𝟺 ¦ 𝙴𝚇𝙿𝙻𝙾𝚂𝙸𝙾𝙽 𝙳𝙴 𝙻𝙰𝙼𝙿𝙰𝙳𝙰𝙸𝚁𝙴𝚂³
𝙲𝙷𝙰𝙿𝙸𝚃𝚁𝙴 𝟺
ᴘᴀʀᴛɪᴇ ⒊
Ce ne fût qu'après trois bon quarts d'heures d'absence que les deux garçons rejoignirent la salle de sport où s'entraînaient leurs camarades. Craignant de se faire réprimander pour être plus tôt parti de la sorte, Marco s'avança vers Monsieur Pixis avec l'intention de s'excuser. Mais leur professeur se montra extrêmement compréhensif, s'inquiétant davantage de son état de santé. Le principal concerné lui assura avec gêne qu'il allait beaucoup mieux à présent et qu'il tenait à participer au reste de la séance.
— Dans ce cas, vous pouvez prendre une balle et rejoindre les autres. Mais si jamais tu ne te sens pas bien à nouveau, ajouta-t-il à l'égard du brun, n'hésite pas à venir me le signaler.
Celui-ci acquiesça, alors que Jean, qui s'était jusqu'ici tenu à l'écart, posa une main sur son épaule.
— Ne vous inquiétez pas pour cela, affirma-t-il, j'y veillerais personnellement.
— Je n'en doute pas, lui répondit le vieil homme avec un sourire en coin.
Suite à ce rapide échange, les deux amis dénichèrent une balle de basket au fond d'un énorme sac. D'un signe de la main, Bertholdt les invita à rejoindre son groupe de quelques élèves qui s'exerçait aux passes dans le cadre d'un mini-jeu. Le but étant évidement d'en faire le plus possible entre membres d'une même équipe sans faire tomber la balle ou se la faire voler par l'équipe adverse, tout ceci dans un espace réduit. Marco constata avec soulagement qu'aucun des adolescents du groupe ne ressemblait au garçon qu'il avait aperçu plus tôt. Un frisson désagréable le parcourut pourtant, et un coup d'œil par-dessus son épaule lui permit de confirmer la présence de longs cheveux châtains aux côtés qu'Ymir, à l'autre extrémitée de la salle. Bien qu'il aurait juré avoir senti son regard sur lui, cette distance entre eux le soulaga immédiatement et il prit une grande inspiration avant de se concentrer sur la séance. Afin de motiver chacun, ils se mirent tous d'accord sur un gage qui s'appliquerait aux perdants : l'obligation de passer sous le jet d'eau glacé des douches des vestiaires. Rapidement, filles comme garçons se prirent au jeu et redoublèrent d'ingéniosité pour feinter leurs adversaires. Les différents mini-jeux se succédèrent ainsi que les gages attribués aux perdants, et après une demi-heure passée pour certains à courir derrière les balles, Monsieur Pixis siffla la fin de la séance.
Tandis que la plupart de leurs camarades se dirigeaient vers les vestiaires après avoir rangé les balles empruntés, Bertholdt se proposa de rester derrière pour surveiller Milius et quelques autres qui avaient écopés de dix tours de salle à l'issue d'un match perdu. Du coin de l'œil, il invita Marco et Jean à le suivre dans un angle de la salle désormais presque déserte.
— Je ne cherche aucunement à savoir précisément ce qu'il s'est passé plus tôt, annonça-t-il de but en blanc, mais j'ai eu l'impression que ce nouveau n'y est pas pour rien. Je me trompe ?
Ses deux amis lui confirmèrent d'un signe de tête que, d'une manière ou d'une autre, ce n'était pas une coïncidence si le brun s'était trouvé dans un état pareil à la seconde où il avait croisé le regard de ce garçon.
— Je suppose que vous êtes plutôt curieux concernant cette nouvelle tête qui vient s'ajouter au palmarès catastrophique de cette classe, ajouta-t-il avec humour, alors voici tout ce que je peux vous dire. Il s'appelle Gaitō Burasuto, et comme vous pouvez aisément le deviner, il nous arrive tout droit du Japon. À première vue, il a l'air aussi agressif qu'un papillon : j'ai échangé à peine trois phrases avec lui et j'aurais juré que ses yeux fuyaient les miens.
Pensif suite aux paroles de son ami, Marco se pencha pour ramasser machinalement un ballon de basket oublié qui roulait vers lui. En silence, il entreprit de lancer quelques paniers afin de forcer son esprit à se concentrer sur la balle plutôt que sur les dizaines de questions qui germaient dans sa tête. Du coin de l'œil, Bertholdt remarqua que leurs camarades arrivaient au bout de leurs tours de terrain.
— Je préfère vous prévenir que Monsieur Pixis nous a chargé Ymir et moi, en tant que délégués, de l'aider à prendre ses marques, dit-il en s'avançant vers la porte des vestiaires attribués à son genre. Elle a l'air de s'être étonnamment bien entendue avec lui, ce qui est vraiment rare la connaissant. Vous devriez donc peut-être vous préparer à l'éventualité qu'il rejoigne la bande, termina-il avec une légère appréhension.
Les deux garçons se lancèrent un regard en biais, se disant qu'ils ne pourraient de toutes façons pas intervenir frontalement dans les rapports entre ce Gaitō et le reste de la bande. Récupérant simplement leurs affaires éparpillées sur un banc, ils décidèrent d'un accord commun de fausser compagnie à leurs amis pour les deux heures de trou du midi. Rentrer chez eux leur permettrait de prendre une bonne douche après une séance passée à transpirer, voilà ce qu'ils avaient déclaré à Bertholdt. Seulement, lui comme eux savaient pertinemment que le repos qu'ils recherchaient n'était pas physique, mais mental. Marco avait beau déclarer qu'il allait bien maintenant, les crises d'angoisse étaient toujours des épreuves déplaisantes qui pouvaient parfois durer des heures selon leur gravité. Et s'en remettre n'était jamais aisé : la peur qu'elles suscitaient ne quittaient jamais vraiment ceux qui en étaient victimes. Jean désirait simplement le conduire dans cette maison calme qu'était la sienne et où son ami se sentait en sécurité, y ayant lui-même vécu une certaine partie de sa vie.
Aucun mot ne fut échangé durant le trajet, alors qu'ils observaient de gros nuages gris se profiler dangereusement au loin. Un craquement sonore se fit même entendre au moment où ils passèrent la porte d'entrée de la petite maison en briques blanche. Après un rapide passage à la salle d'eau pour l'un comme pour l'autre, Jean leur dégota deux portions de nouilles façon thaï dans un placard littéralement rempli de nourriture instantanée. Bien que peu diététiques, ces repas étaient très simple à préparer lorsqu'ils passaient en coup de vent. Il ne fallut que quelques minutes à la bouilloire pour chauffer l'eau nécessaire à la réhydratation de leur pâtes sombres et ondulées préalablement déposées dans deux larges bols. Ne manquait alors plus qu'à ajouter les petits sachets carrés contenant une poudre épicée, et leur repas fut prêt en un rien de temps.
Ils firent un peu de place sur la table basse du salon envahie par divers courriels en cours d'ouverture pour pouvoir poser leurs bols. Après quoi, ils s'asseyèrent en tailleur sur des coussins, le dos appuyé contre le bord du canapé. Tout en s'installant, Marco attrapa la télécommande et bien qu'hésitant un instant entre commencer une nouvelle série ou regarder une troisième fois Forever, son adoration eut raison de lui et bientôt, les premières minutes de la série policière américaine s'affichèrent à l'écran. Pourtant, il avait beau tenter de se concentrer sur les intrigues ou même sur les nouilles qu'ils dégustaient, il avait comme un arrière-goût désagréable. Le visage de ce garçon, et plus particulièrement ses yeux bleus si pâles le perturbaient au plus haut point. Il soupira bruyamment : la situation lui échappait complètement, et il détestait ce manque de contrôle.
Quelques secondes après, Jean mit sur le pause le téléviseur, ce qui stoppa net l'image du Docteur Morgan qui s'apprêtait à ouvrir un autre cadavre. Comme il s'y attendait, son ami ne broncha pas, visiblement aussi peu concentré que lui sur la série policière. Il y eut un long moment de silence, où les deux garçons pressentaient qu'une conversation était nécessaire, mais ni l'un ni l'autre ne savait comment l'entamer. Le décoloré se racla finalement la gorge, décidant qu'il fallait bien que l'un d'eux se jette à l'eau.
— Marco, on devrait en parler.
— Je sais, s'empressa-t-il d'affirmer. C'est juste que... Je n'ai aucune réponse, Jean.
Le brun semblait un peu perdu, et un peu en colère aussi, probablement contre lui-même. S'il y avait bien une chose qui le terrifiait, c'était de perdre le contrôle sur sa propre vie. Et sa précédente crise avait dû allumer tous les capteurs rouges dans sa tête, rajoutant à son anxiété qui était déjà de trop. Jean appuya une main sur son épaule, se penchant dans le même mouvement pour que leurs visages soient face à face.
— C'est pas grave, d'accord ? On va les trouver ensemble ces réponses, le rassura-t-il. Gaitō Burasuto, poursuit-il en murmurant. Son nom ne me dit rien. Et toi ?
— Je n'en suis pas sûr...
— Tu penses qu'il pourrait être lié à... Hum, hésita-t-il, ne sachant visiblement pas comment évoquer cette période encore douloureuse pour son ami.
— Mon passé ? termina l'intéressé. Peut-être. Mais c'était il y a longtemps : les visages se troublent et les noms se confondent.
S'il avait un jour connu les identités de ses harceleurs, bien qu'il n'ait jamais attenté de poursuites judiciaires contre eux, ce n'était plus le cas maintenant. Au fil des années, les souvenirs s'étaient emmêlés et sans avoir pu oublier les actes et les mots dont il avait été victime, il n'avait pas cherché à se rappeler d'eux en détails. De plus, ils avaient certainement tous grandis depuis ce temps, et Marco seraient probablement incapable de les reconnaître s'il les croisait dans la rue. La simple idée de rencontrer l'un de ses anciens bourreaux lui glaçait le sang, il n'avait aucune envie de se retrouver à nouveau mêlé de quelque manière que ce soit avec eux. S'il avait laissé leur souvenir s'estomper, c'était aussi car il se sentait enchaîné malgré lui à cette période de sa vie qu'il détestait tant et qui l'empêchait d'aller de l'avant. Marco ne voulait pas être hanté indéfiniment par son passé, mais il ne pourrait jamais se résoudre à l'oublier : renier ce qu'il avait traversé, c'était renier le garçon qu'il était aujourd'hui devenu.
Malgré lui, il se mit à trembler légèrement, du moins assez pour que son ami le remarque. Il se sentait petit, tout petit face au monde qui l'entourait et était subitement frappé par la peur, un sentiment qu'il ne connaissait que trop bien. L'idée que des fantômes de son enfance resurgissent après plusieurs années le terrifiait : c'était là l'un de ses pires cauchemars. Pourtant, la pression sur son épaule lui prouvait que Jean était toujours là, et qu'il avait bien l'air de vouloir s'accrocher à lui pour un moment. Ses bras se glissèrent d'eux-mêmes dans le dos du garçon qu'il attira à lui, alors que son visage partit se réfugier au creux de son cou.
— On va le tenir à l'œil, d'accord ?
Marco ne répondit pas, mais raffermit la prise de ses bras sur le corps de son ami qui ne cessait de répéter que tout irait bien. Et comme beaucoup d'autres fois, Jean fut la seule raison qui empêcha Marco de perdre pieds.
𝟷𝟾𝟸𝟶 ᴍᴏᴛs
ᴀ̀ sᴜɪᴠʀᴇ...
𝘭'𝘰𝘳𝘢𝘨𝘦 𝘯'𝘦𝘴𝘵 𝘫𝘢𝘮𝘢𝘪𝘴 𝘵𝘳𝘦̀𝘴 𝘭𝘰𝘪𝘯...
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