00:00:25
— Putain de bordel de merde mais tu vas te fermer oui ?! Tonnai-je en appuyant comme un dératé sur ma valise.
Je finis par remonter la fermeture jusqu'au bout après une bataille acharnée, et soupirai longuement en me redressant. Les deux mains dans le dos, je le fis craquer avant de prendre cette foutue valise pour la mettre dans le couloir de mon étage. Si j'avais eu la motivation de retourner à la laverie plus tôt, je n'aurais pas eu la corvée de ramener mes affaires sales pesant au moins quinze kilos.
Le revers de la main passant sur mon front, j'allai ensuite fermer mes volets, plongeant la pièce dans le noir avec pour seul faisceau lumineux la porte d'entrée ouverte. Je soupirai. J'étais fatigué et sur les nerfs depuis hier soir, depuis le moment où Taehyung et moi avions été interrompu dans notre étreinte.
Et aussi parce que cette personne là, j'étais sûr de l'avoir vue quelque part. Encore une fois, comme pour mon patron avec cette impression de déjà-vu, je ne me souvenais pas d'où.
Ça m'agaçait. Alors depuis ce matin, après avoir réfléchi pendant la nuit d'où je pouvais le connaître sans résultat, je m'énervais pour un rien.
En petit-déjeunant, je m'étais même mis à engueuler ma bouilloire qui n'allait pas assez vite ou même mes tartines qui m'avaient fait peur en sautant du grille-pain. Enfin bref, j'avais hâte de rentrer chez ma mère, revoir mes chiens, et être au calme.
J'avais perdu mon porte-bonheur en plus, mais ça, ça datait depuis plus longtemps et je n'avais jamais remis la main dessus. C'était un cadeau de Jihyung, alors ça me gonflait encore plus que n'importe quoi.
Mon appartement fermé, un sac sur le dos contenant mes papiers, mon ordinateur, mes cours, et ma valise dans une main, je descendis au pied de mon immeuble pour rejoindre ma voiture. J'aurais pu prendre le train pour gagner du temps mais les tickets étaient hors-prix pour un voyage du jour au lendemain, alors j'avais opté pour la voiture avec lassitude.
Comme d'habitude, il y avait la police et le propriétaire du quatrième étage en train de débattre sur ses sacs poubelles constamment jetés par sa fenêtre. Je les regardais, étalés sur le sol, en me rappelant de la course poursuite d'hier soir avant que mon patron ne se comporte étrangement. Un sourire étira mes lèvres à ces souvenirs, et je rejoignis ma voiture dans le boucan du diable à cause de ma valise.
Cette foutue caisse roulante dans le coffre, je pris place au volant et sortis mon téléphone afin de programmer le GPS. Puis comme à l'accoutumée, je le connectai au Bluetooth pour mettre mes musiques et démarrai. Mes musiques étaient un bien grand mot, c'en était juste une seule qui durait deux heures comprenant différentes musiques douces. Je haïssais le rap et tout ce qui était violent, les sans paroles étaient mes préférées et je n'écoutais que de ça. Enfin, en plus de quelques chansons connues dans le monde entier comme celles de The Weeknd, ou encore Billie Eilish.
Onze heures dix-huit.
Je m'engageai enfin sur l'autoroute, assez vide car nous étions Dimanche, et m'installai sur mon siège bien correctement pour un voyage de quatre heures. Avec une pause déjeuner dans deux heures mais bon.
Tranquille sur la file de droite, je me remis soudainement à remémorer la discussion d'hier avec cet inconnu. Inconsciemment, mes doigts se serrèrent autour du volant.
Dès que mon patron eut été interpellé, il s'était directement relevé, et je m'étais senti d'un coup complètement vide. Comme si on venait de retirer une partie de moi, j'avais eu froid. Un jeune homme de mon âge se tenait au-dessus de la pente, sur le trottoir et le fixait avec un léger sourire. Lorsque ses yeux noirs s'étaient posés sur moi, j'avais pu lire un choc mélangé à de la surprise. En réfléchissant à cette expression pendant la nuit, je m'étais convaincu qu'il me connaissait.
Que nous nous connaissions, car je savais que je l'avais déjà rencontré. Mais où ?
Bordel.
Mon patron avait rejoins lentement l'inconnu, moi sur ses talons, et ils s'étaient serrés la main. J'étais resté un peu derrière lui, à avoir envie de frotter son large dos où traînaient des bouts d'herbes, et j'avais remarqué qu'il ne semblait pas du tout content de le voir. Ses muscles étaient contractés, et son visage froncé comme jamais auparavant.
Cette personne avait les cheveux blonds, remontés au milieu et courts sur les côtés, et lorsqu'il souriait, deux fossettes creusaient ses joues. Il était grand, plus grand que nous deux. De quelques centimètres mais cela faisait la différence. Son aura se faisait dominante, tellement dominante que je m'écrasais tout seul encore maintenant.
La mâchoire de mon patron se serrait à chaque mot que sortait l'inconnu, comme s'il se retenait de lui arracher la langue avant de la lui faire avaler. J'avais déjà entendu sa voix, elle me disait vraiment quelque chose mais je n'arrivais toujours pas à mettre le doigt sur un quelconque souvenir. Comme si lorsque je l'avais entendue, elle était en colère. Une colère impériale et impulsive.
Un frisson.
Même si quelques instants avant, j'avais agacé mon patron à cause de son discours, et que je n'avais pas une vue direct sur lui, j'avais senti son irritation me prendre aux tripes. L'atmosphère entre eux deux s'était durcie, tellement que j'avais réussi à me sentir mal à l'aise de voir une telle attitude. Pendant que l'homme inconnu posait des questions avec un sourire assez étrange aux lèvres, Taehyung s'était encore contenté de réponses laconiques comme au dîner, sans arrêter de me faire frissonner avec sa voix beaucoup plus grave que d'habitude.
J'avais l'impression d'être en présence de deux alphas, et leur aura me clouait littéralement au sol.
Lorsque le regard de Monsieur-j'énerve-le-patron s'était tourné dans ma direction, Taehyung, à ma plus grande surprise, se décalait pour se mettre devant moi. J'avais froncé les sourcils, pendant que l'inconnu le regardait avec un sourire carnassier. Mon regard avait circulé le long du dos de mon patron, jusqu'à descendre sur ses doigts serrés à s'en faire blanchir les phalanges. Son corps tremblait légèrement, vraiment très légèrement.
Au fur et à mesure que le jeune homme faisait des remarques ou posaient certaines questions aussi inutiles que les autres, la colère et la tension montaient entre eux deux. Même si grâce à ses questions j'avais appris quelques choses en plus à propos de mon supérieur – comme le fait qu'il avait un chien, j'avais plus l'impression que cette discussion n'avait ni queue ni tête. Comme si elle était seulement dédiée à l'intention de narguer Taehyung sur quelque chose que j'ignorais.
À mon plus grand soulagement, l'inconnu finit par partir après nous avoir souhaité bonne nuit. Il avait bien insisté sur le bonne, ce qu'il avait valu un roulement d'œil de la part de mon patron alors que moi, je n'avais pas compris. Puis cet étrange spécimen avait disparu dans la rue déserte, illuminée par les réverbères.
— Bon bah je vais acheter les sacs poubelles... avais-je murmuré afin de fuir l'atmosphère pesante qui venait de s'installer.
Taehyung m'avait suivi sans dire un mot, marchant lentement derrière moi alors que je traversais la rue pour rejoindre la supérette. Il devait être en pleine cogitation, j'avais l'impression d'entendre ses pensées et elles ne semblaient pas très gentilles. Jetant un œil derrière moi, son regard était à ses pieds, les mains dans les poches, et sa mâchoire se crispait toujours autant. Il allait se casser les dents s'il continuait.
À la caisse, pendant que la vieille femme – qui m'avait sourit en me voyant arriver, scannait la dizaine de rouleaux de sacs poubelles, je voyais, du coin de l'œil, mon patron, toujours les mains dans les poches, qui regardait mes articles. Enfin, les regardait plutôt d'un œil vide, complètement autre part. Il ne semblait pas se remettre en question de la soudaine proximité qu'il y avait eu entre nous, alors que moi, mon cœur battait comme s'il voulait sortir de sa prison d'os.
Nom de Dieu j'avais tellement chaud.
Puis nous étions rentrés, toujours dans le silence, et nous avions repris le nettoyage sans jamais reparler de ce qu'il s'était passé. Seokjin m'avait demandé pourquoi j'avais de l'herbe dans les cheveux, et à cause de la fatigue et de mon état d'esprit un peu emmêlé, j'avais répondu être tombé d'un arbre.
Bref.
Ça ne pardonnait pas ce que Taehyung m'avait fait. Je sentais encore ses doigts caresser mon visage et je n'osais pas m'avouer que j'avais bien envie qu'il recommence.
Je frappai le volant à cette pensée, ronchonnant tout seul dans ma voiture.
Un coude appuyé près de la fenêtre, les doigts caressant mes propres lèvres, mes yeux dérivèrent sur l'écran de mon tableau de bord indiquant un appel de Jimin. La musique s'était arrêtée pour laisser place à une sonnerie de téléphone tout à fait banale, qui m'avait fait sortir de mes réflexions.
Je décrochai.
— Salut Jimin, saluai-je en doublant un bus.
Sa voix retentit dans tout l'habitacle :
— Salut Kook, je- tu es où là ?
— En voiture, répondis-je naturellement en devinant qu'il avait remarqué que ma voix devait être plus éloignée qu'à la normale.
— Ah merde, je te rappelle dès que tu es arrêté alors.
— Non, non dis-moi j'en ai pour deux heures encore.
— Deux heures ? Mais tu vas où ?
— Je rentre chez moi pour la semaine, je me mordis la lèvre inférieure.
— Ah, d'accord, il sembla un peu déçu. Je voulais juste te demander ce que tu faisais cette semaine et si on pouvait se voir pour travailler sur le dossier que Monsieur Lee nous a donné la semaine dernière, mais j'ai ma réponse. Et puis si on pouvait fil- aïe !
Je haussai les sourcils à ce soudain couinement de douleur.
— Jimin ? Qu'est-ce qu'il y a ?
— Rien rien, c'est Haneul qui vient de me taper parce qu'elle ne veut pas que je travaille, selon elle je ne suis pas encore rétabli, râla-t-il avant geindre à nouveau dans le combiné, sûrement dû à un nouveau coup de sa copine.
— Écoute les femmes, elles ont toujours raison.
— Parce que tu t'y connais, toi ? Plaisanta-t-il avec un sourire que je pouvais facilement deviner.
— Ma mère me suffit amplement, pouffai-je à moitié.
— Ce sont des garces... Aïe ! Mais bon sang arrête Haneul tu vas m'assommer à force !
Je me mis à rire seul pendant que le couple semblait se chamailler. Mon cœur se sentait plus léger à présent, penser à autre chose faisait du bien à ce maudit corps sans cesse en train d'angoisser.
— Mais, repris-je lorsque le calme revint de leur côté. Vous ne passez pas les fêtes avec vos familles ?
— Mes parents sont en voyage d'affaire, fit mon ami avec une once de regret avant de retrouver le sourire. Mais la veille du jour de l'an, on va dîner chez ceux d'Haneul à Incheon pour y passer quelques jours après.
— C'est vraiment cool pour toi. J'allais me sentir mal de ne pas t'avoir prévenu plus tôt.
— Oh t'en fais pas, rit-il. Je me débrouillerai avec ce fichu dossier. Je voulais qu'on le fasse ensemble parce que Mark a dit qu'il était super long, mais bon. Bref, je vais te laisser Jungkook, je n'ai pas trop envie d'avoir ta mort sur la conscience.
Je ne répondis que par un rire, levant les yeux au ciel à cause de son ânerie. Ce n'allait pas être à cause d'un philosophe que j'allais mourir d'un accident corporel. Plutôt d'un accident psychologique avec lui.
Je serrai le volant, qu'est-ce que je disais, là ?
— Haneul te fait des bis- quoi ! Pourquoi tu lui fais des bisous et pas à moi ?!
Je m'étais habitué au fait que sa petite-amie soit muette, je n'avais pas mis longtemps même si c'était la première fois que je voyais ça. Mais ne pas entendre une seconde voix pendant cet appel alors que je savais qu'elle lui parlait et qu'elle était présente, me donnait l'impression que Jimin conversait avec un fantôme, et devenait complètement fou. Ce qui me rassurait, c'était de voir que son état de santé s'était largement amélioré même si sa voix déraillait quelques fois. Quelle idée de couver une grippe.
Après avoir raccroché en riant, et bien sûr, de leur avoir souhaité de bonnes vacances, je remis la musique et me concentrai de nouveau sur la route.
À treize heures, je m'arrêtai à une aire d'autoroute pour manger et aller aux toilettes comme toute personne normale. Niveau repas, je m'étais contenté d'un sandwich comme début novembre où je montais sur Séoul. Déjà deux mois étaient passés. Le temps m'avait filé entre les doigts à une vitesse effrayante. J'en soupirai, perché sur une chaise haute dans un espace dédié aux repas.
Mâchant lentement, je me mis à observer autour de moi, les familles, les couples, les groupes de personnes âgées, certaines en train de rire, d'autres débutant un sujet, ou même restaient silencieuses. Mon regard s'attarda sur une famille à une table de quatre, située à quelques mètres de moi. Il y avait le père, la mère, et deux petites filles d'environ neuf ans, sûrement jumelles. Elles riaient de plein cœur grâce à l'avion – incarné dans une cuillère en plastique avec un bout de flan, et aux bruitages de moteurs que faisait leur père.
— Mesdames et messieurs, veuillez attacher vos ceintures pour l'atterrissage, annonça-t-il en dirigeant la cuillère vers l'une des filles qui ouvrit la bouche. Nous allons maintenant atterrir sur une piste quelque peu humide due à la pluie, elle ferma ses lèvres souriantes sur la cuillère, et le père lâcha un cri d'effroi. Oh non ! Les passagers se sont fait manger par un monstre ! Nous nous sommes trompés de destination !
Les deux petites filles éclatèrent de rire pendant que leur père continuait à se morfondre sur le sort des pauvres passagers de l'avion. Leur mère assistait au spectacle avec un large sourire, me le transmettant à moi-même, mais en moins prononcé. Ces amusements me rendaient nostalgiques, me donnaient l'envie de revoir mon père et Jihyung. Sauf qu'en rentrant chez moi, je n'allais revoir que ma mère, comme depuis onze ans.
Mes déchets à la poubelle, je me dépêchai de rejoindre ma voiture pour quitter l'aire d'autoroute qui ne cessait de se remplir. Et je partis de nouveau pour deux heures de route, qui d'ailleurs s'était un peu garnie de voiture à cause des départs en vacances.
J'avais hâte de rentrer. Même si j'aimais conduire, je commençais à trouver le temps long et à fatiguer. Ma mâchoire craqua pendant que je baillai, me faisant grogner de douleur.
Je maudis silencieusement mon patron. Si j'étais si fatigué, c'était à cause de lui et de son comportement inexplicable envers moi. Bon, cet inconnu aux cheveux blonds aussi y était pour quelque chose. Vivement que je retrouve mon lit dans ma maison de campagne pour avoir une nuit reposante. Enfin, reposante était un grand mot à cause des yeux rouges qui ne cessaient de me regarder constamment lorsque je fermais les paupières. Ce foutu démon était revenu lorsque Taehyung s'était retiré de moi avant de rejoindre cet homme.
D'ailleurs, je n'étais pas du tout rassuré à propos de celui-ci. Je ne savais pas si c'était mon impression ou quoi, mais les yeux rouges de Mina, ancrés sous mes paupières depuis trop longtemps, se montraient désormais beaucoup plus agressif. Plus carnassiers, plus moqueurs, plus effrayant.
Je soupirai.
Je commençais à saturer.
☯︎
Seize heures quarante-cinq.
J'étais enfin arrivé sur Busan à mon plus grand soulagement.
Même s'il me restait qu'une vingtaine de minutes de route pour rejoindre mon village situé dans la périphérie ouest de la ville, cela me faisait déjà du bien de retrouver cet endroit. Le ciel emplit de nuage commençait à s'assombrir alors que je m'engageai sur les routes normales afin de rejoindre le plus rapidement possible ma maison. J'avais bien sûr enlevé le GPS, il ne me servait strictement à rien vu que je connaissais la direction comme ma poche.
Plongeant parmi les arbres et les champs, j'avais enfin quitté l'ambiance de la ville pour une semaine. Il y avait les vaches, les moutons, les tracteurs et les réverbèrent de mon village qui commencèrent à se deviner dans l'horizon. Je souriais inconsciemment tellement j'étais heureux de revenir ici, même si les souvenirs concernant ma famille me poursuivaient sans cesse en étant là.
Quelques minutes en plus à traverser le village, et je m'arrêtai devant un grand portail noir que j'ouvris grâce à une petit télécommande. Quel bonheur ces portails électriques quand même.
Garé devant la grande porte de garage – où dormait la voiture de ma mère, je descendis avant de me craquer le dos et faire quelques pas pour dégourdir mes jambes. Je devais ressembler à un vieillard à m'étirer, mais c'était l'effet du voyage.
C'était décidé, la prochaine fois je prendrai le train.
Mon sac sur les épaules, ma valise dans une main et mes clés dans une autre – n'ayant pas de digicode, je montai les quelques marches d'escaliers afin d'accéder à la porte d'entrée. La baie vitrée du salon était allumé, preuve que ma mère était présente et je me hâtai d'ouvrir pour m'engouffrer au chaud.
Enfin, le calme de la campagne.
Bạn đang đọc truyện trên: Truyen247.Pro