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— La personne que vous essayez de joindre est actuellement indisponible. Veuillez...
Je raccrochai. Je me doutais bien que j'allais tomber sur sa messagerie. J'avais dû demander le numéro de mon frère à ma mère, je ne l'avais pas. De toute façon, pourquoi est-ce qu'une personne comme lui allait répondre à un numéro inconnu ? Avec la vie qu'il menait en Australie, il n'en avait rien à faire d'un petit appel de rien du tout, surtout venant de son petit frère.
Je soufflai d'agacement, cette histoire de connaissance entre mon probable patron et un membre de ma famille auquel je n'avais plus aucun contacte depuis des années me travaillait depuis quelques jours. J'avais envie de savoir, et j'avais beau chercher comment ils pouvaient se connaître, je ne voyais aucune raison. D'autant plus que le sentiment de déjà-vu à propos de ce Taehyung m'agaçait encore plus. Je me massai les yeux, je n'arrivai pas à me rappeler où est-ce que j'avais pu le rencontrer.
J'abandonnai, tout ce remue-méninge me donnait mal au crâne.
Concernant mon admission au café, je n'avais pas encore eu de nouvelles, alors comme mes soirs étaient encore vides, j'en profitai pour m'avancer un maximum dans mon travail, surtout en termes de scénario. Car oui, il ne s'était écoulé que deux semaines même pas, depuis la rentrée et j'étais débordé de travail. Surtout lorsque le professeur de pratique annonçait que pour les partiels semestriels, il allait falloir présenter un long-métrage de minimum vingt-minutes à un jury. Partiels qui se déroulaient fin mars, ce qui laissait une marge de cinq mois.
PARK JIMIN :
Finalement je suis libre après les cours de cet après-midi, on ira à la bibliothèque de l'école pour bosser le scénario ?
JUNGKOOK :
Ca me va.
Une obligation : travailler en groupe, mon pire ennemi. Mais Jimin avait l'air vraiment investi dans l'art du cinéma, ce qui me rassurait énormément. Même si sur ce plan là j'étais très perfectionniste, avoir un avis et une aide extérieure passionnés par la même chose pouvaient être très bénéfique. Même si encore une fois, j'avais plus tendance à apprécier le travail personnel. Je savais que plus tard, si j'arrivais à entrer dans une agence de cinéma, le travail commun allait être une évidence. C'était pour cela, que pour ce projet, Jimin et moi allions travailler ensemble afin de réussir le mieux possible ces partiels.
Un long métrage à faire en cinq mois à deux et un court-métrage à réaliser tous les quinze jours avec la classe, je n'allais jamais m'en sortir. Mais j'aimais ça. J'aimais le fait d'avoir beaucoup de travail.
En ce moment avec la classe, on travaillait sur une simulation de chaine d'informations annonçant des manifestations contre le gouvernement américain. Pour ce premier travail, j'avais été choisi comme caméraman. Pour l'instant, nous avancions sérieusement avec les autres élèves. Et il le fallait, car nous n'avions que tente heures pour réaliser cette simulation. Deux semaines avec trois heures tous les jours.
Douze heures trente-et-un.
Je m'étirai du haut de mon matelas. Ce midi, j'étais rentré chez moi même si je n'avais qu'une heure de repos tous les jours. Je n'avais donc pas le temps de faire grand-chose mais cela me permettait de reposer mon esprit pour les trois heures de travail intensif qui allait s'abattre dans moins d'une demi-heure. Et puis, le menu que proposait le restaurant de l'école ne m'avait pas chanté, autre raison de pourquoi j'étais rentré.
Un soupir et je louchai sur mon plafond blanc. Vide.
☯︎
— Bon commençons par le commencement, est-ce que tu as des idées de scénario ?
Après nos cours pratiques, nous nous étions rendus comme prévu à la bibliothèque de l'école. C'était vraiment un très grand endroit à trois étages qui regorgeait de savoirs; un pour l'histoire du cinéma dans le monde ainsi que tout ce qui y liait, un avec une centaine de tables de travail et un accès à beaucoup d'ordinateurs, et le dernier qui réunissait le reste, soit des livres sur la pratique, sur les métiers et bien d'autres. C'était gigantesque.
Pour être totalement tranquille, nous nous étions installés avec Jimin à la table la plus reculée du reste. Là, nous avions déballés toutes nos affaires, nos ordinateurs personnels, une dizaine de clés USB, et une trentaine de dossiers comprenant, pour ma part, toutes les histoires et scénarios que j'avais écrits depuis le premier jour où j'avais aimé inventer et produire. Soit, j'avais des archives qui remontaient à une dizaine d'années, et j'avais toujours tout gardé pour mes projets lorsque je serai véritablement dans le monde du cinéma. Du côté de Jimin, je ne savais pas exactement ce qu'il avait apporté, mais je n'avais aucun doute que cela devait être réfléchi. Une trentaine de dossiers pour moi, trois classeurs débordants pour lui, je pensais que nous étions à peu près égaux en termes d'invention.
Je pris un de mes dossiers de couleur verte, année deux mille dix-huit et le lui tendis.
— J'ai écrit cette histoire l'année dernière, elle n'est pas mise en script mais je trouverai intéressant de la produire. Il ouvrit la pochette, et feuilleta toutes les pages.
— Qu'est-ce que ça raconte ? Je croisai mes mains devant moi.
— Pour faire très rapide, c'est un jeune lycéen qui couche avec pratiquement toute l'école, mais au bout d'un moment, il en a marre. Un jour une nouvelle arrive dans la classe et ce qui va l'attirer à elle, c'est le fait que cette fille ne parle à personne, est souvent absente, et ne cherche pas à s'intégrer.
— J'allais dire que c'était très cliché mais ça devient intéressant.
— J'aime déformer les clichés. Il me fit un large sourire amusé. Bref, c'est une histoire que ma mère a lue et elle la trouvée absolument magnifique. Car même si elle est très triste à cause de la maladie, la sclérose en plaque dont est atteinte la nouvelle élève, il y a une confiance et une promesse mutuelle entre les deux personnages qui fait naître des liens. Comme tu t'en doutes, le garçon s'est rapproché de cette fille à cause de la curiosité et surtout d'une lettre qui a fait qu'il a voulu lui faire vivre son dernier mois dans le bonheur.
— Je suppose que ça se termine sur la mort de la jeune fille, et que les promesses ont été tenues.
— Exactement, acquiesçai-je, et elle lui laissera une lettre d'adieu pour le remercier de ce qu'il a fait pour elle.
— C'est vraiment très intéressant, j'aime énormément, je souris. Et tu as une après fin ou pas ?
— J'ai deux versions, donc à toi de me dire laquelle tu préfères.
— Je t'écoute.
J'étais vraiment heureux de partager pour la première fois un travail dont j'étais très fier, et je pensai que cela s'entendait dans le ton de ma voix.
— Dans la lettre, la fille lui dit d'avoir un bon travail, de fonder une famille ainsi que de découvrir de nouvelles choses. Donc soit, on fait une dizaine d'années plus tard, et le personnage principal vient devant la tombe de la jeune fille, bien habillé et surtout, avec un petit garçon l'appelant papa. Ou, il n'y a pas de valeur temporelle, et on le voit à l'intérieur du café où ils ont fait leur promesse, la porte s'ouvre, des talons résonnent, et sans montrer qui vient d'arriver, le jeune homme regarde cette personne et sourit.
Je bouclai enfin mes explications, un large sourire illuminant mon visage. Jimin, lui, me fixait avec un air dont je n'arrivai pas à lire la signification. Cela me refroidit légèrement.
— Tu n'aimes pas ?
— Mec... J'haussai un sourcil pour l'inviter à continuer. Vraiment, il loucha sur le dossier, j'adore. Je me remis à sourire.
— C'est vrai ?
— Je te jure, où as-tu eu ces idées ? Il me regarda. Tu t'es inspiré de quelques choses ?
— Non, tout me vient comme ça.
— Wouah, je suis bluffé. Pour la fin, j'aurais plus tendance à opter pour la deuxième version. J'adore l'ambiance que tu as créée, est-ce qu'il a retrouvé son amour perdu dans l'au-delà ou est-ce qu'il continue sa vie ? Non, vraiment, j'adhère complètement.
Je me laissai tomber au fond de mon siège, recevoir autant de compliments sur mon travail faisait tellement du bien !
— Je me sens tellement nul à côté de ce travail.
— Ne dis pas ça, je suis sûr qu'ils sont d'une grande qualité. Il me sourit.
— D'où t'es venu l'idée de la sclérose en plaque ?
— Ma tante paternelle en est atteinte depuis plus de dix ans.
— Oh, je suis désolé.
— Ce n'est rien, elle se porte bien. Je me redressai afin de lui poser ma question. Sinon, tu t'extasies devant mon projet mais toi, est-ce que tu avais pensé à quelque chose ?
— Pas une histoire entière mais j'ai une idée que l'on pourrait rajouter dans ton écrit.
— Quoi donc ?
— De la danse. Je fis une mine surprise.
— De la danse ?
— Oui. Tu sais, ce genre de danse qui reflète des sentiments, on pourrait incruster quelques scènes à certains moments où l'émotion gagne le spectateur. Il faudrait que je lise ton histoire entièrement pour pouvoir te dire où on pourrait incruster ce genre de scène. Qu'est-ce que tu en penses ?
Une main servant d'appui-tête, je me mis à fixer un point non défini afin de mieux visualiser cette idée. Mon esprit divisait les scènes, incrustait la danse. Au début, à certains passages importants, pendant la lecture de la lettre. Je n'avais jamais pensé à ce genre d'images pour retranscrire un sentiment. Même si pour cela, pour que l'on manipule le spectateur, il fallait une très bonne danseuse. Jimin passa une main dans ses cheveux d'or, et continua à feuilleter mon dossier en attendant que je finisse de réfléchir à cette proposition.
— Ton idée est très intéressante, avouai-je au bout de cinq minutes de réflexion. Mais connais-tu quelqu'un qui danse extrêmement bien ? On ne peut pas prendre un débutant pour ce genre de scène. Il me regarda avant de sourire timidement.
— Ma petite-amie est très bonne pour ça, c'est pour cela que cette idée me trottinait dans la tête depuis un long moment.
J'approuvais totalement.
Ayant mis un point décisif sur notre projet de long-métrage, nous passâmes le reste de notre après-midi à commencer à trier les informations inutiles et utiles de mon histoire, ainsi que de commencer à le transformer en scénario. Durant mes trois ans d'études dans une autre école de cinéma, Jimin était sans doute la personne avec qui travailler en duo n'allait me poser aucun problème, il était à mon écoute, j'étais à la sienne, nous échangions nos idées, nos avis, et dans les trois heures que j'avais passé avec lui, ce fut la première fois que je ne m'étais pas lassé d'une personne depuis onze ans.
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