𝟷 ¦ 𝚃𝚁𝙸𝙰𝙽𝙶𝙻𝙴 𝙳𝙴𝚂 𝙰𝙼𝙾𝚄𝚁𝚂³
𝙲𝙷𝙰𝙿𝙸𝚃𝚁𝙴 𝟷
ᴘᴀʀᴛɪᴇ ⒊
Le lendemain, à la sortie des cours, Marco partit seul, et chez lui. Ses géniteurs rentraient le soir même, dans une heure ou deux selon le possible retard de leur avion en provenance d'un pays dont il avait délibérément oublié le nom. Les revoir ne l'enchantait pas plus que cela l'ennuyait, il avait appris à les considérer de la même façon que ceux-ci le faisait : sans leur témoigner le moindre intérêt. Ce n'était donc pas pour cette raison qu'il était légèrement irrité, mais pour une cause tout autre. Il avait en effet aperçu, avant de partir, Jean se diriger vers Mikasa avec l'air qu'il lui connaissait bien. Celui qu'il avait quand il lui déclarait pour la énième fois qu'il l'aimait. Autrement dit, Marco était très tendu en cette fin d'après-midi qu'il pressentait très mauvaise.
Demain, il allait devoir faire face à un Jean relativement dépité, déçu de la réponse de celle qu'il convoitait. Encore une fois, il serait là pour ramasser les quelques morceaux de lui qui se briseraient, avant de le voir s'élancer à nouveau dans cette obsession insensée. Le voir se heurter en permanence au même mur le rendait naturellement triste, mais que pouvait-il bien y faire ? Son ami pourrait encore se faire rejeter un bon nombre de fois à l'avenir, mais rien ne semblait le faire reculer.
Marco soupira bruyamment, trouvant cette situation extrêmement désagréable. Arrivant enfin chez lui, il s'engouffra dans l'habitacle et monta directement s'enfermer dans sa chambre. Ses géniteurs étaient supposés rentrer ce jour, et il n'avait aucune envie de les voir plus que nécessaire. S'il aurait eu à qualifier sa relation avec ceux-ci, il aurait parlé de relation à distance. Des milliers de kilomètres pouvaient le séparer de leurs corps comme leurs esprits, il n'avait jamais eu le sentiment qu'ils aient été présents à ses côtés. Les relations à distance sont compliquées, et nécessitent une implication pleine des deux parties, parfois même des sacrifices. Gabriel et Amélie Bodt n'avaient jamais rien fait de tel. Et une forte rupture entre eux s'était rapidement opérée dans son enfance.
Il ne lui restait aucun souvenir d'une réelle vie de famille, ainsi Marco supposait qu'ils n'en avait pas connue. Même lorsqu'il n'était qu'un bébé, c'était une nourrisse qui s'était occupé de lui, et non ses géniteurs. Ceux-ci ne l'avaient même pas élevé, comment aurait-il pu les considérer comme son père ou sa mère ? Cela faisait plus de dix ans qu'il ne les avait pas appelé papa ou maman. Ces termes lui paraissaient complètement hors de contexte. Pour Marco, ses parents biologiques n'étaient rien d'autre que ses géniteurs, ils n'avaient fait que lui donner la vie, rien de plus.
Enfant, il n'avait pas compris la situation. Supposant à tort qu'il avait déplu à ses parents, il avait tout fait pour devenir un fils exemplaire. Plus que tout au monde, il désirait être aimé par ceux qui lui avaient donné la vie. Le garçon avait redoublé d'efforts dans son apprentissage. C'était le sourire aux lèvres qu'il tendait son bulletin à ses géniteurs, mais ceux-ci ne lui avaient jamais dit qu'ils étaient fiers de ses efforts. Cette folie de leur plaire lui passa ainsi bien peu de temps après, quand il réalisa que ceux-ci ne l'aimaient tout simplement pas et qu'il ne pourrait probablement pas changer ce fait. Il n'était qu'un enfant, mais il savait déjà que l'humain était un étrange spécimen et que ses parents l'étaient encore plus que les autres.
Malgré tout, cette révélation n'avait pas changé sa curiosité. Sachant déjà lire et écrire avant ses six ans, il s'était immédiatement plongé dans la lecture. Les romans historiques avaient été ses préférés, suivit de près par le genre policier. Quelques années plus tard, il avait également découvert les plateformes qui proposaient du contenu vidéo, sur lesquelles il avait passé un nombre exorbitant d'heures. Tous les sujets y passèrent : actualités, comique, musique, débats, leçons, et bien d'autres. Il avait ainsi acquit une culture générale bien plus riche que celle de ses camarades, et surtout, une opinion propre du monde qui l'entourait. Malheureusement, même avec toute la connaissance du monde, il était bien difficile pour un enfant de comprendre pourquoi ses propres parents ne l'aimaient pas.
Le claquement bruyant de la porte d'entrée le fit lever les yeux du livre dans lequel il s'était plongé, et il se prépara mentalement à la vue prochaine et inévitable de ses géniteurs. Il soupira longuement, et quand quatre coups fûrent toqués à sa porte, c'est avec lassitude qu'il autorisa l'intru à entrer. La silhouette de son paternel se dessina dans l'encadrement, et il se força à le regarder dans les yeux. Il avait prit pour habitude de les regarder en face, de façon relativement insolente, espérant malgré tout un jour leur faire réaliser son existance. Le léger sourire que lui adressa Gabriel le décrispa.
— Salut, fiston. On va passer à table.
— D'accord.
Et la conversation s'arrêta là, alors que le garçon se levait pour le suivre dans la salle à manger. Leurs échanges n'étaient jamais bien longs ou même simplement intéressants, mais étrangement ils étaient présents. Marco n'était pas proche de ses géniteurs, mais il ne pouvait dénier que son paternel montrait plus d'attention à son égard. C'était lui qui lui parlait le plus, bien que cela ne représentait que quelques phrases à la fois. Lorsqu'ils rentraient chez eux, il venait toujours dans sa chambre, comme pour vérifier qu'il était encore bien là, qu'il n'était pas parti. Attablé en face de sa génitrice, il se fit l'amère réflexion que ce n'était pas du tout son cas. Amélie Chevalier-Bodt agissait constamment comme s'il ne vivait réellement pas avec eux. D'une certaine manière, Marco avait le sentiment que celle-ci évitait tout contact avec lui : ses yeux glissaient sur l'espace qu'il occupait sans jamais croiser son regard.
Même après toutes ces années passées à étudier le comportement de ses géniteurs, il n'avait toujours pas compris les raisons de leurs agissements. Pourquoi sa mère l'ignorait-elle ? Pourquoi son père avait-il tant de retenues ? Il n'aurait su dire pourquoi, mais il sentait parfois le poids d'un regard sur lui. Il avait tenté à plusieurs reprises de comprendre d'ou venait cette impression de puissant malaise qui rodait dans cette maison, mais il n'avait jamais réussi à prendre quelqu'un en faute. Cette famille avait des secrets, il le sentait bien. Et visiblement, il était le seul à ne pas être au courant. À bien y penser, peut-être vallait-il mieux ne pas savoir ce dont on l'accusait, ou ce dont on le protégeait.
Il avait plusieurs fois spéculé sur le sujet. Lorsqu'il n'était qu'un enfant, il s'imaginait qu'il avait été abandonné sur terre par ses véritables parents qui étaient les souverains d'une lointaine galaxie. L'imagination est sans limite quand les questions qui justifient notre existance viennent à manquer. Même en grandissant, il devait bien avouer qu'il avait encore le très mince espoir que ce rêve d'enfant se révèle vrai. Ainsi, il s'empêchait de penser à d'autres hypothèses, bien souvent plus déplaisantes.
Il était plus de vingt-et-une heure lorsque Marco se redressa brusquement. Il frotta son visage encore endormi, réalisant qu'il s'était une nouvelle fois assoupi en plein travail. Cela lui arrivait régulièrement depuis quelques semaines, il avait bien du mal à gérer les multiples exposés et biographies qu'on lui demandait de faire, tout en dormant suffisamment. Un bruit sourd se fit entendre contre la fenêtre, et il fronça les sourcils en comprenant que c'était ce qui l'avait probablement réveillé. Se levant difficilement, il se dirigea vers la fenêtre qu'il ouvrit et observa au dehors qui pouvait bien faire une chose aussi bête. Ce fut une très mauvaise idée, puisqu'il se prit un petit cailloux en plein sur le front. Lâchant un juron, il entendit quelqu'un pouffer en tentant vainement de retenir un rire. L'intru s'avança finalement de sorte à pouvoir être vu, et Marco souffla, reconnaissant son attaquant.
— Lancer des cailloux aux fenêtres, franchement. M'appeller n'aurait-il pas été plus simple ?
— J'ai pourtant essayé une bonne douzaine de fois, sans résultat.
Marco se rapella qu'il éteignait toujours son téléphone lorsqu'il faisait des recherches sur son ordinateur. Il leva les yeux au ciel, relativement soulagé que le carreau de sa fenêtre ne soit pas cassé ou rayé. Il aurait eu bien du mal à justifier cela auprès de ses géniteurs. Jean eut à attendre quelques minutes, le temps pour que son complice parte chercher la corde à nœuds qu'ils utilisaient pour passer par le balcon. Après l'avoir solidement attachée aux barreaux, l'invité surprise se mit à l'escalader avec une aisance à peine simulée. Ils utilisaient cette technique depuis des années maintenant, Jean n'aimant pas se retrouver en face des parents de son ami. Ces derniers n'étaient probablement pas sans ignorer qu'ils leur arrivait fréquemment de se retrouver en cachette de cette manière. Son paternel les avait en effet surpris à quelques reprises, mais il n'avait jamais prononcée aucune remarque.
Marco eut à peine le temps de se tourner vers son ami que celui-ci le saisit par les épaules et planta son regard dans le sien. Le garçon resta cloué sur place, ne comprenant décidément rien à la situation. La proximité qu'ils partageait n'aidait par ailleurs en rien à une analyse claire et nette des événements. Jean le fixait avec une étrange puissance, et il commença à bégayer des mots incohérents très rapidement, son cerveau était en pleine overdose. Il n'eut pas le temps de raconter plus de bêtises qu'il se fit couper la parole par son ami étonnamment heureux.
— Elle a dit oui.
Son interlocuteur resta comme paralysé pendant les secondes qui suivirent. De quoi pouvait-il bien parler ? Marco avait l'impression qu'il lui manquait plusieurs éléments pour comprendre ce qu'on essayait de lui dire. Un énorme point d'interrogation devait s'être matérialisé au-dessus de sa tête marquée par l'incompréhension, si bien que voyant qu'il ne réagissait pas de la manière estompée, Jean précisa avec un grand sourire sa pensée.
— Mikasa. Mikasa a dit oui. On sort ensemble ! s'exclama-t-il, complètement excité.
Marco se demandait si Jean l'avait lui aussi entendu, le bruit qu'avait fait son cœur en se brisant.
𝟷𝟼𝟿𝟹 ᴍᴏᴛs
ᴀ̀ sᴜɪᴠʀᴇ...
*𝘦́𝘷𝘪𝘵𝘦 𝘭𝘦𝘴 𝘰𝘣𝘫𝘦𝘵𝘴 𝘷𝘰𝘭𝘢𝘯𝘵𝘴*
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