
𝐎𝟑 | 𝐔𝐍𝐄 𝐏𝐄𝐑𝐓𝐄 𝐃𝐄 𝐂𝐎𝐍𝐓𝐑Ô𝐋𝐄.
࣪ ִֶָ☾. 𝐓𝐇𝐄 𝐅𝐋𝐀𝐑𝐄𝐒 | 𝐓𝐇𝐄 𝐁𝐄𝐆𝐈𝐍𝐍𝐈𝐍𝐆
𝐎𝟑 | 𝐔𝐍𝐄 𝐏𝐄𝐑𝐓𝐄 𝐃𝐄 𝐂𝐎𝐍𝐓𝐑Ô𝐋𝐄.
LA nuit commençait lentement à s'étendre sur l'île, enveloppant le paysage dans une douce obscurité. Du sommet des rochers, Siana observait l'horizon avec émerveillement, fascinée par la beauté que la nature offrait à cet instant précis. Le soleil, presque à l'agonie, se glissait lentement derrière l'horizon, laissant derrière lui un sillage de couleurs éclatantes. Le ciel se transformait sous ses yeux en une toile mouvante, un dégradé vibrant de rouges, d'oranges et de violets, comme un tableau vivant peint par la main invisible du crépuscule. Chaque nuance semblait se fondre dans l'autre avec une fluidité parfaite, créant un spectacle qui touchait presque l'âme. Siana, silencieuse, ne pouvait détacher son regard de cette scène presque irréelle. Elle se sentait petite et insignifiante face à la grandeur de cet instant, mais en même temps, une paix profonde l'envahissait, comme si tout ce qui l'entourait était en parfaite harmonie
Elle ferma les yeux, prenant une profonde inspiration, laissant l'air frais de la mer remplir ses poumons. La brise, légère et apaisante, effleurait délicatement chaque contour de son visage ovale, comme une caresse douce et discrète. Elle se laissa envahir par cette sensation, par la fraîcheur qui apaisait son esprit encore agité. Mais bientôt, ses pensées s'égarèrent, revenant inévitablement à Elea. Cette petite blonde, si fragile et pourtant si mystérieuse, occupait toutes ses réflexions. Siana se demanda à nouveau si elle avait un rôle dans ce qui venait de se produire, si, d'une manière ou d'une autre, elle avait été la cause de l'explosion qui avait secoué tout le groupe. L'incertitude grandissait en elle, comme un poids qu'elle n'arrivait pas à poser. Était-elle responsable, ou n'était-ce qu'une simple coïncidence ? Les questions tourbillonnaient dans son esprit, mais aucune réponse ne venait. Tout ce qu'elle savait, c'était que chaque instant passé à réfléchir à cela la plongeait un peu plus dans un brouillard de doute.
Cela faisait déjà plus d'une heure que cette question tournait en boucle dans l'esprit de Siana, un tourbillon de doutes et de confusions qu'elle ne parvenait pas à dissiper. Il lui semblait totalement impensable qu'une simple fille, aussi fragile en apparence, puisse être capable de provoquer une telle destruction avec pour seule arme sa main. Après tout, n'importe quel humain, qu'il soit fort ou faible, ne pouvait pas infliger autant de dégâts, pas seulement avec un simple geste. C'était un concept qui n'avait pas de sens. Mais malgré ses réflexions, Siana ne pouvait ignorer que la rousse semblait bien plus sérieuse qu'elle ne le pensait au départ. Elle avait vu dans son regard sombre, dans la profondeur de ses yeux, que cette fille ne plaisantait absolument pas. Il y avait une détermination silencieuse en elle qui la rendait d'autant plus inquiétante.
Siana ouvrit lentement ses yeux verdâtres, sentant une présence familière près d'elle. Elle tourna légèrement la tête, et ce geste instinctif la fit sursauter. Là, assis tout près, se trouvait Robb. Il était posé de façon presque identique à elle, les genoux repliés contre son torse, ses yeux perdus dans l'horizon, respirant profondément l'air frais de la nuit, sans un mot, sans bouger un muscle. Tout autour de lui semblait figé, et pourtant, il dégageait une tranquillité étrange, presque déroutante.
Depuis le baiser qu'ils avaient échangé plus tôt, Robb avait tout fait pour se soustraire à l'ombre persistante de Ména. La jeune rousse n'avait cessé de le coller, de l'encercler, jusqu'à ce qu'il parvienne enfin à la semer dans l'obscurité de la nuit. Pourquoi avait-il agi ainsi ? Il n'en savait rien, peut-être juste pour l'excitation du moment, mais rien de plus. Pourtant, un poids se faisait sentir sur sa conscience. Il connaissait bien la nature des sentiments de Ména pour lui, et il ne pouvait s'empêcher de se sentir coupable. Il lui avait laissé croire, pendant un temps, qu'il y avait quelque chose entre eux, une possibilité. Mais au fond de lui, il savait que cette idée était absurde. Elle ne lui plaisait pas. Et il n'y avait pas de place pour cela dans son cœur, jamais.
De son côté, Siana ne pouvait détacher son regard de Robb, comme fascinée par sa présence tranquille, envoûtée par la beauté de son visage qu'elle détaillait discrètement.
Robb, elle en était certaine, était d'une beauté indéniable, et il en avait parfaitement conscience. Il savait l'effet qu'il avait sur les autres, sur elle.
Un sourire doux et timide se dessina sur les lèvres de Siana alors qu'elle détournait le regard, gênée par ses propres pensées. Elle aurait aimé lui parler, briser ce silence pesant, mais la timidité la retenait, la bloquait.
Puis, brisant ce moment d'hésitation, Robb parla, d'une voix calme et presque moqueuse :
— Je suis heureux de voir que je fais rire, dit-il, ce qui fit une nouvelle fois sursauter Siana, la surprenant dans son observation silencieuse.
N'osant pas prononcer un mot, par peur de dire une bêtise ou même de bégayer, Siana se contenta de garder la tête baissée, son esprit dans un tourbillon de confusion. Elle sentait son visage chauffer à une vitesse folle, le rouge envahissant ses joues avec une intensité telle qu'elle avait l'impression que sa tête entière était emprisonnée dans un four, la chaleur augmentant à chaque seconde. C'était une sensation à la fois gênante et presque étouffante, comme si toute sa peau se déformait sous l'effet de cette chaleur inexorable.
— Ne sois pas gênée, répondit Robb d'une voix décontractée, comme s'il ne comprenait pas la source de son malaise. Je n'ai pas l'intention de te mordre, ou de te manger, ajouta-t-il, un ton sarcastique dans sa voix qui se voulait rassurant mais qui, au fond, n'aidait pas vraiment Siana à se détendre.
Siana, toujours rouge comme une tomate, releva lentement la tête, priant intérieurement pour que son visage ne trahisse pas l'ampleur de sa gêne. Quand elle croisa le regard de Robb, elle ne put s'empêcher de se sentir un peu vulnérable. Lui aussi, à sa manière, semblait l'observer, et ses yeux sombres la scrutaient intensément, comme s'il cherchait à lire quelque chose dans son regard. Il prit un instant pour se perdre dans la profondeur de ses yeux verdâtres, un regard qui avait ce pouvoir étrange de capter son attention en une fraction de seconde. Puis ses yeux se baissèrent lentement, suivant la ligne de ses traits jusqu'à ses lèvres pulpeuses, qu'elle mordillait légèrement, un geste nerveux qui trahissait son malaise.
Mais Robb, malgré l'attrait qu'il pouvait ressentir, savait très bien qu'il ne se passerait rien entre eux. Pour lui, Siana n'était qu'une enfant, une gamine, et cela ne changerait pas. Il se sentait détaché, presque indifférent, malgré la beauté évidente de la jeune fille qui se tenait devant lui.
Le regard persistant de Robb sur Siana eut un effet immédiat sur elle, un coup de chaleur qui monta en elle avec une intensité qu'elle n'avait pas anticipée. Elle sentit son visage s'enflammer, son cœur accélérer dans sa poitrine. Rapidement, elle comprit que sa gêne était évidente. Il était clair qu'elle était rouge comme une tomate, et la brûlure de cette chaleur dans ses joues ne faisait que l'accentuer. Elle tenta de détourner les yeux, mais il la fixait toujours, un sourire en coin qui jouait sur ses lèvres. À mesure qu'elle rougissait de plus en plus, il ne put s'empêcher de rire, un rire léger mais qui l'emplissait d'une gêne encore plus grande. Ce simple son de sa voix la fit se sentir encore plus mal à l'aise, comme si chaque rire enfonçait encore un peu plus la pointe de la confusion dans son cœur.
Robb finit par tourner la tête, laissant son regard se perdre dans l'horizon, retrouvant une tranquillité silencieuse, toujours avec ce sourire charmant et insouciant sur ses lèvres. Il semblait complètement détaché de la situation, tandis que Siana se sentait perdue, comme suspendue dans l'incertitude de ce qu'elle devait faire. Rester là sans rien dire ? Partir en toute hâte ? Ou bien tenter de briser ce silence gênant ? Elle ne savait pas.
— Je m'attendais pas à ce que cette île soit aussi belle, commença-t-il d'une voix détendue, comme si rien ne s'était passé. Je pensais voir un endroit complètement détruit, un endroit qui respirait les ténèbres, la noirceur. Et il faut croire que c'est tout le contraire !
Il s'exclama avec une pointe d'émerveillement. Puis, tournant son regard vers elle, il continua, curieux :
— Mais toi, qu'est-ce qu'une gamine comme toi fait ici ?
Le mot « gamine » fit l'effet d'un seau d'eau froide sur Siana. Elle se figea, sentant une légère irritation monter en elle. Elle n'aimait pas être réduite à ce terme, ce n'était pas la première fois qu'on la traitait ainsi, mais elle détestait ce genre de remarque condescendante. Cela la refroidit légèrement.
— Je ne suis pas une gamine, murmura Siana, la voix presque étouffée par la gêne et l'agacement qui bouillonnaient en elle.
Robb tourna lentement la tête, toujours fixé sur elle, et haussant un sourcils interrogateur, il répondit d'un ton détaché :
— Ah oui ? demanda-t-il toujours son regard posé sur elle.
Elle se força à répondre, tout en jouant nerveusement avec ses doigts, essayant de garder son calme.
— Je sais pas pourquoi on m'a enlevée, ma sœur et moi, commença-t-elle, son regard fuyant un instant les yeux de Robb, perdu dans le vide comme si elle tentait de retrouver une part de son passé. On n'a jamais été des filles à problèmes.
Elle s'arrêta un moment, la mémoire lui apportant des fragments d'une époque révolue. Son enfance, ses rires partagés avec sa sœur, les moments simples et heureux avant que tout ne bascule.
Elle soupira profondément, se rappelant la douleur de l'enfermement, de la séparation.
— Mais je sais que j'ai appris, pendant mon enfermement, que mon père était le fameux tueur en série de Newanges, murmura-t-elle, la voix plus basse qu'elle ne l'aurait voulu.
Les mots semblaient s'échapper d'elle comme un secret douloureux qu'elle n'avait jamais voulu partager. Ce fardeau, ce poids sur ses épaules, la rendait plus vulnérable qu'elle n'osait l'admettre.
— Je pense qu'ils avaient peur que ma sœur et moi on devienne comme lui.
Elle se tut, le regard dans le vide, perdue dans la spirale de ses pensées. C'était comme si, d'une certaine manière, la vérité était plus facile à porter lorsqu'elle la gardait pour elle. Mais là, dans ce moment étrange partagé avec Robb, elle avait l'impression que parler de son passé la libérait un peu.
Robb la fixa, l'air étonné.
— Elyes Page ? Tu es en train de me dire que Elyes Page est ton père ? Il semblait sincèrement surpris par la révélation.
— Oui. Mais je ne crois toujours pas aux accusations contre mon père. Je le connaissais, et je sais qu'il n'aurait jamais fait de mal à une mouche. Ses mots étaient remplis de conviction, mais aussi d'une certaine tristesse qu'elle n'arrivait pas à cacher.
Robb haussa un sourcil.
— Et c'est suite à ça qu'on t'a enfermée ?
Siana acquiesça d'un léger mouvement de tête, replaçant une mèche de cheveux bruns derrière son oreille, un geste automatique qui trahissait son malaise, convaincue que c'était la seule raison possible de sa présence ici. Elle n'avait pas envie d'aller plus loin dans ses révélations, mais la situation semblait la pousser à le faire.
— Me concernant, je ne saivais pas vraiment ce qui m'a valu mon emprisonnement, répondit-il en se grattant le menton, l'air pensif. J'ai cherché pendant un moment, et puis je pense que j'ai fini par trouver.
Siana, curieuse, le regarda droit dans les yeux, attendant qu'il aille plus loin, sans vouloir briser le silence. Elle avait cette impression étrange qu'il allait lui confier quelque chose d'important.
— J'avais une relation avec une des femmes du gouvernement, lâcha-t-il finalement, un soupir s'échappant de ses lèvres. La bonne époque, enfin, c'est ce que je pensais, jusqu'à ce que je découvre que c'était elle qui m'avait jeté dans ce trou à rats.
Siana écarquilla les yeux, surprise par la révélation. Elle ne s'attendait pas à ça. L'idée de relations entre personnes d'âges très différents était encore possible, apparemment. Elle avait cru que la mode des "cougars" était passée, mais visiblement, ça restait encore une réalité.
Robb se leva soudainement, brisant l'atmosphère pesante qui s'était installée entre eux. Il la regarda une dernière fois, un sourire de plus en plus sincère illuminant son visage.
— Tu n'es peut-être pas très bavarde, mais ta compagnie est plaisante, lui dit-il avec un sourire qui dévoilait ses dents blanches, un sourire désarmant. Puis, d'un geste fluide, il passa une main dans ses cheveux bouclés, avant de se détourner et de s'éloigner de la falaise, laissant Siana seule, plongée dans ses pensées, le cœur battant encore plus fort.
Elle observa Robb s'éloigner sans un mot, ses pas résonnant sur le sol alors qu'il s'éloignait de la falaise. Siana resta là, immobile, le regard fixé sur son dos qui se fondait peu à peu dans l'horizon. Un malaise étrange la saisit. Elle ne savait pas pourquoi, mais elle se sentait idiote. Elle avait laissé passer l'occasion de dire quelque chose, de lui poser une question, de chercher à le connaître un peu plus. Elle n'avait rien fait de tout cela. Au lieu de ça, elle était restée là, paralysée par sa timidité, comme toujours. Elle se sentait faible, bête, comme si elle avait raté une chance d'établir une vraie connexion.
Elle baissa les yeux, embarrassée par son propre silence, et ressentit un léger pincement dans la poitrine. Certes, elle était de nature timide, et il n'était jamais facile pour elle d'aborder des gens qui lui étaient totalement étrangers. Mais même avec cette excuse, elle ne pouvait s'empêcher de penser qu'elle avait agi de façon stupide. Les mots restaient bloqués dans sa gorge, comme s'ils avaient peur de franchir le seuil de ses lèvres.
Le vent, jusque-là doux et tiède, se rafraîchit soudainement, agitant ses cheveux bruns qui tombaient en mèches désordonnées autour de son visage. Elle inspira profondément, cherchant à apaiser ce sentiment d'inconfort qui la rongeait, avant de se décider à se lever. Elle n'avait plus de raison de rester là, seule avec ses pensées dérangeantes. Elle se tourna vers la plage, là où Lenn l'attendait probablement, et elle ressentit une chaleur familière en pensant à elle. L'idée de rejoindre sa sœur lui apporta un réconfort immédiat.
Elle marcha lentement, ses pas écrasant la roche sous ses pieds, le bruit des vagues en toile de fond. Au fur et à mesure qu'elle s'éloignait de la falaise, elle sentit que l'ombre de ses pensées se dissipait peu à peu. Elle allait retrouver Lenn, et ensemble, elles se raconteraient, comme à leur habitude à l'époque, les petites routines de leur journée durant ces trois années.
Sur le chemin, Siana aperçut Elea assise sur un tronc d'arbre, les yeux fixés sur ses mains, comme si elles étaient le centre de son monde. La blonde semblait perdue, comme si une part d'elle-même se dérobait à chaque regard qu'elle portait sur ses paumes fragiles. Curieuse et inquiète, Siana s'approcha doucement, ne voulant pas la surprendre, puis s'assit silencieusement à ses côtés. L'air était calme, presque lourd, et un silence apaisant s'étendait entre elles.
Elea tourna la tête lentement vers Siana et lui sourit timidement, un sourire léger qui semblait effleurer ses lèvres mais ne parvenait pas à éclairer complètement son visage. Pourtant, lorsqu'elle aperçut Siana, quelque chose en elle sembla se détendre, comme si la simple présence de cette inconnue lui apportait un réconfort inattendu, un sentiment de sécurité qu'elle n'avait pas ressenti depuis longtemps.
— Tout va bien ? demanda Siana, son regard froncé, marqué par l'inquiétude. Ses sourcils épais se plissèrent légèrement, traduisant sa préoccupation.
Elea hésita un instant, ses doigts fins jouant nerveusement avec les autres, entremêlés comme pour se donner une contenance. « Je suppose... Je ne sais pas, à vrai dire, » répondit-elle d'une voix hésitante, comme si chaque mot qu'elle prononçait était chargé de doutes et d'incertitudes.
La blonde ne semblait pas vouloir quitter la vision de ses mains, comme si elles détenaient la clé de quelque chose qu'elle ne comprenait pas. Siana, pourtant, sentit que quelque chose pesait lourdement sur elle, une peur indicible. Elea était là, mais son esprit semblait ailleurs, perdu dans une tempête intérieure.
— Ce que disait cette rousse, c'est vrai ? Le feu est vraiment sorti de tes mains ? Siana ne put s'empêcher de poser la question, son regard insistant cherchant une réponse qu'elle ne savait pas comment formuler.
Elea soupira profondément, ses yeux s'embrouillant un instant avant qu'elle ne se décide à répondre.
— Je ne sais pas comment ça a pu se produire. Elle s'est approchée de moi alors que je voulais qu'elle me laisse toute seule. Je savais qu'elle ne voulait pas être gentille. Quand elle s'est rapprochée, j'ai paniqué, j'ai commencé à crier... Et sans rien contrôler, du feu est sorti de mes mains, tout simplement.
La voix d'Elea se perdit presque à la fin de sa phrase, comme si elle avait du mal à croire elle-même à ce qui venait de se passer.
Elle se tourna lentement vers Siana, et là, la tristesse qu'elle portait en elle se déversa sous forme de quelques larmes furtives. Elles glissèrent le long de ses joues, traçant des sillons sur sa peau rose et pâle. Siana, sans hésiter, l'attira dans ses bras, la serrant fort contre elle. Elle pouvait sentir la fragilité d'Elea, la détresse qui émanait d'elle, une douleur qu'elle reconnaissait bien trop bien.
— Ne t'inquiète pas, Elea. Je vais t'aider, murmura Siana en lui prenant délicatement les mains, comme pour lui offrir la promesse qu'elle ne serait pas seule face à ses peurs. Le contact de leurs mains sembla apaiser un peu la tension, mais la vérité restait là, lourde et implacable.
Même si Siana ne pouvait pas voir le visage d'Elea, elle sentit le léger sourire qui naissait sur ses lèvres. Cela réchauffa le cœur de Siana. Elle avait toujours été celle qui apportait du réconfort autour d'elle, une présence qui savait faire sourire même dans les pires moments. Quand elle était plus jeune, à Newanges, elle était connue pour sa capacité à répandre la bonne humeur, un rayon de soleil qui réchauffait les cœurs autour d'elle. On l'appelait même le « soleil de Newanges », tant elle avait l'art de faire briller les journées les plus sombres.
— Dis-moi, cette rousse... Que voulait-elle ? demanda Siana, sa curiosité prenant le dessus, bien trop impatiente d'en savoir plus.
— Juste m'embêter, je suppose. Elea soupira, l'air de plus en plus perdu. Je ne comprends toujours pas pourquoi elle insistait autant pour que je m'approche d'elle.
Un frisson de colère parcourut Siana, un sentiment qu'elle n'avait pas anticipé. Elle pensa à la manière dont cette fille s'était acharnée sur Elea, et cela réveilla en elle un écho lointain de ses propres expériences. Elle se souvint du jour où sa sœur avait été attaquée après l'école par la fille la plus « populaire » du collège. Siana n'était alors qu'une enfant, trop petite pour intervenir, mais ce souvenir marqua sa promesse de ne jamais laisser de telles injustices se reproduire, peu importe la personne.
D'un geste brusque, Siana relâcha les mains d'Elea et se leva, secouant ses cheveux bruns qui tombaient en mèches désordonnées autour de son visage. Elle prit un moment pour les replacer derrière ses oreilles avant de se redresser.
— Je retourne près des vaisseaux. Ne reste pas trop longtemps toute seule, lui conseilla Siana, d'une voix douce mais ferme.
Elea hocha la tête et lui sourit faiblement. Siana lui lança un dernier regard avant de se détourner, son cœur plus déterminé que jamais. Elle devait retrouver Ména, cette fille qui ne semblait pas comprendre à quel point elle se mettait en danger.
Mais au fond, Siana se demandait vraiment : pour qui se prenait-elle, cette Ména ?
Siana marchait d'un pas déterminé, la colère bouillonnant en elle. Elle savait que ce vieil homme n'avait imposé aucune règle sur cette île, mais cela ne l'empêchait pas de sentir la brûlure de l'injustice chaque fois qu'elle voyait quelqu'un prendre advantage d'un autre, et encore moins lorsque la victime était plus jeune et plus fragile. Cela la révoltait, et elle ne pouvait tout simplement pas rester là sans réagir.
Chaque branche qui se dressait sur son chemin se brisait sous la force de ses bras, balayant son passage comme un vent furieux. Elle se déplaçait avec une énergie explosive, semblable à une tempête dévastatrice prête à tout emporter. Rien ni personne ne semblait pouvoir l'arrêter. La végétation, qu'elle aurait normalement dû contourner, ne faisait que céder sous la violence de ses mouvements.
Elle arriva en un rien de temps au niveau de la plage, jetant un coup d'œil autour d'elle. Chaque groupe d'adolescents semblait absorbé dans ses activités. Certains riaient, d'autres étaient occupés à bricoler des abris faits de bois et de feuillage. Les bruits de leurs échanges se mêlaient aux sons de la mer, créant une atmosphère vivante et bruyante.
Mais, au milieu de cette scène, son regard s'arrêta enfin. Elle aperçut Ména, assise près de Lenn, éclatant de rire à pleins poumons. Un frisson de frustration la parcourut. Un instant, elle pensa à se frotter les yeux ou même à se pincer, se demandant si ce qu'elle voyait était réel, si elle n'était pas en train de rêver. Mais la réalité la frappa de plein fouet : sa sœur était là, en pleine conversation avec cette fille, cette rousse qu'elle détestait tant.
Siana ne perdit pas de temps. Elle se dirigea vers elles, ses pas lourds résonnant sur le sable. Les regards des autres adolescents se tournèrent vers elle, curieux de voir cette jeune fille avancer avec une telle détermination. Elle se plaça devant Ména et Lenn, son regard noir comme la nuit, brûlant de colère et de dégoût.
Lenn, tout sourire, ne comprenait pas l'intensité du moment. Elle afficha son sourire habituel, celui qu'elle réservait à sa sœur, et la salua gaiement. Mais Siana ne répondit pas à son sourire. Elle lea fixa un instant, puis tourna son regard perçant vers Ména, qui la dévisageait sans gêne.
— Je peux savoir ce que tu comptais faire à Elea dans la forêt avant qu'elle ne prenne feu ? son ton était froid, menaçant, l'agression palpable dans chaque syllabe.
Ména la fixa d'abord avec une expression de surprise, comme si une enfant venait de lui parler sur un ton qu'elle n'aurait jamais imaginé. Puis son regard se durcit, et un sourire méprisant se dessina sur ses lèvres. Elle cracha un mot, dédaigneux :
— Rien qui te concerne en tout cas.
Les épaules de Siana se tendirent. Elle sentit la rage monter, son visage se durcir encore. Chaque mot, chaque geste de Ména l'irritait profondément. Ses sourcils se froncèrent de plus en plus, l'agacement transformant sa mine en une expression de défi.
Elle fixa la rousse avec une telle intensité que ni Lenn ni Ména ne comprirent tout de suite ce qui se passait. Siana ne cligna pas des yeux, son regard verdâtre rivé sur la jeune fille en face d'elle, un regard presque hypnotique. L'atmosphère sembla se figer autour d'elles.
Subitement, les pieds de Ména se détachèrent du sol, lentement, comme si un invisible fil de fer la tirait vers le ciel. Un cri de terreur s'échappa de ses lèvres, tandis qu'elle se retrouvait suspendue dans les airs, ses jambes agitant l'espace comme une marionnette désarticulée.
Siana recula d'un pas, les yeux écarquillés par ce qu'elle venait de déclencher. Un silence de stupeur se répandit autour d'elles. Tout le monde s'approcha, mais personne ne savait quoi faire, ni comprendre ce qui était en train de se passer.
— C'est quoi ce délire ? Je suis sûre que c'est toi, espèce de folle ! T'es aussi folle que l'autre débile de blonde ! hurla Ména, gesticulant dans tous les sens, ses jambes dans le vide.
Siana ne réagit pas. Son visage ne montrait plus d'expression, comme si elle était ailleurs, perdue dans une autre réalité. Elle n'était plus maîtresse d'elle-même. Elle ne savait pas ce qui lui arrivait, mais une chose était certaine : elle ne contrôlait plus rien.
Le corps de Ména continuait à s'élever, sa respiration se faisant plus difficile. Ses mains se posèrent sur sa gorge, cherchant désespérément l'air. Son visage devint blafard, puis bleuté. Elle s'étouffait. Les cris autour de Siana étaient lointains, presque inaudibles, comme si elle était plongée dans une mer de silence, ne percevant que la lutte intérieure de sa propre colère.
Soudain, des mains fermes se posèrent sur ses bras, la secouant violemment, et une voix familière s'éleva, criant son nom. Elle ferma les yeux un instant, se reconnectant lentement à la réalité. Lorsqu'elle les ouvrit, Ména retomba brutalement au sol, un cri de douleur s'échappant de sa bouche. Tout le monde se précipita vers elle, mais les regards étaient tous tournés vers Siana, l'incompréhension dans leurs yeux.
Elle se tenait là, figée, son esprit flottant entre la réalité et un monde trouble où elle n'arrivait plus à se retrouver. Elle n'avait aucune mémoire claire de ce qu'il venait de se passer. Il lui fallait des secondes pour comprendre. Lentement, la prise de conscience s'installa en elle : elle avait essayé de tuer Ména.
Lenn posa ses mains sur le visage de sa sœur, écartant les mèches de cheveux qui tombaient sur ses yeux. Siana semblait perdue, comme une autre personne. Elle la scrutait, inquiet, cherchant une réponse qu'elle était incapable de lui donner. La brune était en train de réaliser l'ampleur de ce qu'elle venait de faire. Un frisson de honte l'envahit, comme si elle était devenue quelque chose d'autre, quelque chose de monstrueux.
— Siana, est-ce que tu vas bien ? demanda Lenn, sa voix tremblante de peur.
Siana n'eut pas le courage de répondre. Elle n'arrivait pas à comprendre pourquoi elle avait réagi ainsi, pourquoi une telle colère l'avait envahie. Elle chercha une explication, mais tout semblait flou, irrationnel. Ce n'était pas elle. Ce n'était pas son genre de répondre ainsi.
Elle regarda autour d'elle. Les adolescents, qui la dévisageaient avec crainte ou dégoût, la traitaient comme une étrangère, un monstre. Pour la première fois, elle se sentit détestable, sale. Une larme roula le long de sa joue, la honte la submergeant.
Lenn tenta de sécher cette larme, mais Siana se dégagea doucement, s'éloignant à grandes enjambées, ses pensées noyées dans la confusion et l'autodégoût.
Elle marchait si vite qu'elle ne remarqua même pas qu'elle venait de heurter un torse. Lorsqu'elle leva les yeux, elle croisa le regard inquiet de Liao, qui plongea dans ses yeux verts, remplis de larmes. Il hésita, comme s'il savait qu'elle n'allait pas bien, mais ne savait pas comment l'approcher.
Mais Siana était perdue. Et plus rien n'avait d'importance, à part cette sensation qu'elle était désormais un monstre.
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