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— Où est passée ma fiche sur les personnages néo-vaguistes ?! Hurlai-je en retournant les feuilles étalées sur la table.
— Putain Jungkook je vais t'éclater ! Tonna Jimin, empilant ses livres de cours n'importe comment. Je venais à peine de retrouver mon chapitre sur la rédemption !
— Il est tombé sous le canapé je crois, signala Minkyung en sautant par-dessus nos sacs avant de venir déposer d'autres livres sur la table.
— Qu'est-ce qu'il fout sous le canapé ?!
— Mais j'en sais rien, moi !
C'était une catastrophe.
L'apocalypse totale.
En plus de l'être dans l'appartement, ça l'était aussi en dix fois pire dans nos têtes.
Je n'arrivais même pas à rire en voyant Jimin, les fesses en l'air, en train de regarder sous le canapé du salon. C'était un véritable désastre, on avait mis la pièce dans un état pas possible. On aurait dit qu'une bombe avait explosée en plein milieu du salon, ou que la guerre avait fait ravage sur son chemin.
Des tas de feuilles trainaient sur le carrelage, mélangé à des paquets vides de gâteaux, et nos livres de cours étaient éparpillés n'importe où. Il y avait des chapitres traînant sur le grand bar de la cuisine américaine, sur le canapé, je ne savais même pas qui de nous trois avait réussi à en mettre dans les toilettes.
— Putain les gars, fit Jimin en se relevant avec son chapitre dans les mains, si Haneul rentre et qu'on a rien rangé, on est mort !
— Je préfère être mort que d'être demain ! Répliqua Minkyung, assit à la table à lui aussi chercher frénétiquement quelque chose.
Il reçut une tape derrière le crâne de la part de Jimin et je me frottai le visage, dépité de la tournure qu'avaient pris nos révisions.
Nous étions dimanche, fin d'après-midi, et demain à la première heure, nous avions notre examen de fin de trimestre d'Histoire du cinéma. Cette matière ne figurait pas aux partiels semestriels et cela était déjà un soulagement, car il y avait tellement de chose à apprendre qu'on s'y noyait à trois depuis une semaine.
J'avais passé tout le week-end chez Jimin avec Minkyung. À mon arrivée, j'avais été choqué par la beauté de l'appartement du couple. Il ressemblait à un loft, en moins grand, mais se situait tout de même quand un quartier près de Gangnam. Autant dire que j'avais été sidéré par sa localisation, mais la façon dont il était agencé m'avait littéralement retiré l'âme du corps.
À part avec ses habits de grandes marques, je ne me serais jamais douté qu'il faisait parti de la population aisée. Le salon était d'une modernité sans limite avec une cuisine américaine, les immenses baies vitrées donnaient vue sur la ville, dont les immenses gratte-ciels du quartier Gangnam. C'était à une trentaine de minutes de chez moi en bus.
Nous avions bien révisés ces deux jours, mais ce soir, la fatigue et le stress nous faisaient devenir complètement fous.
Je me massai les yeux. Je n'avais pratiquement pas dormi du week-end, peut-être une ou deux heures.
— Hyung, m'appela Minkyung, ce n'est pas ça que tu cherchais ?
Il me tendit une feuille que je pris. Ah oui, c'était ce que je cherchais depuis dix minutes.
— Où est-ce que tu l'as trouvée ?
— Elle était juste là, fit-il en montrant les feuilles éparpillées devant lui.
Je soufflai d'épuisement et le remerciai en me laissant tomber sur ma chaise. Jimin vint s'asseoir à son tour, et soupira bruyamment en voyant l'étendue des dégâts. Techniquement, nous avions encore deux heures devant nous pour ranger avant qu'Haneul ne rentre de son entraînement de danse. Cela devait être suffisant pour remettre l'appartement dans un état normal.
Normalement.
Concernant Minkyung, nous nous étions beaucoup rapprochés depuis qu'il travaillait au café. Il faisait presque les mêmes horaires sauf qu'il était de service le mercredi soir et pas le jeudi soir. Cela faisait un mois qu'il était mon collègue, en plus d'être mon camarade de classe. Jimin s'entendait déjà bien avec lui, alors il n'avait pas eu de mal à intégrer notre duo.
Je lisais ma feuille, mais mon cerveau n'imprimait plus rien du tout. J'avais l'impression que ce week-end de révision n'avait servis à rien et que je ne savais strictement rien. Même les choses que j'avais apprises les années précédentes, je n'arrivais plus à m'en rappeler. Le trou noir. Nada.
— Hyung, fit Minkyung calmement, est-ce que tu peux me faire réviser le cinéma mélodramatique classique ?
Je levai le visage vers lui, et approuvai sa demande indirectement en prenant le chapitre qu'il me tendait. Mon dos rencontra le dossier de la chaise et je laissai mes yeux glisser sur les phrases.
— Je te pose des questions ou tu parles seul ?
— Pose-moi des questions.
J'acquiesçai et entendis Jimin poser ses feuilles pour réviser avec nous.
— Explique-moi la caractéristique du cinéma mélodramatique classique, demandai-je en continuant de lire son écriture.
— De voir le destin frapper hors-champ.
— Ça veut dire quoi ça ? Il tapota quelques secondes la table, les yeux en l'air.
— Que l'image est rarement le lieu de l'affrontement entre les barrières sociales et les personnages, elle se contente de mettre en scène leurs conséquences. Dans ces conditions, il n'est pas question d'expliquer ou de juger par l'image les mécanismes sociaux d'aliénation dont sont « victimes » les personnages, répéta-t-il comme un robot. Ainsi, si des enjeux sociaux ou moraux sont abordés, ils ne trouvent jamais de solution dans le film, celles-ci étant sous-entendues au-delà de la vie matérielle terrestre.
Il me jeta un regard incertain qui se transforma rapidement en fierté lorsque je lui haussai la tête avec un léger sourire.
— Tu as oublié la manière analogique, remarqua Jimin, elle n'est pas très importante mais c'est toujours bon à mettre dans une copie.
— Je ne me souviens plus ce que c'est...
— C'est le contenu du cadre de l'image s'identifiant à la vie matérielle et le hors-champ à la demeure des forces immuables.
Minkyung claqua des doigts, se rappelant enfin ce que c'était après l'explication rapide de Jimin. Puis ce dernier me demanda de continuer à poser des questions, nous faisant réviser tous les trois en même temps.
Dix-neuf heures cinq.
— Cht ! Fit bruyamment mon ami depuis sa cuisine.
Minkyung et moi nous figeâmes subitement dans nos révisions, et un son de digicode nous parvint aux oreilles. Un coup d'adrénaline passa dans mes veines et nous nous mîmes tous les trois à regarder l'étendue des dégâts du salon.
Le temps nous était passé entre les doigts et nous n'avions strictement rien rangé. C'était même encore plus en désordre que deux heures auparavant.
On s'échangea un regard avant que Jimin ne crie à voix basse :
— On se replie ! On se replie ! Il se précipita dans l'escalier pour l'étage. L'ennemie arrive !
Tandis qu'il disparut dans la mezzanine qui surplombait la cuisine, Minkyung et moi nous levâmes en même temps et nous séparâmes directement. Il franchit une porte adjacente à la cuisine qui donnait sur une chambre, et s'y enferma. Pour ma part, je me précipitai rapidement dans le couloir et entrai dans la première pièce qui s'offrait à moi : la salle de bain.
Une grande salle de bain dernière génération, avec une large baignoire devant une baie vitrée où, dans la nuit, donnait une vision féerique. On voyait même le fleuve Han et l'un de ses grands ponts.
Je ne m'attardais pas sur les brosses à dents ou même les vêtements sales qui trainaient dans la panière, et collai mon oreille contre la porte coulissante. Je n'avais pas allumé la lumière, seules celles de la ville illuminaient partiellement la pièce d'une ambiance pourpre.
Des pas raisonnèrent dans le couloir, passant juste devant la salle de bain où j'avais automatiquement coupé ma respiration. L'appartement était d'un calme olympien.
Puis, à peine quelques pas de plus de là où j'étais caché, qu'il eut un gros bruit. C'était un sac tombé lourdement au sol.
Aïe, elle avait dû voir le champ de bataille.
— Jimin, Jungkook et Minkyung, appela une voix numérique à travers toutes les pièces, si vous ne sortez pas de votre cachette d'ici dix secondes, je vous castre un par un.
J'étouffai un rire sous ma main. Même si cette situation était critique, je ne pouvais pas m'empêcher de la trouver hilarante.
Jimin m'avait expliqué qu'à leur emménagement, ils avaient installés un système permettant à Haneul de parler lorsqu'ils étaient à distance. Du genre Jimin qui était sous la douche, et elle devant partir à toute vitesse, et, n'ayant pas de voix, utilisait ce système pour prévenir son petit-ami de son départ. Il y avait des petites enceintes dans toutes les pièces sauf dans les deux chambres d'amis. Haneul n'avait qu'à s'y connecter avec son téléphone, marquer ce qu'elle voulait dire, et une voix automatique parlait pour elle.
Un décompte partant de dix résonna d'un coup dans l'appartement, comme si nous étions dans une station de lancement de fusée.
Huit, sept...
Mon cœur battait et un large sourire à m'en déchirer les muscles des joues étirait mon visage. Je me revoyais jouer à cache-cache dans la maison avec ma famille lorsque j'étais petit, j'avais exactement les mêmes sensations.
Quatre, trois...
Cette peur d'être trouvé, cette excitation d'entendre le chercheur passer près de soi, tous les frissons qui allaient avec. Sauf que là, ça n'allait pas être des chatouilles que j'allais avoir si je me faisais repérer, c'était plutôt un coup entre les deux jambes.
À la fin du décompte, il n'y eut plus aucun bruit. Aucun de nous trois n'était sorti. Je pensais que Minkyung allait déposer les armes à cause de sa personnalité timide et réservée, mais il ne l'avait pas fait. Il fallait dire que cette facette se diluait au fur et à mesure des jours passés ensemble.
— Très bien, résonna une nouvelle fois la voix féminine, alors je vais me charger de vous trouver moi-même.
Je l'entendis marcher, sûrement tout autour de la pièce à vivre avant qu'il n'y ait le bruit d'un coulissement de porte. Merde, elle avait dû entrer dans la chambre derrière la cuisine.
— Aïeaïeaïemonoreillemonoreillemonoreille, couina désespérément Minkyung en revenant dans le salon.
Un soldat à terre.
Je répète : un soldat à terre.
Je quittai silencieusement l'entrée de la salle de bain et allai me cacher entre la baignoire et la baie vitrée. Mon collège de plateau ronchonna de douleur, et je l'imaginais les larmes aux yeux en train de caresser son oreille douloureuse.
Je redoutais le moment où elle allait me trouver. Je m'étais déjà fait tirer les oreilles par elle, et j'avais eu l'impression qu'elle allait s'arracher tellement Haneul tirait fort. Et ça ne remontait à pas plus tard qu'hier alors que j'avais sans faire exprès cassé sa tasse baby Yoda.
Étrangement, les fourmis n'étaient jamais venues car je n'y avais pas pensé lorsque ses doigts tiraient ma peau. Je m'étais plutôt contenté de rire en vue de la situation alors que je la suppliais d'arrêter cette torture.
La porte de la salle de bain coulissa lentement, et je me mis en apnée.
— Je sais que tu es là Jungkook, fit la voix à travers la maison.
Mon sang ne fit qu'un tour.
Comment elle pouvait le savoir ? Elle était pourtant restée à l'entrée. Elle avait des yeux supersoniques ou quoi ?
— Il y a ton reflet dans la vitre.
Boulet en action.
Je répète : boulet en action.
Du coin de l'œil, je regardai celle-ci et vis effectivement mon reflet parsemé de petites étoiles venant des lumières de la ville.
Ses pas et son aura de femme énervée s'approchèrent de plus en plus, jusqu'à ce qu'une affreuse douleur ne me tire le cartilage de l'oreille. Je me mis à gémir de douleur en me levant automatiquement. Elle s'était penchée par-dessus la baignoire, et je dus contourner cette-ci pour la rejoindre tant bien que mal.
Tordu comme un poisson, elle me tortura sans pitié l'oreille jusqu'au salon pendant que je riais de la douleur. La pièce était dans un chantier désastreux, une personne maniaque aurait fait un arrêt cardiaque à peine un pied posé ici.
Avant de me lâcher, elle me força à m'assoir sur mes pieds aux côtés de Minkyung, lui aussi à genoux comme un enfant pris en faute. Il me jeta un regard amusé quand je me frottais l'oreille avec une grimace.
Haneul se positionna derrière nous et tapota son téléphone. Elle était encore habillée de son justaucorps, caché à moitié sous un simple pantalon. Discrètement, mon ami la montra du regard, fronça le nez et secoua sa main. J'acquiesçai en me retenant de rire. Il venait de dire qu'elle était sacrément énervée, et je ne pouvais qu'approuver.
— Jimin, résonna la voix, j'ai tes deux amis en otage, si tu ne veux pas les privés d'avoir des enfants, t'as intérêt à vite te monter.
— Jimin ! Cria Minkyung en direction de l'escalier, profil à nous, ne faiblis pas devant les menaces de l'ennemie !
Il reçut une tape derrière le crâne, et je me mordis les lèvres pour m'empêcher de rire.
— État de la situation ? Fit d'un coup la voix de notre ami recherché.
Nous levâmes en même temps les yeux vers le haut de l'escalier, où, juste à la frontière entre le muret de la mezzanine et la barrière des marches, apparaissait Jimin avec un pistolet nerf pointé sur nous. Les lunettes de Cyclope des X-Men cachaient ses yeux et ses cheveux étaient couverts d'un bonnet camouflage vert. Son bonnet ne servait strictement à rien, à part à se faire encore plus remarquer car les murs étaient entièrement blancs.
J'entendis Haneul soupirer d'épuisement tandis qu'il emmena sa main à son oreillette imaginaire.
— Toute l'escapade à été prise en otage chef, annonça-t-il, j'essaie de rétablir le signal. Argent Min, est-ce que vous m'entendez ?
Minkyung fit de même, pris une voix de blessé et baragouina:
— L'ennemie est trop fort Agent Chim...
— Qu'en est-il de l'Agent Kookie ? Demanda-t-il comme s'il était vraiment en mission, je n'arrive pas à le contacter.
— L'Agent Kookie a été blessé, mais il est toujours en vie...
Nous reçûmes une claque derrière la tête en même temps, et Jimin, du haut de l'escalier, lâcha un cri d'effroi.
— L'ennemie attaque chef ! Paniqua-t-il en chargeant son pistolet nerf de munitions, que faisons-nous ?! Je contre-attaque !
Deux de ses doigts appuyèrent sur ses lunettes de Cyclope et une pauvre et ridicule lumière rouge en sortie, dans un silence où je voulais exploser de rire.
Voyant que ses soi-disant lasers ne faisaient pas le moindre bruit, il se mit alors à les faire lui-même avec sa bouche.
Ziuom, ziuom, brrrr, pchhhhh.
Haneul, les bras croisés sous sa petite poitrine, était complètement dépité par le comportement enfantin de son petit-ami. Elle devait sûrement remettre en cause le pourquoi elle était amoureuse de lui, et le comment elle faisait pour vivre avec lui depuis plusieurs années.
Personnellement, je ne me prêtais pas trop au jeu car je ne savais pas improviser comme eux. Je préférais être spectateur que risquer de gâcher ce moment de rigolade.
— Park Jimin, résonna la voix, arrête ces sottises et viens ici.
— L'ennemie tente de me déstabiliser avec ses menaces ! Jacassa-t-il, complètement outré. Elle sait ma véritable identité ! Il ramena sa main à son oreille. Agent Min, Agent Kookie, couvrez-vous ! Ça va péter !
Il pointa plus précisément son pauvre nerf sur Haneul, et appuya sur la gâchette. Un petit clac résonna et la petite fléchette en mousse tomba ridiculement à nos pieds, après avoir volé quelques mètres depuis le haut de l'escalier.
J'échangeai un regard avec Minkyung. Quelle explosion.
— Un tire de trente mètres, tu parles, grogna Jimin en regardant le jouet, ils ont mis un chiffre en trop.
Haneul tapait du pied à répétition, le regard fermé à toute forme de conversation ou d'excuse. Elle ressemblait à une mère hors de soi à cause des bêtises de ses enfants. Lorsqu'une nouvelle fléchette en mousse tapa le haut de sa poitrine, ce fut la goutte de trop et elle se rua dans les escaliers.
Mon ami lâcha un cri et disparut de sa zone de tire en éclatant de rire. J'écarquillai les yeux en voyant la vitesse fulgurante d'Haneul montant les marches deux par deux. Quelque chose me disait que ce genre de délire arrivait assez fréquemment pour qu'elle développe une si grande agilité dans les escaliers. La danse devait sûrement aider, mais Jimin les avait montés tout aussi rapidement à son arrivée.
— Moncœurmoncœur, fit ce dernier depuis l'étage où il se faisait sûrement courser. Excuse-moi pardonne-moi !
Ses paroles se perdaient dans ses rires et on entendait leurs pas résonner depuis le salon, où Minkyung et moi nous étions redressés. Il continuait à la supplier de l'excuser mais n'y faisait, elle paraissait intransigeante.
J'avais vraiment du mal à croire que c'était cette même personne, à l'heure actuelle se faisant pourchasser par une femme, qui me faisait souvent des leçons de philosophie. Je ne l'avais jamais vu avec un comportement aussi enfantin et cela me faisait vraiment rire.
Il eut soudain un gros bruit provenant du petit salon installé à la mezzanine, et un gémissement de douleur venant de Jimin. Ce bouffon avait dû se ramasser le sol.
Puis subitement, plus rien.
Minkyung et moi nous échangeâmes un froncement de sourcils lorsqu'il n'eut plus aucun bruit. Un silence impérial et ne me disant rien de bon venait de s'installer comme si les deux hurluberlus venaient de s'évaporer.
Après quelques secondes à essayer d'entendre le moindre bruit, ne serait-ce qu'une respiration effrénée dû à leur course, mon collègue de plateau ouvrit la bouche pour parler. Mais il se fit rapidement interrompre lorsque, d'un coup, un voile rougeâtre me barra la vue et qu'un espèce de tissu me recouvrit le crâne.
Ça sentait l'eau de Cologne.
Je le retirai, et du bout des doigts, je le mis devant moi pour regarder de quoi il s'agissait. Bon Dieu. Minkyung poussa un cri de surprise tandis que je lâchai spontanément le tissu, qui tomba sur le sol carrelé. Le t-shirt blanc de Jimin vint le rejoindre.
— Hé les bourricots ! Hurla-t-il en direction de la mezzanine. Ne faites pas ça alors qu'on est là putain !
Le justaucorps rouge que portait Haneul venait de me tomber sur la tête.
Le vêtement d'une femme m'était tombé sur la tête.
Mon état de choc se fit couper lorsqu'un bruyant rire s'échappa de l'étage, nous faisans lever les yeux vers le mur de la mezzanine. J'étais obligé de plissé légèrement les paupières à cause de le lumière aveuglante du grand lustre. Les deux têtes du couple apparurent, riant comme des baleines euphoriques. Ils étaient tous deux torse nus, Haneul se cachant la poitrine grâce au petit mur.
Peut-être même cachant l'intégralité de son corps car pour retirer ce genre de vêtement, il fallait retirer le pantalon qu'elle avait en arrivant. Et je doutais qu'on mette des sous-vêtements sous ce genre de vêtement.
Jimin avait toujours les lunettes de Cyclope sur les yeux, et le bonnet camouflage cachait encore ses cheveux blonds. Cela lui faisait une drôle de tête.
— Vous verriez vos têtes ! Crâna-t-il en riant toujours plus.
— Je... vous... Bredouilla Minkyung, ayant du mal à reconnecter les deux fils.
— Poisson d'Avril !
— On est en Février, soufflai-je en gonflant les joues.
— Poisson d'Février !
Il m'épuisait. Je ne savais vraiment pas comme Haneul faisait pour vivre constamment avec lui depuis presque cinq ans.
Je dormais chez eux depuis vendredi soir et il n'y avait pas eu un seul moment où ces deux hurluberlus n'avaient cessé de jacasser. Je n'étais donc pas allé au restaurant vendredi soir, ni hier, et Seokjin m'avait rassuré comme quoi il préférait que je révise plutôt que de travailler à Coquelicot. Minkyung avait eu droit au même discours, car il savait que nous étions dans la même classe.
Jimin conseilla à sa petite-amie d'aller vite décompresser en prenant une bonne douche brûlante, et celle-ci déposa un baiser sur sa joue après l'avoir tiré vers elle. Elle faisait une tête de moins que lui et je la voyais mal se mettre sur la pointe des pieds alors qu'il y avait deux paires de yeux rivés sur eux. Puis elle disparut sous le regard de Jimin, qui redescendit les escaliers.
Être torse nu devant d'autres personnes n'avaient pas l'air de le gêner. D'accord nous étions des hommes et il n'avait pas à se plaindre de ses légers abdominaux, mais quand même. Je le faisais aussi, mais pas lorsqu'il y avait du monde. Je devais sûrement être trop pudique.
— Bon j'ai réussi à calmer la bête en lui faisant faire une blague, dit-il en reprenant son t-shirt du sol, mais si on ne range rien pendant sa douche, elle va vraiment nous prendre par la peau.
Il enfila son vêtement, retira ses lunettes et son bonnet, puis rajouta d'une voix dramatique:
— Et je ne parle pas de celle du cul.
Minkyung blêmit d'un coup et se précipita à la table pour commencer à ranger. Cela me fit rire, il avait des mimiques vraiment adorables, je ne regrettais pas d'être devenu ami avec lui.
Cet instant de délire complètement décalé m'avait fait un bien fou, je me sentais détendu. Ils m'avaient fait oublier ce qu'il allait y avoir demain, et avoir la tête aérée avant un examen était la meilleure chose.
Jimin ramassa ensuite le justaucorps d'Haneul et partit vers la salle de bain pour le mettre au sale. Puis tout en rangeant, on parla de la mission de sauvetage qui était une pure réussite. Les chevilles de Jimin avaient pris dix kilos, mais cela ne le gênait pas pour continuer de s'envoyer des fleurs sur sa prestation de héros.
Mes deux amis avaient explosés de rire lorsque je leur racontais où est-ce que je m'étais caché, et même s'ils avaient entendu la « voix d'Haneul » disant qu'elle me voyait dans le reflet de la vitre, ils semblaient revivre ce moment. Je paraissais vraiment ridicule de m'être aussi mal caché, mais Minkyung me rassura en disant que la sienne n'était pas mieux.
Il s'était caché dans le placard de la chambre où je dormais, sauf que la porte l'avait trahie en s'ouvrant d'elle-même. Alors depuis, il ne cessait de maudire le fantôme qui l'avait vendu au boucher.
Tout en riant, j'avais demandé à Jimin pourquoi il avait un nerf et les lunettes de Cyclope alors qu'il avait vingt-deux ans, et celui-ci me répondît que c'était la petite sœur d'Haneul qui les avait oubliés lorsqu'elle venait ici. Je ne l'avais pas cru, mais j'avais lâché les armes en le voyant ricaner de gêne.
Après tout, il n'y avait pas d'âge pour s'amuser.
☯︎
Je me massai les poignets en grimaçant. Ma tête me faisait mal tellement j'avais réfléchi, ce n'était vraiment pas pour moi les examens.
Je devais avoir une tête pas possible à cause de mon manque de sommeil. Je n'avais pratiquement rien dormi cette nuit, je ne savais pas si c'était à cause du stress ou du fait que je n'étais pas chez moi, mais Morphée avait décidé de me tourner le dos. Alors j'avais révisé. Encore.
En sortant de la salle de classe qui devait sûrement sentir la transpiration, Minkyung se morfondit sur lui-même en maudissant notre professeur.
Le sujet était tombé sur le pouvoir politique et l'industrie cinématographique jusqu'en mille neuf cent quatre-vingt huit.
Et apparemment, c'était celui que connaissait le moins bien mon ami. J'avais mis toute mon âme dans ce devoir et j'espérais avoir une bonne note, mes heures de sommeils perdues seraient récompensées.
Autour de moi, j'entendais les autres élèves de la classe débriefer sur certaines dates ou certains cinéastes placés dans le temps. J'essayais de ne pas écouter et de me concentrer sur la route menant au réfectoire, en compagnie de Jimin et Minkyung. Je n'aimais pas parler du sujet après l'avoir travailler. C'était fait, c'était fait. Basta, pas besoin de pleurer parce qu'on avait mis cent cinquante-cinq films muets et sonores, réalisés avant mille neuf cent quarante-cinq, au lieu de cent cinquante-six.
C'était trop tard pour reculer, écrit, rendu, passons à autre chose.
Comme manger.
Mon ventre m'engueulait depuis une bonne heure.
À part mon collègue de plateau qui feuilletait son chapitre avec détresse dans la file du réfectoire, Jimin ne disait rien. Il n'avait pas ouvert la bouche depuis notre sortie et semblait voyager sur une autre planète.
Et comme je savais qu'il était comme moi, je ne lui demandais donc pas s'il pensait avoir réussi.
— Hyung, m'interpella Minkyung, le nez dans ses feuilles, je peux juste te poser une question ? Je n'arrive pas à trouver la réponse.
— Mh, quoi ?
— C'est en quelle année qu'est réalisé Promesse d'amour sous la Lune de Yun Peangnam ?
— Mille neuf cent vingt-trois.
— Ah ! Oui c'est vrai, ok, j'ai juste alors... Merci.
Je lui fis un sourire et pris un plateau juste après Jimin, toujours aussi silencieux. Il était souvent comme ça après d'assez gros contrôles, maintenant que j'y pensais. L'autre derrière moi se dépêcha de ranger son chapitre dans son sac et de prendre à son tour un plateau.
Je déposai le mien sur les barres de fer et pris un petit bol de surimi qui me faisait un peu trop de l'œil.
— Au fait hyung, reprit Minkyung, tu vas au café ce soir ?
Je haussai les épaules, et continuai de choisir mon repas dans la suite de Jimin.
— Je ne sais pas, avouai-je, comme on n'a pas cours demain matin, je pense. Mais ça dépendra de comment je suis fatigué, je n'ai pas beaucoup dormi ces derniers jours. Et toi ?
— Pareil, il prit une salade, mais je pense y aller quand même, je suis encore nouveau alors je n'aime pas m'absenter trop longtemps...
— Seokjin comprendra tu sais.
Il fronça le nez, peu convaincu et commanda son plat aux cuisiniers. Ce n'était pas très bon aujourd'hui, je n'aimais pas la purée de carotte et je n'avais pas envie de pâtes. Alors je n'avais pris qu'un pauvre steak trop cuit. Il me faisait un peu de peine, là, tout seul dans son assiette.
Arrivés au dessert, je ne pris qu'un pomme. Je n'avais pas très faim, finalement.
— Ce n'est pas niveau Seokjin que je m'inquiète, reprit-il en choisissant un crumble, mais plutôt niveau patron.
Mon cœur me fit légèrement mal à son évocation.
— Pourquoi ? Me contentai-je de répondre.
— Je ne sais pas, il haussa les épaules, il n'a pas l'air sympa. Il me faisait peur à l'entretien.
Je ricanai sans me retenir et nous suivîmes Jimin, toujours silencieux, qui avait trouvé une table vide juste devant les fenêtres du self. Dehors, le parc de l'école était complètement endormi sous la couche de neige qui le surplombait. Quelques élèves trainaient dans les chemins, et gâchaient le tableau.
— Je ne sais pas comment tu fais pour l'apprécier, ajouta Minkyung, une fois assit à mes côtés.
Mon surimi passa de travers et je me mis à tousser en me tapant le torse. Mais quel con, il ne fallait pas jouer avec mon cœur comme ça ! Et puis, comment il savait ce que je ressentais envers Taehyung ? On n'en avait jamais parlé.
Après avoir bu d'une traite mon verre d'eau, je sentais mes joues chauffer et j'espérais qu'on croit que mon étouffement en était la cause.
Jimin, dégustant calmement sa salade en face de moi, me lança un regard amusé.
— Je... Je ne vois pas de quoi tu parles...
Je baissai la tête sur mon entrée qui me parut encore plus intéressante qu'elle ne l'était déjà. C'est fou comme le crabe était bien fait quand même, les petits motifs oranges sur la surface blanche ressemblaient à de l'écume. Oui, très beau, très harmonieux.
— Voyons hyung, rit-il, ça se voit tellement que vous vous tournez autour !
— Ahh ! Grognai-je en faisant rire Jimin à son tour. Tu veux bien arrêter ? On ne se tourne pas autour ! Il doit sûrement me trouver beau, c'est tout.
Les deux hurluberlus qui me servaient d'amis pouffèrent, se moquant ouvertement de ce que j'avais dit. Je gonflai les joues, ne pouvant rien faire d'autre et continuai de manger en faisant style de rien.
Il faisait beau aujourd'hui tiens.
— Salut Jimin ! Fit une voix criarde en tapant des deux mains notre table. Salut Jungkook ! Salut Minkyung !
Je me tournai vers l'inconnue qui venait d'arriver, et je voulus disparaître. Nom de Dieu, c'était la fille-sans-nom, celle qui m'avait fait cracher des trucs à propos de ma vie personnelle. Je lançai un regard meurtrier à Jimin, t'as vu, c'est avec elle que j'ai dû me coltiner quand tu m'as abandonné. Ce fourbe ne me répondit que d'une mine amusée, avala sa salade et se tourna vers cette dernière.
— Salut Insoon, ça va ?
Ah, elle avait un nom finalement.
Elle et Jimin parlèrent de la vie à l'école et les histoires entre élèves qu'il pouvait y avoir, jusqu'à ce qu'elle évoque l'année dernière. Comme quoi un certain Woojin, en deuxième année, était déçu de ne plus être dans la classe de mon ami. Minkyung et moi nous échangeâmes un regard.
Elle aussi avait eu un examen ce matin, et le thème de son sujet m'avait fait tourner de la tête. Étant en dernière année dans la filière montage, elle avait dû expliquer "Le montage dialectique des prototypes idéologiques; glorification héroïque et mystique de la classe ouvrière".
J'avais très vite abandonné lorsqu'elle avait expliqué partiellement ce que c'était.
Je crois même que j'avais abandonné au mot dialectique du sujet.
Jimin avait beau essayer de comprendre et de paraître poli en écoutant, je voyais bien qu'il ne captait aucun mot de ce qu'elle disait. Pour des premières années, elle nous parlait une langue inexistante.
J'avais compris quelques concepts grâce à mes cours d'économie datant du lycée, mais impossible de les ressortir ou même de les expliquer.
Après m'avoir fait passé un interrogatoire auquel j'avais royalement ignoré les questions, elle partie enfin, disant qu'elle avait une réunion avec son conseil d'élèves.
— Tu as redoublé ? Demanda directement Minkyung.
Je n'avais jamais osé poser la question, même si je m'en doutais depuis un long moment. Depuis le premier jour en réalité, lorsque Monsieur Eun, notre professeur de cours pratique, l'avait salué comme s'ils se connaissaient depuis longtemps. Et puis, il parlait souvent avec des personnes des classes supérieures.
Même si j'essayais de me convaincre qu'un élève aussi doué que lui n'avait pas pu redoubler, je fus surpris lorsqu'il haussa silencieusement la tête.
— Je suis tombé gravement malade l'année dernière, murmura-t-il comme s'il ne voulait pas se rappeler cette époque. J'ai loupé pas mal de mois de cours, et même si j'aurais pu passer grâce à ma note du premier semestre, j'ai préféré refaire cette année.
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