00:11:00
Neuf heures vingt-neuf.
— Et maintenant, ça va mieux ?
Allongé sur le ventre, la tête couchée sur le traversin et mon téléphone posé sur mon oreille, je répondis :
— Oui, ça va.
De l'autre côté du fil, ma mère huma, pas très convaincue.
— Je te l'avais dit de toute façon ! S'exclama-t-elle soudainement. Cette fille, je ne la sentais pas ! Et qui avait encore raison ? C'est bibi, comme toujours !
J'eus un sourire à sa manière de détendre l'atmosphère, et, le regard perdu dans le paysage urbain à travers la baie vitrée, je l'écoutais me rassurer sur toutes sortes de choses.
Cela faisait une semaine que je logeais chez Jimin. Même si notre relation n'était plus comme autrefois, cela ne m'empêchait pas de me sentir de plus en plus à l'aise en sa présence. Surtout en voyant tout ce qu'il était prêt à faire pour que je me sente le mieux possible. C'était lui qui m'avait incité à rester chez lui le temps que mes idées se remettent en place et que j'ai le courage de rentrer à mon appartement. Car là-bas se trouvait la personne que je voulais éviter plus que tout. Rien que de repenser à ce qu'elle avait fait, ou à la blessure, ne serait-ce qu'une seule image, je pouvais très bien repartir en crise de panique. Mes mains étaient toujours couvertes de sang, des tâches noires couvraient mon torse, tout ce que je voyais sur moi-même, Jimin me persuadait que rien n'existait, que tout provenait de mon esprit.
Le jour suivant mon arrivée, il s'était rendu à mon appartement après avoir longuement insisté auprès de moi. Je voulais rentrer pour ne pas le déranger, il voulait que je reste pour ne pas aggraver mon état psychologique et physique si jamais je me retrouvais face à Zhu. Logiquement, il avait gagné la bataille en argumentant le fait que si je repartais en crise ou quoi que ce soit, cela n'allait pas être elle qui allait m'en sortir. Alors je lui avais donné mon adresse, mon code d'appartement, et dans le plus grand des respects, il m'était allé chercher des affaires. Mon téléphone, quelques livres, des vêtements, tout ce dont j'avais besoin. Je ne savais pas encore combien de temps j'allais rester chez lui, combien de temps il allait supporter ma présence. Après tout, je l'empêchais quand même de vivre tranquillement.
Le soir suivant son passage chez moi, Zhu avait commencé à me renvoyer des tonnes de messages en s'inquiétant d'un potentiel cambriolage. La première chose que j'avais vue en allumant mon téléphone lorsque mon ami me l'avait donné, était ses milliards d'excuses et son semblant de crainte sur ce que j'étais devenu après avoir franchi le pallier. Ni une, ni deux, Jimin m'avait immédiatement retiré mon portable des mains et avait bloqué son numéro sans même demander mon avis. A présent, je ne savais pas ce qu'elle devenait, ce qu'elle faisait dans mon appartement, ni si sa blessure allait mieux. D'un côté, je n'en avais que faire et essayais de me convaincre que ce n'était tout ce qu'elle méritait. Mais cette partie de moi qui pensait ça me terrorisait. Ce sentiment de satisfaction traversait encore mes nerfs à chaque fois que je me remémorais sans le vouloir ce soir-là.
— Et ta santé ? Tu prends tes médicaments ?
Lentement, je clignai des yeux, l'esprit à moitié autre part.
— Oui, Jimin me les a apportés... Ca va bien mieux. Je passe les radios dans deux jours.
— D'accord, c'est bien, fit-elle d'un ton rassuré.
Puis nous continuâmes de discuter pendant une grosse demi-heure de tout et de rien. Il n'y avait personne à l'appartement ; Jimin était à Mid Studio et Haneul était à Los Angeles depuis deux mois. Un soir, où je lui avais demandé pourquoi je ne la voyais pas, il m'avait expliqué qu'elle avait été recrutée en tant que danseuse principale par un grand artiste américain pour partir en tournée mondiale dans trois mois. Elle n'avait eu qu'une seule semaine de repos et en avait profité pour revenir voir Jimin et sa famille. Son prochain retour était prévu dans un mois.
Jimin m'avait aussi expliqué que son handicap n'était absolument pas un problème pour l'artiste et les répétitions. Alors elle avait saisi cette ultime chance, très fortement encouragée par mon ami. Ils s'appelaient une fois par semaine, le plus souvent le dimanche. Malheureusement, à cause de la grosse différence d'horaires entre Séoul et Los Angeles, ce n'était pas toujours facile de trouver un bon créneau. Mais ils tenaient, et comment ne pouvaient-ils pas tenir quand je voyais Jimin parler d'elle avec des étoiles dans les yeux ?
Autrefois, j'avais connu des personnes qui n'auraient pas été d'avis à ce que sa copine, ou son copain, parte aussi longtemps. Je n'ai jamais comparé ce genre d'être à des êtres humains, dotés d'intelligence et de sentiments. Lorsque je trainais avec mes soi-disant amis de lycée, j'entendais pas mal d'histoires concernant les restrictions qu'une personne faisait à son couple ; ne fais pas de photo avec eux, pourquoi tu sors ?, ne traine pas avec elle, ne me parle pas de lui. Chacun avait ses raisons, c'était leur vie et pas la mienne. Si les deux étaient consentant avec ces règles, alors tant mieux. Mais la chose que je ne comprenais pas plus que tout, était d'empêcher son ou sa conjointe à réaliser ses rêves. Pour moi, l'amour et la confiance rentraient dans la case la plus importante. Même si la distance empêchait certaines choses, il était normal, pour moi, d'encourager son âme-sœur. Un travail, un voyage, une rencontre, tout ce genre d'opportunité.
Bien sûr, je disais cela, mais ce genre d'occasion ne s'était pas présentée devant moi en un an et demi. Si, peut-être lorsqu'il a appris que j'allais partir un mois en Allemagne. Mais ce n'était pas pour la même raison, c'était parce qu'il voulait me présenter à sa mère biologique le jour de son anniversaire de décès, qui tombait durant mon séjour. Chacun avait ses raisons. D'ailleurs, il n'était plus revenu me voir depuis une semaine, aucune apparition, aucun souvenir, rien.
C'était pour cela que j'idolâtrais Jimin depuis notre rencontre. C'était un modèle, un maître à suivre sur le chemin de la guérison. Lui, c'était un homme, un vrai. Pas un coureur de jupon, un voyou des rues à insulter ou à siffler la moindre personne passant. Doté d'une incroyable gentillesse, de douceur et d'intelligence, on ne pouvait pas le détester. Les personnes comme lui étaient rares de nos jours, combien en restait-il ? Cela dépendait de sa vision du monde.
— Au fait, est-ce que tu veux que je m'occupe de l'appartement ?
Brutalement sorti de mes pensées, je fronçai les sourcils en répétant sa question plusieurs fois dans ma tête.
— L'appartement ?
— Oui, je n'aime pas savoir que quelqu'un qui te fait du mal y habite comme si c'était chez soi.
Ah, ce fameux débat qui durait depuis quasiment un an. Elle avait raison, mais étais-je capable de foutre Zhu à la porte, après ce que je lui ai fait ?
— Je ne sais pas si elle l'accepterait...
Un soupir de frustration me fit louper un battement de cœur ; le sujet qui fâche venait d'être mis sur la table.
— Jeon Jungkook, vingt-quatre ans, connus pour ses scénarios et ses bouquins et détenant son propre appartement qu'il a payé à la sueur de son front, à peur d'éradiquer un petit insecte ?
Je fronçai le nez, n'aimant pas lorsqu'elle parlait sur ce ton et de cette manière.
— Je sais que ce n'est pas dans tes codes d'agir de la sorte envers quelqu'un... Mais s'il faut que ce soit moi qui la foute dehors, je m'en charge volontiers. D'autant plus que je peux facilement la poursuivre en justice pour ce qu'elle t'a- Oh ! Bah je vais faire ça, tiens !
— Non Maman ! L'interrompis-je dans sa lancée.
— Comment ça, non ?
Du pouce et de l'index, je me frottai les yeux en soupirant. Je n'arrivais plus à réfléchir ni faire quoi que ce soit. La fatigue me tombait à nouveau dessus. Ce sujet ne me plaisait pas, je ne voulais pas en parler.
— Ce pays est trop patriarcal, articulai-je lentement. Zhu peut très bien profiter de la justice pour me poursuivre. Elle peut dire que je mens, et ce sera elle qui sera entendue ! Pas moi.
A l'autre bout de la ligne, ma mère lâcha un long soufflement. Je n'aimais pas parler de justice avec elle, parce que je savais qu'elle connaissait tout le code pénal sur le bout des doigts, ce qui me donnait l'impression de la prendre pour une débile en lui remémorant le but de son métier. C'était quelque chose que je détestais. Comme dans les animés japonais, lorsqu'un personnage décrit ce qu'il se passe dans une scène, alors qu'on la comprend sans difficulté. Une sensation d'être trop débile pour comprendre que le gentil est coincé dans les bras du méchant.
— Pourquoi crois-tu que je sois devenue avocate ? Enchérie-t-elle calmement. Pourquoi crois-tu que je relance des dossiers classés de femmes, ou d'hommes, qui n'ont pas eu la justice qu'ils devaient avoir ? Et il est hors de question que je ne défende pas mon propre fils ! Je n'ai pas réussi à en sauver un, et il est hors de question que ça recommence !
— Mais-
— Il n'y a pas de mais ! Son ton se fit plus dur. Je peux très bien la poursuivre pour tout ce qu'elle te fait d'autre, vol, diffamation, abus, et tout ce que tu me racontes sur elle ! Foutre dehors quelqu'un quand l'habitat est à ton nom est tout à fait légal, n'aies pas peur de ça.
D'une main, je tins mon téléphone et me tournai de l'autre sens sur mon lit, le regard désormais rivé sur le mur blanc de la chambre. Le reste de notre conversation, je ne cherchais plus à lui tenir tête. Elle avait raison. Je devais lui demander de partir, que je ne voulais plus d'elle, mais je ne sentais pas capable de faire cela. Une partie de moi pensait à ce qu'elle allait devenir ensuite, est-ce qu'elle avait trouvé un nouveau toit ? Est-ce qu'elle allait être triste ? Cette pitié que j'éprouvais pour elle malgré tout me rendait malade. Ma mère et Jimin argumentaient cette réaction par la peur de l'abandon ; je ne voulais pas faire subir à quelqu'un ce que j'avais subi. Et c'était vrai. Ma gentillesse me faisait défaut, alors que c'était la meilleure chose à faire.
Subitement, j'eus une illumination. Quand j'avais découvert que Maman savait des choses sur ce qu'il était devenu, elle avait parlé d'une raison inconnue qui l'avait poussé à rompre notre relation. N'étais-je pas dans la même situation ? J'étais à deux doigts de mettre quelqu'un à la porte, bien que les raisons ne soient pas similaires. Notre relation passée était parfaitement saine, alors que celle avec Zhu n'était que poison. Alors si je le savais, si j'étais conscient de la gravité de ses actes, pourquoi je n'étais pas capable de penser une seule seconde à ce qu'il se passerait si j'osais lui dire de partir ?
Peut-être que j'espérais toujours qu'un jour, elle s'en irait d'elle-même, qu'elle retournerait en Inde ou chez son Christopher, ou alors, qu'un jour, elle finirait par changer de comportement ? Je savais pertinemment que c'était trop beau pour que ce soit réalisé, que c'était demander la Lune. Oublier son avidité, sa méchanceté ? Il n'y avait que dans les films que c'était possible.
— Oh ! Au fait ! S'exclama ma mère d'un coup, un sourire se devinant facilement à ses lèvres. Tu as été en contact avec Jihyuk récemment ?
Son prénom sortant de nulle part, je fronçai les sourcils et m'assis dans mon lit, le dos contre les coussins.
— Pas depuis son mariage, pourquoi ?
Au bout du fil, elle baragouina quelque chose que je ne compris pas. Vu son enthousiasme, je n'avais pas à m'inquiéter de ce qu'il aurait pu avoir ; un accident, ou je ne savais quoi. Non, c'était une bonne nouvelle.
— Maya est enceinte !
D'un sursaut par suite de son cri, j'écartai mon téléphone de mon oreille et papillonnai des paupières. Mon tympan venait d'exploser. Le temps que l'information monte jusqu'à mon cerveau, Maman continua de sauter de joie grâce à cette nouvelle. Maya était la femme de Jihyuk, et ce depuis bientôt deux ans. Ils s'étaient mariés en Corée du Sud, de façon traditionnelle, comme le désirait la jeune mariée. Mes grands-parents d'Allemagne s'étaient déplacés, mes grands-parents maternels que je ne voyais jamais souvent, mes cousins, ma tante, des amis de mes parents, des amis de mon frère et de sa future femme, puis la famille de cette dernière, tout droit venue d'Australie. Malheureusement, je n'avais pas pu aller à son mariage malgré son invitation.
La raison était simple, j'étais encore coincé à l'hôpital psychiatrique. Les psychologues et les médecins n'avaient pas voulu me laisser sortir, et ce même une journée hors de ma chambre. Ma condition ne s'y prêtait évidemment pas vraiment, ce n'était pas facile de se déplacer en fauteuil roulant quand l'on avait aucune force, mentale ou physique. La seconde raison était encore plus simple, j'avais eu simplement peur d'y aller. Alors j'avais accepté le refus du personnel soignant. Je craignais de voir mon frère, de voir ses amis, de le voir lui. Est-ce qu'il y était allé ? Sûrement. Je ne savais pas. Maman ne m'avait rien dit sur ça, et je n'avais pas demandé. De ce fait, je n'avais encore jamais vu Maya, qui apparemment était une femme magnifique et pleine de tendresse.
Jihyuk n'était pas non plus venu me voir à l'hôpital après la fête. Peut-être s'était-il dit « donnant-donnant », même si cela me paraissait un peu trop immature. Quoique. Maman ne me parlait jamais de lui si je ne demandais pas, et je savais pertinemment qu'elle connaissait la réaction qu'avait eu mon frère en remarquant mon absence. Ignorance ? Dépit ? Je ne désirais pas savoir. En trois ans, depuis son retour en Corée pour le réveillon, il ne m'avait envoyé qu'un seul message, celui pour m'inviter à son mariage. Depuis, nous étions redevenus de parfaits inconnus.
— Enceinte ? Répétai-je en papillonnant des paupières une nouvelle fois.
— Ouii ! Il m'a appelé hier pour m'annoncer la nouvelle. Ils ont attendu de savoir le sexe du bébé pour nous le dire. Je vais être Mamie !
J'eus un léger sourire dû à son enthousiasme. Alors Jihyuk allait être papa. J'avais un peu du mal à y croire, c'était tellement soudain. Je ne voyais plus le temps passé depuis son départ en Australie, et me dire que dans quelques mois, une petite bouille viendrait bouleverser sa vie, me faisait extrêmement étrange. Une impression d'avoir été déconnecté durant un long moment, d'avoir fait un saut dans le temps, ou d'avoir manqué de lire les pages d'un chapitre.
Et malgré cela, je ne pouvais pas m'empêcher d'être content pour lui.
Neuf heures quarante-deux.
— C'est un garçon ou une fille, du coup ?
— Un petit bonhomme !
Surexcitée, elle commença à partir dans une tirade sur la nouvelle vie qu'allait débuter mon frère. J'appris qu'ils ne savaient pas encore comment appeler leur fils, mais que Jihyuk penchait sur un prénom allemand afin de rendre hommage à notre père. J'eus inconsciemment un sourire. Malheureusement, Maya n'était pas très partante pour un prénom dans cette langue, donc c'était encore en suspend entre l'anglais et le coréen. Son intention me mit malgré tout du baume sur le cœur.
Mais alors que son bonheur commençait à me colorer, une sensation étrange me comprima le cœur lorsque Maman articula ces mots :
— Tu vas être tonton !
☯︎
Quatorze heures cinquante-quatre.
Sans un bruit, j'ouvris la porte menant à la salle de montage de Mid Studio dans l'espoir de retrouver Elisio. Je ne l'avais pas vu depuis un petit moment, est-ce que je devais lui raconter ce qu'il s'était passé cette dernière semaine ? Est-ce qu'il allait deviner qu'il s'était passé quelque chose, comme à son habitude ?
Lentement, je m'avançai dans la salle et observai la dizaine de personnes concentrées sur leurs ordinateurs. De grands écrans étaient connectés à certains postes, surement les principaux où le film était mis bout à bout, et où se trouvait principalement les chefs monteurs. La pièce était très calme, quelques paroles étaient échangées entre collègues, une demande, un conseil, et toujours plongée dans le noir. Rare étaient les fois où j'avais vu cette pièce allumée quand ce n'était pas pour le ménage. Fronçant des yeux, je balayai du regard la salle et ne vis aucune trace d'Elisio, pas même une touffe de cheveux qui aurait pu être baissée vers un monteur pour discuter.
Ne voulant pas être de trop plus longtemps, je fis demi-tour et vis enfin la lumière du jour dans le couloir. Je ne savais pas comment ils pouvaient rester toute une journée dans le noir, à se tuer les yeux sur des écrans. Où est-ce qu'il pouvait être ? En pause ? Il aurait pris sa pause plus tôt ? En rendez-vous ? Malade ? il s'était passé tellement de choses cette semaine que je n'avais absolument pas pensé à prendre de ses nouvelles. Est-ce qu'il allait bien ?
Je brassai toutes les idées noires qui affluaient mon esprit et me rendis à la cafétéria, où il aimait prendre ses pauses. Certains regards se posaient sur moi, est-ce que je marchais trop vite ? Mon cœur battait à une allure folle, j'avais un horrible pressentiment. Arrêtez de me regarder. Qui a-t-il d'étrange quand une personne marche rapidement ? Ma tête se secouait de droite à gauche toutes les cinq secondes à chaque intersection de couloir dans l'espoir de voir un bout de ses cheveux. Mais rien. Il n'y avait que des employés se baladant, discutant, transportant du matériel, et aucune trace de mon ami.
Où était-il ?
En vitesse, j'entrai dans la cafétéria où pas mal de monde finissait de boire leur café avant de retourner travailler. Baissant la cadence de mes pas, je me faufilai entre les tables en parcourant du regard les moindres têtes que je pouvais voir. Absent. Pourquoi n'était-il pas là ? Quelque chose lui était arrivé ? Non, il ne fallait pas. Le brouhaha des lieux me donna une affreuse migraine que je dus rapidement sortir. Dos contre le mur de l'entrée de la cafétéria, je sortis mon téléphone de ma poche de manteau. Et si je le dérangeais ? Peut-être qu'il avait pris un jour de congé. Ou des vacances ? Non, il me l'aurait dit si cela avait été le cas. Dans ce cas, pour-
— Jungkook ?
D'un sursaut, je levai la tête de mon téléphone et tombai sur Jimin, me fixant d'un air légèrement inquiet.
— Tout va bien ?
Pris d'un élan de panique, je rangeai mon portable et je grattai l'arrière du crâne avec un rire nerveux.
— Je cherche Elisio, est-ce que tu l'as vu ?
Un ange passa avant que mon ami ne hausse un sourcil dubitatif. Puis soudain, une ampoule sembla s'allumer au-dessus de sa tête, comme s'il venait de se souvenir de qui je parlais.
— Il était là ce matin oui, me confirma-t-il. Je crois qu'il est parti ce midi car il avait un rendez-vous chez le médecin.
Un rendez-vous chez le médecin ? Oh non, est-ce qu'il faisait une rechute ? Non, il ne fallait pas qu'il retourne à l'hôpital. Brutalement, deux mains se posèrent sur mes épaules et je levai les yeux dans ceux de Jimin.
— Ne t'inquiète pas, ce n'est rien de grave.
Comment pouvait-il savoir ? Est-ce qu'il lui avait dit ? Ils se connaissaient, ou mon ami lui avait demandé la raison de cette visite ? Non, ce n'était pas possible, Jimin ne s'introduisait pas dans la vie de quelqu'un comme cela, et ce n'était pas poli, même interdit de demander pourquoi quelqu'un allait chez le médecin. Certaines personnes oubliaient l'existence de la vie privée et de la confidentialité. Depuis combien de temps je ne l'avait pas vu ?
Le dernier souvenir brouillé de lui que j'avais, était lorsque nous nous étions arrêtés dans un parc et qu'il soit parti en panique par oubli que sa mère devait venir chez lui. Oui, c'était la dernière fois que je l'ai vu. Ensuite, j'ai rencontré Seokjin. Combien de temps cela faisait-il ? Je ne me souvenais plus. Ma notion du temps était complètement déréglée.
— Qu'est-ce que tu fais là, d'ailleurs ? Me demanda-t-il en sortant son téléphone de sa poche arrière de pantalon.
— Je... M'ennuyais donc je suis passé ici, baragouinai-je, l'impression d'avoir commis une faute. Je me suis dis que je pourrais voir Elisio.
Jimin huma, les yeux se baladant autour de nous. Remarquant son comportement inhabituel, je fronçai les sourcils. Ce matin en partant il avait l'air plutôt d'humeur tranquille, pourquoi je le sentais stressé maintenant ? Le métier de producteur n'était pas tous les jours facile, comme tous les métiers en réalité. Entre attente, patience, et organisation, il suffisait d'être un peu fatigué pour devenir facilement fatigué.
— Je rentre plus tôt ce soir, on se commande un truc ?
« On commande ce soir ? »
D'un sursaut, je papillonnai des paupières et fixai Jimin. C'était un souvenir. Oui, il n'avait pas eu envie de cuisiner ce soir-là. Ce soir-là où je sortais sous la pluie, en fin de cours, et avais décidé de patienter sous l'abri bus avec mes amis. J'avais souris face ce message, qui fut malheureusement le dernier que l'on s'était envoyé. Non, ça portait malheur. Je n'avais pas faim, il ne fallait pas commander. Mais je ne pouvais pas décider. Il se dérangeait déjà pour m'héberger alors je ne pouvais que me plier à ses envies, je ne voulais pas l'embêter plus que ça.
— Oui, si tu veux.
Mauvais pressentiment. Pourquoi l'ambiance autour de nous me procurait une sensation étrange au creux de l'estomac ? Jimin n'était pas dans son état normal, il tapotait sur son téléphone à une vitesse hallucinante et levait les yeux quelques microsecondes vers moi à répétition.
— Hm... Du coup je vais rentrer, l'informai-je, gêné par l'atmosphère lourde.
— Oui. Oui d'accord.
Il eut un faux sourire qui aggrava mon inquiétude quant à son comportement. Bien qu'il allait sûrement m'en parler ce soir, au calme, devant la télévision où une série tournerait dans le vide, je ne pouvais pas m'empêcher d'être sceptique. Malgré cela, je fis comme si de rien n'était en décollant mon dos du mur pour le contourner, toujours scotché à son téléphone.
— A ce soir, me fit-il quand je commençai à m'éloigner.
Automatiquement, je me retournais, et perdis le léger sourire qui était apparut au même instant. Sa silhouette était déjà loin dans le couloir, dos à moi, le portable à l'oreille.
— A ce soir...
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