𝟽 ¦ 𝙻'𝙾𝙼𝙱𝚁𝙴 𝙳𝙴 𝙻𝙰 𝙼𝙴𝙽𝙰𝙲𝙴³
𝙲𝙷𝙰𝙿𝙸𝚃𝚁𝙴 𝟽
ᴘᴀʀᴛɪᴇ ⒊
Installé sur sa chaise de bureau depuis près de deux heures, Marco commençait à avoir un mal de dos fort désagréable. La liste des devoirs qu'il devait réaliser sous peu était atrocement longue et à son grand désespoir, elle peinait à se réduire. Ce pauvre lycéen du vingt-et-unième siècle maudit silencieusement Baudelaire et ses poèmes bien trop sybillins à son goût. On ne pouvait nier la beauté de la poésie, mais son apprentissage à la chaîne revêtait les aspect d'une torture intellectuelle qui n'avait rien d'attrayant. Bloquant à nouveau sur l'analyse d'un vers qui s'avérait décidément trop obscur pour lui, Marco laissa sa tête retomber contre son bloc-note. À tâtons, il tendit son bras dans l'idée d'attraper son thermos de chocolat chaud déjà à moitié vide. Mais au lieu du cylindre bouillant qu'il cherchait, il sentit sous ses doigts une petite boite à la surface lisse. Étonné, le garçon l'attira à lui et se redressa pour voir ce dont il s'agissait.
Il y avait sur son bureau un écrin blanc qu'il ne se rappelait pas avoir posé ici ou même déjà vu auparavant. Ces choses-là contenaient généralement des bijoux, mais aucune marque n'était inscrite au-dessus. À la place, on avait tracé d'une belle écriture cursive quelques mots à l'encre dorée que Marco lut dans un murmure.
— « À mon Étoile »
Les coins de la boite étaient un peu abîmés et les lettres brillantes s'affaçaient par endroits. C'était visiblement un objet vieux de plusieurs années qui avait connu un ou plusieurs propriétaires antérieurs. Avec une certaine précaution qui lui semblait de circonstance, Marco ouvrit finalement l'écrin pour dévoiler se qui s'y cachait. Sans grande surprise, il y trouva un joli collier. Accroché à une fine chaîne, un pendentif rectangulaire reposait sur un petit cousin. Malgré sa couleur dorée un peu ternie, on pouvait aisément deviner qu'il était fait en or. Le brun se demanda comment un bijoux d'une telle valeur avait bien pu se retrouver entre ses doigts. Rares étaient les personnes qui pouvaient pénétrer dans sa chambre à son insu et lui laisser un présent aussi particulier. S'il s'agissait vraiment du collier de quelqu'un d'autre, il ne comprenait pas pourquoi on le lui avait laissé sans le moindre mot, sans la moindre indication.
Marco examina avec plus d'attention le pendentif à la forme peu conventionnelle. Modelés dans le précieux métal, plusieurs reliefs venaient créer de minuscules motifs. Sur la partie inférieure, on pouvait deviner les courbes d'un corps féminin et ses longs cheveux qui l'enveloppaient. L'un de ses frêles bras s'élevait vers le ciel et désignait les quelques étoiles qui reposaient au-dessus de sa tête. Le contour du médaillon était également finement relevé pour lui donner plus d'allure. Et tout en bas, sous la femme, une curieuse inscription indiquait en petites lettres capitales « ʟ'ᴇ́ᴛᴏɪʟᴇ ». Inconsciemment, Marco se sentit attiré par le collier qu'il effleurait de ses doigts, à tel point qu'il ne pouvait en détacher ses yeux. Il dégageait quelque chose qui le fascinait, provoquant en lui un mélange hadardeux de sentiments qui manqua de lui faire lâcher une larme. Sans trop y réfléchir, le garçon sortit le bijou de son écrin, actionna le fermoire et passa la chaîne autour de son cou avant de le refermer. Le pendentif disparu sous le col de son tee-shirt et Marco apprécia le contact de l'or froid sur sa peau.
Il venait tout juste de poser la petite boite blanche dans un tiroir lorsqu'il entendit un bruit provenant de l'étage inférieur. Son corps entier se figea alors qu'il identifia le cliquetis de l'ouverture de la boite aux lettres que quelqu'un venait d'utiliser. Brusquement, Marco sortit de sa chambre pour venir dévaler les escaliers qui le menèrent au seuil de la porte. Il examina les lettres au sol et poussa un soupir de soulagement : il ne s'agissait que de quelques factures à destination de ses parents que le facteur avait déposées. Le garçon remonta d'un pas lourd les escaliers pour se laisser tomber à nouveau sur sa chaise de bureau. La boule qui se trouvait en travers de sa gorge disparue aussi vite qu'elle y était montée.
— Ce n'était pas lui, marmona-t-il. Pas encore.
Quelques jours auparavant, Marco avait eu la mauvaise surprise de trouver une feuille pliée en quatre parmi le courrier qu'il ramassait. Pensant qu'il s'agissait d'un mot des voisins, il songea d'abord à le laisser sur la table avant que la curiosité ne l'emporte. Mais ce qu'il tenait dans ses mains s'était rapidement révélé bien différent d'un message amical du couple tout juste installé dans la rue viel ou même d'une réclamation du vieux homme d'à côté . Sur le feuillet blanc, un drôle de dessin avait été griffonné au stylo noir. En le retournant, Marco reconnu la silhouette d'un bonhomme qui pendait dans le vide, le cou enroulé dans une corde. Sa tête était entouré d'une inscription à l'écriture bancale qui disait : « ᴛᴏᴜᴊᴏᴜʀs ᴇɴ ᴠɪᴇ ? ». Le dessin ne présentait pas la moindre signature, mais les mots tracés étaient identiques à ceux qu'Arashi lui avait prononcé quelques semaines plus tôt, en haut de ces escaliers. Le destinataire de ce message macabre resta dans un premier temps immobile, réalisant difficilement ce qui lui arrivait. Il aurait voulu déglutir, mais sa bouche était devenue aussi aride que le désert. Puis, avec une lenteur et un calme dont il ne se serait jamais senti capable, il était remonté dans sa chambre après avoir vérifié le reste des lettres et s'y enferma à double tours. Le feuillet se retrouva dans une boîte à chaussures qui traînait sous son lit et une fois celle-ci cachée, Marco s'allongea sur la couette.
Il ne s'énerva ou ne s'appitoya pas, contrairement à ce qu'on attendait de lui en le menaçant de la sorte. Peut-être aurait-il dû crier et pleurer pour se vider des émotions qui lui brûlaient les entrailles, au lieu d'observer de ses yeux grands ouverts les étoiles qui ornaient son plafond. Face à cette vue qui le calmait toujours, il réfléchit. Arashi avait donc décidé de continuer ses manigances en empruntant un autre moyen détourné pour l'atteindre. Le garçon connaissait visiblement son adresse et se sentait assez effronté pour lui glisser des mots dans la boîte aux lettres. Marco se demanda s'il savait que la maison était pratiquement toubours vide ou s'il se fichait juste que ses messages soient interceptés. À supposer qu'il n'en sache rien, ce serait franchement osé de sa part. Mais c'était là le plus probable, car Marco n'avait jamais crié sur tous les toits qu'il était un enfant négligé. Quoi qu'il en soit, il veillait déjà à chaque instant de la journée à ce que toutes les ouvertures soient fermement verrouillées lorsqu'il se trouvait seul. Il était presque certain qu'Arashi ne se risquerait jamais à pénétrer chez lui, de peur de tomber sur une tierce personne qui pourrait compromettre ses plans.
Une seule chose demeura claire dans son esprit : le garçon n'allait pas s'arrêter là. Ce message n'était que le premier d'une série qui viendrait inonder de papiers le paillasson. Peu dérangé par le contenu de ceux-ci, il craignait plutôt que ses géniteurs ne tombent malencontreusement sur l'un d'eux. Dernièrement, une étrange atmosphère s'installait dans la maison quand ils rentraient du travail, comme une grosse tempête de neige qui flottait dans l'air. Marco frissonnait à table tant les regards que lançait Amélie à son mari était froids. De toute évidence, les deux époux s'étaient une nouvelle fois disputés à propos d'un sujet qui lui échappait. Sa mère se montrait souvent désagréable car vexée d'une façon ou d'une autre, son comportement ne présentait donc rien de surprenant. En revanche, les sourcils froncés de son père trahissait un énervement qu'on lui voyait rarement. Au milieu de cette ambiance pesante, Marco se voyait mal leur expliquer tranquillement qu'il allait probablement recevoir des lettres de menace dans les jours prochains.
Afin d'éviter ce cas de figure, il contrôlait régulièrement le courrier qui tombait sur le seuil. Ses géniteurs ne revenant que tard dans la soirée, il pensait pouvoir s'en sortir sans trop d'embûches de ce côté-ci. En y repensant bien, c'était de Jean dont il devait s'inquiéter le plus. Dans le pire des cas, Marco pourrait faire passer ces mots pour un canular de mauvais goût et l'affaire serait vite oubliée aux yeux des Bodt. Seulement, son meilleur ami ne se laissera jamais berner aussi facilement. Un simple coup d'œil suffisa pour qu'il en déduise l'auteur de ces menaces et qu'il décide d'aller lui décrocher son poing dans la machoire. Marco se fichait pas mal de ce qu'Arashi pouvait bien inscrire sur ces bouts de papier, mais Jean ne se contentera pas de rester les bras croisés à attendre devant la boîte aux lettres. Instinctivement, les vieux réflexes de son enfance lui étaient revenus : il devait impérativement cacher ces messages pour ne pas faire de vagues, ne pas causer d'ennuis.
Marco voulait garder l'esprit clair, prendre le temps d'analyser cette situation et réfléchir quant aux possibilités qui s'offraient à lui. Victime d'un déséquilibre dans son existence, il ressentait le besoin essentiel de garder un certain contrôle sur tout ce qui se trouvait à portée de sa compréhension. Dans un instant de lucidité, il comprit qu'il devait absolument conserver des preuves de ce qu'il recevait, pour peu que cela lui soit utile à l'avenir. En songeant davantage au futur, il lui paru bientôt évident qu'il ne pourrait pas continuer ainsi indéfiniment. Arashi ne s'arrêterait pas là dans ses intimidations, il cédera sans hésiter à la moindre de ses pulsions, celles-ci devenant de plus en plus abjectes. Aujourd'hui, Marco recevait simplement des mots qu'il pouvait aisément jetter dans sa boîte à chaussures sans les lire. Mais il était incapable d'affirmer que ce ne sera pas pire d'ici demain.
Au cours de ces dernières années, Arashi avait certainement évolué dans sa manière d'être et de procéder. S'il désirait vraiment lui faire face, Marco devait lui aussi s'adapter. Il ne pourrait pas rester cet enfant effrayé par le moindre obstacle qui se contentait de fermer les yeux en espérant que quelqu'un vienne le sauver. Un héros lui était déjà apparu une fois, mais il se refusait de se reposer sur lui encore plus longtemps. Ce dont il avait véritablement besoin, c'était de devenir plus fort pour être son propre sauveur. Marco n'aimait pas le changement car il rompait avec une routine bien encrée, bien tracée qu'il contrôlait à la perfection. Prendre un nouveau chemin allait de mise avec le risque de subir des imprévus, des déceptions, des regrets. Cependant, le changement ne s'était fait que trop attendre : il était temps d'avancer en dépit des conséquences qu'il pourrait entraîner. L'avenir courrait droit devant lui, mais Marco se promit de le rattraper bientôt.
Au-dehors, les nuages se mirent à cracher les premières goûtes d'une pluie qui s'annonçait diluvienne. L'orage se profilait à l'horizon et promettait d'être rude.
𝟷𝟾𝟷𝟽 ᴍᴏᴛs
ᴀ̀ sᴜɪᴠʀᴇ...
𝘓𝘦𝘴 𝘪𝘯𝘵𝘳𝘪𝘨𝘶𝘦𝘴 𝘢𝘷𝘢𝘯𝘤𝘦𝘯𝘵 𝘥𝘰𝘶𝘤𝘦𝘮𝘦𝘯𝘵 𝘦𝘵 𝘭𝘦 𝘮𝘺𝘴𝘵𝘦̀𝘳𝘦 𝘱𝘭𝘢𝘯𝘦...
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