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WARNING : je vous rappelle que cette histoire est en catégorie mature. De ce fait, il peut y avoir des scènes dures pour certain.es. Bien sûr, je déconseille fortement de reproduire ce que font/tentent les personnages.


passez une bonne lecture <3

-traylexe, qui a encore oublié les 18h
et qui s'en excuse







~~~~~









Regarde ce que tu as fait, Jungkook.

Un ricanement retentit à mes côtés, et du coin de l'œil, je le vis, le visage excité par ce qu'il se jouait devant lui, comme s'il le revivait après des années sous chaines.

Ne serait-il pas temps d'abréger ses souffrances ?

Je lâchai un long soupir, épuisé. Les yeux entrouverts de Mina se tournèrent dans ma direction d'une lenteur affolante pour me regarder une dernière fois. A travers ses pupilles dilatées, elle me suppliait de l'aider. Je me souviens de son dernier effort, sa main la plus proche de moi s'était levée et s'était dirigée vers mon bassin. Par la suite, je ne savais plus si j'étais tombé au sol à cause du choc, ou si je m'étais accroupi pour sortir un révolver de sous le lit.

Silencieuse, constante, l'eau continuait de couler. Des ruisseaux parcouraient mon corps, descendaient de la tête aux pieds, gouttelaient depuis mes cheveux, le visage en direction du sol. Les bras ballants, l'esprit perdu dans le vide, des images défilant à une allure affolante devant moi, j'étais à nouveau pris dans mes souvenirs. A vrai dire, je ne savais même plus ce qui était vrai. Quelles étaient les bonnes et fausses images ? La chute, ou le révolver ?

Un léger ruisseau rouge coulait de ma main droite, que je levai lentement, la paume ouverte. Les gouttes diluaient le sang, le faisaient déborder de ma paume puis disparaitre à mes pieds. Je bougeai les doigts, le regard vide fixé sur eux. Du sang sec datant de la veille restait coincé sous mes ongles. Privé de force, je laissai ma main retomber le long de mon corps. Mes muscles me tiraient au moindre mouvement et il m'était impossible de parler, de déglutir ou de respirer sans que ma gorge ne me lance.

Cette nuit avait été l'une des pires que j'avais pu passer en deux ans. Cauchemars, réveils brusques toutes les trente minutes, paralysie du sommeil, j'étais épuisé à un point où tenir debout était un véritable calvaire. Mon cœur tambourinait dans mon crâne, ma vue se flouait quand je bougeais rien qu'un peu, je ressentais une vive douleur lorsque quelque chose frôlait ma peau, j'étais frigorifié. Pourtant, de la vapeur s'évaporait de la douche à cause de l'eau bouillante.

D'un reniflement, mes yeux sortirent du vide pour observer mon corps. Une sensation de malaise me prit et je dus fermer les yeux quelques instants. Je n'arrivais plus à me regarder. Les innombrables cicatrices qui marquaient ma peau étaient tout simplement répugnantes. Toutes dataient de mon accident dans le fleuve Han, à cause des bouts de verre qui s'étaient incrustés et qui m'avaient valu plusieurs heures en salle opératoire. Par chance, celles au visage s'étaient bien regénérées, mais celles aux jambes, aux hanches, et aux bras me donnaient envie de vomir à chaque fois que je me regardais. Je n'arrivais pas à les accepter. Bien qu'elles s'effaçassent petit à petit, elles étaient marquées au fer rouge sans possibilité de revenir à ma peau d'origine. Même une opération ne pourrait pas me rendre mon corps comme j'avais appris à l'aimer, autrefois. Cette carapace dans laquelle j'étais paralysé depuis deux ans me rendait complètement fou.

Brutalement, mon regard partit sur la petite étagère qui longeait la douche.

Fais-le.

Les lames brillaient sous les lampes de la salle de bain.

Fais-le.

Je l'avais dans la main, entre cinq doigts qui le serrait tellement fort que mes phalanges en devenaient blanches.

Fais-le.

Il me chuchotait à l'oreille, placé derrière moi, son ombre reflétée dans le mécanisme de la douche.

Fais-le.

Tremblant comme une feuille perdue dans la tempête, je posai l'objet sur mon avant-bras. Un spasme me prit subitement.

Fais-le.

J'appuyai. Fort. Ma vue devint une nouvelle fois floue, mais cette fois-ci, floue de larmes qui se mirent à couler à flot. J'en avais marre. Je n'en pouvais plus.

Ne le fais pas.

Le rasoir tomba au sol. Le sang ne coulait pas. Une tâche rougeâtre commençait à apparaitre. L'ombre derrière moi avait disparue. La voix n'était pas la même. C'était comme un écho, lointain, d'une voix que j'avais aimé écouter autrefois. Malheureusement, je ne me souvenais déjà plus de son intonation, ni à qui j'avais pensé. Tout ce que je voyais, était l'objet coupant que j'avais lâché à l'entente de cette voix. Un ricanement nerveux me prit soudainement.

Les mains tremblantes, l'eau et les larmes brouillant la vue, sur le qui-vive, mes jambes finirent par se dérober sous mon buste. Sous le jet continuel de la douche, assis contre la paroi, je fondis en larmes, hurlant à me détruire encore plus la gorge. Une terrible et insupportable douleur traversa mon âme, et malgré cela, je continuais, car c'était tout ce que j'étais capable de ressentir.



☯︎


Dix heures cinq.

— Je n'aime pas le faire, avoua-t-il. Mais ma patience à des limites Jungkook, je veux bien te laisser du temps avant que tu ne m'avoues les choses, mais je pense qu'il s'est écoulé Samedi.

Je me souviens acquiescer mollement comme seule réponse. Nous étions dans un grand hall, assis sur un canapé, le temps était gris à travers les fenêtres, quelques élèves passaient plus loin. Leurs images restaient floues, des mirages qui disparaissaient rapidement si l'on bougeait. Une atmosphère coléreuse me tournait autour, la voix de la personne à mes côtés résonnait, je ne pouvais pas tourner la tête pour voir son visage.

Je fermai les yeux en l'entendant soupirer. L'amertume me prit. Lorsque je les rouvris, je me vis, assis sur le canapé, les deux mains serrant une cannette de soda. Je lui racontais trois crises auxquelles il avait assisté, n'osant pas le regarder. Ce dernier était installé en travers sur le sofa, une jambe pliée dessus, la chaussure dans le vide. Ses cheveux d'or s'agitaient lorsqu'il passait sa main à travers. Seulement, ses yeux étaient recouverts d'un voile noir, flou, qui m'empêchait de voir ses expressions. L'écho recommença :

— Dès le début, j'ai su que tu n'étais pas comme les autres. Constamment à craindre ce qu'il y a autour de toi, toujours sur le qui-vive, prendre quelque chose qu'on te tend avec angoisse. Cette phobie de m'étonne pas.

Je ne me souvenais plus du timbre de sa voix. Lorsque je me voyais répondre, je ne m'entendais pas. Pendant de longues minutes, la parole était à moi, je lui racontais mes vacances chez ma mère. Ces vacances dont je n'arrivais pas à me remémorer une seule image, un seul son, une seule odeur. Peut-être que le son de ma voix ne me parvenait pas, mais je pouvais entendre les battements frénétiques de mon cœur qui ne faisaient que de s'accélérer au fur à mesure que les mots sortaient. Une sorte de sourire tirait mes lèvres.

Les bras ballants, je m'observais. Je ne me reconnaissais pas. Ce jeune adulte, qui contait une histoire avec le sourire, les yeux remplis d'étoiles, la joie refoulée malgré la colère apaisée, était quelqu'un d'autre. Je ne rêvais seulement de l'une de mes vies antérieures, ce n'était pas possible que quelqu'un change autant. Une larme dévala ma joue. Non, c'était bien réel. C'était bien moi, celui qui redécouvrait peu à peu le goût à la vie grâce à ceux qui l'entouraient. C'était bien moi qui s'impatientait chaque soir pour aller travailler au restaurant, qui souriait et réussissait même à éclater de rire dans les mauvais moments ; au repas d'entreprise. C'était bien moi qui avais eu l'audace de faire quelques bêtises pour faire gueuler quelqu'un, et c'était bien moi, ce jour-là, aux côtés de mon meilleur ami, qui avoua à voix haute ;






Je suis tombé amoureux de lui.



— Imagine que je veuille t'offrir un cadeau et tu as le choix entre une rose, et un rhipsalidopsis. Qu'est-ce que tu choisis ?



☯︎



— Jungkook !

Brutalement, j'ouvris les yeux d'un sursaut et broyai un biscuit qui se trouvait dans ma main. De la vapeur me réchauffait le visage et en levant le regard, je tombai sur Zhu, la bouche pleine, qui me fixait d'un air inquiet. Ses mouvements s'étaient stoppés, une tartine de nutella à moitié entamée et bloquée à l'entrée de sa bouche. Elle la posa et voulu poser sa main sur la mienne, que je retirai d'un coup, sans avoir eu contrôle. Ses sourcils se froncèrent.

— Où est-ce que tu étais parti ? Me demanda-t-elle. Je t'ai appelé plusieurs fois.

Ma gorge me lança subitement et j'eus du mal à déglutir sans qu'elle ne me fasse souffrir le martyr. Un malaise me prit, j'avais l'impression d'être resté trop longtemps dans les montagnes russes et que tout était prêt à sortir au moindre instant. Je ne me sentais pas bien. Est-ce que le chauffage avait été activé ?

— Bordel, tu es tout blanc.

J'eus un mouvement de recul automatique en voyant à nouveau sa main s'approcher de mon front. Ses cheveux noirs, relevés en une queue de cheval haute tombaient sur ses épaules dénudées. Je remarquai alors qu'elle était habillée légèrement, avec un simple haut à manche longue, qui ne devait pas tenir très chaud. Comment faisait-elle ? J'étais frigorifié.

Une énième fois, je me reculai lorsqu'elle voulut à nouveau essayer de prendre ma température.

Neuf-heures trente-et-une.

Zhu continuait de froncer les sourcils. La colère m'envahit soudainement, il m'était insupportable de la regarder plus de trois secondes avec son air faussement inquiet.

— Qu'est-ce qu'il se passe Jungkook ? Fit-elle d'un ton qui se voulait hautain. Hier soir tu rentres tard, tu craches tes poumons, ce matin tu te mets à hurler sous la douche, et là tu es complètement ailleurs !

Sous la table, je serrai les poings. Je ne supportais plus ses réflexions.

— Vu comme tu toussais hier, tu devrais aller voir un méde-.

— Fo-us moi la p-aix, la coupai-je d'une voix faible et cassée.

Immédiatement, je me tins la gorge à cause de la douleur. Un feu me brulait les poumons, tout se resserrait au point où je manquai de suffoquer. L'envie de tousser me démangea, mais je fis tout pour me retenir, même si cela me provoqua des décharges dans le corps. Ma tête me tournait et, ma toux semblant s'apaiser, je la pris entre mes mains pour ne plus avoir cette sensation de tomber à tout moment. J'avais l'impression que l'on m'avait drogué par un nombre incalculable de substances.

— Jungkook bon sang, reprit-elle. Je m'inquiète vraiment pour to-

— Je n'ai p-pas besoin de ta pitié !

Mon poing frappa avec force la table à manger, la faisant sursauter d'un léger cri. Je ne sais pas si j'avais hurlé, chuchoté, quel ton j'avais employé pour lui couper la parole une seconde fois. Chaque mouvement était une véritable torture, et pourtant, je finis par me lever de ma chaise, et, titubant, partis pour la mezzanine. En pleine montée, j'avais du mal à rester debout, à voir correctement où je mettais les pieds et manquai de trébucher en arrivant à l'étage.

Putain.

En vitesse, j'enfilai un sweater blanc, un pantalon noir, une paire de basket Nike et redescendis, toujours sous la menace de tomber à tout moment. Je me forçais à marcher droit, à tenir debout malgré le manque d'air. Je n'avais même pas terminé de boire mon thé, et lorsque Zhu m'en fit la remarque, je disparus dans le couloir sans rien répondre. Il fallait que je sorte d'ici. Même si mon crâne me faisait un mal de chien, que je peinais à marcher droit, que mes idées n'étaient pas à la bonne place, je ne supportais plus être dans cet appartement. Voir Zhu me hissait le poil, me procurait une colère monstrueuse, et ses réflexions à tout va me rendaient complètement fou.

Vêtu de mon manteau et d'une écharpe, je vérifiai si j'avais mon téléphone et mon badge dans mes poches.

— Jungkook, à pas lent, elle s'approcha de moi. Où est-ce que tu vas ?

Je toussai.

— Je s-sors.

— Dans cet état ?! Tu ferais mieux de rester de reposer...

Un instant, je levai les yeux vers elle, quelques secondes, sans rien dire. Oui, je voulais rester et disparaitre toute la journée dans mon bureau à me rendre malade de médicaments. Non, je ne voulais pas rester à cause de sa présence et du manque d'oxygène dans cet appartement. Une nouvelle fois, je ne lui répondis pas, fermai mon manteau et ouvris la porte d'entrée. Soudain, je me stoppai, le dos tourné à elle.

— Je...

Ma bouche se ferma. Un long soupir retentit dans le couloir de notre étage. Puis sans un mot de plus, je fermai la porte, Zhu n'essayant pas plus de me retenir.



☯︎


Dix-heures vingt-six.

Je ne savais pas où j'allais. Je prenais les petites ruelles, bondées comme abandonnées. L'air frais décollait mes poumons, détendait mes muscles et apaisait la douleur à ma gorge. Ce qui ne me rassurait pas, était ma respiration sifflante qui s'aggravait de jour en jour. Je n'étais pas encore aller chercher les médicaments que m'avaient prescrit le médecin, ni même avait pris rendez-vous pour les examens que je devais passer. Cela faisait combien de temps ? Une semaine ? Deux ? Je ne me souvenais plus. L'ordonnance était encore dans mes mails, et en passant devant une pharmacie, je m'arrêtai.

Mon regard se balada à l'intérieur. Il y avait du monde, principalement des personnes âgées, me décourageant à entrer. De plus, je me rendis compte que je n'avais pas pris d'argent, ne serait-ce qu'un peu de liquide ou ma carte bancaire. Je repris donc mon chemin. Tant pis, cela allait attendre une prochaine fois. Quel jour étions-nous ? Jeudi ? Vendredi ? Je ne pouvais pas appeler Maman, elle était sûrement en plein travail à cette heure. Alors je continuais à marcher, à observer le monde qui se trouvait autour de moi.

Il y avait très peu d'enfants et d'adolescents, tous à l'école, en plein contrôle ou en plein exercice. La plupart des passants partaient pour le boulot, allaient faire des courses, faisaient un jogging matinal, se rendaient au marché extérieur dans lequel j'entrai. Mon poisson, il est beau mon poisson ! Clémentines fraichement cueillies ! Quelle bonne odeur mon fromage ! Les marchants attiraient les foules en criant à moitié, certains mordaient à l'hameçon, d'autres passaient leur chemin sans même un regard. Plus je m'avançais dans le marché, plus le monde grouillait.

— Tu as entendu la nouvelle ?

De multiples discussions.

— Mon fils a eu un accident hier.

Des mauvaises nouvelles.

— Vous venez manger ce soir ?

Des projets.

J'étais dans une ruche. Les vagues d'abeilles ne cessaient de croitre et le bourdonnement de leurs ailes me fracassait le crâne. Petites, grandes, costaux, fines, vieilles, jeunes, elles étaient toutes différentes.

Silencieux, la marche lente, j'observais tout le monde. Je me surpris à apprécier ce moment, même si ma tête était prête à exploser à cause du bruit infernal. Cela faisait longtemps que je n'avais pas ressenti cette quiétude, comme si jamais rien ne s'était passé. Peut-être était-ce la fatigue qui me faisait penser cela, et ce n'était pas désagréable, au contraire. Mes yeux étaient lourds, pouvaient se fermer d'un instant à l'autre, mais je voulais continuer de marcher à travers la foule.

— Tu as lu ce livre ?

En passant devant un stand où se tenait d'innombrables romans de tout genre, de mangas, de bandes dessinées, je m'arrêtai. Deux jeunes adolescentes, à l'uniforme lycéen, regardaient ce que le marchant proposait. L'une d'elle tenait un livre que je reconnus immédiatement; Exister Autrement. C'était la première fois que je voyais quelqu'un tenir l'un de mes romans autre que ma mère.

— Non, répondit son amie, il est bien ?

Elle acquiesça frénétiquement la tête avec un large sourire.

— Il est génial ! Je suis sûre que tu pourrais l'aimer. L'auteur a publié d'autres livres, son regard chercha ceux-ci dans les piles disponibles, il n'y en a pas un seul que je n'ai pas aimé. En plus, il en sort un nouveau bientôt, je l'ai déjà précommandé !

L'autre lycéenne prit le roman des mains de son amie et lu le résumé. Pendant ce temps, cette dernière continuait de faire des éloges sur mon style d'écriture, racontait que son adaptation en film était tout aussi bien mais qu'elle préférait quand même le livre, ainsi de suite. Jusqu'à ce qu'elles partent, son amie avec mon roman entre les mains, je continuais de les écouter. Mon cœur se sentait léger. Pourtant, entendre une multitude de compliments ne m'avait pas forcément fait extrêmement plaisir, cela ne m'avait fait ni chaud ni froid. Seulement, ce qu'il me resta en tête après leur départ ; était le sourire de la jeune fille. Ce sourire sincère, plein de dents, qui n'avait cessé de croitre au fur et à mesure que son amie s'intéressait au livre qu'elle avait pleinement apprécié.

Soudain, alors que je suivais du regard les deux jeunes lycéennes s'enfoncer à travers la foule, une ombre me fit manquer un battement de cœur. Une ombre que je reconnus immédiatement. C'était lui.

C'était lui.

En vitesse, je me mis à sa poursuite.

C'était lui.

Je ne voyais pas son visage, il disparaissait toujours derrière quelqu'un ou quelque chose à chaque intersection. Des cheveux ondulés, aussi sombre que l'or noir, une chemise moutarde sans le moindre pli de repassage, un pantalon noir qui lui taillait parfaitement. Il n'y avait aucun doute, c'était lui.

La respiration sifflante et saccadée, je suivais ses pas à travers la foule, j'évitais chaque personne que je ne prenais pas le temps de regarder. Malheureusement, aucun son ne sortait de ma gorge. Je voulais hurler son prénom. Mais je ne m'en souvenais plus. Comment s'appelait-il ? Quelles étaient les syllabes que j'avais aimé prononcer ? A cause de la marche rapide, mon corps étaient pris de coup de douleurs insupportables et ma tête me faisait tellement mal que je peinais à garder les yeux ouverts. Un sentiment de terreur m'enveloppa.

Quand je tournai dans une rue, il était déjà à l'intersection suivante et disparaissait à gauche ou à droite. Petit à petit, le marché et ses stands de nourritures et accessoires étaient de moins en moins fréquents. Les passants me regardaient d'un drôle d'air lorsque je passais rapidement à côté d'eux en manquant d'en renverser certains. Je n'avais pas le temps de m'excuser. Il était là, pas loin, à quelques mètres que je n'arrivais pas à franchir.

Dans les grandes rues, il se cachait devant les passants, et réapparaissait plus loin. Comment faisait-il pour se déplacer aussi vite ? Il fallait que je le rattrape. Aucun son ne sortait toujours de ma gorge nouée, et, le cœur battant, des bouffées de chaleurs brutes, je sentis des larmes couler sur mes joues. Ce n'était pas réel.

Au croisement suivant, j'eus l'impression de m'être rapprocher.

C'était réel.

Les voitures créaient le vacarme du diable, ma vue se flouait de plus en plus et mes poumons se remplissaient de sable brulant. J'avais dû mal à respirer, mais je ne devais pas m'arrêter. Il ne fallait pas que je m'arrête, peu m'importait le prix à payer à la fin.

Il était là.

Soudain, au bout d'une rue, il s'arrêta, dos à moi. Une lueur d'espoir brilla en moi et j'accélérai le pas. Il était là. Il était là.

Dix mètres.

Ses cheveux noirs virevoltaient en fonction du vent, sa carrure n'avait pas changée.

Cinq mètres.

J'ouvris les bras. Sa chemise moutarde lui allait toujours aussi bien. Je fermai les yeux. Trois, deux. Et je l'enlaçai.








Vide.








Je me stoppai, les deux mains sur mes épaules, tremblant comme une feuille. Il n'était pas là. Il n'y avait rien dans mes bras. Il avait disparu, comme un mirage, une illusion, un fantôme. La terreur me paralysait, je n'osais plus bouger d'un seul millimètre au risque de tomber. Le froid me rongeait, je ne voyais plus rien devant moi, les couleurs prenaient des formes diverses et, d'un seul coup, je fondis en larmes, pris de spasmes.

Je devenais complètement fou. Mon corps et mon âme saturaient. Je savais depuis le début que ce n'était pas réel, pourquoi m'y étais-je accroché ? L'illusion de mon cœur ne suivait pas les souvenirs de mon esprit. La honte me prit. Poursuivre un fantôme, il n'y avait personne pour faire cela. Malgré cela, malgré cette honte qui m'emparait progressivement, je fus déçu. Pas une seule fois, une seule seconde, je n'avais vu son visage. En voulant me remémoriser son image, rien n'en sorti. Je ne me souvenais plus de ce que j'avais vu. De quelle couleur étaient ses habits, ses cheveux, sa peau, tout avait disparu comme si rien n'avait existé. Ni même son prénom.

J'avais oublié son prénom. Comment s'appelait-il ? Il m'était impossible de réfléchir à cause du bazar phénoménal que devenait ma tête. Oublier était ma plus grande peur, et plus les jours passaient, plus je plongeais dans cet abîme effroyable qu'était l'oubli. Les souvenirs étaient tout ce qui me maintenait en vie, comment pouvais-je faire si tout venait à disparaitre sans crier garde ?

Quelque part. Où étais-je ? L'odeur de la pollution atmosphérique me brulait la gorge. Je baissai les bras en soupirant. Puis je m'essuyai le visage avec ma manche, reniflant. Lentement, les larmes retirées de mes yeux, je regardais autour de moi. Un hoquet me prit lorsque je reconnus la rue, et l'immense bâtiment qui se tenait devant moi, de l'autre côté de la chaussée. Mid Studio. J'avais atterri devant Mid Studio. Pourquoi s'était-il arrêté ici ?

Tourant à répétition la tête de droite à gauche, je ne le voyais plus. Derrière un passant, à une intersection, il n'était plus là. J'eus un rire mauvais. Cette situation, tout ce qu'il venait de se passer me rendait euphorique. C'était n'importe quoi. Cela n'avait aucun sens. En deux ans, c'était la première fois qu'il se passait un phénomène de ce genre. Je secouai la tête pour tenter de reprendre mes esprits, bien que je faillisse perdre l'équilibre, puis poussai un long soupir.

Encore trop de questions tournaient dans ma tête. Certaines plus inquiétantes que d'autres, et j'essayais de refouler l'effroi qui me rongeait depuis l'instant où je m'étais rendu compte que j'avais oublié son prénom. Seulement, c'était beaucoup plus facile à dire qu'à faire. Mon corps tremblait sans arrêt, j'avais extrêmement froid, chaud, ma vue se flouait encore, une impression d'être complètement déconnecté de la réalité. Lentement, je levai la tête vers l'enseigne de Mid Studio. Il fallait que je lui parle.


Onze-heures dix-neuf.

Une forte douleur à la poitrine, je me tins au mur d'une main, l'autre contre mon cœur. Le couloir était vide, les salles de montage n'étaient pas loin, il me fallait juste encore un dernier effort avant de le revoir. J'avais besoin de lui raconter ce qu'il venait de se passer. Seulement, mes muscles n'étaient pas du même avis. Un camion me passait sur les poumons à chaque respiration qui prenait le rôle d'un sifflet lors d'une compétition. J'étais oppressé, les murs semblaient se rapprocher de plus en plus, le plafond se baissait avec l'intention de m'écraser comme un vulgaire insecte. Chaque mouvement devenait un véritable supplice, et je finis par me mettre par respirer par la bouche pour tenter d'avoir plus d'air. Suant, tremblant, haletant comme un animal, je sentais mes jambes se dérober sous mon buste et une vive douleur me traversa.

Devant moi, le sol était vertical, les murs horizontaux, ma peau se remplit de frisson et quand tout devint noir, quelqu'un m'appela au loin.


☯︎


— Tu sais, aujourd'hui à l'école j'ai appris un truc.

Intrigué, je tournai la tête vers Jihyung, perché à ma fenêtre de chambre. Il avait bientôt fini sa glace. Dehors, les lumières de la rue étaient éteintes, il faisait doux, des cigales et hiboux chantaient au loin, et le ciel était clair. Papa et Maman étaient en bas, en train de regarder la télévision.

— Apparemment, quand on regarde les étoiles la nuit, on voit le passé.

En continuant de manger ma glace à la vanille, je fronçai les sourcils.

— Les étoiles sont tellement loin que leur lumière nous atteint encore, alors que peut-être qu'elles sont mortes depuis longtemps.

— Ca meurt, les étoiles ?

Du coin de l'œil, mon grand-frère m'accorda un regard enthousiaste. J'aimais bien ce genre de moment où il me racontait ce qu'il apprenait à l'école. Je ne pouvais pas lui dire ce que moi, j'apprenais, parce qu'il savait déjà tout. Ses pieds pendant dans le vide, les fesses contre le rebord, il continuait de déguster son sorbet à la menthe.

— Ouais, soit elles s'éteignent, soit elles explosent.

Je fis une grimace qui le fit ricaner. Puis, du doigt, il pointa une étoile parmi la multitude qui ornait le ciel noir.

— Celle-là, par exemple, peut-être qu'elle est morte il y a cent ans, mais elle est tellement loin qu'on la voit encore, parce que sa lumière ne s'est pas éteinte. Et elle sera peut-être encore là dans cent ans.

Je ne savais pas de quelle étoile il parlait, ni pointait, mais je l'observais parler, en finissant ma glace. Ce n'était pas rare que les soirs, ne trouvant pas le sommeil, nous allions dans la chambre de l'un l'autre pour parler, ou pour regarder le ciel. La plupart des matins, on se réveillait dans le même lit, tombés de fatigue pendant une discussion.

— C'est le souvenir d'elle qu'elle laisse, chuchotai-je, les yeux levés vers l'univers. Elle nous dit ; eh ! ne m'oubliez pas, je suis là ! Un peu comme quand quelqu'un meurt, et que les fantômes viennent rendre visite à leur famille.

Intrigué, Jihyung tourna la tête vers moi, et me sourit en acquiesçant mes paroles. Papa et Maman disaient souvent que nous étions des enfants hors du communs, car au lieu de jouer aux voitures, on préférait apprendre par l'un et l'autre. Il n'empêchait que nous avions aussi des envies de jouer aux jeux de notre âge, mais il y avait des soirs où, comme Papa le disait, on se réincarnait en Socrate et Platon. L'un parlait, l'autre mémorisait pour le retranscrire plus tard.

— Est-ce que tu penses que les fantômes peuvent aider quelqu'un ? Lui demandai-je en jetant mon bâton de glace dans la poubelle, juste en dessous de la fenêtre.

Jihyung fit la même chose que moi, puis réfléchit une dizaine de secondes à ma question.

— Je pense, me répondit-il d'un murmure. Tu sais, j'ai déjà entendu des gens dire que quelqu'un de décédé les avait aidé à retrouver quelque chose, un objet, ou même les avait protégés. Ou même, qu'il les avait emmenés quelque part, un lieu ou un truc comme ça.

Une nouvelle fois, je fronçai les sourcils, ne comprenant pas vraiment ce qu'il disait.

— Tu sais Mamie, il me jeta un coup d'œil et je haussai la tête, comprenant qu'il parlait de notre grand-mère d'Allemagne. Eh bien un coup, quand elle était venue ici, elle m'a raconté qu'un jour, son Papa l'a protégé.

Intéressé, je mis en tailleur, lui de profil, les yeux levés vers le ciel.

— Ça faisait pas longtemps qu'il était mort, et un jour, elle avait voulu prendre la voiture pour aller en ville. Sauf qu'elle démarrait pas, alors que tout allait bien le jour d'avant. Mamie m'a dit qu'elle s'était battue avec la voiture pendant au moins une dizaine de minutes, jusqu'à ce qu'elle démarre enfin. Et quand elle est passée sur la route qu'elle devait prendre pour aller en ville, il venait d'y avoir un gros accident avec plusieurs morts.

Etonné, mes lèvres formèrent un petit cercle et laissèrent passer un petit son.

— Peut-être que c'était juste une coïncidence, continua-t-il, mais Mamie était sûre que c'était son Papa qui l'avait protégé de l'accident. Du coup, moi, quand je serai mort, j'aimerais être comme ça, être un gentil fantôme qui protège !

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