𝟶 ¦ 𝙻𝙴 𝙹𝙾𝚄𝚁 𝙳𝚄 𝙷𝙴́𝚁𝙾𝚂¹
𝙲𝙷𝙰𝙿𝙸𝚃𝚁𝙴 𝟶
ᴘᴀʀᴛɪᴇ ⒈
« Un courage indompté,
dans le cœur des mortels,
fait ou les grands héros
ou les grands criminels. »
— Vᴏʟᴛᴀɪʀᴇ
Dᴇ́ʙᴜᴛ Oᴄᴛᴏʙʀᴇ
La douce clarté de la lune s'était engouffrée par la fenêtre ouverte de la chambre, éclairant légèrement les silhouettes de deux êtres. Subjugué par la lumière blanche qui l'enveloppait, l'un des deux garçons tendit une main en direction de l'astre qu'il aurait tant aimé prendre au creux de sa paume. Ses doigts se pliaient et dépliaient dans une fascination qui n'échappa guère à son ami présent. Loin d'être étranger à un tel spectacle, il sourit, ne se lassant jamais des rêveries de Marco.
— Dis-moi, Jean, murmura le garçon, songeur. Tu te souviens de ce jour ?
Tandis que l'intéressé leva la tête à l'entente de son nom, celui qui l'avait formulé se laissa retomber en arrière, son dos atterrissant sur le matelas du lit où ils étaient tous les deux assis. Marco n'avait pas besoin de préciser à quel jour il faisait allusion, son ami savait pertinemment de quoi il parlait. Sans attendre une confirmation qui n'arriva pas, il enchaîna.
— Tu sais, il m'arrive encore d'en rêver. De revivre cette journée à l'infini, d'imaginer d'autres scénarios qui ne se sont pas réalisés. Et le matin, je me réveille en craignant que cette réalité ne soit qu'un des nombreux rêves que j'ai imaginés.
Suite à cet aveu qu'il avait gardé pour lui durant des années, il attendait la réaction de son ami. Lequel s'approcha de lui, avant de pincer les joues parsemées de taches de rousseurs de Marco.
— Tu ne dois pas penser à ça, tu le sais bien, le réprimanda Jean sur un ton sérieux.
Ils s'observèrent alors un long moment. Les mains encadrant toujours son visage, Marco sourit doucement à cette remarque. Il était évident qu'il ne pourrait pas se débarrasser de ses angoisses si facilement. Ce jour était trop important pour lui, il avait marqué un tournant dans sa vie. Jean, ce jour-là, lui était apparu comme un sauveur, une lumière dans la pénombre. Un héros qu'il n'espérait plus depuis bien des années.
Cɪɴϙ Aɴs Aᴜᴘᴀʀᴀᴠᴀɴᴛ
Ce jour, c'était lors de leur première année au collège, à peine quelques heures après la rentrée, au moment de la sortie. Marco s'était retrouvé encerclé dans une petite ruelle à l'arrière du collège par une bande de garçons, le genre avec plus de caries que de neurones. À bien y penser, il doutait qu'un seul d'entre eux eu jamais possédé un neurone. Peut-être même qu'ils ignoraient ce que c'était.
C'était il y a longtemps déjà, mais la mémoire de Marco n'avait jamais pu oublier. Il se souvenait encore du calme dont il s'efforçait de faire preuve, refusant de céder à la panique et de leur donner ce plaisir. Alors même qu'à l'intérieur de son être, il tremblait de peur et les larmes menaçaient de couler le long de ses joues.
Il avait sursauté lorsque l'un des garnements l'avait brusquement attrapé par le col, puis plaqué au mur. Son visage était à quelques centimètres seulement du sien, et cette vision était probablement la plus terrifiante de sa vie. Il pouvait encore parfois sentir sa poigne autour de lui, et son haleine qui s'écrasait sur son visage apeuré. Il pouvait se remémorer chaque mot qu'on lui avait lancé.
— Où t'allais comme ça ? Tu croyais qu'on en avait fini avec toi ? Pour un fayot, t'es pas très malin !
Il s'était mis à rire d'un air mauvais, et les trois ou quatre autres gamins qui étaient présents firent de même. Marco ravala ses larmes. Il s'était douté que ces intimidations ne s'arrêteraient pas là. Pourtant, quelque part, il avait espéré le contraire. Au collège, il aurait aimé tout reprendre à zéro afin de ne plus avoir de regrets. Et peut-être d'oser enfin se regarder dans un miroir sans détourner le regard. Le bleu ne lui allait pas au teint. C'était ce qu'il s'était dit le matin même, se répétant inlassablement que tout irait bien désormais. Mais il se retrouvait encore et toujours dans cette même situation, depuis plus de quatre ans.
Il avait toujours été un bon élève, sachant lire, écrire et compter à cinq ans, obtenant les meilleures notes à chaque évaluation, et cela, depuis toujours. On pouvait parler de prédisposition : il avait évolué dans un cadre favorisant l'apprentissage et surtout, l'autonomie. Il n'avait jamais eut le sentiment de travailler beaucoup, pour la bonne raison qu'il avait toujours considéré l'apprentissage comme une passion, et non une contrainte. Grâce à cet état d'esprit, il avait développé des facilités que les autres n'avaient pas, et acquis des connaissances qui le faisait parfois paraître plus mature que les enfants de son âge. Néanmoins, ces mêmes enfants l'avaient pris pour cible, utilisant sa différence pour prétexte.
Il était de nombreuses fois rentré en classe, trouvant ses affaires étalées par terre et son cartable avec. D'autres fois, on lui volait ses crayons de couleurs, ses billes ou ses stylos. Des chewing-gums se retrouvaient étrangement sur sa chaise, son sac à dos avait atterrit dans la poubelle avec de multiples mots écrits au feutre. Il ne s'était jamais plaint, il n'avait jamais rien dit, et les enseignants étaient loin de se douter de tout ce qui se tramait dans leur salle de classe. Il mentait à ses parents, les rares fois où ceux-ci lui posaient des questions. Enchaînant les mensonges, afin de justifier les tâches, les vols, ou simplement pour dire que tout allait bien à l'école.
S'il avait au début pu penser que l'étiquette du vilain petit canard de la classe qu'on lui avait collée allait disparaître en quelques semaines, il comprit rapidement qu'il ne pourrait échapper à ce quotidien. En grandissant, les choses ne s'arrangèrent guère, et bientôt les actes physiques s'ajoutèrent aux rabaissements et farces de mauvais goûts. On le bousculait dans les escaliers, manquant de le faire tomber. On lui rentrait dedans alors que le couloir était vide, ou on lui faisait un croche-pied à son entrée dans la classe.
Mais encore une fois, il ne disait rien, se contentant d'encaisser en silence. Jusqu'à sa dernière année de primaire, les choses avaient continuées dans ce sens. Au fil des années et des coups bas, Marco avait beaucoup changé. Si autrefois il avait eu envie de pleurer pour ce qu'on lui faisait subir, il ne ressentait désormais plus rien d'autre à leur égard qu'un profond mépris. Le garçon s'était donc tout bonnement mis à les ignorer, ne leur offrant plus aucune des réactions qu'ils se délectaient de voir sur son visage. On ne l'avait pas laissé tranquille pour autant, et on avait même redoublé d'effort pour le faire craquer.
Mais plus rien ne semblait le toucher, ce qui finit par profondément agacer les auteurs de tous ces actes. Refusant d'être ignorés plus longtemps, ils franchissèrent alors une limite dans leur harcèlement. Un groupe de garçons l'encercla à la sortie, dans une ruelle qu'il empruntait pour rentrer chez lui, et usèrent d'une réelle violence pour la première fois. Malheureusement, ce fut loin d'être la dernière. Cela arrivait à intervalles réguliers, parfois trois fois par semaines. C'était toujours trop souvent d'après Marco. Ils le tabassaient, de leurs poings d'enfants. Ils se retenaient de le frapper aux endroits visibles, privilégiant le ventre et les jambes. Ce fut bien la seule preuve d'intelligence qu'ils eurent jamais montrée. Il n'échappa cependant pas à quelques claques, et quelques doigts cassés.
Pour la première fois depuis trop longtemps, Marco versa des larmes. De tristesse, d'impuissance mais aussi de colère. Il en avait marre, il était à bout. Pourquoi lui ? Qu'avait-il fait pour mériter cela ? Le monde était injuste de lui infliger tant de douleur. Tremblant de colère, il attrapa les doigts qui lui serraient le col.
— Arrête ! cria-t-il.
— Oh ! Mais c'est que ça parle ce truc ! s'émerveilla faussement son agresseur.
— Je t'ai dis de me lâcher, sale enflure !
Le coup qu'il reçut l'envoya au sol. Une vive douleur se répandit dans son ventre, là où le poing s'était enfoncé. Sa respiration était saccadée, il n'arrivait plus à respirer correctement.
— Je t'ai lâché, content ? Mais je te préviens, répètes ce que tu viens de dire encore une fois et ça pourrait très mal finir pour toi. J'ai toujours rêvé de tester quelque chose... murmura-t-il, songeur, tout en touchant la boucle de sa ceinture du bout des doigts.
Au sol, Marco serra les poings. Impuissant, voilà ce qu'il était. Pour la première fois depuis des années, il montrait de la résistance. Et que pensait-il ? Les gamins qu'il avait en face de lui n'étaient pas des enfants de cœur, il le savait depuis longtemps. Aucun n'était ouvert à la discussion, ils ne seraient pas là sinon. Et ce n'était pas avec sa force pitoyable qu'il allait mettre au tapis ces vauriens qui n'étaient doués qu'en une chose : rabaisser les autres.
Il percevait que l'un d'eux se rapprochait, sans pour autant le voir. Dans quelques secondes, tout redeviendrait comme avant. Quelles raisons le pousseraient à lutter plus longtemps encore ? Sa joue lui faisait mal. Sa respiration n'était toujours pas stable, et il avait l'horrible envie de recracher le contenu de son estomac. Marco ferma les yeux, et se prépara mentalement à un autre coup. C'est quand il perdait tout espoir, que l'impossible se produisit.
— Eh, espèce de paltoquet ! Qu'est-ce que tu crois faire là ?
Tous se retournèrent vers cette voix qui venait de les insulter sans qu'ils ne s'en rendent compte. Le gamin qui s'était approché de Marco fronça les sourcils, et le toisa d'un œil mauvais. Si l'expression utilisée était certes dépassée et presque mignonne, il ne doutait pas qu'elle était peu flatteuse.
— T'es qui toi ? Tu veux mourir ?
— Il va se calmer le chihuaha en colère ? lança le nouveau venu d'un air arrogant.
— Pardon ? s'entrangla l'insulté. Je crois que tu ne sais pas à qui tu t'adresses.
— Le terme paltoquet est utilisé dans le but de qualifier un individu grossier dans ses manières. Autrement dit, tu es un petit con.
— Je comprend absolument rien de ce que tu me chantes, grogna l'autre. Mais si tu insistes tant pour que je donne quelques coups, je ne vais pas te priver de ton plaisir masochiste !
— Viens-là espèce de triple merde, je t'attends !
S'il avait pu entendre les mots échangés entre les deux garçons, il avait été incapable de se redresser afin d'apercevoir la suite. Il devina les coups, des corps glissant au sol, des exclamations de colère, des insultes et des pas qui s'éloignaient en courant. Tout ceci ne dura au plus que quelques minutes, et ce délais passé, le calme revenu autour de lui. Ce fut à ce moment qu'il le vit, ce garçon qui était apparu tel un ange et qui lui tendait la main.
— Dis, ça va ?
Marco esquissa un sourire. Mais il n'eût pas le temps de lui répondre qu'il se sentait partir. Le garçon dont il ignorait encore le prénom essayait de lui parler, mais il n'entendait qu'un bruit sourd. Sa vision se troublait, et il sentit qu'on le relevait tout en passant son bras autour des épaules de quelqu'un pour l'aider à marcher. Quelques secondes plus tard, ses pieds avancèrent comme par automatisme et il se fit transporter pendant quelques minutes. Trois marches, le claquement d'une porte et un cri proche de son oreille se succédèrent.
— Mᴀᴍᴀɴ !
Après ça, ce fut le trou noir.
Il rêva longtemps, errant dans l'obscurité, se cognant à des murs invisibles. Il avait beau chercher encore et encore, il ne trouvait pas la sortie de ce labyrinthe plongé dans le noir. Enfin, il aperçu une lumière. Si petite, mais elle était bien là. Celle-ci le guida, lui montra la sortie, et il put distinguer une sillouette se découper dans le halo de lumière. Un garçon lui tendait la main, souriant. Observant cette main, il la prit doucement, et la serra de toutes ses forces, craignant qu'elle ne disparaisse.
𝟷𝟿𝟼𝟽 ᴍᴏᴛs
ᴀ̀ sᴜɪᴠʀᴇ...
𝘤𝘦𝘵𝘵𝘦 𝘯𝘰𝘶𝘷𝘦𝘭𝘭𝘦 𝘷𝘦𝘳𝘴𝘪𝘰𝘯 𝘥𝘦 𝘴𝘵𝘪𝘵𝘤𝘩𝘦𝘴 𝘦𝘴𝘵 𝘢𝘴𝘴𝘦𝘻 𝘥𝘪𝘧𝘧𝘦́𝘳𝘦𝘯𝘵𝘦 𝘥𝘦 𝘤𝘦𝘭𝘭𝘦 𝘲𝘶𝘦 𝘷𝘰𝘶𝘴 𝘢𝘷𝘦𝘻 𝘱𝘶 𝘤𝘰𝘯𝘯𝘢𝘪𝘵𝘳𝘦 (𝘥𝘦𝘴𝘤𝘳𝘪𝘱𝘵𝘪𝘰𝘯𝘴 𝘢𝘱𝘱𝘳𝘰𝘧𝘰𝘯𝘥𝘪𝘦𝘴, 𝘮𝘪𝘴𝘦 𝘦𝘯 𝘱𝘢𝘨𝘦 𝘱𝘭𝘶𝘴 𝘱𝘳𝘰𝘱𝘳𝘦, 𝘵𝘪𝘵𝘳𝘦𝘴 𝘦𝘯 𝘧𝘳𝘢𝘯𝘤̧𝘢𝘪𝘴, 𝘤𝘩𝘳𝘰𝘯𝘰𝘭𝘰𝘨𝘪𝘦 𝘱𝘳𝘦́𝘴𝘦𝘯𝘵𝘦...) 𝘢𝘪𝘯𝘴𝘪 𝘫𝘦 𝘷𝘰𝘶𝘴 𝘪𝘯𝘷𝘪𝘵𝘦 𝘢̀ 𝘭𝘢 𝘳𝘦𝘭𝘪𝘳𝘦 𝘦𝘵 𝘢̀ 𝘮𝘦 𝘥𝘪𝘳𝘦 𝘤𝘦 𝘲𝘶𝘦 𝘷𝘰𝘶𝘴 𝘦𝘯 𝘱𝘦𝘯𝘴𝘦𝘻 !
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