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𝐕𝐈𝐈 | 𝐖𝐞𝐚𝐩𝐨𝐧𝐬 (𝟏)

❝ 𝘊𝘰𝘯𝘧𝘶𝘴𝘦𝘥 𝘢𝘯𝘥 𝘮𝘪𝘴𝘨𝘶𝘪𝘥𝘦𝘥, 
𝘔𝘺 𝘧𝘢𝘪𝘵𝘩 𝘪𝘴 𝘣𝘦𝘴𝘪𝘥𝘦 𝘮𝘦 ❞



─  𝐀𝐩𝐨𝐜𝐚𝐥𝐲𝐩𝐭𝐢𝐜𝐚, 𝐻𝑜𝑙𝑒 𝑖𝑛 𝑀𝑦 𝑆𝑜𝑢𝑙









« Mais vous trouvez pas ça bizarre ? », reprit Taehyung.

Leurs yeux s'aimantèrent d'une puissance magnétique, Jungkook dans l'expectative.

« D'avoir des valeurs alors que votre métier est immoral.

— Non. Mais partage tes pensées », l'invita-t-il d'une voix monotone, bien que curieux.

Taehyung cherchait en vain la manière adéquate d'articuler ses pensées, faute d'un nombre suffisant de points de référence.

« C'est pas quelque chose qui... j'en sais rien, en fait, avoua-t-il.

— J'ai acquis des valeurs. J'ai été élevé pour respecter un code, même dans ce métier. C'est ce qui me permet de dormir la nuit. »

Entre autres.

« Bah ça s'harmonise pas du tout, réfuta-t-il, une légère grimace froissant son visage sous l'incompréhension.

— Peut-être qu'en moi réside un assassin, mais j'ai une conscience, répéta Jungkook, le ton plus grave, comme s'il tentait par tous les moyens de se faire comprendre.

— C'est exactement ce que j'ai du mal à comprendre. Tuer c'est mal, très mal, même. À quoi bon avoir des principes ou une conscience ? raisonna-t-il, les sourcils froncés.

— Tu connais la subtile nuance de l'entre-deux ?

— Oui, rien n'est jamais noir ou blanc, je sais. Mais ça, c'est un gros noir, pour moi. Hyper noir, insista-t-il, la certitude brillant dans ses yeux.

— Yoongi a déjà tué », dit Jungkook, les yeux tout aussi certains verrouillés dans les siens.

Taehyung se raidit, le cœur serré par une vague d'incompréhension et de désarroi face à cette réplique défensive de son aîné.

Il n'aimait pas entendre ce qu'il savait déjà.

« Légitime défense, réfuta véhémentement Taehyung, les dents serrées. C'est un policier, ça fait pas de lui un tueur motivé par ça. Et on l'appelle pas pour supprimer des gens, lui. »

L'expression neutre, Jungkook hocha la tête, recevant son argument.

« Je voudrais te confier quelque chose que je sais que tu comprendras », dit Jungkook.

Taehyung déglutit discrètement tandis qu'il percevait, avec appréhension, les barrières du blond se dissiper peu à peu, laissant entrevoir un monde intérieur fragile et sombre. Une tension sourde l'envahit.

« On est des marionnettes de la vie avec un libre arbitre. Parfois, nos mauvais choix nous emprisonnent au bord d'un abîme, où l'issue paraît lointaine et incertaine, voire inexistante. »

Taehyung baissa la tête. Il ressentit une profonde résonance, comme si les mots de Jungkook avaient été taillés sur mesure pour lui.

J'ai été une marionnette de la vie.

Avec un libre arbitre.

J'ai fait un mauvais choix.

Et me voilà emprisonné.

Certes, il a quelqu'un qui désire me sortir de là.

Mais pour moi, l'issue est incertaine.

Il se retrouvait en ces mots, emprisonné dans une décision irréversible qu'il avait prise dans ce bar lorsqu'il n'était qu'un adolescent. Une décision qui l'entravait telle une chaîne de regret dans sa vie de jeune adulte.

Pourtant, il persistait à nourrir cette idée amère ; à l'époque, nul choix ne lui avait été offert.

Sa vie s'était jouée entre la vie et la mort.

Il avait été une fragile chandelle vacillant entre la lumière et l'obscurité. Il ne lui fallut prononcer qu'un seul mot, une simple affirmation, pour que sa vie bascule.

Un dangereux « oui ».

Il l'avait murmuré comme on lâcherait un soupir désespéré, fuyant l'étreinte de la mort pour s'accrocher à la vie.

Il continuait aujourd'hui son voyage, portant le pénible fardeau de ses décisions passées.

Fuyant ses pensées éprouvantes, Taehyung soupira, exhalant la pesanteur comprimant son cœur. Il releva la tête. Son aîné le fixait avec un mélange de sérieux et de curiosité. Taehyung détourna légèrement les yeux, puis enfouit ses mains dans ses poches avant d'appuyer son épaule contre le mur, aux côtés de Jungkook.

Il repensa aux mots du Jeon. À leur construction lyrique. À leur portée profonde. Il lui paraissaient extraits d'un livre de philosophie plutôt que de la bouche d'un homme évoluant dans l'ombre en chair et en os.

Et cet homme se dressait devant lui, aussi fascinant que perturbant, doté d'yeux semblables à des étoiles brisées qui renfermaient bien des secrets.

« J'ai pas eu l'occasion de vous le dire, mais vous avez une belle éloquence.

— Je vois que mon charme opère aussi par la parole », dit-il d'un ton espiègle, inclinant légèrement sa tête sur le côté.

Une légère grimace froissa le visage de Taehyung tandis levait les yeux au ciel, une moue amusée.

« Vous enflammez pas, c'est juste un compliment, pas une déclaration d'amour. »

Deux fossettes apparurent sur les joues de Jungkook. Il haussa brièvement les épaules, avant de détourner le regard avec une expression de douce indifférence.

« Yuna possédait une éloquence incomparable, admit Jungkook. Une véritable poétesse, je ne saurais rivaliser avec elle.

— Vous êtes de ceux qui ont grandi avec des livres, ou étudié dans une école privée ultra-avancée ? », fit remarquer Taehyung dans un rictus, tandis que son intérêt pour le blond ne cessait de croître.

Là, terrés au seizième étage, il était difficile de ne pas succomber à l'attraction intellectuelle et intime qui grandissait entre eux. Chacun d'entre eux trouvait refuge dans l'art du débat, une danse intellectuelle qu'ils chérissaient étrangement.

Jungkook esquissa un sourire subtil, bien conscient de la dualité qui existait en lui.

« Je n'ai plus foulé le sol d'une école après mes neuf ans, mais Yuna m'a soumis un apprentissage pédagogique approfondi et avancé », déclara Jungkook, savourant secrètement la lueur d'admiration dans les yeux noirs de son cadet.

Jungkook aimait l'attention, cette douce chaleur de l'admiration dirigée vers lui. Curieusement, cette nécessité devenait presque une dépendance dès qu'il s'agissait de Taehyung. Il aimait voir ses yeux s'agrandir et scintiller en sa direction, préférant cette lumière à toute forme de rancœur ou de noirceur.

C'était addictif.

Besoin d'amour et d'affection ? Validation de soi ? Déni de leur situation actuelle ? Jungkook n'en savait rien, et peu lui importait.

Il chérissait simplement et égoïstement la sensation exaltante que cela éveillait en lui.

Il ressentait une folle et irrationnelle envie de partager sans retenue ce qu'il savait faire.

On se calme.

« Et en ce qui concerne les livres, il m'est impossible de comptabiliser ce que j'ai lu », ajouta-t-il.

Ainsi poussés par cet échange, ils s'y donnaient à cœur joie. C'était un moment où le monde semblait s'estomper, où ils se sentaient plus vivants, compris, en phase avec l'univers qui les entourait, se mêlant comme les rivières rejoignent l'océan.

Taehyung n'aimait pas cela.

Jungkook en était terrifié.

Pourtant...

« Vous avez toujours été confronté à des dilemmes moraux ?

— Je suis humain. Je tangue entre les valeurs qu'elle m'a inculquées et le politiquement correct.

— Pourtant, vous continuez ce que vous appelez un travail. Elle vous a conditionné », dit Taehyung sans ambages.

Jungkook cligna des yeux, demeurant un instant silencieux.

Oui.

« Parce que la moralité n'est pas un chemin rectiligne, mais un dédale de choix épineux. En moi, comme en toi, cohabitent le bon et le mauvais, et c'est à nous de déterminer comment les dompter. »

Et si seulement tu pouvais dompter la noirceur qui sommeille en toi, Taehyung.

Taehyung s'octroya un instant pour absorber ces mots, plongeant dans le lacis de ses pensées. Ses convictions solides, autrefois immuables, se retrouvaient désormais soumises à une révision attentive, à une étude méticuleuse.

Cette exploration intellectuelle le transportait.

C'était là son péché mignon.

Il adorait cela, au même niveau que le sarcasme et la provocation qu'il échangeait avec le Jeon.

« Mais comment vous faites pour vivre avec cette dualité ? Vous allez devenir fou, à force », demanda-t-il, curieux.

Jungkook le fixa un instant de ses yeux perçants, s'enfonçant dans une réflexion sans le quitter du regard.

« Je sais que je ne suis pas le bourreau que certains voient en moi. Ça me suffit. »

Je suis une multitude d'êtres en un seul, bien que je ne sois pas chacun d'eux.

« Je comprends pas... dit Taehyung, une légère irritation perçant dans sa voix face aux paroles énigmatiques de Jungkook.

— J'ai une conscience vigilante et éveillée qui m'avertit que chaque vie que mon corps prend laisse en moi une empreinte indélébile. C'est cette lucidité qui lui permet de choisir les cibles avec une extrême précaution, murmura-t-il. Plus encore, elle m'implore de chercher des chemins vers la rédemption. »

Taehyung fronça les sourcils et serra la mâchoire, l'irritation montant en lui comme une marée inexorable face à ces justifications qu'il trouvait insipides. Chaque mot lui semblait une tentative pitoyable de masquer la vérité ou de renforcer le déni.

Sa frustration était croissante.

Pourquoi il a parfois cette manie chiante à parler de lui-même à la troisième personne ? Psychopathe, va.

« C'est qui "lui " ? », s'agaça-t-il.

Face à son ton, Jungkook se referma comme une fleur sous un orage, les épaules tendues et le front légèrement plissé, offrant au plus jeune une expression impénétrable.

« À toi de l'interpréter.

— Interpréter quoi ? Vous me dites pas tout. Mais tout ce que je comprends, c'est que vous vous cachez derrière votre "corps". C'est quoi, à part une excuse irrecevable ? Dites-le, que vous assumez pas ce que vous faites, mais que vous êtes obligé. Et là, je croirais en votre discours sur l'entre-deux », dit-il, élevant légèrement le ton, tant ses émois troublaient son calme.

Jungkook esquissa un sourire en coin, suggérant la désinvolture, tout en maintenant le contact visuel de manière intense, un défi muet dans ses yeux sombres.

En réalité, il avait redressé son buste pour paraître plus imposant, dissimulant derrière cette façade la profonde blessure que les mots de Taehyung venaient de lui infliger.

« C'est loin d'être une excuse, Kim. »

Si seulement tu pouvais saisir l'ampleur de ce que je porte en mon sein.

Taehyung était perdu, assailli par ce qu'il entendait et analysait. Pourtant, il esquissa un maigre sourire triste et résigné. Malgré lui, il commençait à saisir l'essence philosophique de Jungkook, tout en restant impuissant face aux nombreuses zones d'ombre qui persistaient.

Les souvenirs s'entrelacèrent dans son esprit.

Le verre d'eau offert au temple.

Son accord pour rester au manoir et rendre visite à Jimin.

Le message accordé pour rassurer Yoongi.

Le billet tendu avec confiance.

Le repas offert avec générosité.

Sa patience pour répondre à ses questions.

Son engouement discret, ce scintillement dans ses yeux lorsqu'ils s'adonnaient à leurs joutes.

Taehyung hésitait à discerner si ces « privilèges » visaient à apaiser sa conscience ou reflétaient ce qu'il restait de la bonté innée du Jeon.

Ou s'ils faisaient partie de sa quête de rédemption.

L'humain est si complexe.

« Pourquoi vous arrêtez pas, alors ? », demanda-t-il d'une voix incertaine.

Le poids de ces mots était colossal.

Jungkook clôt brièvement les paupières, esquissant un fin sourire, puis plongea ses yeux dans les siens. Taehyung jurerait qu'il y décelait de la tristesse.

« Ce n'est pas chose aisée, ça ne dépend pas que de moi. »

Et ce simple murmure apparut à Taehyung comme un appel à l'aide. Il ouvrit la bouche sur un silence, se ravisant à la dernière seconde.

Alors, luttez plus fort. À moins que vous n'ayez pas encore trouvé une cause qui en vaut la peine.

Le plus jeune ressentit le désir de lui exprimer, au contraire, qu'il était tout à fait possible de surmonter cette situation, pour peu que la volonté et l'effort y soient consacrés. Toutefois, il se rendit compte qu'il n'était pas la personne appropriée pour lui souffler de tels conseils.

Il ne le connaissait pas suffisamment pour se le permettre. Il risquait fort de braquer cette panthère sauvage qu'il apprivoisait jour après jour, alors qu'elle s'ouvrait à lui, à cet instant même.

Et Taehyung en était encore abasourdi.

Autant par Jungkook que par leur échange des plus surprenant.

Discrètement, il se pinça.

C'est réel, je rêve pas.

Ravisseur et captif. Face à face. Dans une salle de tir. À discuter de la dualité du monde.

De leur monde.

Alors que l'un servait celui qui se servait de lui.

Quel bordel. Mais je veux encore lui parler.

« Vous voyez votre travail comme une épreuve de l'âme ? », s'enquit-il, naviguant sur un autre pan du sujet qui le faisait vibrer.

« Bon, les intellos, stop. C'est intéressant, but I want action. »

Jungkook fut amusé par la pensée geignarde et plaintive. Il scruta son cadet comme s'il essayait de lui faire passer un message en silence.

« Si j'avais deviné que notre conversation serait si prolifique, j'aurais préparé du thé, railla Jungkook. On n'était pas venus ici pour une leçon de tir ? »

« Thank God. »

D'abord médusé, Taehyung laissa échapper un éclat de rire.

« Répondez-moi.

— Je ne savais pas que tu étais féru de ce genre de débat.

— Il y a beaucoup de choses que vous savez pas sur moi.

— Il me tarde de les découvrir.

— Rêvez pas trop. Bref, ma réponse, elle vient ? »

Son ton taquin ne trahissait en rien la profondeur dévorante de son regard. Jungkook s'y perdit un instant, les mots suspendus à l'orée de ses lèvres.

L'attention de Taehyung était captivée par le visage de son vis-à-vis qui se délectait de l'idée de lui partager une infime part de sa vision. Même si elle était partiellement erronée.

Il avait ignoré à quel point il pouvait aimer cela ; de voir les yeux de Taehyung s'illuminer de compréhension, vibrer au rythme de ses idées, même s'il n'y adhérait pas toujours, et lui poser des questions.

Leur échange était simple et pur. Profond et révélateur.

Il se déroulait avec un peu de jugement et de morale, mais sans provocation, sans rancœur.

Tout cela était mis de côté le temps de leur conversation.

Le plus étonnant ? Cela s'était produit subitement sans qu'ils l'aient vraiment voulu. Pourtant, ils allongeaient leur conversation comme s'ils n'étaient pas embourbés dans une situation délicate.

« Ce n'est pas ma pire épreuve. On n'est qu'acteurs dans le vaste théâtre cosmique. Mais notre identité est sculptée dans notre aptitude à sélectionner notre rôle et à agir avec une intention déterminée. »

Taehyung acquiesça, pleinement en accord.

« On peut quand même surmonter nos actions passées pour dénicher une lumière dans l'obscurité », poursuivit Jungkook.

« Vous êtes chiants. »

Son regard était éloquent, il fixait Taehyung comme s'il lui transmettait un autre message, faisant de son mieux pour ignorer les plaintes qui se multipliaient dans son esprit.

Jungkook était dans l'ignorance totale du message porté par ses yeux qui imploraient silencieusement : « tu es peut-être ma chance de rédemption, alors que j'ai sombré dans la noirceur la plus aveuglante ».

Taehyung perçut une détresse telle qu'il se trouva momentanément muet. Il ne sut comment accueillir cet appel silencieux, toujours submergé par l'étrange poésie de cette conversation inattendue.

Il lut des horizons inexplorés dans ses yeux, des énigmes non résolues. Ce simple échange avait brisé les murs de l'incompréhension, révélant davantage de nuances de cette âme complexe.

Donnant naissance à davantage de questions.

Pour Taehyung, la leçon était désormais claire : juger les autres de manière simpliste était une erreur. Chacun avait son propre combat intérieur, sa propre quête de sens dans ce monde ambivalent.

Mais il n'était justement pas prêt à envisager que juger Jungkook de manière simpliste fût une erreur. Sa rancœur était tenace. Ses cauchemars s'accrochaient à lui. Mais sa compréhension était grandissante.

Taehyung fronça les sourcils, happé par un combat interne.

Mais merde, il m'a fait du mal par pur égoïsme, j'ai pas envie de lui trouver des excuses, ni de le comprendre.

« C'est fou parce que vous remettez en question mes propres notions. C'est hyper complexe et je sais pas si je dois vous frapper ou vous remercier. »

« Frappe. »

Taehyung le comprit, pourtant. Mais il n'adhérerait jamais à sa philosophie de vie. Ce n'était pas acceptable, moralement. Mais il comprenait cet assassin qui se disait ne pas l'être.

Et c'était bien cela le problème ; il comprenait un assassin.

Un putain de tueur qui me dit qu'il a jamais tué. Et qui me dit que je comprendrais ce mensonge seulement si je suis assez ouvert d'esprit.

« La vie elle-même est complexe, Kim. Je crois qu'on est tous destinés à perpétuellement chercher la lumière, même en plein cœur des ombres. Qu'on a tous un délai pour se ressaisir avant la fin.

— Je partage cette vision, oui, c'est dans mes croyances. Vous luttez beaucoup, je trouve.

— Un brin de plus qu'habituellement. »

Son regard s'assombrit.

Depuis que tu es là.

J'oscille entre gratitude et rancœur.

Devrais-je te remercier ou te maudire ?

« ... Bon, grommela Taehyung en croisant les bras sur sa poitrine. J'ai envie de dire un truc qui m'énerve, mais j'ai envie. »

Jungkook arqua un sourcil, des ridules apparaissant sur le coin de ses yeux, trahissant son sourire quasi invisible.

« C'est putain d'insensé et vous m'avez lavé le cerveau, là, marmonna Taehyung.

— Loin de là, tu résonnes simplement avec mes propos et tu t'interroges.

— Ouais, bah vous risquez quand même de trouver ça risible.

— Parle, alors », l'invita-t-il, intrigué.

Taehyung porta une main à sa joue, ses doigts glissant lentement sur sa peau, révélant une tension imperceptible qui se nichait en lui.

« C'est rassurant de voir que vous êtes juste normal. Les mots me manquent pour vous décrire, mais, même si on a des avis très divergents sur ce que vous appelez un travail, j'ai compris que je suis loin du compte, vous concernant. Je vous ai jugé trop vite », confia-t-il.

Parce que je vous voyais comme un monstre.

Jungkook demeura coi. Même si ce n'étaient pas des excuses, il était étonné par la délicate attention de ces mots inattendus.

Néanmoins, il secoua la tête, dépité.

« Kim. »

Taehyung se figea, saisi par la surprise, tant le ton de son aîné était bas, vibrant d'un désespoir innommable.

« Je suis loin d'être normal », objecta-t-il, agité en son for intérieur.

Jungkook soupira discrètement et se frotta doucement les yeux de son pouce et son index, noyé dans le tumulte de pensées qui ne lui appartenaient pas.

« Personne ne l'est », dit Taehyung d'une voix qu'il avait voulue rassurante.

Jungkook hocha la tête, laissant s'épanouir un sourire résigné sur ses lèvres.

« Il vous arrive de regretter ? », poursuivit-il avec délicatesse avant de se pincer les lèvres, se demandant s'il ne frôlait pas une frontière subtile.

Jungkook releva promptement la tête et se figea, ses prunelles tourbillonnantes, ses sourcils se rejoignant en un pli de malaise, sa mâchoire se serrant comme un secret bien gardé.

Ah, question taboue.

Mais Taehyung avait besoin de sa réponse, comme si elle pouvait être la bouée de sa conscience troublée, la lueur qui éclairerait son chemin incertain.

Une réponse, c'était tout ce qu'il désirait.

Une réponse qui pourrait apaiser ses propres doutes qui le hantaient, même si elle signifiait la confirmation de sa propre activité illicite, au bar.

Et ce secret honteux, Taehyung l'emportera avec lui dans la froideur de sa tombe, mais en cet instant, son égoïsme l'emportait sur la prudence. Il voulait que Jungkook, par un simple regard ou un mot subtil, le rassure, lui offre un baume pour son âme tourmentée.

Qu'il lui dise que s'offrir ainsi pour se nourrir était une erreur de parcours, certes, mais pardonnable. Que sa rédemption existait. Que, même dans les recoins les plus sombres de son existence, la clémence divine brillait comme une lueur d'espoir.

C'était là tout ce qu'il voulait entendre de sa part. Lui, qui était profondément plongé dans la noirceur.

« Chaque fois qu'il... qu'on... »

Jungkook exhala un soupir agacé. Il butait sur ses mots, une lueur troublée étincelant dans ses yeux.

Que répondre à ça ? Comment pourrais-je éprouver des regrets pour un acte que je n'ai pas accompli ?

Taehyung fronça les sourcils, l'observant, l'analysant. Il était perturbé par les subtils jeux de pronoms et cette étrange hésitation dans la voix caverneuse de Jungkook.

« Je suis sûr que tu as déjà ta réponse. »

Taehyung battit des cils, son cœur bondissant dans sa poitrine. Mais bien sûr qu'il doit regretter. Tout était clair comme un ciel sans nuages.

Il était sur le point de renchérir, lorsque Jungkook se détacha soudain du mur et lui tourna le dos, laissant Taehyung avec un mystère flottant dans l'air.

Et ce dernier comprit. Fin de la discussion. La frontière ne devait pas être franchie.

Parfois, il était préférable de laisser les énigmes non résolues dans le royaume de la nuit.

Pourtant, à cet instant même, ils repensaient tous les deux à leur échange, une lueur d'apaisement s'insinuant dans leurs regards.

Taehyung avait à peine brandi l'épée du jugement, et Jungkook en avait ressenti une étrange gratitude. Leurs paroles avaient été filées de curiosité sincère, l'étoffe d'un monde sombre que l'un cherchait à comprendre, et l'autre, à partager.

Et Taehyung qui avait égoïstement été en quête d'une quelconque réponse sur la véritable identité de Jungkook, s'en trouva démuni.

C'est votre histoire d'avant, que je veux. Savoir qui vous étiez pour mes parents et Jin.

La conversation avait ainsi pris une teinte douce-amère pour le ténébreux ; il y avait eu quelques découvertes, mais beaucoup de non-dits, et une multiplication de questionnements.

Certes, Taehyung s'était gardé de trop de jugements, mais la propension à l'horreur de Jungkook laissait un froid s'insinuer en lui, il ressentait un profond malaise, son cœur refusant de s'accorder avec cette part sombre.

Mais si un jour, il lui révélait sa propre activité clandestine dans ce bar, le Jeon aurait-il le même état d'esprit ?

Accepterait-il cette révélation sans jugement ?

Ou le regarderait-il de haut ?

Ou en profiterait-il... ?

« Choisis une arme. Aujourd'hui, je te laisse explorer ce qui te convient dans la mesure du possible. »

La voix de Jungkook s'éleva dans l'air, tandis qu'il posait à nouveau ses yeux sur lui, les mains glissées dans ses poches et sa posture élégamment nonchalante.

« ENFIN, putain. À deux doigts de vous assommer. »

Jungkook soupira discrètement, las.

Sortant de ses pensées, Taehyung décela une ébauche de sérénité dans son regard. Il en fut étrangement rasséréné malgré ce qu'il venait de penser, malgré ce qu'il s'apprêtait à apprendre.

Mais pour l'instant, il pouvait respirer un peu plus librement.

Pourtant, dès que cette pensée germa, un malaise s'empara de lui. Il comprit que son regard différent porté sur le Jeon était futile. Depuis le début, leur lien avait été façonné par la contrainte, entretenu par le devoir envers leur pacte et par la menace.

Comme si tout avait été façonné pour que leurs vies se croisent dans ce lieu sinistre.

L'un, un ravisseur au comportement antipodal qui dégageait une aura de mystère et d'ambiguïté, tel un prédateur nocturne pris dans un éclair de lune. L'autre, un otage à la liberté plus ou moins flexible, enchaîné par les chaînes du destin, cherchant une échappatoire fragile.

En dépit de tout, son ravisseur semblait veiller sur lui comme une ombre bienveillante.

Cette réalisation le frappa comme un éclair de son esprit, un coup soudain et brutal en plein cœur.

Ironie cruelle du sort.

Antinomie de l'âme humaine.

Rien n'était sensé.

Certes, ils avaient échangé nombre de mots et d'avis personnels, mais Taehyung sentait une décision irréversible s'ancrer en lui, une acceptation spontanée de ce Jeon sans retour possible.

Il maudissait son propre cœur, emprisonné par une empathie qui effaçait les avertissements rabâchés, ces mantras qu'il s'était répétés :

« Ne t'y attache jamais ».

« N'oublie pas qu'il t'a égoïstement arraché à ta vie ».

« Il peut tout à fait tuer Jin par vengeance ».

Mais le réconfort qui l'enveloppait tenait à la certitude qu'il ne pouvait pardonner les péchés macabres du Jeon. Les coups brutaux qu'il avait infligés à l'un de ses professeurs à l'université ne trouvaient guère d'indulgence dans son regard, pas plus que le meurtre impitoyable de son voisin.

Et il était hors de question d'excuser ses assassinats qui se profilaient dans l'ombre.

Mais, au fond de lui, une forme bénigne de gratitude s'épanouissait, telle une fleur timide baignée par la lumière d'un matin d'été, envers celui qui l'exemptait d'embrasser l'obscur chemin des missions meurtrières.

Parce qu'il refusait d'effacer des vies et de croiser l'abîme sans fond dans les yeux vides d'un cadavre créé de ses propres mains.

Il frémit de dégoût et d'effroi.

Jungkook l'observait avec une attention presque obsessionnelle, guettant le moindre signe de recul, la moindre envie de remonter à l'appartement.

Il le vit frémir.

Il analysa les yeux vagues de son cadet qui fixaient un point invisible, révélant les pensées qui le hantaient.

Jungkook se demanda si ce regard trahissait une once d'incertitude, de réticence, ou peut-être même une lueur de prise de conscience.

Patient, il attendit que le jeune Kim se manifeste.

Taehyung émergea, ses yeux troublés se verrouillant instantanément à ceux scrutateurs de son aîné. L'expression habituellement dure du blond s'était adoucie, et ses yeux profonds étaient presque neutres.

Cependant, une lueur fugace dans ses prunelles révélait le souci que le Jeon éprouvait à son égard.

Une fois de plus, Taehyung se trouva soudainement submergé par une émotion indéfinissable, ses pensées dans un tourbillon sans fin, incapable de décider de son sentiment envers cet homme qu'il savait désormais plus complexe que jamais.

Son regard sur le monde se métamorphosait. Son regard sur son geôlier se métamorphosait. Tout était flou, abscons, comme les ombres dans la nuit. Il en était profondément submergé, touché. Perdu. Si perdu que les larmes menaçaient de s'échapper, mais il lutta pour les retenir.

Le mal. Le bien. Une éternelle danse oscillante.

Le monde était d'abord fondé sur la dualité. Tout était binaire.

Le passé et l'avenir. Le désespoir et l'espoir. La nuit et le jour. L'homme et la femme. Le mâle et la femelle. Le silence et la mélodie. L'ombre et la lumière. Le chaos et l'harmonie. La réalité et le rêve.

Chaque élément trouvait un contrepoint, chaque existence sa résonance.

Pourtant, comme les vagues capricieuses d'un océan insaisissable, cette dualité s'entrelaçait en un fragile équilibre infiniment fascinant.

Cet équilibre étant l'axe, le centre de chaque dualité.

Le présent. La lutte. L'aube ou le crépuscule. La complémentarité. Le murmure. La pénombre ou le clair-obscur. La transition. L'imaginaire ou le mirage.

Taehyung était là. Il était perdu dans cet entre-deux. Son âme s'empêtrait dans cette bascule en équilibre fragile.

Son esprit était un bateau solitaire. Il naviguait sur les eaux troubles des actes de Jungkook, de cet homme aux facettes multiples qu'il apprenait à connaître, malgré lui.

D'un côté de cette mer houleuse, il se souvenait de Jungkook lui offrant de l'argent, partageant généreusement sa nourriture, lui offrant parfois des sourires subtils qu'il gardait comme des secrets précieux.

Pourtant, de l'autre côté de cette mer, persistaient les souvenirs sombres du Jeon qui l'avait terrifié et méprisé. Mais qui m'avait sauvé. Il l'avait vu comme une panthère enragée, assoiffée de sang et de chaos, avide de vengeance comme une tempête dévastatrice. Ce Jeon-là qui l'emprisonnait, ayant son nom inscrit dans son carnet. Tout en m'accordant une certaine liberté.

Il y avait un pacte où sa propre vie était en jeu en échange de son implication à capturer son frère. Mais pas plus tard que la veille, j'ai vu le doute dans ses yeux. Et juste à l'instant, il vient de se révéler à moi, même partiellement.

Et c'était un cercle sans fin. Un oui, un non, entraînant un autre oui, puis énième un non.

Et ainsi de suite.

Taehyung se demandait quelle facette du Jeon finirait par l'emporter. Si le calme prévaudra sur la tempête, ou si l'obscurité engloutira tout sur son passage.

Son ravisseur avait beau être en lutte perpétuelle avec lui-même, une vérité obsédante s'imposait : si la lucidité de Jungkook sur sa propre situation était incontestable, l'âme humaine, elle, demeurait une énigme insondable.

Nul ne pouvait se risquer à confier une foi aveugle à la conscience de l'âme.

Car en son sein, le libre arbitre demeurait souverain, un cadeau empoisonné intemporel.

Prenant conscience d'avoir été pris au piège des méandres de sa pensée, Taehyung secoua la tête, l'émergence d'une céphalée le faisant légèrement grimacer. Ses doigts effleurèrent son poignet.

Il lui était vain d'espérer une certitude ou une issue claire.

« Tu te tortures l'esprit. »

Le plus jeune sursauta, son cœur bondissant sous la surprise de constater qu'il avait encore été transparent aux yeux perçants du Jeon.

La voix neutre de Jungkook s'était élevée dans l'air, alors qu'il luttait contre son désir de regarder le bracelet traqueur sur le poignet de son captif.

« Tu veux remonter un moment ? », questionna-t-il ensuite, indiquant les escaliers d'un geste furtif de la tête.

Taehyung déglutit avec difficulté, regardant les marches menant à la terrasse, comme s'il cherchait une échappatoire. Ses yeux étaient telles des abeilles errantes, butinant le tableau des armes, survolant la photo de cette femme mystérieuse, effleurant les rangées de tir, et revinrent sur les escaliers.

Puis, comme soumis à une force d'attraction, ils s'accrochèrent inéluctablement à un Jungkook attentif et patient.

Taehyung se tenait immobile. Son cœur battait avec la fébrilité des ailes prisonnières d'un oiseau. Il avait presque ouvert la bouche pour poser cette question brûlante qui le tourmentait :

Pourquoi j'ai toujours eu cette étrange impression de vous connaître depuis que je connais votre identité ?

Les mots dansaient sur le bord de ses lèvres, prêts à s'envoler vers le plus âgé. Pourtant, il s'était retenu au dernier instant, emprisonnant les mots comme des oiseaux en cage.

À la place, il avait simplement secoué la tête en signe de négation. Ses lèvres s'étaient jointes, et il avait détourné les yeux, préférant fixer son propre poignet qu'il grattait doucement.

La réponse était là, sur son poignet.

Une réalité aussi froide et implacable que l'acier d'un couteau qu'il ne devait plus occulter : il était pris au piège, enchaîné à un homme qui s'était qualifié de « pas normal ». D' « instable ».

Il était à sa merci.

Bon sang, Taehyung, ne l'oublie jamais.

Cependant, son cœur était presque en désaccord avec cette affirmation. Elle commençait à disparaître, emportée par le moment où il avait osé déchiffrer le regard du Jeon. Cet être doté d'une âme d'une pureté autrefois éclatante, voilée par une ombre dense et menaçante.

La personne qu'était Jungkook lui paraissait une toile ébréchée où chaque fissure révélait un tumulte muet qui criait sa détresse en silence.

Un paradoxe éternel se jouait encore une fois, enveloppant les méfaits que Taehyung condamnait pour leur immoralité manifeste.

Et le revoilà, se perdant encore dans une réflexion interminable sur son geôlier.

J'en ai marre de penser.

Son mal de tête s'accentua, mais son esprit était inaltérable. L'âme et le cœur se livraient à une bataille féroce, tourbillonnant comme les vagues déchaînées d'un océan en furie.

« Arrête de te faire du mal », entendit-il, émergeant une fois de plus de la tempête de ses pensées.

Taehyung cessa aussitôt de se gratter le poignet, abaissant ses mains.

Sous le regard pénétrant du Jeon, un frisson lui parcourut l'échine. Il vit briller une émotion contrastant avec le visage dur et imperturbable de son aîné.

Les remords.

Taehyung expira profondément, rompant le silence pesant qui les avait enveloppés.

Il détourna la tête, ses yeux glissant sur les armes fièrement exposées. Son cœur s'emballa à mesure qu'il approchait timidement du tableau. Chaque battement résonnait comme un tambour dans ses oreilles, un rappel constant de la tension en lui.

Le regard lourd de Jungkook ne le quittait pas, attentif.

Ce dernier avait tout observé. Rien ne lui avait échappé. Tout comme une étoile troublée par les nuages, il était aussi tourmenté par ses propres doutes. Il percevait le début du changement, de la métamorphose de leur relation.

Il n'avait rien anticipé de ce qui venait de se passer depuis leur descente dans cette salle d'armement. Mais il s'était résigné. Il ne désirait plus batailler contre ce qui se déroulait entre eux. Il abandonnait la résistance, laissant le flux du temps emporter tout sur son passage.

Lutter contre une force insaisissable, une puissance divine, était un chemin voué à l'échec.

Ce qui est écrit est écrit.

Il avait compris la leçon. Ne jamais provoquer le destin qui avait le pouvoir de modeler les vies à sa guise.

Lorsque Jungkook observa son cadet étudier ses armes avec une minutie presque admirative, il comprit que le point de non-retour était déjà loin derrière lui. Les remords lourds comme des chaînes s'abattirent sur lui alors qu'il regardait le visage de cet enfant marqué par la concentration.

Il se rappelait sa manière de gratter le poignet qu'il avait enchaîné.

De réagir presque violemment à son toucher.

De se retenir de fondre en larmes devant lui pour garder contenance.

De se jeter à corps perdu sur la nourriture qu'il lui offrait.

De subir sa...

« Je choisis ce fusil noir, dit-il d'une voix mêlée d'hésitation et d'excitation. Il est trop stylé. »

Perdu dans l'horizon invisible, le regard de Jungkook se raviva soudainement et il avisa l'arme pointée par le doigt du plus jeune.

Il arqua un sourcil, des ridules apparaissant sur le coin de ses yeux, son sourire s'épanouissant comme une fleur timide au lever du jour.

Vraiment ?

« Ton premier choix reflète si bien ta personnalité, railla-t-il.

— Quoi ? Pourquoi ? demanda-t-il avec une moue curieuse.

— Parce que c'est un fusil d'assaut.

— Fusil d'assaut... répéta-t-il, confus. C'est trop puissant ? se vanta-t-il, affichant un sourire d'une arrogance feinte.

— Violent. »

Taehyung perdit aussitôt son sourire et plissa les yeux, suspicieux.

« J'ai une personnalité violente, moi ? grognonna-t-il. C'est vous qui...

— Je recommande un fusil classique, pour débuter, le coupa-t-il en déviant habilement le sujet, amusé.

— Il est marrant, lui, comment je reconnaîtrais un fusil classique, moi », marmonna-t-il pour lui-même, les yeux naviguant entre les différents fusils accrochés sur le tableau.

Jungkook secoua doucement la tête, les fossettes présentes sur ses joues, ayant parfaitement perçu chaque mot.

« Et si je veux un fusil d'assaut ? demanda subitement Taehyung en le regardant avec de grands yeux curieux.

— Alors paix à notre âme. »

Taehyung pouffa aussitôt.

« Vous abusez !

— Loin de là. Même sous ma supervision et mon extrême vigilance, il est possible que tu provoques une explosion au seizième étage.

— Mais ça va pas ? J'ai pas deux mains gauches, je vous signale, bougonna-t-il, les sourcils froncés.

— J'ai quelques explosifs et de la poudre à canon dans ma collection, jeune homme. Sans parler des produits inflammables et de ma présence en ces lieux la nuit dernière. Il y a des résidus de poudre partout. Une balle perdue au mauvais endroit, et c'est terminé pour nous deux.

— Mais quoi... dit-il en allongeant le dernier mot, étonné. C'est une base militaire ou quoi, votre truc ? »

L'apparente impassibilité de Jungkook était trahie par les fines ridules au coin de ses yeux.

« Et si mon but est justement de tout faire péter ? taquina Taehyung en arquant un sourcil.

— Alors j'espère que tu aimes les feux d'artifice, mais sans nous. »

Taehyung laissa échapper un éclat de rire grave, et les coins des lèvres de son aîné frémirent.

« Pas grave, je vous enverrais des photos depuis le paradis, vu que vous serez en train de cuir en enfer. »

Jungkook secoua doucement la tête, retenant un souffle rieur.

« Je veux quand même essayer », renchérit le ténébreux, déterminé.

« ...T'es sûr qu'il a toute sa tête, le p'tit ? »

Jungkook se pinça les lèvres dont les coins s'étirèrent, trahissant un début d'hilarité.

« Je ne sais pas si tu es intrépide ou simplement suicidaire.

— Mais je veux juste tester !

— Non, tu oublies.

— Mais vous avez dit que je choisis ce que je veux ! s'insurgea-t-il.

— "Dans la mesure du possible ", rappela-t-il, les yeux plissés. Et arrête de faire l'enfant.

— Allez... ! implora Taehyung, joignant les mains en une supplique gracieuse.

— Tu veux un fusil mitrailleur et tirer par rafales, tant que tu y es ?

— Oh ! Ça m'intér...

— Non.

— Putain, mais à vous entendre vous êtes sur le point de me filer un pistolet à eau ! », s'insurgea-t-il, mi-agacé, mi-amusé.

Jungkook soupira en se pinçant l'arête du nez, à deux doigts de se joindre aux éclats de rire résonnant dans sa conscience.

« Kim, soupira-t-il, tandis qu'il relevait la tête, un éclat rieur au fond du regard. Sois raisonnable. »

Taehyung grommela dans sa barbe, plus pour la forme que par véritable agacement, faisant arquer un sourcil railleur à Jungkook.

« Mais c'est quoi leur différence, alors ?

— Le fusil que tu veux est lourd en plus d'être un semi-automatique, autrement dit, il s'autoréarme après chaque tir. Ça le rend dangereux pour toi qui est un novice encore inexpérimenté, insista-t-il avec gravité.

— Ah, lâcha-t-il déçu. C'est vrai qu'avec mes bras tous frêles... », plaisanta-t-il avec une touche d'ironie.

Jungkook tiqua, déconcerté par cet humour noir, les sourcils froncés et une lueur de perplexité dans le regard.

Il s'amuse de sa condition ?

« D'autant plus que tu peux paniquer et le laisser tomber. Je préférerais que tu utilises un classique : plus facile à approvisionner, puisqu'il suffit de l'ouvrir en deux pour insérer deux cartouches. Le manuel est plus sécurisant, pour l'instant. »

Taehyung hocha la tête, assimilant la dangerosité de l'arme sur laquelle il avait jeté son dévolu.

« Comme celle-là ? s'enquit-il en pointant un autre fusil.

— Non, c'est une carabine de chasse, lui apprit-il. Également une semi-auto.

— De chasse ? Vous chassez ?

— Ah, non, grimaça-t-il, surprenant Taehyung par sa réticence. Ces armes autrefois appartenaient au grand-père de Yuna, un chasseur intrépide. Les armes que tu vois ne sont pas tous fruits de mes achats. La plupart m'ont été transmis.

— Je vois, je vois », acquiesça-t-il, sentant l'excitation monter en lui, mêlée à un certain malaise.

Son cœur tambourinait furieusement, prenant conscience qu'il opérait son choix d'arme de la même manière qu'il sélectionnerait ses vêtements en boutique.

Mais par-dessus tout, il brûlait d'impatience d'apprendre.

« Et ça ressemble à quoi un fusil normal ? demanda-t-il en scrutant attentivement chaque fusil, cherchant un indice qui pourrait lui souffler la réponse. Parce qu'à part la couleur et la taille, ils ont pratiquement tous la même tête. »

Par un réflexe presque instinctif, sa main faillit se diriger vers sa poche arrière pour en extraire son portable, prêt à photographier et partager ce qu'il s'apprêtait à apprendre à la bande.

Il s'immobilisa, réalisant son geste. Une tristesse dévorante s'empara de lui, le faisant presque suffoquer sous son poids écrasant.

« Tu veux vraiment un fusil ? »

Il comprit avec une clarté douloureuse combien son existence avait été bouleversée. Ses amis lui manquaient à en pleurer, laissant un vide immense dans son cœur. Ce geste mille fois répété, aussi simple que de prendre son téléphone, lui manquait au point de faire picoter ses doigts d'un besoin insatiable.

« Kim, tu m'as entendu ? demanda Jungkook, ayant perçu son soudain malaise.

— Hein ? dit-il en pivotant vers son aîné. Oui, oui. J'ai envie de commencer par ça.

— Je m'étonne que tu préfères une arme aussi imposante à un simple pistolet ou un revolver. »

Une lueur d'incertitude dans ses perles noires, Taehyung haussa une épaule tout en esquissant un sourire contrit. À travers le prisme acéré de son regard, Jungkook perçut un discret tic nerveux, une hésitation furtive qui se dessina au coin des lèvres du plus jeune.

Jungkook préféra ne rien laisser paraître, gardant son expression impassible. En cet instant, il nourrissait secrètement l'espoir que les moments de vulnérabilité du jeune Kim se transforment en une nouvelle forme de confiance.

« Lui est plus petit, il est classique ? demanda Taehyung en pointant du doigt l'arme.

— Une carabine. En principe, elle mérite mon approbation, étant donné qu'il s'agit d'une arme d'épaule : elle t'offrira une meilleure précision pour atteindre tes cibles. Mais à cause de sa polyvalence, je ne te la conseille pas.

— Et ça ? dit-il en pointant un autre fusil.

— Fusil classique.

— Eh bah voilà ! sourit-il.

— Il est plus lourd et sa stature est plus altière que cette humble carabine. Mais si on compare leur étendue de tir et leur précision, ce fusil conserve son attrait pour les novices, puisqu'il te permet une manipulation moins encombrante.

— Combien ça pèse ? s'enquit-il après avoir hoché la tête.

— Trois kilos.

— Ah oui, quand même. »

Taehyung scruta le fusil un bref moment, ses prunelles glissant sur le métal noir et luisant. L'arme imposante le fascina au-delà de ce qu'il aurait osé admettre. La pensée fugace qui s'insinua dans son esprit le fit frémit d'anticipation.

Quelle sensation j'aurais si je pressais la gâchette ? Même si j'ai les chocottes, j'ai juste hâte.

Pourtant, il ne détacha pas son regard de l'objet de sa curiosité, tout en tentant de réprimer une déglutition nerveuse.

« Tu as fait ton choix ? »

Un hochement de tête silencieux scella sa décision, ses lèvres crispées et ses mains légèrement tremblantes révélant le conflit intérieur qui l'animait.

Et rien n'échappait aux yeux perçants et attentifs de son désormais maître d'armes. Chaque recoin, chaque secret, chaque murmure était capturé par son regard vigilant, comme si le visage de Taehyung se confiait à lui.

Il le savait aussi enthousiaste que réticent.

Sous l'œil curieux et brillant d'excitation de son cadet, Jungkook subtilisa le fusil noir de son support, et le posa sur son épaule, orientant le canon vers le plafond. Puis, il se dirigea vers une armoire noire.

« Viens, je vais te montrer où je conserve les munitions. »

Dans un ballet d'incertitude et de curiosité, Taehyung le rejoignit. Un frisson d'attente le traversa lorsque Jungkook extirpa le même trousseau de clés de la poche arrière de son survêtement et l'ouvrit, dévoilant les mystères cachés de l'imposant meuble.

Une douce fragrance flotta aussitôt dans l'air, une senteur enchanteresse plus nette que celle qui avait enveloppé Taehyung dès sa descente à cet étage secret, mêlée à la légère âcreté enivrante de tout ce qui composait cette pièce.

Une odeur dominante le frappa comme une brise parfumée, émanant de multiples bâtonnets d'encens soigneusement disposés à l'intérieur. Ils semblaient attendre, impatients que la flamme les embrase, libérant ainsi leur essence dans une danse enivrante de volutes mystiques.

Les yeux ronds, il contempla les cinq larges et profondes étagères, un monde caché sous les néons de la pièce se révélant à lui. Chaque rayon était un trésor d'équipements et d'accessoires, les compagnons silencieux de ceux qui, comme le Jeon, évoluaient dans l'ombre.

Devant lui, des boîtes méticuleusement empilées contenaient une multitude de munitions, chacune prête à murmurer sa mort.

À sa droite, des gants noirs suspendus, attendant leur caresse mortelle.

À gauche, des armes blanches magnétiquement attachées à l'acier noir, prêtes à valser dans la nuit.

Deux coffres de fer cadenassés gardaient leurs secrets avec une fermeté impassible.

Deux cagoules pliées attendaient leur heure.

Une silhouette carrée voilée par un tissu bleu pâle reposait sur l'étagère la plus basse, cachée.

Des lunettes de protection observaient en silence.

Des silencieux murmuraient des promesses de discrétion.

Des lasers traçaient des lignes invisibles.

Des holsters en cuir, des barillets gravés, des casques antibruit, des mallettes et des housses attendaient sagement leur moment.

Et parmi eux, des détergents et divers accessoires de nettoyage, la poudre noire, des clés à cheminée, d'innombrables sangles, des pièces détachées d'armes, des accessoires neufs emballés et tant d'autres objets mystérieux et inconnus qui défiaient la simple imagination de Taehyung.

C'était le sanctuaire de la mort.

Un refuge pour ceux dont la vie se déroulait dans les recoins les plus obscurs du monde.

Effaré, Taehyung recula d'un pas, son souffle coupé par la scène qui se dévoilait devant lui. Devant ses yeux ébahis se dressait un étalage macabre, digne d'un assassin. Du coin de l'œil, Jungkook remarqua la réaction de son cadet et suspendit ses gestes, mais ne se tourna pas pour le confronter.

Il lui laissa l'espace nécessaire pour reprendre contenance à sa guise.

Silencieux, il prit une boîte de cartouches à blanc et rabattit les portes qui dissimulaient sa collection. Ainsi, il offrit à Taehyung une échappatoire visuelle, libérant son esprit de l'étreinte glaçante de ce qui l'avait visiblement ébranlé.

« Cette boîte de munitions est pour toi, tu auras besoin de recharger le fusil après chaque paire de tirs », lâcha-t-il en se retournant vers lui, faisant fi du trouble visible de Taehyung.

Si Jungkook gardait le silence et refusait de plonger ses yeux dans les siens, c'était par crainte de se montrer vulnérable face à son état, comme la veille dans sa cuisine. Il discernait et comprenait parfaitement son appréhension.

Lui aussi était passé par là.

Il n'avait jamais oublié le poids de la terreur qu'il avait lui-même ressentie en apprenant à manier une arme à feu à seulement dix ans. Les souvenirs de cette époque lointaine le hantaient toujours et il ne voulait pas alourdir le fardeau de Taehyung.

Il se contenta de marcher vers le stand de tir, espérant que son silence exprimait mieux que des mots tout ce qu'il ressentait.

Jungkook s'immobilisa devant la chaise et la table dressées contre le mur, entre l'armoire et le stand de tir. Taehyung le regardait avec une curiosité mêlée de trouble, cherchant et trouvant le regard de son aîné. Jungkook hocha légèrement la tête, espérant le tranquilliser.

« D'abord, un peu de théorie, commença-t-il, lorsque Taehyung le rejoignit. Tu sais ce qu'il est impératif de faire avant d'utiliser une arme ? », interrogea-t-il en ajustant le fusil sur son épaule.

Son geste laissa momentanément Taehyung sans voix, son allure lui apparaissant très impressionnante.

« La charger ? », suggéra-t-il d'une petite voix après s'être doucement éclairci la voix, grattant son poignet entravé.

Jungkook lutta contre lui-même pour ne pas baisser les yeux vers le bracelet. Sa mâchoire se contracta, et ses doigts se crispèrent sur la crosse froide de son fusil, comme s'il espérait y trouver une paix capable de calmer ses tourments.

« Bien avant ça. »

Le cœur en proie à un tourbillon d'impatience et de nervosité, Taehyung sentit son corps vibrer telle une corde tendue prête à rompre.

« Je sais pas, murmura-t-il, les sourcils foncés, plongé dans la réflexion.

— Réfléchis bien, tu as l'esprit vif. »

Jungkook arqua un sourcil face au rosissement teintant les joues de Taehyung.

Il serait sensible aux éloges ?

Le plus jeune laissa le silence s'étirer, tandis que ses pensées se perdirent dans le souvenir de ce qu'il avait discerné dans l'armoire.

Un flacon de détergent.

« La nettoyer ? tenta-t-il.

— Bonne intuition, mais non. Mes armes sont presque toutes impeccables. Pense sécurité.

— Attendez, toutes ? Mais vous devez en avoir une bonne cinquantaine ! s'exclama-t-il, abasourdi.

— Quarante-six.

— Putain... », souffla-t-il en allongeant son mot, estomaqué.

Un éclat amusé scintilla dans le regard de Jungkook.

« Quand il... Quand j'ai besoin d'être seul, je viens ici, se reprit-il. Je partage cet endroit avec mon cousin. Parfois, je relâche la tension en tirant sur les cibles, puis je nettoie les armes ; ça m'apaise et me clarifie l'esprit. »

Plutôt  lui. Je préfère le calme des livres ou des toiles.

— J'imagine... Et vous les nettoyez pour qu'elles restent prêtes à l'emploi, c'est ça ?

— Seulement pour certaines. Pour le reste, c'est simplement pour préserver mon héritage. Certaines pièces sont très anciennes, mais ont été soigneusement entretenues par mes prédécesseurs et sont loin d'être désuètes.

— Des pièces de collection ? »

Jungkook acquiesça.

« Ça doit valoir cher...

— Une petite fortune pour les amateurs.

— Vous en vendez pas ?

— C'est risqué, on peut remonter jusqu'à moi. Chaque transaction, même entre particuliers, est enregistrée et traçable.

— Même en main à main ? s'étonna-t-il.

— Surtout en transactions directes, acquiesça-t-il.

— Mais comment vous pouvez être exposé ?

— Des témoins, un adversaire, ou même l'acheteur peuvent me dénoncer. Chaque arme a son propre historique. Sans parler des résidus de tir qui peuvent être analysés et, si une enquête est en cours sur l'arme vendue clandestinement, on pourrait me retrouver si ces résidus correspondent à mes empreintes, par exemple.

— Et sur le dark web ? C'est plus sûr, non ? », demanda-t-il avec un vif intérêt.

Jungkook haussa un sourcil.

« Toi, tu es familier avec ça ? interrogea-t-il, modérément surpris.

— Familier, non, j'y ai juste vendu mes affaires sans laisser de traces pour pas payer l'impôt sur la fortune. Quelle fortune, même ? dit-il dans un bref rire sarcastique. Bref, Jimin m'a conseillé de passer par là, et il m'a aidé à trouver des acheteurs. Et j'ai vendu seul en suivant ses conseils et astuces », dit-il en haussant les épaules.

Interloqué de manière réservée, Jungkook laissa son regard s'attarder un instant sur lui.

Il est inconscient, bon sang.

« Même moi je suis choqué. »

« Bah quoi ? Pourquoi vous me regardez comme ça ?

— J'espère qu'il a fait attention, et que vous avez pesé les conséquences avant de vous y aventurer.

— Vite fait, mais les avantages l'ont emporté sur les risques, donc je me considère comme chanceux. Bon, j'ai eu quelques virus parce que j'ai pas écouté Jimin, mais il me les a virés après m'avoir engueulé en me postillonnant à la gueule », gloussa-t-il doucement, un brin mélancolique à la pensée de son ami.

Il avait parlé avec une telle désinvolture que Jungkook en grinça des dents.

« Tu es inconscient, grogna-t-il. Tu ne sembles pas réaliser à quel point le dark web est dangereux. Tu pourrais y découvrir des choses que tu préférerais ignorer. »

Pris de court, Taehyung le fixa un bref instant, puis un sourire effronté étira ses lèvres, irritant aussitôt Jungkook qui souffla du nez avec exaspération, déjà conscient de la provocation imminente de son cadet.

« Bah, alors Jeon, on s'inquiète ? », le nargua-t-il, une lueur espiègle dans le regard.

Et voilà.

« Je suis un grand garçon, hein, mais promis, la prochaine fois, je prendrai une lampe de poche pour y voir plus clair dans le dark web. »

Jungkook se figea. Un esclaffement sardonique résonna dans son esprit, l'irritant davantage. Il exigea le silence d'un ton impérieux.

« Tu te moques de moi, Kim ? lâcha-t-il d'un ton exagérément neutre afin de ne pas s'emporter.

— Absolument, Jeon », répliqua-t-il avec une audace charmante, un sourire éclatant illuminant son visage.

« Non, mais il te démonte comme personne, aussi. J'espère qu'il va pas te nuire, parce que ça va m'obliger à le buter, et franchement, ça serait une perte colossale. »

Pétrifié par les dernières paroles criantes de vérité, Jungkook prit une profonde inspiration, tentant d'ignorer le poids écrasant de l'anxiété qui vint l'assaillir.

« Ne t'avise pas de me prendre pour un imbécile, gronda-t-il.

— Relax. On peut discuter calmement sans menaces, non ? », railla-t-il.

Ignorant les rires moqueurs et amusés dans sa conscience, Jungkook passa lentement sa langue contre l'intérieur de sa joue, ses yeux lançant un avertissement muet en direction de son cadet. Un mélange de défi et d'arrogance se dessina sur ses traits durs, mais un léger sourire en coin trahit un amusement inattendu, emporté par la vive hilarité résonnant dans son esprit et quelques commentaires enthousiastes et railleurs.

À présent las d'être influencé par diverses émotions n'étant pas les siennes, il fronça brièvement les sourcils avant d'émettre un clappement de langue exaspéré.

Ce petit con de Kim.

« Parle pas mal de mon idole, OK. »

Jungkook commença à s'arracher la peau interne de sa lèvre, s'efforçant de retenir la marée montante de son irritation. Il luttait contre cette envie irrépressible de laisser libre cours à la tentation de hurler au silence de vive voix.

« Je tolère ton arrogance cette fois-ci, l'avertit-il.

— Ben voyons, railla-t-il. Dites tout de suite que j'ai gagné la part...

— Il se peut que l'acheteur conserve des traces de nos échanges, s'il ne les a pas effacées », l'interrompit-il, préférant reprendre le sujet précédent.

Taehyung éclata de rire, les épaules secouées par des spasmes. Ses yeux brillaient d'une lueur de malice, absolument ravi de le voir détourner la conversation par manque de repartie. Les bras croisés sur la poitrine, il soupira de satisfaction, savourant en silence la réaction de Jungkook.

Il éprouva une surprise en découvrant une fossette se creuser sur la joue de son aîné, révélant un sourire où se mêlaient amusante contrariété et douce moquerie.

Heureusement qu'il est cool, qui sait ce qu'il m'aurait fait, sinon. J'aurais flippé.

« Donc vous êtes condamné à les garder, dit-il en reprenant son souffle, un sourire narquois toujours accroché à ses lèvres.

— J'y suis attaché, je ne peux pas me résoudre à les vendre ou les donner », répondit-il, grincheux, le ton légèrement las et amer.

Jungkook ajusta l'arme avec soin, comme s'il était prêt à tirer, vérifiant l'œillet et la prise, puis la hissa de nouveau sur son épaule. Taehyung le regarda avec intérêt, avant de s'humidifier les lèvres, imaginant le Jeon en plein tir.

Un frisson parcourut son échine, mélange d'excitation et d'appréhension. Frisson qui finit par le trahir.

« La prochaine fois, je t'enseignerai le nettoyage d'un revolver », déclara Jungkook.

Ses yeux se plissèrent légèrement alors qu'il observait Taehyung croiser les bras sur sa poitrine tout en acquiesçant.

« Alors, ta réponse ? le rappela-t-il à leur leçon d'une voix plus calme.

— Faut déjà que je me souvienne de la question, rit-il brièvement. Pourquoi on est trop bavards, comme ça ?

— Ce que tu dois faire, selon toi, avant d'utiliser une arme, lui rappela-t-il, légèrement amusé.

— Ah, oui. Faire des vérifications de sécurité ? tenta-t-il, se tournant de nouveau vers le blond.

— Très bien. »

Dissimulant habilement sa surprise, Jungkook observait Taehyung avec une douce moquerie, le voyant redresser inconsciemment sa posture, ravi mais rosissant, se grattant distraitement l'arête du nez, tout en s'éclaircissant la voix.

Il réagit bel et bien aux éloges.

Jungkook était toutefois perplexe ; il avait savouré en silence le plaisir inattendu que cette réaction avait de nouveau éveillé en lui.

« Non, mais dis donc. »

Il lutta pour ne pas lever les yeux au ciel en entendant cette voix vibrante de malice.

« Je vais t'enseigner les règles essentielles qui garantiront ta sécurité. Avant d'entrer dans la zone de tir, je veux que toute ton attention soit focalisée sur mes instructions. C'est clair ? », dit-il, le ton sérieux.

Taehyung hocha la tête, laissant ses grands yeux s'ouvrir comme des portes de curiosité vers Jungkook. Ce dernier se perdit dans ces abysses captivants l'espace de quelques secondes, avant de cligner des paupières, sans pour autant le lâcher du regard.

« Je veux une réponse claire.

— Hm hm », émit-il simplement, joueur.

Résigné, Jungkook secoua doucement la tête, un brin amusé.

« Je passe pour cette fois. »

Taehyung répondit par une série de haussements de sourcils, incitant son aîné à aiguiser son regard en guise d'avertissement. Satisfait de sa petite provocation, Taehyung détourna les yeux, un petit sourire espiègle frémissant sur ses lèvres.

Jungkook réfréna son amusement, luttant pour garder une expression austère.

Quel insolent.

« Bien, commença-t-il avant de s'humidifier les lèvres. Tu dois toujours considérer une arme comme chargée. Ta première étape est donc de ? demanda-t-il, souhaitant stimuler sa réflexion pour renforcer sa concentration.

— De vérifier qu'elle soit déchargée ?

— Désapprovisionnée, corrigea-t-il en hochant la tête. Tu dois toujours vérifier s'il y a des munitions. Vérifier si le chargeur a été retiré, qu'une chambre et un magasin ont été vidés, ou encore qu'un barillet soit vide de toute balle. »

Il vit une profonde réflexion perler dans les prunelles vives de Taehyung, dont les yeux étaient plissés par la concentration.

« Je t'expliquerai ça en détail un autre jour. Je te montrerai comment charger chaque type d'arme, ce qui t'éclairera sur mon propos.

— Je veux bien oui, parce que "magasin" et "chambre", je vous avoue que je pense pas à la même chose que vous », réagit-il, railleur.

Ignorant l'éclat amusé dans les yeux de son aîné, il délia ses bras comme un signe de sa volonté d'explorer ce nouveau chemin de connaissance.

Pourtant, malgré ce geste et sa posture plus affirmée, Jungkook décela encore une légère tension sur ses épaules.

« Deuxième point, ne dirige jamais une arme vers le sol, vers toi-même, ou en direction de quelque chose que tu ne désires pas voir anéanti. Et bien sûr, jamais en ma direction, dit-il en relevant un sourcil entendu.

— Entendu, chef. Votre valeur est telle qu'elle ne saurait être entachée par mon éventuelle maladresse, répondit-il avec une touche d'ironie, arborant un langage exagérément soutenu.

— Un peu de sérieux », gronda-t-il doucement, malgré une lueur rieuse dans le regard.

Taehyung leva les yeux au ciel.

« Et ne lève pas les yeux. »

Taehyung claqua sa langue contre son palais.

« Je respire pas aussi ? grommela-t-il, les sourcils froncés et une moue feignant le mécontentement.

— Respire si tu veux, mais si tu persistes dans ton insolence, je te mets en apnée. »

Malgré lui, Taehyung ne put réfréner un éclat de rire ténu.

« Ensuite, reprit Jungkook, le visage plus détendu, tant que ton arme ne pointe pas vers la cible, je ne veux en aucun cas voir ton index proche de la queue de détente, même si l'arme est déchargée, somma-t-il en la montrant. Pour ta sécurité, j'aimerais que tu adoptes cette habitude au plus vite.

— Pourquoi même si elle est déchargée ? répéta-t-il, perplexe.

— C'est impératif. Tu risques de tirer à vide et de détériorer le ressort, l'élément vital d'une arme qui propulse les munitions. Il faut le préserver avec la plus grande attention. Vois-le comme le poumon d'une arme à feu. Si tu tires bêtement à vide, tu condamnes l'arme à l'obsolescence avec le potentiel d'engendrer des accidents catastrophiques.

— OK, je vois », acquiesça-t-il en fixant l'arme.

Il constata que l'index du blond était bel et bien hors de la détente, sa main encrée entourant la poignée du fusil.

« Troisième point, évite toute manipulation abrupte et impétueuse des armes, et ne les referme pas avec précipitation. Ce que tu vois dans les films relève de la bêtise totale et de l'insouciance. »

Taehyung fronça les sourcils. Les images de ces acteurs, virtuoses de l'art de manipuler les armes avec une violence feinte, surgissaient dans sa mémoire.

« Pourquoi ils la font, si c'est une erreur ?

— Pour l'action, dit-il en haussant une épaule désinvolte. Et c'est bien plus qu'une simple erreur, c'est une invitation à un accident absurde. Si tu te permets de manier brutalement un revolver, tu cours le risque d'actionner le percuteur et de déclencher un tir involontaire simplement en effleurant la détente.

— C'est pas du tout rassurant, ça, grimaça-t-il. Hyper dangereux.

— Une arme ne présente pas de danger tant qu'on reste vigilant. Ça reste un sport.

— Pardon ? Un quoi ? J'ai mal entendu, je crois, s'offusqua-t-il, un rire ahuri vibrant à travers ses mots.

— Un sport, réitéra Jungkook en souriant en coin, le regard fixé sur la mine presque offensée de son vis-à-vis.

— C'est vrai, rien de mieux qu'une balle perdue pour faire monter l'adrénaline, non ? lança-t-il sarcastiquement.

— Exactement. Rien de tel pour garder des réflexes affûtés. »

Taehyung leva les yeux au ciel, avant de croiser les bras et de secouer légèrement la tête.

Jungkook arqua un sourcil amusé face à son manque de repartie, rajustant son arme fidèlement calée sur son épaule, qui semblait être une extension naturelle de lui-même.

Il se dirigea à nouveau vers l'armoire, invitant son cadet à patienter. Deux paires de lunettes protectrices et deux casques antibruit furent bientôt ramenés à la lumière, captivant l'attention curieuse de Taehyung.

En un instant, il comprit que la théorie touchait à sa fin, laissant place à l'excitante – et angoissante – réalité qui l'attendait.

« Tu as déjà compris l'utilité de ce que je viens de récupérer, affirma-t-il en avisant le hochement de tête de Taehyung. Tiens », ajouta-t-il en lui tendant une paire de lunettes et un casque.

Taehyung les saisit avec une assurance nouvelle – étonnant le blond habitué à ses hésitations –, et détailla curieusement ce qu'il avait entre les mains.

Lorsqu'il releva la tête, il découvrit son hôte, lunettes perchées au-dessus de son front et, sous le regard vigilant de Jungkook, il imita ce geste avec grâce.

Les coins des yeux de Jungkook se plissèrent, complices d'un sourire à peine visible. En cet instant, son cœur balançait entre la fierté et le trouble.

Fierté, car il s'apprêtait à initier le jeune Kim aux secrets du tir, partageant avec lui un savoir précieux.

Mais un trouble inattendu s'y mêlait, fruit de cette étrange connexion née au temple, lors de la nuit de l'enlèvement.

Plus il passait de temps aux côtés de Taehyung, plus sa confusion grandissait et ses remords s'amplifiaient. Jungkook se perdait, incapable de distinguer si ses sentiments étaient déplacés ou simplement normaux.

« Suis-moi. »

Il avança vers le stand de tir un peu plus loin, prenant avec lui la boîte des cartouches de son fusil ainsi que son casque.

Sans un mot, Taehyung suivit ses pas, le rythme de son cœur s'accélérant à mesure qu'ils se dirigeaient vers cet endroit.

Putain, putain, putain, j'arrive pas à y croire.

« Approche, lui enjoignit Jungkook en le voyant stoppé à moins d'un mètre. Place-toi devant une rangée, je vais te guider. »

Il observa le plus jeune s'approcher d'un regard scrutateur sur les cibles, tandis qu'il abaissait ses lunettes devant ses yeux et sécurisait le fusil en l'ouvrant en deux. Il le déposa sur le petit pupitre de la rangée de tir devant laquelle Taehyung venait de se stopper, l'arme prête à révéler ses secrets au jeune tireur.

Cette simple action marqua le début d'une leçon bien plus sérieuse que le maniement des armes, une leçon sur la confiance en soi et la maîtrise de soi-même.

« Observe la façon dont je l'ai déposé. Tu as quelque chose à redire ? »

Taehyung examina l'arme devant lui.

— Non, vous l'avez ouvert et posé de sorte que le canon soit dirigé vers la cible, donc RAS, répondit-il, sûr de lui.

— Très bien, acquiesça-t-il, ne manquant pas l'infime sourire du ténébreux. Pour n'importe quelle arme, lorsque tu seras en pleine suspension de tir, je veux que tu la désapprovisionnes. Je ne veux pas te voir commettre l'erreur de la laisser chargée et non sécurisée sur ce pupitre. C'est clair ?

— Genre entre deux tirs je dois enlever la balle qui reste si je veux faire une pause, c'est ça ? »

Jungkook acquiesça.

« C'est clair, chef, murmura Taehyung, à la fois impressionné et inquiet d'enchaîner les erreurs. Pas envie de me faire déglinguer.

— Rassure-toi, je tiens tout autant à te voir intact », railla-t-il.

Taehyung lui fit un salut militaire exagérément moqueur.

« Je suis sidéré par ton insolence », soupira Jungkook, dissimulant son amusement, lorsque Taehyung émit un ricanement mutin. Bien. Je vais allumer les casques et... »

Il s'interrompit brusquement, sa conscience alerte devant l'absence cruciale d'un outil.

« Et j'ai oublié le talkie, je reviens. Ne touche à rien. »

Il se dirigea de nouveau vers l'immense armoire à moitié refermée, récupéra un talkie et rejoignit Taehyung.

Ce dernier remarqua le frêle écrin métallique que Jungkook posa à côté du fusil. Un éclat de compréhension apparut dans ses yeux, sachant qu'il servirait de connexion entre leurs deux casques antibruit.

« Mets ton casque », édicta le blond avec une douce autorité.

Taehyung se pinça les lèvres, le cœur battant au rythme d'une symphonie secrète. Ses doigts tremblaient légèrement alors qu'il prenait le soin de placer le casque correctement, ses yeux fixés sur le plus âgé qui faisait de même. La mousse caressant ses oreilles lui procurait une étrange sensation de confort.

Jungkook brancha deux petits connecteurs de liaison sans fil du talkie, le connectant avec son casque. Ses gestes étaient précis, empreints d'une concentration presque hypnotique. Taehyung ne pouvait y détacher son regard.

Puis, dans une démarche à la fois déterminée et douce, il s'approcha de Taehyung, prêt à répéter le même rituel.

Mais il se stoppa.

« Je dois connecter ton casque au talkie », déclara-t-il en lui montrant le petit connecteur sans fil, attendant que le plus jeune réagisse.

Taehyung cligna des yeux, une lueur fugace de crainte illuminant son regard alors qu'il comprenait que le Jeon allait franchir les limites de son espace vital. Pourtant, sa raison reprit le dessus, et il hocha la tête, reconnaissant envers cette considération qui ne visait qu'à assurer sa sécurité.

Jungkook se mut avec lenteur et grâce, conscient que sa proximité fit se crisper Taehyung. Il prit le soin de ne palper que le casque afin d'y enfoncer le cordon de connexion et de l'activer sans effleurer sa peau. Il fit quelques réglages de son directement sur le casque de Taehyung puis, s'éloignant aussitôt, il ôta le sien et en fit de même avant de le replacer contre ses oreilles.

« Tu m'entends ? »

Les yeux de Taehyung s'écarquillèrent, saisi par la voix du blond qui s'était infiltrée dans ses oreilles grâce au microphone. Sans réfléchir, il plaça aussitôt ses mains contre ses oreilles cachées et hocha la tête.

« On a chacun un micro intégré connecté au talkie pour qu'on puisse s'entendre tout en se protégeant du bruit des détonations. J'ai ajusté les réglages pour atténuer les bruits extérieurs tout en conservant la clarté de nos voix. »

Il réfréna un sourire face à la mine surprise de son élève.

« Tu as perdu ta langue ? le taquina-t-il.

— Eh oh, c'est un moment assez angoissant, OK ? », marmonna-t-il, rougissant légèrement, ses sourcils froncés et la mine renfrognée.

Jungkook leva les deux mains en signe d'abnégation, amusé.

« Bien, l'heure est venue. Place-toi à mes côtés. »

Taehyung le scruta de ses grands yeux indécis.




𝐴̀ 𝑠𝑢𝑖𝑣𝑟𝑒...



Miracle, QUE 11k mots OMGDJKNJN

Alors, ce chap ?

Je donne beaucoup de réponses dans ce chapitre, et c'est intentionnel ! Il est nécessaire de faire avancer l'histoire avec ces informations, car ce n'est que le début. Et là encore, tu sais que 5 % 😭

Je sais aussi que certains d'entre vous ont un début de réponse (bon, c'est pas comme si je te donnais des pistes XD) et promis, il y aura des réponses complètes dans une dizaine ou une vingtaine de chapitres (ou une trentaine me connaissant, mdrr) !

Pour l'instant, tu as l'impression que tout tourne autour de JK, et c'est également voulu. En réalité, tout tourne autour de TH et JK. Ils sont à la fois des acteurs conscients et inconscients de tout ce qui va se passer jusqu'au plot final.

Quelqu'un tire les ficelles, et ce n'est pas toujours la (ou les ?) personne(s) qu'on croit. Sois vigilant(e). 👀 (Et dis-moi qui tire les ficelles, selon toi 🌝)

ET AUSSI 

J'aime les faire débattre 😭 

En même temps, ce sont deux cerveaux, deux esprits brillants, il y a de la matière à exploiter, développer et faire évoluer. Je peux pas bâcler ça, et j'espère que leurs débats ne t'ennuient pas (dans le cas contraire, n'hésite pas à me le dire !), parce que par ce biais, j'exploite la dualité entre le bien et le mal psq c'est aussi une partie du cœur de cette histoire.

Et je sais aussi qu'il y a beaucoup de pensées internes (je parle pas des pensées en italique), mais il faut pas oublier que c'est aussi une histoire portée sur la psychologie ! Il va en avoir à foison !

VOILÀ ~

À très vite pour le 7.2 ! 



𝑾𝒊𝒕𝒉 𝑳𝒐𝒗𝒆, 𝑫𝒂𝒓𝒌 𝑬𝒚𝒆𝒍𝒆𝒕 🖤

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