𝟷𝟼 ¦ 𝙻𝙴𝚂 𝙿𝙴𝚄𝚁𝚂 𝙰𝙼𝙾𝚄𝚁𝙴𝚄𝚂𝙴𝚂²
𝙲𝙷𝙰𝙿𝙸𝚃𝚁𝙴 𝟷𝟼
ᴘᴀʀᴛɪᴇ ⒉
Quelques jours plus tard, un soir où il se sentait plutôt apaisé, Marco trouva enfin le courage d'ouvrir l'album photo confié par son père. Ses doigts s'attardèrent d'abord sur la couverture étoilée qu'il ne pu s'empêcher d'admirer une fois de plus, puis il dévoila la première page de l'épais livre. Au milieu du papier crème, l'inscription Lᴀ Fᴀᴍɪʟʟᴇ Bᴏᴅᴛ Vᴏᴜs Pʀᴇ́sᴇɴᴛᴇ était suivi de son propre prénom, Mᴀʀᴄᴏ, et d'une photographie le représentant bébé. À en juger par la date indiquée en-dessous, elle avait été prise quelques heures seulement après sa naissance. Des petits anges descendant du ciel étaient dessinés tout autour, comme s'ils venaient aider cette nouvelle âme à entrer dans le monde. L'adolescent prit une profonde inspiration et, s'estimant prêt à découvrir le reste, il tourna la page. Les clichés suivants le montrait à la maternité, où il avait passé ses trois premiers jours, puis dans un minuscule appartement dont il ne gardait aucun souvenir. L'album photo retraçait ainsi le court de sa propre vie ou, du moins, le début de celle-ci.
Sur chacune des feuilles vierges qui le constituaient, on avait bien sûr collé des photographies accompagnées d'annotations visant à en préciser la chronologie et le contexte. On le voyait endormi sur le ventre de son père, serrant contre lui son doudou préféré, ou attrapant les longs cheveux de sa mère pour les porter à sa bouche. Mais en plus de ces captures d'écran du réel, les pages de l'album regorgeaient de dessins en tous genres, allant du gribouillis perdu dans un coin aux plus travaillés, ceux qui pouvaient s'étaler sur une feuille entière. Outre les nombreuses représentations en lien avec l'univers, on trouvait également des portraits de Marco, de son père, de sa mère, de ses grands-parents, de leurs amis ; des croquis de leur chat, de ses peluches, de ses jouets et bien d'autres encore. L'ensemble formait un joyeux méli-mélo coloré qui restait pourtant parfaitement harmonieux. Marco songea que tous ces dessins avaient probablement été réalisés par la femme que l'on voyait souvent sur les clichés. Celle qui le tenait dans ses bras à la maternité, celle qui l'allaitait en bronzant sur un transat, celle qui faisait régulièrement des grimaces à l'objectif. Elle avait des cheveux châtains foncés qui chatouillaient ses côtes, des yeux verts pétillants de malice et des taches de rousseur qui lui dévoraient le visage. Cette femme, ce n'était pas Amélie.
Lorsque Marco referma l'album photo, il était près d'une heure du matin. S'il avait découvert plusieurs choses, il en ignorait encore beaucoup d'autres. Les questions qui s'agitaient dans sa tête réclamaient des réponses, mais son corps fatigué avait surtout besoin de dormir. Il posa soigneusement l'objet sur son bureau avant de se glisser sous les couvertures, priant pour que la nuit lui permette de se reposer. Malheureusement, ce ne fut pas vraiment le cas. Aux alentours de quatre heures, le brun fut tiré de son sommeil par un tumulte étouffé en provenance du rez-de-chaussée. Quelques secondes plus tard, des bruits de pas désordonnés se firent entendre dans les escaliers. Marco eut tout juste le temps de sortir de son lit et d'allumer sa lampe de chevet avant de voir la porte s'ouvrir sur une silhouette familière.
— Jean ? s'étonna-t-il en reconnaissant son meilleur ami.
Le garçon avait une mine affreuse. Le brun s'en rendit parfaitement compte, en dépit du faible champ de vision qui s'offrait à lui, ses lourdes paupières fatiguées menaçant de se refermer à tout moment. Il trouva son visage plus pâle qu'à l'ordinaire, moins rayonnant que ceux qu'il lui connaissait pourtant si bien. Son Soleil était blême. Et, s'il en ignorait encore la raison, il refusait de croire que le froid se trouvait être le seul responsable de ses pommettes rougies, de ses lèvres tremblotantes et de ses yeux écarquillés. Ses cheveux châtains emmêlés étaient partiellement mouillés, comme s'il venait de réaliser un effort physique. Avait-il parcouru le petit kilomètre qui séparait leur domicile en courant ? De toute évidence, il venait lui-même de quitter son propre lit ; en témoignait le bas de jogging faisant office de pyjama qu'il portait. Mais Marco n'eut pas vraiment le loisir de se pencher davantage sur son attitude étrangement décalée car, soudainement, Jean s'effondra en sanglots dans ses bras.
Dérouté par ce brusque retournement de situation, le brun le rattrapa de justesse contre lui. Il frotta doucement son dos tout en lui intimant de se calmer d'une voix douce qu'il aurait aimé plus assurée. Marco n'avait pas l'habitude de gérer ce genre d'émotions chez les autres, et encore moins chez son meilleur ami qui séchait si souvent ses propres larmes. Comme n'importe quel humain, Jean pleurait parfois, mais il ne l'avait jamais vu dans un tel état de souffrance. Le châtain s'accrochait à lui avec l'énergie du désespoir et Marco sentit son propre cœur se déchirer de chagrin. Il lui glissa quelques mots inquiets à l'oreille sans cesser de caresser sa nuque, lui demandant quelle était la cause de tous ses tourments. Il tenta de déchiffrer ce que Jean bafouillait à travers ses larmes, mais ses paroles manquaient cruellement de cohérence. Il mentionna bien un rêve qu'il avait fait, seulement Marco n'en tira rien de plus. Il préféra donc lâcher l'affaire un moment afin d'apaiser en priorité son ami dont le corps n'en finissait pas de trembler. Quelques instants plus tard, le brun aperçu son paternel dans l'encadrement de sa porte, visiblement alerté par tout ce remue-ménage.
— Tout va bien ? voulut-il s'assurer.
— Je- Je ne sais pas trop... répondit son fils avec difficulté.
La présence de Jean dans leur maison était somme toute coutumière, mais on avait moins l'habitude de le voir débarquer au milieu de la nuit et en plein crise de nerfs.
— Je vais prévenir Marie, pour éviter qu'elle ne s'inquiète à son réveil.
En l'état actuel des choses, Gabriel ne voyait pas vraiment ce qu'il pouvait faire de plus. Contrairement à lui, Marco était probablement le mieux placé pour calmer son ami, ainsi préféra-t-il les laisser seuls. Une fois que les soubresauts de Jean se furent un peu calmés, le brun les fit tous deux s'asseoir au bord du lit.
— Que s'est-il passé ? lui demanda-t-il à nouveau.
— Rien, souffla le châtain. C'est rien.
— Tu as vu l'état dans lequel tu es ?
Marco posa sa main sur son épaule, cherchant son regard.
— Parle-moi, le pria-t-il. S'il-te-plaît.
— C'était juste... un rêve.
— Quel genre de rêve ?
Jean ouvrir la bouche, prêt à parler, mais aucun son n'en sortit. Ses paroles moururent avant d'avoir été prononcées, étouffées par un sanglot qui venait de le prendre à la gorge. En voyant ses beaux yeux ambre se remplirent encore de larmes, son ami l'attira contre lui. Sa tête partit se réfugier au creux de son épaule tandis que ses mains s'agrippaient farouchement à ses flancs. Bon sang, Marco avait envie de pleurer, lui aussi. Il lui frotta doucement le dos en lui murmurant que tout irait bien, qu'il était avec lui et qu'il le restera pour toujours tant que celui-ci voudra encore de lui. Réalisant qu'il était frigorifié, le brun lui retira son pull et le fit s'allonger à ses côtés sur le matelas. Ensuite, il rabattit la couette sur eux sans que Jean n'émette le moindre signe d'opposition.
— Il faut dormir un peu, décida-t-il.
Il tendit le bras, s'apprêtant à éteindre sa lampe, quand son ami se manifesta.
— Non, attends. Laisse-la allumée. Je- Je ne veux pas être dans le noir.
Plutôt que de les priver de lumière, Marco diminua simplement la puissance de l'objet et le déplaça à terre pour qu'il continue de les éclairer légèrement sans troubler leur sommeil. Dans la semi-obscurité ambiante, Jean ne le lâcha pas des yeux. Et pour une raison qui échappait à sa compréhension, le brun en fit de même. La revoilà, cette fascinante attraction à laquelle ils ne parvenaient jamais à se soustraire, cette attraction à laquelle leur cœur étaient incapables de résister. Car peu importaient les circonstances, les deux garçons cédaient toujours face à la force de leur volonté, face à la voix qui leur criait de se perdre dans la contemplation de l'autre. Ils réprimaient déjà tant leurs émotions, ils se soustrayaient à tant de désirs qu'ils n'arrivaient à se détourner de ce simple plaisir innocent. Quand bien même à force de jouer avec le frisson, leurs passions finiraient un jour par les rattraper. Jean bougea le premier sa main qu'il dirigea lentement vers la joue de Marco. Elle s'y posa à la manière d'une légère caresse qui fit s'affoler l'organe battant sous sa poitrine.
— Marco, est-ce que...
Jean hésita. Ses doigts glissèrent sur sa mâchoire pour en effleurer le contour. Inconsciemment, le brun avait momentanément cessé de respirer. Les yeux grands ouverts, il attendait que son ami lui explique ce qu'il était en train de faire, car son propre esprit se trouvait bien trop troublé pour émettre une seule idée raisonnable. Lorsque le pouce de Jean s'arrêta finalement sur ses lèvres entrouvertes, il se sentit perdre pieds.
— Je peux t'embrasser ? chuchota le châtain.
Marco cligna plusieurs fois des paupières sous l'effet de la surprise. Il eut besoin d'une longue seconde pour analyser les paroles de son ami. Était-il en train de rêver ? La chaleur de sa main sur sa peau semblait pourtant si réelle qu'il ne pu en douter longtemps. Et quand bien même sa raison lui murmurait qu'il ferait mieux d'y réfléchir à deux fois, son corps tout entier mourrait d'envie de consentir à cette folie.
— Oui, souffla-t-il si faiblement qu'il craignit de ne pas être entendu.
Heureusement, Jean déduisit sa réponse par le simple mouvement de ses lèvres contre son doigt. Son regard se posa tantôt sur sa bouche, tantôt sur ses yeux. Avec une lenteur qui les fit défaillir, le châtain s'approcha de son meilleur ami qui l'observait sans un mot à travers ses cils. Devenu gênant, son pouce glissa sur la joue tachetée et, avec lui, toutes les barrières s'effondrèrent. Marco ferma les yeux au moment où leurs nez se frôlèrent. Jean inclina finalement la tête pour permettre à leurs lèvres de se rejoindre sans embûches. Il pensait pouvoir se contenter d'une caresse, mais ce premier baiser maladroit ne suffit pas à le satisfaire. À peine l'eut-il consommé que Jean regretta sa cruelle éphémérité et en quémanda un second. Il l'embrassa avec toute la douceur dont il était capable, comme s'il craignait que Marco ne se brise entre ses doigts. Et cette fois-ci, le châtain veilla à graver chaque seconde au plus profond de sa mémoire afin de ne jamais l'oublier. Les yeux à demi-ouverts, il ne parvint pas à détacher son regard du visage de celui qu'il aimait tant. Il ne l'avait jamais vu d'aussi près et il songea que c'était vraiment dommage, car Marco était toujours aussi beau sous cet angle.
Jean ne s'écarta qu'à regrets de cette bouche qu'il aurait voulu goûter jusqu'au petit matin. Ses doigts caressèrent de nouveau la joue de son vis-à-vis qui gardait les paupières closes dans un vain espoir de prolonger cet instant irréel. En dépit de la pénombre, le châtain aperçu les rougeurs qui fleurissaient sur son visage et se délecta d'avoir pu provoquer pareille réaction. Quand il croisa enfin ses pupilles sombres, Jean se mordit inconsciemment la lèvre inférieure. Sans pouvoir se retenir, il lui déroba un dernier baiser papillon avant de s'éloigner pour de bon de cette tentation. Le garçon s'enfonça un peu plus dans le lit pour pouvoir déposer son front contre la poitrine de Marco d'où son cœur battait si fort. Il sourit en réalisant que le sien en faisait certainement de même. Son bras alla entourer le flanc de son ami et, bientôt, il ferma enfin ses yeux. De son côté, le brun s'employait encore à reprendre une respiration décente. Il porta machinalement les doigts à sa bouche avant de s'empourprer de plus belle en réalisant son geste. Ses mains se glissèrent finalement derrière la nuque de Jean et il enfouit son visage dans ses cheveux pour y dissimuler son embarras. Cette nuit-là, ce fut bien le sourire aux lèvres qu'il s'endormit.
𝟸𝟶𝟷𝟺 ᴍᴏᴛs
ᴀ̀ sᴜɪᴠʀᴇ...
𝘫'𝘦𝘴𝘱𝘦̀𝘳𝘦 𝘲𝘶𝘦 𝘷𝘰𝘶𝘴 𝘦̂𝘵𝘦𝘴 𝘢𝘶𝘴𝘴𝘪 𝘦́𝘮𝘶𝘴 𝘲𝘶𝘦 𝘮𝘰𝘪 𝘱𝘢𝘳𝘤𝘦 𝘲𝘶𝘦 𝘫𝘦 𝘴𝘶𝘪𝘴 𝘢̀ 𝘥𝘦𝘶𝘹 𝘥𝘰𝘪𝘨𝘵𝘴 𝘥𝘦 𝘱𝘭𝘦𝘶𝘳𝘦𝘳 𝘛𝘰𝘛
Bạn đang đọc truyện trên: Truyen247.Pro