Picture those you hate—
Shrieking as they die
❝❞
Sieur Calogrenant, seriez-vous intéressé par des nouvelles d'une amie d'à peine quelques jours ? À vrai dire, vous n'avez pas réellement le choix ! Je m'ennuie ferme dans ma tour.
Lancelot m'a capturée, il est vrai. Je suis perdue et confuse. Il me laisse la vie sauve, il utilise la magie sur ses „hôtes„ et s'imagine pouvoir profiter de ma présence pour résoudre ses problèmes. Comme s'il avait eu vent de ma visite avant même que je n'arrive. Je ne sais quoi songer. Je désire plus qu'ardemment rentrer dans ma terre natale, loin des conflits du monde et de l'orgueil humain. Lorsque je m'effondrais devant vous, les larmes embuant mes yeux, je n'avais pas encore mesuré le fardeau qui occuperait mes épaules. Comme j'aimerais m'empêcher de partir. Et pourtant, un fragment de mon âme ne peut s'empêcher de se réjouir des aventures à venir. Pis encore, je ne sais où cette notion étrange que l'on nomme loyauté réside. Sans vouloir offenser vos sentiments, je n'ai jamais réellement connu Arthur. Je ne sais qui servir dans ces alliances qui s'entremêlent sans pitié. Je me suis retrouvée prise dans les griffes d'une machine infernale ne se stoppera que lorsque la moitié de l'humanité sera réduite à néant. Je commence à peine à réaliser ma place parmi toutes ces vies innocentes. Or, il devient aussi clair devant mes yeux qu'il faut mourir pour ses idées.
Vous qui semblez si sage et de bon conseil, je vous supplie de m'aider. J'aurais horreur de vous causer tort. Il faut se battre pour une cause juste et noble, une cause qui exalte le Bien. Chacun des deux camps est persuadé de faire le Bien, qui choisir ? Il me semble me rallier à votre cause avec un cœur léger mais si Lancelot est sous l'influence d'une mystérieuse figure, que se passerait-il s'il venait à réaliser qu'il a été aveuglé par la rage et le chagrin ? Je ne pourrai vous le dire.
Un homme est transformé lorsque l'on draine de son cœur la joie, l'amour ou l'espoir. Mettez une épée dans ses mains et vous obtiendrez un monstre. Placez le sur un trône et il se prend pour un Dieu.
J'espère sincèrement que vous vous portez bien, dans vos terres reculées. Je n'ai encore eu vent de votre ancienne femme, ici à Kaamelott. Peut-être la trouverais-je, qui sait ? Voulez-vous que je lui porte un message de votre part ?
Profitez bien de votre solitude appréciée, vous méritez le bonheur et le repos.
(Ce pigeon se nomme Aife, comme l'une de vos héroïnes. Celui d'avant était MacDuff, en l'honneur de vos légendes fantomatiques.)
Ralia S.
Calogrenant posa la lettre en souriant. Cette jeune femme était décidément confrontée aux problèmes fondamentaux de son existence. Savoir que Ralia semblait en vie et sauve lui réchauffait le cœur. La chambre qu'on lui avait attribuée en Carmélide était morne et triste ayant pour simple décoration des armes de tournoi. Que de joies en somme ! La pluie tombait sans discontinuer depuis plusieurs jours. Un épais brouillard s'était lové sur entre les branches des arbres comme des rubans qui serpentaient la chevelure endiablée d'une danseuse. Il resserra les fourrures de son manteau en frissonnant. Le froid mordait sévèrement et l'on ne pouvait deviner que l'été était censé répandre un doux soleil sur les collines et les forêts. Tout est déréglé. Du pouvoir jusqu'au monde, tout est déréglé. Les Dieux pleuraient presque chaque nuit, cela il l'avait vu. Les pierres du ciel qui étaient tombées symbolisaient leur désespoir. Les Dieux étaient dans l'impossibilité de rééquilibrer la balance du monde. Tout avait basculé quand Arthur s'était entiché de la femme d'un chevalier et tout s'empirait depuis. Une malédiction s'était appesantie sur le monde, le chaos qui en avait résulté n'en était que pire. Il pressentait des choses, de longs malheurs qui arriveraient bientôt. Les mois précédents s'étaient succédés presque trop calmes pour une époque de guerre. Les Dieux étaient en colère, ils étaient désespérés. La Nature reprenait ses droits. Les animaux étaient furieux et rien ne pouvait les calmer. Le roi de Calédonie se leva de son bureau et arpenta sa chambre de long en large. Tout le château restait silencieux malgré l'heure de la journée. Peut-être que s'il sortait en dépit de la pluie, il rencontrerait une âme bien vivante.
Les pierres humides respiraient les souvenirs douloureux et ancestraux. Le castel avait l'air terrifiant, enveloppé dans la brume. Il ressemblait à un spectre même, la pluie ne renforçant que le halo mystérieux. Calogrenant faillit glisser à plusieurs reprises sur les marches. Il tâtonna difficilement en descendant, ne se rattrapant que grâce à ses mains et aux prises dans la roche. De la mousse débordait comme des ornements trop magnifiés sur des robes. Quand il arriva aux pieds des remparts, il lui sembla que la nuit s'était installée – chose ridicule car il n'était que le milieu de l'après-midi – . Le monde tombe en pièces. Ses pas instinctifs le menèrent vers la grande forêt. Les arbres murmuraient des prédications cauchemardesques quand le vent soufflait à travers leurs branches. Le brouillard s'épaississait, donnant vie aux fantômes des générations passées. Quelque chose n'allait pas et tout était déréglé, cela il se le répétait. Sans être fanatique, il priait les Dieux et craignait leur colère en bon roi pieux. Mais si les plus grandes instances de l'univers avaient elles même perdues tout espoir en l'humanité et préféraient se lamenter sur leurs destins, aucun sauvetage n'était envisageable. Pas un oiseau ne chantait ni aucun bruit autour de lui. Tout était morne et mort, un trépas évanescent. Il avançait d'un pas méfiant, le cœur pourtant porté au delà des cimes, sans se soucier de la pluie qui le trempait jusqu'à l'os. L'odeur de petrichor le transportait loin des malheurs humains, vers un paradis illuminé que seuls les véritables héros pouvaient un jour espérer entrevoir à l'aube des crépuscules vengeurs. Les formes langoureuses et verdoyantes se perdaient dans ses yeux, cela lui semblait le paradis qui lui était promis.
Il avait passé de nombreuses journées à contempler les différents échecs qui avaient parsemé son existence, surtout son mariage. Si son union avait échoué, c'était de sa faute, il le savait. Il fallait avouer qu'il s'était comporté comme le pire des idiots du monde connu. Il avait désiré se comporter comme un souverain et époux digne de ce nom, un homme autoritaire. Tout s'était effondré avant même d'avoir débuté. Cette femme qu'il avait à peine connue et supportée lui avait fait une bâtarde avec l'un de ses lieutenants ! En voyant l'enfant, il en avait eu le cœur détruit. Le Roi de Calédonie l'avait alors envoyée dans un couvent, loin de tous. D'aucun n'avait tenté de se gausser devant son visage, or dans son dos les cancans étaient allés de bon train. On avait ri dans son dos. Il avait passé une ceinture de chasteté à cette femme mais l'humiliation avait continué à parcourir son quotidien. Il avait pensé aimer cette femme. Les premiers mois avaient été une bénédiction. Il en avait été presque épris d'elle. Mais l'idéal s'était fragmenté dans la poussière, elle n'avait pas été celle qu'elle prétendait. Simplement une manipulatrice prête à tout pour assouvir ses plus vils désirs.
Et par un heureux hasard pourtant, son peuple l'aimait. La population voyait en Calogrenant un roi juste et magnanime, quelqu'un de droit et pragmatique. Mais sans doute qu'il avait vécu trop longtemps moqué par une minorité pour combler à son âme un vide éternel. Il n'espérait plus retrouver ou plutôt, connaître la sensation de l'amour qui envahit le corps et prend au dépourvu l'humain. L'amitié et le respect qu'il avait toujours porté à Arthur découlaient de cela, s'il lui était interdit de côtoyer la passion amoureuse alors il plongerait au plus profond des liens fraternels, rien ne l'en empêchait. Il avait employé la tristesse de la solitude du cœur dans une quête où il n'avait même pas sa place. Il n'était chrétien, préférant les Dieux avec lesquels il avait grandi. Ni la gloire ni la vie éternelle l'avaient motivé. Il l'avait fait par loyauté, respect et appréciation. Il l'avait fait car cela faisait partie de son fardeau de roi. Il l'avait fait car rechercher le Graal distrayait son esprit des distractions de la vie. Ses compagnons les plus fidèles se trouvaient être des animaux qui venaient de temps à autre errer autour de son domaine de Glamis. Des cerfs allaient jusque devant lui, des renards et des écureuils. Il possédait un chien et deux chats qui vivaient habituellement avec lui. Les animaux ne causaient point de dommages à vos émotions, plutôt ils les guérissaient.
La lumière déclinait rapidement dans la forêt. Se plonger dans ses pensées avaient fait oublier toute notion du temps au Calédonien. Le froid l'assaillit de nouveau, le faisant regretter une énième fois l'adoption du kilt comme tenue officielle de sa terre natale. Il ajusta son manteau de fourrure et continua à marcher parmi les arbres gigantesques. Il se sentait telle une fourmi devant une assemblée d'humains. Il comprenait maintenant les pensées de Ralia. La pauvre s'était retrouvée projetée dans un tourbillon de complots dont elle n'avait pas la moindre connaissance. On lui avait demandée de prendre parti sans l'avoir laissée pleurer la mort de son père.
Une feuille morte tomba délicatement sur son épaule. Il l'en chassa et la posa au sol. Agenouillé, il lui sembla apercevoir au loin une silhouette évanescente. Calogrenant se dirigea vers un petit bosquet, intrigué. D'ordinaire, les gens du château ne se promenaient dans ces bois, surtout par ce temps. Les feuilles craquaient sous ses pas. Un lourd silence s'était installé dans la brume mystique du crépuscule. Le roi de Calédonie avançait discrètement, une main sur le pommeau de son épée. Un terrible sentiment le prenait à la gorge, comme si des yeux fugaces s'étaient posés sur lui sans l'en prévenir. Il avait déjà entendu des contes sur des pâles démons sortis des cieux infernaux pour torturer les âmes en tourment. Il s'en rapprochait de plus en plus, pourtant la silhouette demeurait toujours aussi étrange. Ses robes semblaient faites de fumée qui s'enroulait autour de ses bras et jambes. Une capuche couvrait son visage. Il n'en n'était plus si loin, maintenant. Simplement quelques pieds. Il lui suffisait de tirer sa lame et...
❝ AH, mais vous êtes un gros TARÉ ? Vous voyez pas que je ramassais des champignons ?
— Me... Merlin ? Vous foutez quoi dehors ? Je vous ai pris pour un espion. J'ai failli vous couper en deux !
Calogrenant tenta de calmer son cœur qui s'était emballé si fort. Le druide était maintenant au service de Leodagan et participait activement à la recherche d'Arthur. Il mobilisait ses „dons„ de communication avec les animaux pour essayer de récupérer des informations. Il fallait dire qu'il s'évanouissait parfois dans la nature plusieurs jours durant sans jamais rien dire.
— Merci de pas l'avoir fait. Et puis vous aussi, qu'est-ce que vous foutez ici ? Vous êtes pas censé être en conseil de guerre ou machin ?
— J'en avais marre de m'emmerder dans ma chambre. Et puis nous ne sommes pas tout le temps concentrés sur les manières de tuer tous nos ennemis. C'est plus compliqué que ça la guerre. Ça fait cinq jours qu'on vous a pas vu au château ! On croyait que vous vous étiez paumé quelque part ou même que vous vous étiez fait prendre par les hommes de Lancelot.
— J'avais besoin de prendre l'air. Rien ne va en ce moment. Ça m'étonnerait même pas que les Dieux passent leurs journées à pleurer sur la misère du monde. Tout ça – et il désigna la forêt qui les entourait – c'est pas normal. Il va se passer quelque chose bientôt. Je saurais pas dire quoi mais je le sens.
— Merci pour l'information, tout le monde était au courant. Ça progresse vos recherches pour Arthur ?
— Rien. Il n'est pas en Bretagne, ça c'est sûr et certain. Ce qui me brise le cœur, c'est que j'étais à ça de le sauver, murmura-t-il. J'avais trouvé tous les ingrédients pour le sauver. Et il s'est barré quelque part, à l'autre bout du monde. Je m'en veux, vous savez. J'aurais pu éviter tout ça, tout ce merdier de Lancelot.
— Je n'aurais jamais pu penser dire ça un jour mais ce n'est pas de votre faute. Arthur avait perdu toute envie de vivre. À vrai dire, c'était plutôt un beau geste que de vouloir l'aider.
— Je le connais depuis qu'il est tout petit. Je l'ai presque élevé durant une petite année, avant de le confier à son père adoptif. Et vous, des nouvelles d'Yvain et sa mission ?
— Pas vraiment. Le dernier message date d'il y a trois semaines. Il disait qu'il était bien en compagnie de Gauvain, Bohort et le maître d'armes et qu'ils se dirigeaient vers la Judée. Ce n'était pas très clair ; il parlait d'une arche et d'alliances, que ça permettrait de gagner la guerre et d'aider pour le Graal. Dame Séli était dans tous ses états, comme une mère qui s'inquiète sincèrement pour son enfant. Et puis j'ai reçu des nouvelles de l'espion chez Lancelot.
— Vous n'en n'aviez pas un déjà ?
— Si mais il a finit en pièces détachées.
— Ah oui, voilà.
— Enfin bref, il paraît qu'il utilise des sortilèges de vérité sur chaque personne qui arrive au château. Et il n'a pas tué Ralia parce que -
— Qui ?
— Ralia, l'espionne.
— Ah d'accord.
— Il ne l'a pas tuée parce qu'il est intéressé par son armée... Qui doit aussi servir pour nous. Lancelot cherche Arthur aussi, ce qui nous laisse une petite longueur d'avance mais pas tant que ça, finalement. Le point mort.
— Calogrenant, je crois que j'ai une idée. Prévenez le château que je rentre bientôt ! ❞
Et le druide s'en alla comme une tornade, plantant le chevalier au beau milieu de la forêt.
***
Dame Ralia, votre lettre m'a réchauffé le cœur. J'apprécie votre prévenance. Ici en Carmélide, nous naviguons sur les ailes de la furie. Les Dieux paraissent désespérés par nos jeux humains. Les malheurs se succèdent sans interruption.
Je comprends vos inquiétudes, vous venez à peine de rentrer dans les grandes arènes que la vie vous réservera. Pensez à cela, vaut-il mieux servir un roi choisi par intervention divine, tentant son possible pour unifier des peuples se haïssant depuis des siècles ou servir un usurpateur qui martyrise et traque les hommes comme des bêtes sauvages ? Votre loyauté se loge là où votre cœur réside. Vous êtes jeune et avez le monde à découvrir. Je me sens sincèrement navré d'avoir participé à votre envoi vers une mort certaine. Je ne suis pas très joyeux, pardonnez moi. Vous paraissez être une femme d'honneur, avec un esprit pur. Vous encourager à aller à notre encontre serait trahir mon serment envers Arthur et je ne peux le faire. Mais persuadez vous de faire le bien, que c'est pour restaurer un semblant de hauteur à ce monde chaotique. Rappelez–vous cela : il faut vous battre pour la dignité des faibles, protéger les plus innocents et ceux dans le besoin. C'est notre ancien souverain qui me l'avait confié un jour.
Arthur a été le plus grand roi que notre royaume ai jamais vu. Il était bon, juste et plein de compassion. Bien que je n'adhérais à certains de ses vues concernant une tradition ancestrale, il a réellement changé les vies du peuple de Logres. Croyez en lui. Vous n'êtes pas chrétienne, comme moi. Je n'ai pas rejoint la quête du Graal pour vanter mon orgueil mais parce que je croyais en l'unité de nos croyances. J'avais espoir. Cet espoir qui prend vos instincts est sans doute le plus grand remède contre la peur. Plongez dans la terreur et vous regretterez immédiatement vos échecs. Mais osez espérer, osez avoir foi en une quête spirituelle et votre âme trouvera un sens sur terre. Ne cédez point à la colère, demeurez compatissante. C'est ainsi qu'Arthur a entrepris son projet. Comprenez ceci : Lancelot est son opposé. La furie le porte vers les sphères de l'orgueil. Il est persuadé que se débarrasser de chaque personne incompétente lui permettra de bien gouverner. C'est une erreur. D'aucun ne saurait disagréer. Vous êtes une femme intelligente, Ralia. Fiez vous à votre instinct.
Par ailleurs, je me permets de glisser cette information mais Merlin est parti à la recherche d'une vérité sur l'endroit où Arthur serait. Je vous confirmerai cela dans une prochaine missive. Tâchez de rester en vie, le monde serait triste de vous perdre.
C.
Il attacha la lettre à la patte du pigeon et posa sa plume. Calogrenant sortit de sa chambre en trombe jusque dans les appartements de Leodagan. Il se ferait sans doute hurler dessus mais il n'en avait que faire. Il toqua.
❝ Messire Leodagan, j'ai des nouvelles.❞
***
et on dit COUCOU à RukireChan maintenant beta officielle :)
(et qui aura les chapitres en avance
HAHAHagggrgehhhh)
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