19 ❝𝒍𝒆 𝒄𝒂𝒅𝒆𝒂𝒖 𝒔𝒆𝒎𝒑𝒊𝒕𝒆𝒓𝒏𝒆𝒍❞
Will my star ever rise?
Will my life ever change?
❝❞
Il faisait chaud. Le soleil tapait, fort et sans oser offrir une once de repos aux pauvres gens éreintés par l'effort. Elyios, d'or nommée, s'était enfuie dans un petit bosquet non loin de la domus. Seule la fraîcheur des arbres arrivait à faire oublier l'écrasant poids des rayons d'or. Elle ne désirait rester enfermée entre quatre murs, une sorte de tension invisible s'était intronisée dans le cœur de la famille. Pourtant, d'aucun ne voulait le malheur d'un autre. L'empressement de Macrinus et la volonté de fer d'Aconia devenaient des poids suffisamment épuisants pour les épaules d'une jeune fille de seize années à peine. Les vers des poètes latins tenaient de réconfort à l'adolescente, enfuie dans un buisson. Là, elle récitait avec ardeur la musique de mots qu'avait créé Virgile ou Ovide. Combien de fois elle avait lu les amours passionnées de Didon et Énée ! Elle laissait son esprit voguer, emporté au loin par l'épaisse chaleur. Par moments, elle osait lever les yeux de ses ouvrages en direction du ciel. Un amoncèlement de nuages pointait vers l'horizon, dans une tumultueuse unité. Si le bleu régnait avec prévenance, ces géants gris dominaient d'un regard menaçant cette minuscule jeune fille perchée sur son arbre, cachée sous les feuilles. La petitesse de sa personne ne se comparait à l'immensité du monde et pourtant, elle voulait y prendre place. Elyios désirait que son nom fasse écho à toutes les lamentations du monde. Elle désirait, peut-être dans un besoin narcissique, qu'elle fût garante d'un souvenir et rappelée comme l'une de ses illustres héroïnes tragiques. Il y avait toujours cette pureté qui brandissait dans son cœur un oriflamme embrasé. Les traits de ce père inconnu fusaient de parte et d'autre de son esprit. Était-il grand, bon, doux, brun ou roux ? Venait-il de la noblesse romaine ou d'une légion lointaine ? Provenait-il de Nubie, Rome ou de Germanie ? Et quel se pouvait-être son nom ?
Tant de fois, elle avait façonné un visage. Mais il s'effaçait aussi vite qu'il était apparu, dans un éclat de larmes et de lumière nouvelle. Car de ces traits qui s'esquissaient, revenaient sans cesse ceux de personnes déjà connues. Dans l'infini du monde, il n'y avait personne pour conforter son identité. Dunaíd s'inventait de longues conversations, mais un pincement se saisissait dans son cœur. Elle avait des parents qui l'aimaient tous deux. Pourquoi donc s'aventurer dans un monde aux mille dangers lorsque sa famille est si près de soi ? Or les mots qu'elle ne pouvait expliquer se traduisaient par un inexplicable sentiment. Son âme entière se précipitait vers les nouvelles de l'étranger, se distordait vers quelque chose qu'elle n'avait connu. Car elle savait avec certitude pleine que cette figure paternelle viendrait la chercher. Plus les jours se succédaient, plus les remords la prenaient et son indécision lui causait un mal-être profond. Elle ne le connaissait pas, cet étranger. N'importe qui pouvait se présenter et prétendre une filiation qu'elle le croirait.
Elle secoua la tête pour en chasser ses pensées. Elyios n'était pas la plus à plaindre, après tout. D'autres qu'elle recherchaient leurs familles disparues et avaient subis plus en quelques années qu'une vie entière. À l'horizon, l'azur se couvrait et les nuages atteignaient presque la domus. La jeune fille frissonna. L'air se rafraîchit soudainement. Il y avait comme une apocalypse prochaine allait se dérouler, songea–t–elle. La lumière avait pris maintenant des teintes d'ocres où le vent virevoltait en faisant tournoyer ses beaux cheveux roux. Toute sa chair frissonnait, hurlant de rentrer. Mais elle désirait, un véritable désir, rester. Son cœur était parti en guerre contre son esprit depuis bien trop longtemps. Hésitante, elle posa un pied à terre, puis un autre. Le contact de l'herbe lui rappela tous les jeux de son enfance. Il lui remémora tous les rires, tous les pleurs et tous les rêves qu'elle avait formulé secrètement. Dunaíd leva les yeux et une goutte vint s'écraser contre son front. On eût dit un breuvage miraculeux. La pluie commençait à tomber lorsque retentit l'orage. Ce n'était plus un grondement sourd mais maintenant un cri, un écho, un battement qui s'accompagnait à cette folle entreprise. Le ciel s'illuminait et, au loin, des éclairs jaillissaient, s'enorgueillant de l'effroi qu'ils provoquaient. La petrichor montait dans les poumons de l'adolescente. Elle ne dansait point. Elle vivait. Dans un moment de passion, elle eut l'orgueil de se demander : est-ce donc cette puissance que les Dieux ressentent lorsqu'ils sont craints par les mortels ? Mais Elyios ne se sentait pas puissante. Elle se sentait exister. Elle n'était plus une fille de bonne famille romaine, plus une adolescente mais une femme, un être du monde qui conquérait sa place dans un temps cruel pour son sexe. Sa chevelure se trouva bientôt trempée et sa tunique elle même collait à sa peau, laissant deviner son jeune corps. Ses pieds étaient maculés de terre. Mais pour rien au monde elle n'aurait mis fin à cet ébat avec la nature.
L'orage tonnait plus fort encore, mais elle avait chassé toute peur. Chaque éclat ne battait plus qu'en harmonie avec son coeur. Elle souriait en voyant au dessus de sa tête des éclairs illuminer le ciel noir. Et elle était là, simplement à contempler le désordre et le chaos que le monde créait chaque jour depuis des siècles, si beau et si effrayant. Elle pensait, peut-être que les Dieux existent, après tout. Peut-être m'aiment-ils. Et elle leur adressa une prière fervente, remplie de bienveillance et de sauvegarde. Il n'y avait plus rien au monde qui pouvait l'arrêter, à présent. Comme à chaque instant, chaque seconde de son rêve lointain, elle était reine. Or elle ne ressemblait en rien à ces femmes capricieuses – car c'était bien là le pire des maux – mais elle régnait. Tout cet imaginaire qu'elle s'était construit ne reposait que sur la liberté qui voletait devant ses yeux. Car libre, libre comme une tempête était un mot cher à son cœur. Elle voulait aimer et ce sentiment si puissant qui bloquait sa poitrine l'empêchait de connaître réellement sa destinée. Tant de fois, elle s'était résignée pour ses parents et tant de fois elle avait voulu partir. Du seul endroit du monde qu'elle avait vu résultait des vastes collines désertiques de l'Épire et des champs dorés de la Macédoine. Mais il y avait des terres par delà, des terres qui méritaient d'être explorées et connues, des terres qui méritaient des regards attendris. Et tout cela, l'orage la lui faisait ressentir. Une rage, une rage magnifique et forte qui lui permettrait de conquérir le monde. Et le Soleil dissimulé pensait naïve, belle et naïve enfant, comme il te reste à vivre. Comme il te reste à voir. Et combien t'aimeront et combien verras–tu souffrir des flèches maudites et de fortunes outrageuses. Il souriait presque à la voir ainsi, belle et resplendissante sous la pluie. Et il voulut la prendre dans ses bras juste un instant, l'amener à son destin et la voir grandir et s'épanouir.
Elyios s'était assise, étourdie par la petrichor et la pluie battante. La terre se mêlait à ses pieds nus et sa chevelure trempée goûtait sur ses épaules. Elle eut soudainement froid et alors qu'elle s'apprêtait enfin à rentrer, elle aperçut au loin deux silhouettes, luttant contre les trombes d'eau qui tombaient sur eux. Intriguée, elle se dirigea doucement en leur direction. À mesure qu'elle approchait, ils semblaient se distinguer de l'immense nuée. Le premier était un homme aux cheveux gris et aux traits jovials, vêtu d'un uniforme romain. Son compagnon, habillé en paysan et plus jeune, à la chevelure brune. À en voir par leurs mines, ils étaient épuisés par un long voyage. Dunaíd fronça les sourcils, se rappelant presque l'un des deux visages. Elle chercha en vain dans sa mémoire embrumée.
❝ Très gente demoiselle, nous cherchons la demeure du général Macrinus, pourriez-vous nous l'indiquer si par hasard vous la connaissez ?
— Oh suivez moi ! Je suis sa fille, j'allais y rentrer.
— Sa fille ? Mais par les Dieux vous devez être Elyios alors !
— Je ne me rappelle vous avoir déjà vu pourtant.
— Vous ne vous rappelez sans doute pas mais je suis Spurius Cordius Frontius ! J'ai été l'aide de camp de votre père, en Bretagne. La dernière fois que je vous ai vue... Eh bien vous aviez cinq pieds de moins !
— Pour une surprise, c'en est une !
Le second voyageur restait mutique. Une grande cicatrice barrait sa joue droite et une profonde mélancolie s'emparait de ses yeux bruns.
» Et vous, mon ami ? Que faites-vous ici ?
Il ne répondit pas tout de suite. Et pourtant, le silence tournait autour de ses grandes iris tristes. L'univers semblait happé autour de ce regard tremblant et il entrouvrit les lèvres. Le son qui s'en échappa n'était ni une complainte ni un sanglot mais une voix hachée et tranchante. Il s'exprimait clairement, d'un ton fort qui aurait pu être joyeux, jadis.
— Je recherche quelqu'un. Ma femme, à vrai dire.
— Venez, rentrez.❞
Et d'un pas décidé, la jeune fille mena les deux voyageurs dans la belle domus. Spurius Cordius regardait l'opulence qui s'étalait devant lui avec une bouche béante. Jamais il n'avait imaginé que la demeure de Macrinus fusse si luxuriante et luxueuse. Partout, des plantes pendaient et des puits de lumières obscures inondaient les pièces. Plus il avançait, plus il comprenait l'immense désespoir qui avait hanté son général treize années durant. Quitter un monde aussi resplendissant pour un autre gris et solitaire ; quitter une famille, une femme pour des inconnus ; quitter la paix pour connaître la guerre incessante. Un sentiment de pitié vint s'attarder quelques instants à son cœur, car il fallait le dire. Macrinus avait été malmené par la vie, tel une barque sur le plus terrible des océans. Et en regardant Elyios, une vague de chaleur lui traversa le cœur. Cette enfant était douce et irradiait d'une lumière surréelle, magnifique et étrange. Elle semblait la Joie et Vie incarnée, à sourire et rire comme si rien ne pouvait obscurcir son ciel d'azur. J'espère que Macrinus se rend compte de la chance qui l'entoure, sa fille est là pour lui apporter la beauté qu'il n'a jamais sû trouver seul.
Il jeta un coup d'œil à son compagnon de route. Lui aussi avait souffert, cela se lisait sur ses traits. Il avait vaguement entendu parler de lui, après son retour de Bretagne, mais rien de plus. Juste qu'un nom de plus dans l'immensité des visages du monde.
Sa respiration se fit de plus en plus saccadée à mesure qu'Elyios les conduisait dans la maison. Une certaine appréhension, peur même de se retrouver face à face avec ce vieil ami, camarade d'infortune d'une décennie à combattre.
L'air se fit plus frais d'une traite. La pièce dans laquelle ils vinrent de pénétrer semblait deux fois plus immense que la tente de commandement du camp breton. Des puits de lumière descendaient en cascade du toit, comme une gerbe de soleil. Assis au centre étaient Macrinus et Aconia. Spurius fut frappé par la dissemblance de l'ancien général romain qui était devant ses yeux à celui qu'il avait connu, jeune fut abattu par la misère du monde. À présent, il semblait presque heureux. Ses cheveux avaient blondi, ses lèvres formaient presque un sourire. Quant à Aconia, elle restait de toute beauté. Toujours grande et élancée, aux cheveux sombres maintenant striés de gris. Son air pensif paraissait le même que sa fille. Il réalisa alors qu'Elyios tenait tellement plus de sa mère. Ce sourire, le regard interrogateur et même cette manière de parler. En rien elle n'avait les traits de son père. Et pourtant, en observant bien, une indicible mélancolie les habitait. Cette tristesse, cet amour du passé et des choses qui furent mais ne seront jamais.
❝Père, pardonnez moi, mais ces deux voyageurs souhaitaient se rendre ici, chez nous. Et puis il s'agit de Spurius !
— Toi ! s'écria Macrinus en se levant brusquement. Que fais-tu ici ? Et puis Elyios, pourquoi es-tu trempée jusqu'aux os ?
— Eh bien voyez-vous, j'étais de passage dans la région et puis mon cher compagnon de route que j'ai rencontré en Illyrie souhaitait se rendre auprès de vous par je–ne–sais quel hasard. Il faut dire qu'un général romain comme vous, on sait où il habite.
— Ancien général, ancien ! Elyios, pourquoi donc les as-tu amené ici ? Tu sais que je ne veux de visite.
— Je le sais père, mais la tempête dehors n'était un bon toit pour eux. Et je me figurais que vous pourriez les héberger pour la nuit. Et j'étais dehors, sous la pluie. D'où mon piètre état.
— Soit. Mais je ne veux pas entendre parler de Rome, tu m'entends Spurius ? Pas de Rome !
— Oui, oui... se résigna–t–il en dodelinant de la tête.
Macrinus ordonna de préparer un repas et tous prirent place sur une litière.
— Et vous, demanda l'ancien général à l'intention du second voyageur. Pourquoi vous vouliez me voir ?
Le silence pesa, comme quelques heures auparavant, dehors. Une souffrance véritable naissait de ce silence, de cette incapacité à formuler le moindre son sans qu'un couteau ne vienne meurtrir son cœur. Il inspira avec force et prit la parole.
— Je m'appelle Caius Camillus. Je suis votre successeur, si l'on peut dire. En Bretagne, vous savez. Je ne sais si vous avez été mis au courant de l'affaire mais le Dux Bellorum Arturus avait déserté l'armée après s'être fait proclamé roi des Bretons.
Aconia sursauta doucement à ce nom. Ce nom si doux qui lui rappelait les plus beaux des souvenirs. Un instant, elle entrevit ce jeune romain, arrivant sur le pas de sa domus pour lui demander sa main. Elle revécu avec simplicité le bonheur.
— Ma douce, vous allez bien ? s'étonna Macrinus.
— Oui, ne vous inquiétez pas. Reprenez donc votre histoire, je vous en prie.
— Donc Arturus, Arthur comme il est appelé là-bas avait déserté. Je le connaissais de la milice urbaine, on y était ensemble d'ailleurs. Et bien il a fallut trouver quelqu'un pour le remplacer. C'est tombé sur moi alors que je venais à peine de me marier et d'avoir un enfant, une petite fille, Portia. Alors je suis parti là-bas, diriger le camp, surveiller Arthur. Ma femme, je n'ai pu la revoir que peu de fois, elle vivait à Rome avec nos enfants. On en a eu six au total ! Flavia Livia de son beau nom. Or voilà trois ans, il s'est passé une chose terrible. Arthur a renoncé à son trône. Ils se sont tous entredéchirés. Et puis Arthur est parti en errance dans le pays, rechercher ses enfants je crois bien et il est revenu sans rien. Il était désespéré vous comprenez. Alors il a essayé de se tuer.
Aconia étouffa un hoquet de surprise et de douleur. Oh mon tendre, mon doux aimé si tu savais... Si tu savais à quel point tu es aimé. Si tu savais...
Une larme roula sur sa joue.
» Et il y a deux ans et demi, il a donné le pouvoir à celui qui voulait sa mort, celui qui avait été son plus fidèle ami. Lancelot. Il essayé de me tuer un jour. Et Lancelot a tout fait cramer, il est parti à la chasse au chevalier. Plus rien. Arthur s'est enfui, miracle des Dieux mais personne ne sait où. Et moi aussi j'ai du fuir, malheureusement. Ma condition de romain ne m'autorisait pas à rester. Pour ma survie. Ça m'en a brisé le cœur, je peux vous l'assurer. Alors j'ai voulu rentrer à Rome et...
Sa voix se craqua un peu.
» J'ai voulu rentrer pour retrouver ma femme, ma famille vous comprenez. Mais il n'y avait plus personne. Plus personne. Ma Flavia Livia a disparu, nos enfants avec elle. Et ils pourraient être n'importe où dans l'empire. En Bretagne, en Gaule, Germanie ou Illyrie. Je ne sais si vous avez encore des contacts avec l'armée mais je vous en supplie, aidez moi à la trouver. Vous êtes mon seul espoir.
— Et comment est–elle, Flavia Livia ?
— Elyios ! la reprit Aconia. Ce ne sont point des choses que l'on demande.
— Oh, ne vous inquiétez pas. Je comprends la curiosité des jeunes gens.
Il faut dire qu'elle est douce, drôle. Elle sait transformer un jour sombre et triste en un paradis de lumière. Et quand elle rit, on dirait presque qu'un baiser évanescent vient se poser sur son front. Je ne sais pas où elle est, à présent. Mais je pense qu'elle s'est faite capturée lors d'incursions des peuples en révolte. Aidez moi.❞
Ils mangèrent en silence. La nuit se dessinait, et les étoiles sortaient une par une, comme des diamants sur une étoffe. La pluie battait encore mais plus calme qu'auparavant. Le ciel, dans l'obscurité naissante, se striait de différentes teintes de bleus et de noirs. Il sembla si bienveillant, presque. Parfois l'on décelait un éclat doré, un dernier fragment du soleil qui résistait en vain. Elyios aimait à observer ceux qui l'entouraient. Elle avait vu comment sa mère avait tressailli lorsque Caius s'était targué d'être le nouveau général à la tête de la Bretagne. Elle avait vu une lueur d'espoir dans les yeux profonds d'Aconia, elle avait senti son battement de cœur s'accélérer quand il avait mentionné ce nom, Arturus. Il y avait là grand mystère mais pour celui qui aime, rien n'est plus grande intrigue que l'amour. Elyios, celui qui aime. Pourquoi portait–elle un nom à telle signification ? Non pas qu'il lui déplaisait mais il semblait venu d'une époque trop lointaine et compliquée à comprendre. L'amour est–elle chose si dure ?
La jeune fille prit conger et s'allongea sur son lit. La lumière du crépuscule formait un halo sombre, le vent battant avec douceur les rideaux. On eut dit un rêve. Quelques gouttes de pluie venaient embrasser son visage juvénile. Au bout de la pièce trônait sa magnifique tapisserie, inachevée. Dunaíd soupira. Le temps viendrait et elle s'en irait loin, loin du seul berceau qu'elle avait jamais connu. Et ses simples rêves de grandeur disparaîtraient avec l'âge. Ses yeux se fermaient seuls et sans aide. Son esprit vagabonda une dernière fois. Qui était donc cet homme qui semblait si proche au souvenir de sa chère mère ? Quelles forces étaient à l'œuvre dans ce monde empli d'étrangetés ? À mesure qu'elle songeait, elle sombrait peu à peu dans l'univers débordant du rêve.
Macrinus poussa précautionneusement la porte. Sa fille était allongée avec grâce et dans son sommeil, on eût dit d'elle une déesse. Ses longs cheveux roux tombaient en cascade le long de son corps. Sa gorge se soulevait au rythme de sa respiration, des lèvres calmes et closes. Il aurait pu rester des heures ainsi, à la contempler. Ma fille, ma fille. Pas la fille d'un autre, seulement la sienne. Toutes les jalousies et les haines et les tristesses s'étaient évanouies en un soupir. Lui l'avait élevée et point un autre. Et soudainement, il comprit quel avait été son cadeau. Cette fille lui avait apporté joie et bonheur dans les heures les plus sombres. Elle avait su le faire rire, lui fait aimer les fragments difficiles de la vie. Il s'approcha d'elle et s'assit à ses côtés. Macrinus sentit son cœur se serrer, une émotion trop forte pour être contrôlée. Il en venait à pleurer ! Qu'elle était douce et belle, cette enfant. Peut-être point de ma chair et de mon sang, mais ma fille. Mon enfant. Et il était là, à laisser couler les larmes. Il lui baisa le front avant de se lever.
❝Mon père, que faites-vous donc ici ? s'enquit–elle d'une voix lointaine.
— J'étais venu te saluer, ma douce. Dors, tu as assez fait.
— Merci, à demain, murmura Elyios dans un sourire effacé par la fatigue.❞
Et en cet instant, elle n'avait plus le désir de partir.
Bạn đang đọc truyện trên: Truyen247.Pro