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𝐎𝟏 | 𝐋𝐄 𝐂𝐎𝐌𝐌𝐄𝐍𝐂𝐄𝐌𝐄𝐍𝐓.

࣪ ִֶָ☾. 𝐓𝐇𝐄 𝐅𝐋𝐀𝐑𝐄𝐒 | 𝐓𝐇𝐄 𝐁𝐄𝐆𝐈𝐍𝐍𝐈𝐍𝐆

𝐎𝟏 | 𝐋𝐄 𝐂𝐎𝐌𝐌𝐄𝐍𝐂𝐄𝐌𝐄𝐍𝐓.






SIANA traça un nouveau trait, un de plus, sur le mur gris qui lui faisait face. Combien y en avait-il déjà ? Des dizaines, des centaines peut-être. Elle ne les comptait plus. Ce simple geste, devenu rituel, marquait le passage du temps dans cet endroit où les jours s'étiraient en une lente agonie silencieuse.

Elle ferma les yeux un instant, inspira profondément. L'air chargé d'humidité et de renfermé lui emplit les narines. Cette odeur stagnante, elle ne la remarquait presque plus ; elle avait fini par l'apprivoiser. La fraîcheur glacée qui régnait dans la pièce s'insinuait dans sa peau, jusque dans ses os, comme une seconde peau dont elle ne pouvait se défaire.

En rouvrant ses yeux en amande, d'un vert vif et profond, elle laissa son regard courir sur chaque recoin de sa cellule. Tout était figé, immobile. Les murs d'un gris sale, marqués par les années, suintaient de tristesse et d'abandon. Un petit lavabo, blanchi par le temps mais jauni par la crasse, trônait dans un angle. Il lui servait chaque matin pour se laver sommairement, dans une routine morne et déshumanisante. Juste au-dessus, un miroir fendu à plusieurs endroits reflétait son visage - ou du moins, ce qu'il en restait.

Chaque matin, elle s'y confrontait malgré elle. Elle y découvrait le même spectacle : des cernes violacés creusant son regard éteint, une pâleur presque maladive, et cette masse de cheveux bruns en désordre qui tombait en cascade autour de son visage ovale. Parfois, elle ne reconnaissait même plus les traits qui s'y dessinaient. Ce n'était plus elle. Juste une version déformée, abîmée par les jours passés entre ces murs.

Son regard glissa ensuite vers la chaise en bois brut, posée à l'opposé du lavabo. Une simple chaise en chêne, mais qui dégageait une présence sinistre. Le bois, craquant sous le poids du silence nocturne, semblait parler. Chaque nuit, ses gémissements réveillaient Siana, trempée de sueur, arrachée à un cauchemar récurrent dont elle ne parvenait jamais à se défaire. Elle y voyait une vieille femme au visage fripé, aux traits livides, la fixant de ses yeux morts. La créature s'approchait lentement, un rictus malsain aux lèvres, frôlant son visage du bout de ses doigts noueux. Cette vision la hantait au point qu'elle passait parfois des heures à observer la chaise, sans oser lui tourner le dos, convaincue que la sorcière en surgirait si elle baissait sa garde.

Enfin, elle posa les yeux sur ce qui lui servait de lit. Ou plutôt, sur ce vieux matelas éventré, aux ressorts saillants et à la teinte jaune douteuse. Trois ans. Cela faisait trois longues années qu'elle dormait là-dessus. L'odeur fétide qui s'en dégageait lui provoquait chaque soir une nausée tenace, l'empêchant de sombrer dans un sommeil réparateur. Mais elle s'était habituée. Comme à tout le reste.

Un grésillement soudain brisa le silence oppressant, tirant la jeune fille de ses pensées. Quelques instants plus tard, une voix grave, métallique, résonna dans toute la pièce.

- À l'attention de tous les prisonniers de Geryna : plus que quelques minutes avant votre départ imminent sur Flares. Je répète, plus que quelques minutes avant votre départ.

Siana leva les yeux vers le haut-parleur, cloué dans un coin du plafond. Elle le fixa, figée, durant quelques secondes. Ainsi, le moment était enfin venu. Après toutes ces années enfermée dans ce placard à peine digne d'un être humain, elle allait partir. Vers l'inconnu. Vers ce lieu dont elle n'avait entendu que des murmures étouffés entre les murs : Flares.

Les gardes en parlaient parfois. À voix basse. Ils évoquaient un projet du gouvernement de Newanges, une initiative aussi insensée que terrifiante : une île, isolée du monde, destinée à accueillir tous les jeunes jugés "à problèmes", âgés de dix à dix-huit ans. Un territoire abandonné aux lois de la survie, loin des regards. L'idée même glaçait le sang.

Et Siana s'interrogeait encore. Pourquoi elle ? Qu'avait-elle fait pour mériter un tel sort ? Cette question, elle se la répétait chaque jour, comme une litanie désespérée.

Tout s'était passé si vite.

Un soir comme les autres, l'air semblait figé dans la chambre de Siana. Elle était allongée sur son lit, les yeux rivés au plafond, perdue dans ses pensées, quand un vacarme terrible déchira le silence. La porte d'entrée venait d'exploser sous un coup violent, faisant trembler les murs de la maison. Avant même qu'elle puisse se lever, des bruits de pas lourds résonnèrent dans le couloir.

Ils étaient là.

Trois hommes en uniforme foncèrent dans sa chambre, sans un mot, sans une once d'hésitation. Leur visage était caché derrière des visières noires, leurs gestes précis, mécaniques. L'un d'eux l'attrapa par le bras, l'autre l'empêcha de hurler en lui plaquant une main rugueuse contre la bouche. Siana se débattit comme elle put, griffant, mordant, tapant du pied, mais sa résistance n'était rien face à leur force brute.

À travers la porte restée entrouverte, elle entendit soudain un autre cri. Aigu. Déchirant. Celui de sa sœur.

- Lâchez-moi ! Non, pas elle, pas Siana !

Sa voix se brisa dans un gémissement désespéré, et les bruits de lutte dans la pièce voisine lui arrachèrent un frisson d'horreur. Siana hurla à son tour, mais ses protestations se perdaient dans le chaos. Elle tendit le cou, tenta de voir, de comprendre. Et c'est là qu'elle les vit.

Sa mère.

Elle était là, debout dans le couloir, figée, spectatrice muette d'un cauchemar éveillé. Aucun mot. Aucun geste. Pas même un sursaut. Son visage était inexpressif, presque vide, comme si elle n'était qu'une silhouette dessinée sur un mur.

Le cœur de Siana se serra. Elle chercha dans ses yeux une étincelle de colère, de peur, d'amour. Mais il n'y avait rien. Rien d'autre que ce regard froid, résigné, celui d'une personne qui acceptait l'inacceptable.

Et alors qu'on l'entraînait hors de sa chambre, les bras tordus dans le dos, la dernière chose qu'elle vit fut ce regard. Celui de sa mère. Immobile. Silencieu. La laissant partir.

Comme si elle ne comptait pas.

Depuis ce jour, elle n'avait plus revu sa sœur. Et elle n'avait obtenu aucune réponse.

Seulement le froid, la solitude, et l'attente.

Mais maintenant, tout allait changer. Le départ approchait. Et avec lui, peut-être, une nouvelle forme de cauchemar.


Siana s'approcha lentement du miroir fissuré, comme si elle s'apprêtait à dire adieu à une version d'elle-même. Elle y contempla son reflet, sans vraiment le reconnaître. Le visage qu'elle voyait lui semblait à la fois familier et étranger, comme un masque qu'elle aurait porté trop longtemps. D'un geste hésitant, elle leva la main droite et effleura son front du bout des doigts, caressant sa peau pâle avec une délicatesse presque rituelle.

Elle descendit lentement le long de son nez fin, légèrement retroussé, puis suivit la ligne de ses lèvres, pleines, autrefois vives et rosées, aujourd'hui fendillées et asséchées par le froid et l'angoisse. Un soupir à peine audible s'échappa de ses lèvres tandis qu'elle posait ses doigts sur ses cernes, deux ombres violettes qui lui creusaient le regard et lui donnaient un air presque spectral. Elle resta ainsi, un instant figée, puis laissa sa main retomber le long de son corps, vide, sans force.

Gênée par ses cheveux qui lui tombaient en cascade sur le visage, elle repoussa d'un geste rapide quelques mèches brunes derrière ses oreilles. Elle tenta de discipliner les autres, qui s'échappaient et descendaient jusqu'à sa poitrine, mais ses efforts furent vains. Sa chevelure indomptable refusait de se plier.

Un bruit métallique la ramena brutalement à la réalité. Son cœur sursauta. La porte de sa chambre s'ouvrit dans un grincement lourd, laissant une lumière crue envahir la pièce. L'éclat aveuglant la frappa de plein fouet, lui brûlant les yeux habitués à la pénombre.

- C'est l'heure, déclara une voix sèche, dénuée de toute émotion.

Un garde venait d'apparaître sur le seuil. Vêtu d'une combinaison jaune pâle aux reflets ternes, il portait un casque intégral qui masquait entièrement son visage. Dans ses mains, il tenait une arme étrange, d'une transparence presque irréelle. L'arme était aussi longue que le bras frêle de Siana, montée sur un canon impressionnant, supporté par deux petits tourillons. Elle avait des allures de machine de guerre, de celles que l'on imagine dans des récits de science-fiction, et non dans les mains d'un homme en chair et en os. Rien qu'à la regarder, Siana eut l'impression qu'un simple tir suffirait à réduire en cendres un mur entier.

Le cœur serré, elle jeta un dernier coup d'œil à son reflet. Puis, sans un mot, elle quitta la chambre sous l'œil impassible du garde.

Le couloir dans lequel elle déboucha était long, presque infini, bordé de murs d'un blanc clinique qui semblaient se refermer sur elle. D'autres jeunes, eux aussi arrachés à leur cellule, émergeaient de chaque côté, tous escortés par ces mêmes hommes au visage caché. Les cris se mêlaient aux pleurs. Certains suppliaient, d'autres tentaient de se débattre, leurs voix résonnant dans l'écho assourdissant du chaos. L'atmosphère était lourde, suffocante.

Siana tenta d'avancer, de se frayer un chemin à travers la foule désorganisée. Mais elle n'était qu'une brindille au milieu d'une marée humaine. Elle peinait à respirer, bousculée de toutes parts, le cœur battant à tout rompre.

Le garde qui l'escortait remarqua sa lenteur. Sans un mot, il lui agrippa brutalement le bras. La douleur la transperça d'un coup, nette, brutale. Elle poussa un petit gémissement, surprise par la force de sa poigne. Elle tenta de se dégager, de desserrer ses doigts, mais l'étau était trop puissant. Impuissante, elle se laissa entraîner.

Elle scruta les visages autour d'elle. Ils étaient tous différents, mais partageaient le même regard, un regard rempli de peur, d'incompréhension, d'une terreur silencieuse qu'elle reconnaissait au fond d'elle-même.

Elle continuait d'avancer, portée par l'élan des autres, quand un cri, plus aigu que les autres, lui vrilla les tympans.

- Laissez-moi ! Je veux pas y aller !

Elle tourna vivement la tête.

Un peu plus loin, une fille était tirée hors de sa cellule par deux hommes. Elle devait avoir quinze, seize ans tout au plus. Ses cheveux blonds, emmêlés et collés à ses joues mouillées, flottaient autour de son visage en pleurs. Ses bras battaient l'air dans une lutte désespérée, ses pieds ne touchaient même plus le sol. Elle hurlait, une voix brisée par la panique, appelant à l'aide dans un souffle de terreur pure.

Elle était si menue, si légère, que sa résistance ressemblait à celle d'un oisillon pris dans les griffes d'un prédateur.

Siana sentit son cœur se contracter. Elle aurait voulu détourner le regard, mais elle n'y parvenait pas.

Le garde, comme s'il répétait un geste accompli mille fois, sortit lentement une seringue d'une de ses poches. L'aiguille, longue et fine, scintilla une seconde sous les néons crues. D'un geste net, il la planta dans la nuque de la jeune blonde. Sans un mot. Sans hésitation.

Le petit corps se tendit comme un arc, dans un spasme violent, puis se relâcha brusquement. Les bras tombèrent, la tête bascula en arrière, les yeux révulsés. Elle s'effondra au sol, mollement, sans un bruit, comme une marionnette dont on aurait tranché les fils.

Et le silence revint.

Un silence encore plus terrible que les cris.

Un cri étranglé échappa à Siana, sa main se plaquant contre sa bouche. Ses yeux s'écarquillèrent.

- Il ne l'a quand même pas tuée... murmura-t-elle, tremblante.

Cette pensée la frappa de plein fouet, glaciale. Si c'était le cas... alors qu'est-ce qui l'attendait, elle ?

Alors qu'elle ralentissait, accablée par la foule et la tension, le garde qui la maintenait d'une main de fer n'eut aucune patience. Sans prévenir, il la tira brusquement vers l'avant. Siana manqua de trébucher, ses jambes ayant du mal à suivre la violence du mouvement. Une grimace de douleur traversa son visage, suivie d'un flot silencieux d'insultes qu'elle ravala, serrant les dents. Elle aurait voulu lui cracher à la figure, mais sa peur l'enchaînait.

Le couloir semblait interminable, étouffant, jusqu'à ce qu'ils atteignent enfin son extrémité. Là, une immense porte métallique les attendait. Elle était hérissée de verrous complexes et brillait d'un éclat froid, presque clinique. Devant elle, Siana s'arrêta. Le garde finit par lâcher son bras, comme on jetterait un objet devenu inutile. La jeune fille inspira à fond, comme si l'air s'était soudain libéré autour d'elle.

Elle porta aussitôt sa main à son bras meurtri, là où les doigts de l'homme avaient imprimé leur forme. Une douleur sourde pulsa sous sa peau, et elle découvrit, en y posant les yeux, l'empreinte rouge et violacée de cette poigne inhumaine. Un gémissement s'échappa de ses lèvres.

Le garde s'éloigna sans un mot, la laissant seule dans un vacarme assourdissant. Autour d'elle, une centaine d'adolescents se pressaient, certains agités, d'autres en proie à la panique. Des cris fusaient de toutes parts, les plus grands s'amusaient à bousculer les plus petits, créant des vagues de chaos dans cet espace déjà saturé. D'autres, plus téméraires, tentaient d'approcher de la grande porte, espérant être les premiers à découvrir ce qu'elle cachait.

Siana était compressée de toutes parts. L'air devenait irrespirable, les hurlements saturaient ses oreilles, au point qu'elle crut un instant que ses tympans allaient éclater. Elle ferma les yeux, essayant de se couper du tumulte, mais rien n'y faisait.

Puis, dans un grincement sourd et profond, la grande porte se mit à glisser lentement sur le côté. Tous les regards se tournèrent vers elle, le silence s'installant progressivement, suspendu par la tension. La lumière filtrant à travers l'ouverture éclaira leurs visages figés, et le groupe s'engouffra prudemment à l'intérieur.

Ce qu'ils découvrirent les laissa sans voix : une salle immense, presque irréelle. Le sol, les murs, le plafond, tout était fait du même métal que la porte, froid, lisse, inquiétant. Au centre, alignés comme des bêtes prêtes à être lâchées, se dressaient plusieurs vaisseaux gigantesques, d'un gris métallique traversé de reflets violets. Leurs formes évoquaient des véhicules terrestres, mais leurs énormes propulseurs à l'arrière et les portes latérales béantes laissaient entendre une toute autre fonction : ces engins étaient faits pour partir loin, très loin.

Siana leva les yeux, s'attendant à retrouver le plafond uniforme de sa cellule. Mais ce qu'elle vit lui coupa le souffle. Au-dessus d'elle, ce n'était pas un plafond, mais un ciel immense, d'une teinte inconnue, un bleu profond mêlé d'éclats d'or et de mauve. Jamais elle n'avait vu pareille couleur. L'espace d'un instant, elle en oublia où elle se trouvait, absorbée par cette beauté inespérée.

- Bienvenue !

La voix tonitruante la ramena brutalement sur terre. Elle sursauta et chercha des yeux l'origine de cette déclaration. Un immense écran venait de s'illuminer, projetant l'image d'un vieil homme au regard perçant, sa longue barbe tombant jusqu'à sa poitrine, d'un blanc tirant étrangement vers le lilas. Il affichait un sourire tordu, comme s'il observait chacun d'eux à travers l'écran.

- Aujourd'hui est un grand jour, mes chers enfants ! déclara-t-il, sa voix faussement enjouée résonnant dans toute la salle. Vous quittez enfin cet endroit, et ce, pour toujours ! Dès que vous poserez pied sur cette île, vous serez livrés à vous-mêmes. Plus de règles, plus de lois. Vous êtes... libres. Si vous souhaitez vous battre, vous battre jusqu'à la mort ? Faites-le ! Si vous voulez voler, tricher, trahir ? C'est votre droit. Vous êtes seuls désormais. Et c'est ainsi que la paix renaîtra.

Un silence glacial s'abattit après ses mots. Puis, sans prévenir, l'écran s'éteignit, et les gardes jusque-là immobiles commencèrent à bouger, convergeant vers les adolescents.

Une voix féminine, métallique et inhumaine, sortit alors des haut-parleurs :

- Prenez place dans les vaisseaux.

Les portières des engins s'ouvrirent dans un souffle hydraulique. Les jeunes commencèrent à se diriger vers eux, certains avec prudence, d'autres en courant. Des bousculades éclatèrent à nouveau. Puis un bruit sourd, inhabituel, attira l'attention générale.

Siana se retourna, le cœur battant. Un adolescent fendait la foule avec rage, repoussant tout ce qui se trouvait sur son passage. Il courait droit vers les vaisseaux. Lorsqu'il passa devant elle, elle croisa brièvement son regard : un brun éclatant, enragé, déterminé. Son visage était dur, son menton carré encadré de boucles brunes en bataille. Il grimpa sur le vaisseau comme un fauve, arracha son gilet kaki et leva les bras, victorieux.

- Vous croyez pouvoir vivre en paix sans nous ? hurla-t-il avec une rage viscérale, faisant vibrer toute la pièce.

Siana haussa un sourcil, agacée. Elle le regarda comme on regarderait un idiot faire son numéro. Pourtant, autour d'elle, quelque chose changeait. D'abord un cri, puis un autre. Des applaudissements. Certains se mirent à sauter, galvanisés par cette scène surréaliste.

Mais l'euphorie ne dura qu'un instant.

Alors que l'espoir semblait naître, fragile et incandescent, un garde surgit de l'ombre, vif comme l'éclair. Il se glissa entre deux silhouettes, un fantôme noir dans la lumière rouge du vaisseau, et dans sa main, brillait un objet familier. Une longue aiguille, fine et acérée, que Siana reconnut aussitôt. Son estomac se noua. C'était la même seringue que celle utilisée sur la fillette blonde. La même injection, silencieuse, fatale.

Le garçon, pourtant, ne recula pas.

Ses yeux s'étaient enflammés d'un éclat de révolte pure. Plutôt que de se laisser faire, il courut droit vers la sortie du vaisseau, bondissant à travers l'ouverture avec une agilité saisissante. Son corps décrivit une brève courbe dans les airs avant de retomber, souple, sur le sol dur. Il atterrit en roulé-boulé et se releva aussitôt.

Un rire lui échappa, incrédule. Il venait de sauter. Il l'avait fait. Il s'était échappé.

Mais son triomphe fut fauché en plein vol.

Un autre garde, jusque-là invisible, surgit sur sa droite. L'instant d'hésitation, ce souffle de surprise dans les yeux du garçon, lui coûta tout. Le garde fondit sur lui. D'un mouvement fluide, il le renversa au sol, et dans le même geste, planta la seringue dans sa nuque.

Le corps du garçon se figea, puis s'affaissa, inerte.

Plus de sourire. Plus de révolte.

Juste un silence pesant, et cette aiguille plantée dans la peau comme une signature cruelle.

Siana détourna les yeux, la gorge nouée. Chaque tentative d'évasion semblait se heurter au même mur impitoyable : eux.

Le silence revint.

Les gardes prirent son corps et l'emportèrent vers un vaisseau. L'un d'eux fit un signe. C'était l'heure.

Les adolescents commencèrent à embarquer, un à un. Siana regardait, le souffle court, jusqu'à ce que son regard se fige.

Parmi la foule, une silhouette familière. Une jeune fille aux cheveux auburn, au dos voûté, avançait timidement vers un vaisseau.

-Lenn ! cria Siana, sautant sur place, espérant être vue.

Mais sa sœur ne se retourna pas. Le vacarme l'avalait. Trois ans s'étaient écoulés depuis leur séparation, depuis que la vérité sur leur père avait bouleversé leurs vies. Trois ans d'absence, de silence. Siana sentit la panique l'envahir.

Poussée par l'instinct, elle fendit la foule. Elle bouscula, se débattit contre les corps, sourde aux protestations. Elle n'avait qu'une idée : la rejoindre. Monter dans le même vaisseau. Sentir ses bras. Lui dire qu'elle l'aimait. Enfin.

Elle n'était plus qu'à quelques pas.


Alors qu'elle n'était plus qu'à quelques mètres de la porte, le cœur battant à tout rompre à l'idée de retrouver enfin sa sœur, celle-ci se referma brutalement devant ses yeux, dans un sifflement métallique.

- Non, non, non, non... souffla-t-elle à plusieurs reprises, tapant frénétiquement la paume de sa main contre le métal froid et impassible.

Un garde, imperturbable, leva le bras pour lui désigner le vaisseau adjacent. Son geste ne laissait place à aucune discussion.

Siana sentit son souffle se couper un instant. Son sourire vacilla avant de disparaître totalement. Dans un dernier espoir désespéré, elle donna un dernier coup contre la porte, comme si le simple contact pouvait suffire à la rouvrir, à la ramener à elle. Mais rien ne se produisit.

Résignée, elle effleura du bout des doigts la carcasse froide de l'engin où sa sœur avait disparu, puis gravit les marches du vaisseau qu'on lui avait assigné, la tête basse, le cœur lourd.

Dès qu'elle pénétra à l'intérieur, un souffle d'émerveillement la saisit. Le contraste avec sa cellule grisâtre était saisissant. L'habitacle, tout en courbes épurées, baignait dans une blancheur éclatante, tranchée uniquement par les sièges d'un violet profond. Les rangées de fauteuils s'étendaient sur trois niveaux, disposés en cercle autour d'une imposante colonne de verre, trônant au centre comme une pièce maîtresse.

Elle s'avança jusqu'à l'un des premiers sièges libres, s'y installa, et boucla mécaniquement sa ceinture, sans vraiment y prêter attention. Son regard se perdit dans les détails de la cabine alors que d'autres passagers commençaient à entrer à leur tour. Certains semblaient surexcités par le départ imminent, d'autres, figés par la peur, restaient silencieux. D'autres encore affichaient une neutralité froide, presque indifférente. Siana, elle, oscillait entre appréhension sourde et espoir fébrile. L'angoisse de se retrouver seule la tiraillait plus qu'elle ne voulait l'admettre.

C'est alors qu'une silhouette familière entra dans son champ de vision. C'était la petite blonde de tout à l'heure. Elle semblait un peu perdue, mais en vie, et c'était tout ce qui comptait. Leurs regards se croisèrent. La jeune fille lui adressa un sourire timide, comme pour chercher un peu de réconfort. Siana répondit par un sourire doux, hésitant un instant à lui faire signe de s'asseoir à ses côtés, avant de se raviser.

Peu à peu, tous prirent place. Lorsque la dernière personne monta à bord, la porte se referma dans un claquement sourd. L'obscurité se fit alors totale.

Des cris éclatèrent aussitôt, tranchant l'air de leur nervosité. Certains paniquaient, persuadés d'avoir été dupés, craignant un piège. Mais le tumulte cessa presque instantanément lorsque la colonne de verre s'illumina, projetant une lumière douce.

Un pictogramme simple, presque rassurant, apparut : il demandait aux passagers d'attacher leur ceinture. Siana baissa les yeux vers la sienne, déjà solidement bouclée.

L'image disparut, laissant place à une série de vidéos.

C'était l'île.

Magnifique. Presque irréelle.

Des images de plages immaculées, de forêts luxuriantes, de cascades turquoise chutant sur des rochers immenses, se succédaient. Une vue aérienne montra même une falaise dominant un paysage verdoyant à perte de vue. C'était un tableau de rêve... presque trop beau pour être vrai.

Un frisson la traversa. Pourquoi envoyer des adolescents condamnés sur un tel paradis ? Qu'y avait-il derrière cette apparente perfection ?

Les images s'éteignirent brusquement. L'obscurité revint. Puis, une secousse violente ébranla le vaisseau. Tout le monde se figea, pétrifié. Les cœurs s'emballèrent. Une autre secousse, plus brève cette fois, secoua leurs certitudes. Puis plus rien.

Soudain, la colonne centrale vibra légèrement, puis se ralluma dans un grésillement presque imperceptible. Une lumière pâle s'en échappa, projetant des images floues qui prirent progressivement forme. Tous les regards se tournèrent vers elle, captivés. Sur la surface translucide défilaient des vues de l'extérieur : un rivage lointain, des arbres étranges aux feuillages d'un violet profond, une mer calme aux reflets d'argent, et, au loin, les contours indistincts d'une île enveloppée de brume.

Un silence religieux s'installa dans l'habitacle. Plus un mot, plus un souffle. Les passagers, entassés les uns contre les autres, oublièrent un instant la douleur de leur corps, la peur et l'incertitude. Devant eux s'ouvrait un monde inconnu, et chacun, dans ce silence suspendu, imaginait ce que cela pourrait signifier : une vie nouvelle, une liberté retrouvée... ou un piège encore plus cruel.

Siana, elle, ne parvenait pas à détacher les yeux de l'image. Elle retenait son souffle, la gorge serrée, les doigts crispés sur ses genoux. Trois ans. Trois ans à ne voir que du gris. Des murs nus, du béton glacé, des barreaux d'acier. Trois ans à survivre dans un monde sans ciel, sans couleurs, sans avenir.

Et là, projeté devant elle, c'était l'opposé de tout ce qu'elle avait connu. C'était la promesse d'autre chose. D'un ailleurs. Quelque chose d'aussi magnifique que terrifiant.

Les heures passèrent, lentes, étirées comme si le temps lui-même hésitait à les laisser arriver. Peu à peu, le murmure de fatigue gagna les passagers. Les corps s'affaissèrent, les paupières se firent lourdes. Même ceux qui avaient juré de rester éveillés s'abandonnèrent au sommeil, un à un.

Siana lutta, en vain. Ses paupières brûlaient. Sa tête bascula contre la paroi métallique dans un soupir.

Elle s'endormit, le visage tourné vers la colonne désormais éteinte, le cœur battant au rythme d'un espoir fébrile, mêlé à une peur muette.

Dans le silence de son sommeil, une prière s'échappa de ses pensées. Qu'il ne s'agisse pas d'un autre mensonge. Que cette île soit réellement un nouveau départ.

Et surtout... qu'elle y retrouve sa sœur.

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