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C'était comme un météore attiré par la terre. Les brûlures du vent transperçaient la chaire, le soleil était tout ce qui éclairait ce ciel magnifique et sans nuage. Aujourd'hui, il faisait beau. C'était rare qu'il fasse beau, et que le cœur batte aussi lentement. Les rayons solaires entouraient le corps une dernière fois, une maman berçant son nouveau-né pour le réconforter, lui dire qu'il n'avait rien à craindre. Quand il fermerait les yeux, tout sera devenu calme et plus aucun problème ne serait à sa portée. Aucune douleur, juste un temps pour soi. Il y avait beaucoup de vent, les cheveux bouchaient à moitié la vue et le corps était sans appuie, sans force. Il tombait. Toujours plus bas, toujours plus vite. Plus de bruit, juste un apaisement avec un sourire.
Brutalement, je sursautai en voyant Elisio croquer dans sa crêpe à la confiture de fraise. Ma réaction le fit pouffer d'amusement avant qu'il ne me fasse signe de me remettre à regarder le film. Alors je me tournai vers l'écran qui diffusait le jeu de personnages qui, l'année dernière, n'étaient que des bouts de papier. Le réalisateur, Monsieur Lee, à mes côtés, observait le rendu minutieusement. Il ne disait pas grand-chose, lorsqu'il parlait, c'était pour féliciter la cohérence du montage. Elisio ne pouvait pas s'empêcher de sourire et jouait des sourcils auprès de son collègue, un autre chef monteur réputé. Ce dernier était plus concentré à observer les moindres faux raccords. Si l'un n'avait plus aucun mot à dire sur le rendu final, l'autre voulait encore trouver des défauts.
De toute manière, c'était assez compliqué de réaliser un film sans le moindre faux raccord, alors quelque fois, on l'entendait marmonner des mots incompréhensibles. D'autres personnes assistaient à cette diffusion, tel que le producteur, Jimin était venu faire un tour avant d'être appelé par le réalisateur qui s'occupait de Sooty, et quelques autres employés qui avaient travaillés sur le film. Leurs commentaires étaient toujours tous différents ; au niveau de l'image pour le chef opérateur, la lumière pour le directeur photo, le son pour le mixeur, ou même au niveau des effets spéciaux. La liste était encore longue, il aurait fallu une salle de concert pour accueillir tous ceux qui travaillait sur une seule production.
Le film me plaisait. Bien que comparer à l'histoire d'origine, quelques détails avaient dû être modifié pour la réalisation, il gardait son sens et suivait une bonne trame scénaristique. Je ne savais pas vraiment ce qu'allait en penser les amateurs de cinéma, il fallait avouer que je m'en fichais pas mal. Que le film ait du succès ou non, cela ne m'apportait aucune importance contrairement à Elisio qui avait hâte de sa sortie au cinéma.
— Ton montage était splendide, le félicitai-je.
Installés à la cafétéria, sa fourchette s'arrêta en pleine route jusqu'à sa bouche, et il se mit à me fixer avec des yeux de hibou. Un large sourire étira soudain ses lèvres et ses pommettes virèrent rapidement au rouge. Il continua de manger dans le calme, ce qui était assez fréquent lorsque quelqu'un lui faisait un compliment. Son hyperactivité disparaissait en fonction de la nature des belles paroles, surtout quand cela concernait son travail.
— Quelques passages auraient pu être amélioré mais bon, ajouta-t-il en touillant son assiette, tant que ça plait à Monsieur Lee et à toi, ça me va.
Je lui souris légèrement en le regardant manger. Mon plat était à peine touché, je n'avais pas spécialement faim. Il m'arrivait fréquemment d'être dégouté par le simple fait de mettre un aliment dans ma bouche, ce qui se passait depuis que j'étais revenu à Séoul. Ni hier noir, ni ce matin je n'ai pu manger quelque chose. Le regard d'Elisio descendit sur mon bout de viande encore entier et eu un soupir. Ce n'était pas la première fois qu'il était présent lorsque je n'arrivais plus à avaler quoi que ce soit.
— Depuis quand ? Me demanda-t-il d'un ton presque agacé.
Il fallait aller très loin pour l'énerver, et il n'aimait pas du tout lorsque je ne mangeais pas.
— Hier... J'ai l'appétit coupé depuis que je suis rentré de Busan.
Sa main servit d'abat-jour pour sa tête tandis qu'il continuait de triturer ses brocolis, les yeux bas suivirent un soupir.
— Je ne comprends pas pourquoi tu ne la quittes pas.
Aucune réponse ne me vint.
— Jungkook... Ses iris vertes se fixèrent dans les miennes. Tu prends conscience quand même qu'elle te pourrit complètement la vie ? Pourquoi tu ne la fous pas dehors ?
— Je ne sais pas...
— Si tu sais, on le sait tous les deux.
Je baissai les yeux. C'était simple pourtant, mais l'avouer à voix haute était beaucoup trop dur. L'état d'esprit dans lequel me mettait Zhu me rendait complètement malade, car peut-être qu'au fond, j'avais l'impression de me voir en elle quelques années en arrière. C'était peut-être extrêmement ridicule comme façon de penser. Ça l'était, en fait.
Elisio soupira longuement avant de finir son assiette. Plus loin dans la cafétéria, je croisai le regard de Jimin qui me fixait.
Seize heures vingt-deux.
Silence. Nous marchions dans les couloirs à moitié vides. Quelques employés passaient sans nous attribuer un regard, le nez plongé sur leur téléphone ou classeur, d'autres nous souriaient en nous saluant. Au fond du dégagement, une jeune femme apparu avec un large rictus aux lèvres.
— Monsieur Wagner ! S'écria-t-elle en accourant à notre hauteur. Comment allez-vous ?
Enjoué, mon ami répondit positivement à la question de sa stagiaire qu'il voyait pour la première fois de la journée. Cela allait faire bientôt un mois qu'elle était en stage à Mid Studio afin de confirmer le premier semestre de sa seconde année à l'école Yeonghwa. Je ne lui avais que très peu parler, c'était plus elle qui venait vers moi pour me faire des éloges en m'expliquant qu'on parlait encore de mon travail à l'école. Assez grande, fine et élancée, un chignon fou sur le haut du crâne et un léger trait de maquillage, elle avait pour défaut d'être beaucoup trop curieuse et souvent envahissante.
Dès son premier jour, elle avait accouru vers moi en me reconnaissant, et avait posé l'une des questions que j'avais appris à détester. L'école n'a jamais compris ma décision. Depuis, je me contentai de lui répondre le strict minimum tandis qu'Elisio s'entendait très bien avec elle. Sans tenir compte de la différence d'origine et en ne se basant que sur leur entente, ils ressemblaient à des frères et sœurs.
— Est-ce que vous auriez vu passer une super belle femme ? Nous interrogea-t-elle, des étoiles dans les yeux. Je la suivais et elle a disparue !
— Une belle femme ?
Mon ami fronça les sourcils en se tenant le menton, les yeux en l'air.
— A part ma mère, non.
La jeune stagiaire perdit son sourire et soupira de désespoir tandis qu'Elisio prit un air malicieux en pouffant. C'était comme ça avec lui, lorsqu'il n'avait pas réponse à quelque chose, il se permettait de sortir une ânerie qui permettait toujours de détendre l'air. Ce genre de capacité à changer l'ambiance en quelques mots était totalement innée chez lui, surtout dans le monde professionnel où tout n'était pas rose.
— Et vous Monsieur Jeon ?
Je secouai négativement la tête, lui faisant plisser des yeux. L'agence était tellement grande que si l'on perdait quelqu'un, il pouvait être difficile de la retrouver si l'on n'avait pas son numéro. Puis ses pupilles glissèrent derrière moi, jusqu'à notre gauche où retentissent des rires gras au même moment. Derrière la porte vitrée se trouvait la salle de repos, donnant vue sur un boulevard. Plusieurs personnes de tout âge y étaient assises, buvaient un café acheté à la machine au fond de la salle, certaines me fixaient avec différentes émotions, d'autres conversaient entre collègues.
— Elle est là ! S'enthousiasma la jeune étudiante en retrouvant le sourire.
A une table haute, assise sur une chaise de bar, une femme dans la trentaine discutait tranquillement avec deux autres femmes. Elle était très bien habillée, tailleur rose qui faisait ressortir ses longs cheveux noirs ainsi qu'un léger maquillage. J'entendis Elisio siffler et approuver les compliments de sa stagiaire tandis qu'une boule se forma au creux de mon ventre. En une fraction de seconde, je me figeai. Je l'avais déjà vue.
Depuis les escaliers, une photo sur un téléphone. Une pizzeria. Une horrible histoire. Oui c'était elle. Cela ne faisait aucun doute. C'était elle qui l'avait souillé.
— Qui est-ce ? Demanda mon ami.
Qu'est-ce qu'elle foutait ici ? Pourquoi était-elle dans cette agence ?
— Je ne sais pas, la jeune fille haussa les épaules. Ce que j'ai entendu dire, c'est qu'elle a été convoquée pour une autorisation de tournage dans son restaurant.
Subitement, cette femme maudite s'arrêta de parler et dévia son regard faussement sympathique sur moi. Un frisson d'effroi me parcourut l'échine et j'eus du mal à déglutir.
— Un restaurant ? Lequel ? C'est pour quel film ?
Notre échange était paralysant. Plus rien n'avait l'air d'exister autour de moi, mes épaules étaient lourdes, un énorme poids écrasait mon cœur et j'eus comme une envie de vomir. Je n'arrivais pas à croire que la Diablesse incarnée se trouvait en face de moi, à quelques mètres, séparés par une fine couche de verre.
— Un dont le scénario a été pris la semaine dernière. La plupart de l'histoire se passerait dans un restaurant et le sien a été demandé, elle réfléchit quelques secondes. Il ferait parti de la série de restaurants La Rose de Porcelaine, je crois.
Mon cœur fit un bon. Comment ça, cette femme était la propriétaire du restaurant le plus côté de l'entreprise LRP ? Était-ce même possible ? Non, il y avait plusieurs restaurants LRP en Corée du Sud. Comme nous venions tous deux de Busan et que nous nous sommes croisés là-bas, elle devait diriger Orchidée. Jamais ils n'auraient pu s'en défaire, ils n'étaient pas comme ça.
J'eus une sueur froide lorsque ses iris ténébreuses me jugèrent de la tête aux pieds. Contrairement à la première fois où elle m'avait paru très fermée à la conversation et absolument pas sympathique, elle paraissait aujourd'hui encore plus malicieuse et commère. Savait-elle qui j'étais pour me regarder aussi mal ? Peut-être, parce qu'elle ne regardait aucunement Elisio et la petite stagiaire qui parlaient d'elle à mes côtés. Mais qu'est-ce qu'elle pouvait savoir de moi, si c'était le cas ? Me connaissait-elle en tant que scénariste ou autre, concernant le passé ?
— Elle est dans ma tête, elle est dans ma tête...
Subitement, une immense colère me prit. Des images défilaient devant mes yeux à une vitesse folle. Les murs écroulés, des étouffements, larmes, tirage de cheveux, cris, tout tournait dans mon esprit comme si j'étais retourné dans le passé, qu'il était à nouveau devant moi, terrifié. Je n'arrivais pas à croire qu'elle se permettait de sourire à mes collègues après ce qu'elle avait fait. J'aurais préféré de jamais la croiser en sachant ses actes et l'emprise qu'elle pouvait avoir sur les gens.
— Jungkook ?
Notre échange durait. Je n'avais plus la notion du temps. Je sentais mon sang couler dans mes veines, mes ongles rentraient dans mes paumes tellement je serrais les poings sans m'en rendre compte, mon estomac se tordait à chaque battement, et une envie de vomir me prit. Elle vivait. Elle vivait tranquillement avec bonne conscience. Comment l'humain pouvait être aussi affreux ? Quel câble avait été mal branché pour que certaines personnes dérivent autant ?
— Jungkook !
Brutalement, la gravité s'abattu sur mes épaules et je tournai la tête vers Elisio, qui haussa les sourcils de surprise.
— Wow c'est quoi ce regard ? Fit-il d'un rire mal à l'aise.
Je papillonnai des paupières et me frottai les yeux. Un mal de crâne me prit par la suite et je me sentis épuisé. Mon ami me parlait, me posait des questions sur mon soudain état, mais je n'entendis rien et tentais d'effacer les images de ma tête. Je ne le voyais pas. Comment étaient ses yeux ? Il n'y avait plus que ses traits tirés de douleurs, tout était flou et noir.
— Vous connaissez cette femme, Monsieur Jeon ?
A travers mes doigts, je regardai la stagiaire avant de soupirer et retirer les mains de mon visage.
— Non...
Les deux s'échangèrent un coup d'œil pendant que je me tournai une nouvelle fois vers la porte vitrée, où Go Eunji souriait à ceux qui l'accompagnaient à sa table. Au même instant, je me fis légèrement tirer en arrière quand un homme passa devant moi et ouvrit la porte pour entrer dans la salle de repos. C'était un réalisateur avec qui je n'avais encore jamais proposé mes scénarios. Grand, imposant, une barbe parfaitement taillée, les cheveux coiffés et un smoking élégant noir, il était reconnu comme étant l'un des plus talentueux réalisateurs. L'année dernière, il avait même été invité au Festival de Cannes en France et avait reçu le prix de la meilleure réalisation de l'année.
Bien que connu, sa réputation n'était pas au même stade. Il avait le défaut d'être trop sélectif dans ses choix et licenciait facilement son équipe technique s'il commettait la moindre erreur. Tout le monde se demandait comment il continuait à faire des films en ayant toujours une équipe sous le bras. Peut-être que ceux-ci avaient aussi un grain pour vouloir risquer de se faire jeter à tout moment.
Monsieur Nam se rendit vers Eunji, qui se courba pour le saluer. Je n'arrivais pas à la quitter des yeux, la colère qui coulait dans mes veines n'était pas descendue. D'un signe de la main, elle quitta ceux qui lui avaient tenu la conversation et se dirigea en compagnie du réalisateur dans ma direction. Mon sang ne fit qu'un tour en la voyant s'approcher. Pendant qu'une autre l'attendait avec des étoiles dans les yeux, j'essayais de retenir ma fureur envers elle. Deux ambiances opposées où Elisio se perdait, ne sachant pas où se placer.
Elle était là, à seulement un mètre de moi. La porte de verre avait été traversée. Malgré la quinzaine de centimètres qui nous différenciait, sa présence imposait une pression monstrueuse. Son regard noir me jugea une nouvelle fois de haut en bas. Avant de suivre Monsieur Nam, elle marqua un temps d'arrêt vers moi et plongea ses yeux dans les miens. Mon cœur battait à la chamade, j'avais chaud, ma tête bourdonnait, je n'avais plus ressenti cet effroi depuis mon accident de voiture dans le fleuve Han.
— Bonjour Jungkook.
Contre toute attente de ma part, j'eus un sourire narquois, les sourcils froncés.
— Bonjour Eunji.
Elle ne fût pas étonnée de découvrir que je savais qui elle était. Elle eut plutôt une mine mauvaise accompagnée d'un vilain sourire qui ne me rassurait pas. Une idée, une pensée, se tramait derrière son faux air de gentille fille. Son air décontracté et épanouie dans la vie me remplissait de haine, telle qu'il m'était incapable de me défaire de notre échange électrique. Yeux dans les yeux, de bas en haut, de haut en bas, une tension à en torde les nerfs, elle finit par rompre la première en devant suivre Monsieur Nam. Je ressentis alors une grosse frustration de sa part qui me fit sourire de victoire.
Peut-être que l'on s'était perdu depuis deux ans, mais il était hors de question que je fasse comme si je ne savais rien.
Seize heures trente-cinq.
— Oh mec, râla Elisio en appuyant sur le bouton de l'ascenseur, j'ai vraiment cru que tu allais l'étrangler. Le regard que tu lui as lancé au bonjour, j'en ai eu des frissons.
Il rit nerveusement tandis que je ne lui répondis rien, juste un petit sourire avant de le perdre rapidement.
— Elle lui a fait beaucoup de mal.
Mon ami stoppa tout ricanement et me fixa, changeant totalement d'expression. Il savait. C'était très peu commun, une femme abusive, comme l'avait-il si bien dis. Malheureusement, ça existait.
— C'est elle... ? Sa voix était très basse. J'aurais dû lui faire manger ses yeux si j'avais su.
Combien de fois avais-je voulu le faire pendant les quelques minutes précédentes ? En attendant toujours l'ascenseur, je finis par remarquer qu'il manquait quelqu'un. Je scrutais autour de nous et finis par lui faire la remarque.
— Où est ta stagiaire ?
— Mh je ne sais pas, elle a dû avoir peur de toi.
Les portes s'ouvrirent sur plusieurs personnes et nous nous faufilâmes à travers eux. Certains baillèrent silencieusement, la journée terminée, d'autres pianotaient sur leur téléphone, et le reste attendaient patiemment que le rez-de-chaussée arrive. Las, je soupirai. Je ne savais pas quoi faire, est-ce que je devais rentrer maintenant ou si je me laissais porter par le vent. D'un côté, j'étais fatigué et voulais être au calme. Malheureusement, trouver le calme avec Zhu, ce n'était pas tout le temps facile à part si je passais ma journée cloitrée dans mon bureau, ce dont je n'avais pas forcément envie en ce moment.
Je baissai la tête.
L'indécision me rendait malade. Autrefois, j'avais seulement à me coucher sur le canapé et personne ne m'aurait dérangé. Il ne venait pas quand il savait que je voulais être tranquille, pas comme Zhu qui n'en avait strictement rien à faire de ce que je pouvais penser.
Au clignement d'œil, mon regard se fit soudainement attiré par quelque chose qui me fixait, discrètement. Mon cœur lâcha un battement. C'était petit, tenait dans une main, bougeait légèrement contre le tissu du sac. Celui-ci était bleu. Un bleu fluo aux yeux d'une pierre bleuâtre. Mon estomac se tordit. Exactement comme le sien. Le même. Accroché à la fermeture éclair de son cartable, il se balançait légèrement dans les airs en fonction des vibrations de l'ascenseur.
Il appartenait à un employé de Mid Studio que je n'avais encore jamais croisé. Peut-être avait-il mon âge ou pas loin, en tout cas, il n'avait pas plus de trente ans et sa peau était aussi blanche que la porcelaine. Il discutait par des murmures avec son voisin, un peu plus âgé. Je soupirai intérieurement en continuant de fixer le petit crâne bleu. Non, ce n'était pas comme le sien. Celui-ci était tourné dans ma direction mais ne me regardait pas. Je ne me sentais pas concerné comme je l'avais été. Est-ce que cette personne savait la signification de cet objet ?
Mais alors que je voulus observer à nouveau son propriétaire, je fus pris en flagrant délit en remarquant que son regard était déjà posé sur moi. Surpris, je déviai rapidement d'orientation et me tournai vers Elisio, qui pianotait sur son téléphone.
Les portes ouvertes, tout le monde sortit en quelques secondes avant que l'ascenseur ne reparte vers les étages supérieurs avec de nouveaux passagers. La plupart des personnes quittaient les lieux, peu arrivaient pour commencer, d'autres continuaient jusqu'à ce que leurs heures soient faites. Le soleil était déjà bas, les rues illuminées à travers les immenses braies vitrées du rez-de-chaussée et de l'entrée de Mid Studio créaient une ambiance féerique.
— Mmh ? Elisio jeta un œil suspect derrière moi.
Suivant automatiquement son mouvement, je me retournai légèrement et rencontrai la personne au crâne bleu. Mon sang ne fit qu'un tour et je me mordis les lèvres. Elle n'était qu'à quelques mètres et me fixait, un petit sourire aux lèvres. Merde, je n'aimais pas attirer l'attention. Je le vis soudain faire un pas dans ma direction.
— Bonsoir Monsieur Jeon, fit-il d'un air enjoué.
Je haussai un sourcil. A ma hauteur, il eut un immense sourire brusque, comme s'il avait dû retenir ses émotions qui ne demandaient qu'à sortir.
— Bonsoir... ?
Son visage vira rapidement au rouge et il dût agiter sa main pour se faire un minimum de vent.
— Je savais que vous étiez à Mid Studio mais je n'avais jamais eu l'occasion de vous rencontrer, son ton se fit plus calme. Je m'appelle Go Kyang, mixeur son et cousin de Minkyung.
Une nouvelle fois, mon cœur manqua un battement.
— J'ai lu tous vos romans grâce à Min, je tenais à vous dire que vous aviez un don exceptionnel pour l'écriture !
— Ah, hm... merci, fis-je, un peu gêné.
C'était une sacrée coïncidence de croiser un membre de sa famille ici. Comment allait-il ? Avais-je le droit de demander cela après qu'il m'ait abandonné pendant mon séjour à l'hôpital ? Non, je ne voulais pas savoir. D'ailleurs, je ne comprenais pas comment notre trio avait pu être séparé du jour au lendemain, et que mes sentiments envers Jimin n'étaient plus que de la colère. Est-ce qu'ils se voyaient encore ? Sans moi ?
Pendant que son cousin continuait de faire des éloges sur mon métier et mes compétences, je baissai les yeux sur son cartable, suspendu à une main. Le petit crâne bleu n'avait toujours pas changé de direction, il nous tournait le dos. Soudain, le sac s'éleva et se posa sur sa poitrine en prenant l'objet dans ses mains.
— J'ai vu que vous le regardiez beaucoup, il sourit tendrement. Vous voulez l'essayer ?
Avais-je le droit ?
Sans même attendre ma réponse, il le décrocha de la fermeture et me le tendit, le fil tenu en bout de son indexe et de son pouce. Le crâne était toujours tourné dans la même direction. Sans un mot, je le pris et le posai dans ma paume.
— Ça s'appelle la Boussole de l'Âme Sœur, il faut-
— Je sais, coupai-je d'une voix faible.
Son sourire disparu, ne laissant place qu'à une légère inquiétude. Avec appréhension, le cœur battant dans mon crâne, je finis par le tenir au bout de la ficelle, comme la première fois où il m'avait montré le sien. D'après mes souvenirs, il fallait attendre quelques secondes, le temps qu'il se connecte à l'âme et que finalement, il se tourne en fonction d'où se trouvait l'âme-sœur de la personne.
Alors pourquoi tournait-il sur lui-même ?
Kyang, le cousin de Minkyung, haussa les sourcils de surprise. Le petit crâne continuait ses rondes, pas trop vite, pas trop lentement, juste une allure qui ne me rassurait pas. Mon cœur battait tellement fort que je commençais à avoir mal à la poitrine en plus de coups de chaleur qui me prirent d'un coup. Je sentais mon sang couler dans mes veines en fonction du pouls, et mes épaules s'affaissèrent.
Pourquoi tournait-il continuellement ? Pourquoi ne s'arrêtait-il pas pour me montrer où il était ?
Terrorisé, je levai les yeux vers Kyang. Malheureusement, il ne put me donner aucune réponse, ignorant totalement la signification de ce comportement. Alors je le regardais danser, comme s'il cherchait sans trouver son âme qui était censée me compléter.
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