit qu'elle était garée sur le parking sud. Cela m'inquiétait un peu mais j'essayais de ne pas trop y penser.
Enfin définitivement sortis de la gare, je cherchai les indications pour notre lieu de rendez-vous et m'y hâtai. Jusqu'à ce que je sente mon téléphone vibrer dans ma poche de manteau, faisant louper un battement à mon pauvre cœur. Avec crainte, je le sortis et l'allumai. De grâce, c'était un message de Taehyung que je m'empressai d'ouvrir.
En fait, c'était une photo. Une photo où l'on voyait Seokjin derrière un bar de cuisine en train de parler à mon patron assis sur l'une des deux chaises hautes. Et juste en bas, le front et la moitié des yeux de Yumin apparaissaient. Oh mon Dieu, heart attack, ils voulaient vraiment me faire mourir de mignonnerie ou quoi ?
En marchant, je zoomai sur le visage souriant de Seokjin. Alors comme ça, ils étaient allés le voir ? C'était une bonne chose. Cela avait dû lui faire plaisir en vue de son expression. Je lui répondis avec un emoji tirant la langue et je ne tardais pas à en recevoir un autre, qui riait. Cela devait être toujours Yumin aux commandes, Taehyung n'utilisait pas ce genre de chose dans ses messages.
Mon portable rangé après lui avoir dis que j'étais arrivé, je continuai ma marche en direction du parking sud et je ne mis pas longtemps à apercevoir la voiture de ma mère. Une KIA Sportage bleue électrique, cela ne se manquait pas si facilement. Je hâtai le pas, content de revoir ma tendre et chère mère.
Lorsque je m'approchais de la voiture par l'arrière, je la vis devant le volant grâce au rétroviseur extérieur. J'en profitai pour ouvrir le coffre afin de ranger ma valise, tout en essayant de ne pas abîmer la tonne de fichiers rangés dans une caisse. Elle avait dû y ramener du travail, elle avait eu un procès ce matin. Oui, un Dimanche matin, c'était toujours très plaisant.
Le coffre refermé, je contournai la voiture et m'engouffrai à la place passager.
— Salut Maman !
Elle posa son portable sur le porte-téléphone accroché à la clim et tourna son visage vers moi. Immédiatement, je fronçai les sourcils. D'énormes cernes marquaient son visage et ses trais étaient tirés, son air jovial habituel n'existait plus. Il se passait réellement quelque chose, j'en étais désormais convaincu.
— Tu as fait bon voyage ?
Elle se pencha et embrassa mon front pendant que je bouclais ma ceinture.
— Oui... Répondis-je, sceptique.
— Ca fait du bien de te revoir, sourit-elle d'un sourire pas vraiment naturel. Les chiens seront contents.
Sans plus d'histoire, elle démarra la voiture et nous quittâmes rapidement la gare dans le silence. La radio était même insupportable, j'avais l'impression qu'elle faisait tout pour rendre ce moment dramatique avec ses chansons tristes. Je zappai sur une autre plateforme et tombai sur l'instant pub.
Il se passa ensuite une dizaine de minutes durant lesquelles j'étais au bord de l'implosion. Ce silence impérial entre nous deux m'oppressait tellement que je me sentais devenir fou. Peut-être qu'elle avait passé une mauvaise nuit ou que le procès de ce matin avait mal tourné, je n'en savais strictement rien. En regardant le paysage rural défiler derrière la fenêtre, une main me servant d'appuie-tête, je tentais de chercher la raison pour laquelle ma mère était dans cette humeur du moins des plus étranges. D'habitude, elle m'aurait harcelé de questions sur ce que j'avais fait ces trois derniers mois au risque de me répéter, et j'aurais été en train de râler.
Seulement, il n'y avait strictement rien de tout cela. Elle conduisait calmement, les yeux fixés sur la route et l'air absent. Si toute la semaine allait se passer dans cette ambiance, je n'allais pas survivre. Je crois que j'allais passer de l'autre côté de la ligne avant de rentrer à Séoul. Avais-je fait quelque chose de mal pour qu'elle soit dans cet état ? Pas à ce que je me souvienne, pourtant. Bon sang, que ça m'énervait.
Puis, à l'entrée de mon village natal, alors qu'il nous restait à peine une minute de route, elle murmura :
— Jungkook...
Je me tournai vers elle, attentif à cette prise de parole tant attendue. Mais alors que mon regard venait à peine de se poser sur son visage, je vis une larme s'écouler sur sa joue. Une bouffée de chaleur mélangée à l'angoisse me prit d'un seul coup. Je sentais que cette histoire allait mal finir, la porte des enfers était juste là, à quelques pas de moi.
Nous pénétrâmes dans notre rue, et, alors que je continuais de la regarder à attendre qu'elle continue dans sa lancée, elle fit un petit coup de tête en direction de ce qu'il se trouvait devant nous. Une nouvelle larme roula sur sa peau blanche.
Et, à l'instant où je pivotai le visage en direction de notre maison, mon cœur s'arrêta définitivement et je me sentis partir. L'horloge tomba en panne, les secondes ne défilaient plus.
— Je suis désolée...
Trois voitures de police stationnaient le long de notre muret.
Bạn đang đọc truyện trên: Truyen247.Pro