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𝐎𝟒 | 𝐈𝐍𝐓𝐑𝐈𝐆𝐔𝐄𝐑.


࣪ ִֶָ☾. 𝐓𝐇𝐄 𝐅𝐋𝐀𝐑𝐄𝐒 | 𝐓𝐇𝐄 𝐁𝐄𝐆𝐈𝐍𝐍𝐈𝐍𝐆

𝐎𝟒 | 𝐈𝐍𝐓𝐑𝐈𝐆𝐔𝐄𝐑.


SIANA baissa aussitôt la tête, incapable de soutenir le regard de quiconque. Son cœur battait encore à un rythme effréné, comme si la scène qui venait de se produire continuait de résonner dans chaque recoin de son esprit. Sans un mot, elle se détourna et s'éloigna à pas rapides. Son seul but désormais : fuir.

Elle voulait disparaître. Fondre dans le décor, devenir invisible, se dissoudre dans l'air comme une vapeur éphémère. Elle ne supportait plus ces regards braqués sur elle, ces yeux qui la transperçaient de jugements silencieux, ces expressions fermées, méfiantes, parfois même accusatrices. Ce n'étaient que des inconnus, pourtant chacun d'eux semblait la condamner en silence, comme si son simple visage suffisait à résumer ses fautes. Elle ne connaissait ni leurs noms, ni leurs histoires, mais cela n'avait aucune importance : leur présence pesait sur elle comme une chape de plomb, et leur silence résonnait plus fort que n'importe quel mot. Être ainsi scrutée, observée, comme une bête curieuse ou une coupable sur le banc des accusés, la mettait au supplice. Elle n'avait pas demandé cette place au centre de l'attention. Elle ne la voulait pas. Plus maintenant.

Elle s'enfonça sans réfléchir vers la lisière de la forêt, ses pas foulant nerveusement le sol encore chaud de la journée. Elle ne savait pas vraiment où elle allait, ni même si elle comptait s'arrêter. Mais peu importait. Ce qu'elle voulait, c'était disparaître. S'éloigner de cette plage, des regards, des murmures, de la peur qu'elle lisait dans les yeux des autres, fuir ce qu'elle venait d'être, ne serait-ce qu'un instant. Être seule. Rien de plus. Juste le silence et elle.

Alors qu'elle franchissait la première rangée d'arbres, une pression soudaine enserra son poignet. Elle s'arrêta net, le souffle coupé par la surprise. En se retournant vivement, elle rencontra le regard bleu acier de Liao, posé sur elle avec une intensité troublante.

Le grand blond la fixait, les sourcils légèrement froncés par l'inquiétude. Il avait hésité, bien sûr. Il n'était pas du genre à s'imposer. Mais quand il l'avait vue partir de cette manière, tête basse, le regard vide, il n'avait pas pu rester en place. Il avait ressenti ce besoin presque instinctif de la retenir. Parce que c'était dans sa nature de s'inquiéter. De vouloir comprendre. De savoir si les autres allaient bien, même quand ils ne disaient rien.

Qu'est-ce qu'il se passe ? Tu vas bien ? demanda-t-il d'une voix douce, teintée d'une réelle prévenance.

Siana ferma brièvement les yeux. Ses cils tremblèrent sous le poids de ses pensées. Elle inspira lentement, tentant de calmer le chaos en elle. Devait-elle lui mentir ? Ou lui dire la vérité ? Elle n'en savait rien. Son cœur hésitait, tiraillé entre le soulagement de se confier et la peur d'en dire trop.

Elle ne lui avait parlé qu'une seule fois. Une conversation anodine, fugace. Pourtant, elle sentait chez lui quelque chose de rassurant, de sincère. Il avait cette façon calme d'être présent sans envahir, d'écouter sans interrompre. Mais... un inconnu restait un inconnu. Et elle ne savait pas si elle pouvait lui faire confiance, pas maintenant, pas après ce qu'elle venait de faire.

Quand elle rouvrit les yeux, elle constata que Liao n'avait pas bougé. Il était toujours là, la regardant sans faillir. Il ne clignait même pas des yeux, comme s'il attendait silencieusement qu'elle laisse tomber ses barrières. Ce regard, fixe, insistant, la mit affreusement mal à l'aise.

Elle le fixa pendant quelques secondes, comme figée hors du temps. Ses yeux restaient accrochés aux siens, mais dans sa tête, les pensées tournaient à toute vitesse, s'entrechoquant dans un chaos silencieux. Rien n'était clair. Tout se mélangeait, tout vacillait. Une étrange chaleur montait en elle, se diffusant de sa nuque jusqu'à sa poitrine. Sa respiration, d'abord calme, devint saccadée, plus rapide, comme si l'air devenait soudain plus difficile à trouver. Et son cœur... il battait avec une force presque douloureuse, cognant contre sa cage thoracique comme s'il cherchait à s'en échapper. C'était comme si son corps réagissait avant même qu'elle comprenne pourquoi. L'émotion, la surprise, peut-être même la peur, elle ne savait pas. Elle se contentait de le regarder, incapable de détourner les yeux, prise au piège entre ce qu'elle ressentait et ce qu'elle refusait d'admettre.

Finalement, elle prit une décision. Elle ne dirait rien. Garder le silence était plus sûr,  pour elle, pour lui, pour tous les autres. Ce qu'elle avait fait, ce qu'elle avait ressenti, ne devait pas sortir d'elle.

Elle soutint son regard une dernière fois, y lisant cette même insistance, ce même besoin de comprendre. Mais elle n'avait rien à lui offrir. Rien qu'il puisse entendre.

Elle tira doucement sur son bras pour se libérer de sa prise. Il resserra brièvement les doigts sans s'en rendre compte, avant de relâcher lentement. Lorsqu'elle fut enfin libérée, elle constata avec un sursaut que son poignet était rouge, marqué. Un gémissement discret s'échappa de ses lèvres.

Liao fronça les sourcils, déstabilisé. Ce n'était pas ce qu'il voulait. Il ne comprenait pas. Pourquoi était-elle si distante, si fermée ? Quelques heures plus tôt à peine, elle se tenait devant lui, souriante, prête à aider, chaleureuse malgré tout. Et maintenant... elle le fuyait, comme s'il représentait une menace.

Il ouvrit la bouche, prêt à parler, à s'excuser peut-être, ou simplement à lui dire qu'il était là si elle avait besoin. Mais un cri le coupa dans son élan, déchirant l'air.

SIANA !

Les deux adolescents se tournèrent d'un même mouvement. La voix venait de plus loin, et tous deux reconnurent immédiatement celle qui la portait. Lenn courait dans leur direction, son visage allongé par la peur, l'inquiétude peinte sur chaque trait.

Elle ne voulait surtout pas l'effrayer. Encore moins la faire fuir. Après toutes ces années à vivre loin l'une de l'autre, à ignorer si elles se reverraient un jour, elle voulait être présente pour sa petite sœur, réellement. Elle voulait combler ce vide creusé par le temps, panser les plaies invisibles que l'absence avait laissées. Plus que tout, elle désirait comprendre avec elle ce qui s'était passé tous les mystères, tous les non-dits, toutes les douleurs qu'elles avaient portées chacune de leur côté. Elle voulait l'écouter, l'épauler, l'aider à traverser cette tempête dont elles ignoraient encore l'ampleur. Elle voulait lui prouver qu'elle n'était plus seule.

 Sa solitude venait d'être rattrapée par le monde qu'elle tentait désespérément de fuir.

Siana resta figée, immobile comme pétrifiée, le souffle suspendu au bord de ses lèvres entrouvertes. Une brise légère souleva quelques mèches de ses cheveux, mais elle ne bougea pas. Ce moment de silence, d'immobilité, fut l'ultime battement d'une solitude fragile, un instant suspendu avant que le tumulte ne la rattrape. Et il la rattrapa, brutalement. Elle entendait déjà les pas précipités de Lenn se rapprocher, son souffle court, l'inquiétude claquant dans l'air comme une menace.

Non. Elle ne voulait pas de ça. Pas maintenant. Pas encore.

Alors, d'un geste vif, elle voulut fuir, repartir plus loin encore, s'enfoncer dans les bois, là où plus rien ne pourrait l'atteindre. Mais avant même qu'elle ne puisse faire un pas, une main ferme la saisit par le haut du bras. Liao. Cette fois, sa poigne n'avait rien de douce.

Lâche-moi, grogna-t-elle, la voix vibrante d'une colère sourde.

Un frisson glacial remonta le long de sa colonne vertébrale. Quelque chose grondait en elle, une rage sourde, presque animale, qui ne demandait qu'à éclater. Elle releva lentement les yeux vers le jeune homme, et son regard se fit aussi tranchant qu'une lame. Une noirceur inquiétante y brillait, une menace muette, un avertissement. Mais Liao ne recula pas. Il soutint son regard sans fléchir. Peut-être parce qu'il ne comprenait pas. Parce qu'il ignorait de quoi elle était capable.

Lenn arriva à leur hauteur, haletante, les joues rouges d'avoir couru, les traits tirés par l'angoisse.

Siana... ce n'est pas ta faute... Je... je veux dire... souffla-t-elle, cherchant ses mots entre deux inspirations.

Mais personne ne l'écoutait. Liao, désormais plus tendu, fusilla Siana du regard.

Tu vas te décider à me dire ce qu'il s'est passé, oui ou non ? lança-t-il, un grondement de colère dans la voix.

Siana serra les dents, les mâchoires crispées sous l'effet d'une colère sourde mêlée à un début de panique. Elle ne lui devait rien. Absolument rien. Ni explication, ni confession. Et pourtant, il persistait. Il restait là, planté devant elle, les yeux durs, insistant, exigeant qu'elle parle, qu'elle ouvre les vannes de son cœur alors qu'elle n'en avait ni la force, ni l'envie.

Elle tenta de se dérober, de dégager doucement son bras de son emprise, mais la main de l'autre se raffermit, se referma un peu plus, avec une brutalité qu'elle ne s'attendait pas à trouver. Elle se figea, glacée. C'était comme s'il cherchait à l'enchaîner par les mots, à la tirer vers une vérité qu'elle n'était pas prête à affronter. Mais pour qui se prenait-il, à la fin ? Qui était-il pour l'obliger ainsi à se mettre à nu, à fouiller dans ce chaos intérieur qu'elle s'efforçait tant bien que mal d'étouffer ? Il n'était personne. Pas pour elle. Et pourtant, il s'imposait comme s'il avait tous les droits.

Liao... LÂCHE-MOI, répéta-t-elle avec une froideur glaçante.

Mais Lenn, à son tour, attrapa sa main libre. Elle la serra, presque doucement, comme pour l'apaiser.

Ce n'est pas grave... ce n'est pas de ta faute, arrête de vouloir fuir et essayons de comprendre ensemble. Je veux être là pour toi petite sœur, murmura-t-elle.

Coincée entre eux deux, Siana avait l'impression d'être piégée dans un étau. Leurs paroles s'entrechoquaient à ses oreilles, leurs attentes s'empilaient sur ses épaules comme des pierres, lourdes et oppressantes. Leurs mains sur ses bras, sur ses épaules, la touchaient sans douceur, sans tendresse, elles l'enfermaient. Une cage de chair et de mots.

Et puis, quelque chose céda. Une fracture imperceptible, enfouie depuis trop longtemps, fendit l'intérieur de son esprit comme une vitre craquant sous la pression. Elle sentit un frémissement étrange dans sa poitrine, une onde qui se propagea dans tout son corps. Son cœur accéléra, cognant furieusement contre sa cage thoracique. Son sang battait à ses tempes, ardent, incandescent, comme s'il avait été remplacé par du feu.

Tout devenait trop fort. Trop lumineux. Trop bruyant. Ses sens se brouillaient, déformés, distordus par cette colère sourde et incontrôlable qui montait en elle comme une marée. Elle ne contrôlait plus rien.

Elle tenta de respirer, mais l'air refusait d'entrer dans ses poumons. Une pression invisible écrasait sa poitrine. Siana se sentit suffoquer, étouffée par l'intensité de ce qu'elle vivait. Comme si le monde autour d'elle n'était plus qu'un carcan trop étroit pour contenir la tempête qui grondait en elle.

Et puis, sans avertissement, sans le moindre signe annonciateur, ce fut comme si quelque chose en elle éclatait. Une énergie brutale, indomptable, jaillit de son corps, repoussant tout autour d'elle comme une onde de choc silencieuse. Son cri, pourtant muet, résonna dans l'air comme une vibration déchirante. Elle ne réfléchit pas, elle ne contrôla rien. C'était instinctif, viscéral. Une décharge née de la peur, de la colère, de cette pression trop longtemps contenue.

C'était comme si tout ce qu'elle avait retenu, enfoui, nié, avait décidé de surgir d'un seul coup. Une explosion, non pas de feu ou de lumière, mais d'émotion brute, d'un pouvoir qu'elle ne comprenait pas et qui, pourtant, jaillissait d'elle avec une violence inattendue.

J'AI DIT LÂCHEZ-MOI ! hurla-t-elle de toutes ses forces.

L'instant suivant, l'air autour d'elle sembla se tendre, vibrer, puis imploser dans un vacarme muet. Un souffle invisible, mais d'une puissance démesurée, s'échappa de son corps comme un cri étouffé depuis trop longtemps. C'était une tempête sans vent, une déferlante d'énergie pure qui se propagea dans toutes les directions, emportant tout sur son passage.

Lenn fut arrachée du sol, comme happée par une force invisible. Son corps frêle traversa l'espace qui la séparait de la mer, ses bras battant vainement l'air, avant qu'elle ne percute la surface de l'eau avec une violence brutale. Le choc souleva une vague épaisse et blanche, qui éclaboussa les rochers proches dans un fracas assourdissant.

Plus près de Siana, Liao n'eut pas le temps de réagir. L'onde de choc le frappa de plein fouet, comme une gifle monumentale. Son dos heurta le tronc d'un arbre avec une brutalité sourde, un craquement résonna dans la clairière, puis il s'effondra, inerte, le souffle coupé, les yeux écarquillés de stupeur et de douleur mêlées.

Autour d'eux, le silence retomba brusquement, épais, presque irréel, comme si la nature elle-même retenait son souffle face à ce déchaînement venu de l'intérieur.

La scène sembla suspendue.

Lenn refit surface dans un grand éclaboussement, toussant à pleins poumons, l'eau de mer lui brûlant la gorge. Ses bras battaient l'eau avec frénésie, désorganisés, cherchant désespérément un appui dans les vagues agitées. Lorsqu'enfin elle parvint à nager jusqu'au rivage, elle s'écroula sur les galets mouillés, grelottante. Sa respiration était saccadée, hachée par des sanglots étouffés et le choc de la chute. Ses cheveux détrempés s'étaient plaqués sur son visage, masquant à moitié ses traits tirés par la panique. Lorsqu'elle releva enfin les yeux, ses prunelles, agrandies par la peur, cherchèrent instinctivement sa sœur du regard  comme si elle n'était plus certaine de reconnaître celle qu'elle croyait connaître.

Un peu plus loin, allongé sur le sol, Liao peinait lui aussi à retrouver son souffle. Ses côtes douloureuses semblaient protester à chaque inspiration, et pourtant, il ne laissait échapper aucun mot. Aucun cri. Aucun reproche. Seul le silence émanait de lui, un silence pesant, presque effrayé.

Son regard, dirigé vers Siana, n'était plus le même. Dans ses yeux s'était glissée une expression nouvelle, étrangère, une lueur voilée de crainte, celle qu'on réserve aux choses que l'on ne comprend pas, aux phénomènes qu'on ne peut expliquer. Liao ne savait plus qui il avait en face de lui. Une adolescente ? Une sorcière ? Une entité façonnée par quelque pouvoir enfoui au cœur de cette île ?

Il voulait croire que ce n'était pas possible. Que tout cela n'était qu'un malentendu, un rêve éveillé trop étrange pour être vrai. Mais le bourdonnement encore présent dans ses oreilles, la douleur sourde dans son dos, et le souffle qui manquait toujours à ses poumons lui rappelaient une vérité indiscutable.

C'était bien réel. Siana l'était aussi. Mais ce qu'elle était devenue, ou ce qu'elle avait toujours été... restait désormais une question suspendue dans l'air chargé d'électricité.

Siana tremblait de tout son corps. Ses bras, ses jambes, même sa mâchoire semblaient parcourus de frissons qu'elle ne pouvait plus contrôler. Son cœur tambourinait dans sa poitrine, affolé, désynchronisé, comme s'il cherchait désespérément à fuir hors de son corps. Une peur sourde lui enserrait le ventre. Elle n'avait rien voulu de tout ça. Rien contrôlé. Aucune intention de blesser. Et pourtant... le mal était fait. Brutal. Irréversible. Elle avait vu Lenn projetée dans l'eau, Liao écrasé contre un arbre. Par sa faute.

La panique se referma sur elle comme un piège. Elle n'attendit pas une seconde de plus. Dans un mouvement instinctif, presque animal, elle pivota sur elle-même, tourna les talons et s'élança. Fuir. C'était la seule pensée qui lui traversait l'esprit. Fuir les regards, fuir les cris, fuir cette scène qu'elle ne voulait plus affronter. Fuir surtout cette peur immense qui lui collait à la peau, cette terreur de ce qu'elle venait de devenir — ou peut-être de ce qu'elle avait toujours été.

Ses pas frappaient le sol, précipités, irréguliers, avalant les mètres à mesure qu'elle s'éloignait du groupe. La forêt s'ouvrit devant elle, sombre et dense, comme une bouche béante prête à l'engloutir. Elle y plongea sans hésiter, ses cheveux fouettant l'air, ses bras bousculant les branches basses. Les cris derrière elle s'estompèrent peu à peu, mais un dernier, plus aigu, plus accusateur, fendit le silence :

Elle aussi, c'est une sorcière !

Cette phrase la frappa de plein fouet, comme une gifle. Elle accéléra, ses pieds glissant parfois sur les racines, mais elle ne s'arrêta pas. Jamais. L'air devenait plus froid, plus humide, mais elle n'y prêtait aucune attention. Ses jambes la portaient toujours, animées par cette peur viscérale qui ne cessait de croître.

Oui. Peut-être qu'ils avaient raison. Peut-être qu'elle était une sorcière.

Ou peut-être... peut-être qu'elle était bien pire que ça.

Peut-être qu'elle était un monstre.


Siana avançait, perdue dans un tourbillon de pensées et d'émotions qui la submergeaient de toute part. Elle ne comprenait plus rien. Tout ce qui venait de se passer échappait à son entendement, comme si elle n'était plus maîtresse de son propre corps, de ses actes, ni même de sa volonté. Une étrangère à elle-même, voilà ce qu'elle était devenue en l'espace de quelques secondes. Comment avait-elle pu perdre ainsi le contrôle ? Comment avait-elle pu, ne serait-ce qu'un instant, laisser germer en elle le désir de blesser quelqu'un ? Et surtout... comment expliquer ce qu'elle venait de faire, cette force incontrôlable jaillie de nulle part et qui avait projeté Lenn et Liao sans qu'elle ne l'ait réellement voulu ?

Siana ne comprenait plus rien. Plus rien à ce qu'elle était. Plus rien à ce qu'elle avait fait. Son souffle se faisait court, presque saccadé, comme si son propre corps refusait de suivre les battements effrénés de son cœur.

Des dizaines de questions tourbillonnaient dans sa tête, telles des oiseaux affolés pris au piège d'une tempête intérieure. Mais aucune réponse n'émergeait. Rien d'autre que ce vide, cette terreur sourde, ce mal-être brûlant.

Fuyant comme un animal traqué, elle s'enfonça plus profondément dans la forêt. Là où personne ne viendrait la chercher. Là où, peut-être, elle pourrait disparaître pour de bon. Elle ne savait pas si elle retrouverait un jour le chemin du retour, ni même si elle en avait envie. Oui, elle était encore sur la même île, mais cette forêt semblait immense... et pleine de cachettes oubliées du monde. Si elle le décidait vraiment, elle pourrait disparaître. Et qui viendrait la chercher ? Qui voudrait encore d'elle après ça ?

Des larmes chaudes jaillirent de ses yeux sans qu'elle ne puisse les retenir. Elle les essuya du revers de ses mains, fébrilement, comme si elle tentait d'effacer toute trace de faiblesse. Sa gorge, elle, se serrait cruellement, comme si une main invisible l'étranglait lentement, la punissait d'exister.

Elle accéléra le pas, luttant contre elle-même. Luttant contre cette douleur. La fraîcheur du vent s'écrasa sur son visage, mais même cela ne suffisait pas à la calmer. Elle ferma les yeux un instant, tentant désespérément de se projeter dans un lieu sûr. Sa petite cellule. Là où, malgré la solitude, tout lui semblait plus simple. Moins dangereux.

Mais ses pensées la trahissaient encore. Dans l'obscurité de la forêt, un souvenir refit surface : le visage de ses parents. L'ombre d'un père disparu, d'une mère distante. Ce manque la déchirait chaque jour un peu plus. Elle aurait tout donné pour le revoir, lui. Son père. Cet homme qu'elle admirait plus que tout.

Contrairement à sa sœur Lenn, qui partageait un lien plus fort avec leur mère, Siana n'avait jamais réussi à se rapprocher d'elle. C'était son père, toujours son père, qui occupait la place centrale de son cœur. Le jour où elle avait appris sa mort, un gouffre s'était ouvert sous ses pieds. Et jamais elle n'avait pu croire à cette version officielle — celle d'un assassin en fuite. Non, ce n'était pas lui. Elle le savait. Du moins, elle voulait y croire.

Alors, chaque jour depuis, elle se posait la même question : et s'il avait vraiment été coupable ? Peut-être que cela rendrait les choses plus faciles à accepter. Mais au fond, elle savait que quelque chose clochait. Le gouvernement de Newanges cachait la vérité. Elle en était certaine.

Perdue dans ces pensées, Siana ne remarqua même pas qu'elle s'était aventurée plus loin qu'elle ne l'aurait cru. Lorsqu'elle releva les yeux, elle se rendit compte qu'elle ne reconnaissait rien. Rien que des arbres gigantesques aux troncs noueux, aussi anciens que silencieux, qui semblaient l'observer. Un frisson la parcourut lorsqu'elle aperçut un petit oiseau noir comme le charbon, immobile sur une branche. Il ne bougeait pas, mais son regard... ce regard semblait suivre chacun de ses mouvements.

Elle s'éloigna encore, ses pas la menant instinctivement vers une zone plus lumineuse. Là-bas, au loin, une étrange clarté filtrait entre les arbres. Intriguée, elle s'approcha à grandes enjambées. C'était comme si la forêt s'ouvrait soudainement sur un autre monde.

Lorsqu'elle arriva dans la clairière, elle en perdit presque le souffle.

C'était à couper le souffle.

Devant elle, au cœur de la pénombre étouffante de la forêt, s'ouvrait un sanctuaire inattendu, comme arraché à un rêve oublié. Un havre de lumière, protégé du monde. La végétation y était plus dense, plus vive, comme si la nature elle-même s'y exprimait avec plus d'intensité. Une vaste prairie s'étendait là, tapissée d'une herbe d'un vert profond, presque irréel, baignée par des rayons dorés qui perçaient miraculeusement la canopée. Les arbres sombres qui bordaient la clairière semblaient former un cercle naturel, dressés comme des gardiens silencieux autour de cet écrin de paix. Au-dessus d'elle, le ciel s'ouvrait, limpide, d'un bleu si pur qu'il en paraissait inviolé. Pas un souffle de vent. Pas un son. Un calme étrange, presque sacré, régnait en maître, suspendu entre deux battements de cœur.

Et là, en son centre, flottait une vision surnaturelle.

Un cercle de sphères lévitait doucement au-dessus du sol, comme tenues par une force invisible. Chacune d'elles irradiait une lumière douce, oscillant entre le bleu pâle et le blanc opalin. Elles pulsaient lentement, comme si elles respiraient. Comme si elles étaient vivantes. Siana s'arrêta net, le souffle coupé. Ses yeux écarquillés reflétaient les reflets mouvants des sphères. Elle ne comprenait pas ce qu'elle voyait, mais son esprit, embué de peur et de fatigue, se laissa happer par cette beauté étrange.

Elle avança, pas à pas, hypnotisée. Tout le reste s'éloigna, devint flou, insignifiant. Les cris, la fuite, la culpabilité. Plus rien n'avait d'importance. Seules ces sphères existaient. Leur éclat. Leur mystère.

Parmi elles, l'une attira son regard plus que les autres. Elle semblait vibrer différemment. Plus lumineuse. Plus proche. Siana ne sut dire pourquoi, mais son doigt se leva, presque malgré elle. Son bras trembla, mais ne s'arrêta pas. Chaque pas la rapprochait davantage, chaque mouvement renforçait cette étrange impression d'inévitabilité. Elle n'avait pas peur. Elle ne pensait même plus. La sphère l'appelait. Doucement. Impérieusement.

Et alors, elle la toucha.

Juste du bout du doigt.

L'instant fut silencieux.

Un éclat fulgura, aveuglant. Les sphères disparurent dans un souffle invisible, comme balayées par le néant. Ne resta qu'une seule lueur, suspendue dans l'air, juste devant elle. Une lumière d'un bleu pur, éclatant, presque liquide, qui semblait flotter entre les mondes.

Siana resta figée, incapable de bouger.

Quelque chose venait de changer.

Quelque chose d'énorme.

Siana resta là, les yeux fixés sur la lumière, totalement fascinée. Lentement, alors que son esprit commençait à émerger de l'obscurité qui l'avait envahie, elle prit conscience d'elle-même. Mais même alors, malgré la clarté qui revenait peu à peu, elle ne pouvait détourner son regard. Quelque chose, au fond d'elle, l'empêchait de se détacher. Une force invisible, irrépressible, la poussait à rester là, à observer. Elle avait besoin de savoir. Besoin de comprendre ce phénomène étrange. Quelque chose en elle la pressait de découvrir la vérité, coûte que coûte.

La lumière, d'abord douce et fluide, s'éleva lentement dans le ciel, comme un souffle invisible porté par une énergie ancienne. Siana suivit chaque mouvement de cette lueur, fascinée. Puis, soudain, elle s'arrêta, suspendue dans les airs, comme si elle attendait quelque chose. Un frisson d'incompréhension traversa l'esprit de Siana. Pourquoi s'était-elle arrêtée ainsi ? Qu'est-ce qui bloquait son ascension ? Son cœur se serra dans sa poitrine. Cette lumière n'était pas simplement étrange, elle était... inquiétante.

Puis, dans un instant de pure tension, la lumière trembla. Un frémissement qui sembla résonner dans l'air tout autour d'elle. Sa lueur, d'abord si douce, devint soudain plus intense, beaucoup plus intense, comme si l'astre venait de ravir toute la clarté de l'univers pour l'emprisonner dans sa brillance. La chaleur qui en émanait devint insupportable. C'était trop. Presque aveuglant.

Elle cligna des yeux, secouée par la force de cette lumière, mais elle ne pouvait se résoudre à détourner le regard.

Elle sentit la peur s'insinuer en elle, silencieuse, mais inéluctable. Un vertige glacial la saisit, et ses jambes, pourtant prêtes à fuir, restèrent figées. Il y avait quelque chose dans cette lumière, quelque chose de menaçant qu'elle ne pouvait ignorer. Son cœur battait plus fort, de plus en plus vite, résonnant comme un tambour dans ses oreilles. Ses mains étaient moites, et ses pieds, comme enchaînés au sol, ne pouvaient bouger.

Soudain, dans un éclat de lumière dévorant, tout sembla s'effondrer autour d'elle. La lumière explosa. Un éclat d'un bleu pur, aussi vif qu'un éclair, déchira l'air et la submergea en un instant. Siana hurla, son corps tendu par la terreur, plaquant ses mains sur ses yeux dans une tentative désespérée de se protéger. Mais rien n'y fit. La lumière était trop forte, trop pénétrante.

Et puis... plus rien. Le noir total. Un vide profond. Un silence lourd et oppressant qui l'enveloppait complètement. Elle se sentit engloutie, perdue dans un abîme qu'elle ne comprenait pas.

Ses sens étaient noyés. Elle ne savait plus où elle était. Que se passait-il ? Pourquoi tout était-il devenu noir ? La peur, qui l'avait envahie un instant plus tôt, devenait un gouffre sans fin dans lequel elle se laissait engloutir, sans pouvoir s'en échapper.

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