𝐕𝐈 | 𝐃𝐨𝐧'𝐭 𝐓𝐫𝐞𝐚𝐝 𝐨𝐧 𝐌𝐞 (𝟐)
𝐏𝐚𝐫𝐭𝐢𝐞 𝟐
« Tu es prêt ? interrogea Jungkook. On commence dans trente minutes. »
Debout, appuyé contre l'évier, Jungkook venait de terminer son œuvre impeccable. Après avoir débarrassé le comptoir, rangé chaque ustensile dans le lave-vaisselle, et traqué la moindre miette, il avait fait briller chaque surface, transformant la cuisine en un sanctuaire de pureté.
Taehyung l'avait calmement observé, les yeux rieurs, le visage confortablement soutenu par ses paumes à présent tièdes, réchauffées par la chaleur d'un repas réconfortant, éloignant la froideur de l'inactivité de son corps dû au peu de nourriture qu'il lui donnait.
Pour une fois, Taehyung s'abstint de tout commentaire sur la manie presque obsessionnelle de Jungkook de nettoyer. Comme si, l'espace d'un instant, la bienveillance avait éclipsé l'habitude.
Taehyung s'humidifia les lèvres, dardant sur son aîné un regard plus ou moins décidé.
« La leçon de tir, c'est ça ? » demanda-t-il avec une légère hésitation, tout en terminant son verre de jus de pomme.
Il n'eut guère le loisir d'en savourer le goût exquis tant son âme était retournée par l'angoisse.
« À ton avis », dit-il d'un ton calme, conscient que la question rhétorique de son cadet ne visait qu'à dissimuler son malaise.
Taehyung baissa les yeux vers ses doigts qu'il se mit à triturer sur ses cuisses, à l'abri du regard de son aîné.
« Avec de vraies balles ? s'enquit-il d'une voix faussement assurée, en relevant la tête.
— Non. »
Jungkook retint un rictus moqueur face à la question qu'il jugeait enfantine, bien que pertinente.
« Avec des balles à blanc, pour plus de sécurité. »
Taehyung acquiesça, silencieux. Sa jambe tressautait, tandis qu'il décroisa ses doigts pour grignoter la peau près des ongles.
« Tu sais ce que c'est ? s'enquit Jungkook d'un ton tranquille, détectant son anxiété.
— De fausses balles ?
— De vraies, réfuta-t-il. Mais plus ou moins dépourvues de tout ce qui les rend mortelles.
— Je comprends pas, dit-il, perplexe.
— Retiens simplement qu'il s'agit de munitions utilisées pour les entraînements militaires ou les tournages de films. Le risque est infime, bien qu'il existe.
— Donc vous êtes en train de me dire que je peux crever, croassa-t-il d'une voix nerveuse.
— Ça pourrait s'avérer fatal, oui, répondit-il, un sourire subtil jouant au coin de ses lèvres.
— Parfait, ça ! Rien de plus rassurant, répliqua-t-il avec une pointe de sarcasme.
— Je te pensais plus courageux », ironisa-t-il.
Taehyung émit un clappement irrité de la langue.
« J'ai juste une préférence pour les activités où je risque pas de finir en passoire, OK ? Mais je suis pas un peureux, on y va quand vous voulez », grommela-t-il, provoquant aussitôt le souffle moqueur de Jungkook.
L'anxiété de Taehyung emplissait l'air telle une brume étouffante, et Jungkook se demandait comment calmer cette tempête qui grondait en son futur élève.
Je ne peux être le mentor comme l'a été Yuna. Il est évident que sa méthode d'enseignement est brutale pour lui. Mais que faire pour le rasséréner ? Je ne possède ni les mots ni le talent pour le réconf...
« Bon, il est où votre animal de compagnie ? », demanda Taehyung, après s'être éclairci la voix, à la fois curieux et désireux de détourner ses pensées de son initiation imminente.
Et voilà que Taehyung lui offrit une occasion à saisir.
Les coins des yeux de Jungkook se plissèrent subtilement, trahissant un amusement discret.
J'aurais dû y penser plus tôt.
Sans un mot, Jungkook se détacha de l'évier, sa silhouette massive se mouvant avec une élégance fluide à travers la cuisine. Il ouvrit un placard et un petit sachet glissa entre ses doigts encrés. Taehyung écarquilla aussitôt les yeux.
Des friandises.
Jungkook n'eut qu'à légèrement froisser l'emballage en aluminium pour qu'un son de craquement résonnât dans la cuisine silencieuse. Son regard légèrement rieur se dirigea vers le couloir illuminé de néons tamisés. Curieux, Taehyung l'imita, le cœur bondissant sous l'attente.
Un son perça soudainement l'air, évoquant le grincement de griffes sur du marbre. Le même que celui de la veille. Le cœur de Taehyung s'emballa davantage, impatient de voir surgir la silhouette tant attendue.
Et il le vit.
« Wow... »
Sa bouche s'ouvrit dans un souffle d'étonnement. Ses yeux brillèrent d'une lueur enchanteresse et son cœur gonfla, s'empressant de prendre part à la découverte.
Là, dans toute sa splendeur, un chat surgit à une vitesse fulgurante, les oreilles plaquées contre son crâne et les pupilles dilatées, dégageant une énergie sauvage.
Indifférent aux yeux scrutateurs de Jungkook sur lui, Taehyung observa de ses yeux pétillants l'animal bondissant avec une grâce légère sur le comptoir, comme s'il portait le poids d'une plume.
Dos à Taehyung, le chat fit face à son maître, lâchant un long miaulement exigeant et sonore que Taehyung reconnut, avec un amusement qui dansa dans ses yeux, comme étant celui d'un mâle.
Les rayons du soleil matinal caressaient la silhouette du félin, révélant un magnifique siamois croisé à poils moyens. Il fut un instant captivé par la queue sombre et touffue bougeant de manière vive et hypnotique, telles des plumes ondoyant sous le zéphyr. Il admira son pelage brillant, symbole éclatant de sa santé florissante, tandis que ses gestes agités traduisaient son impatience.
Un sourire enchanté naquit sur les lèvres de Taehyung alors qu'il admirait le chat se dresser sur ses pattes arrière, griffes étirées, dans une tentative désespérée d'attraper le sachet que Jungkook tenait hors de sa portée.
« Il est trop beau », souffla Taehyung, sous le charme du félin.
Félin qui se figea aussitôt, ses oreilles se plaquant sur son crâne.
Jungkook observait avec amusement les réactions de son animal dès l'instant où ce dernier aperçut la présence d'un intrus. Un léger rictus étira ses lèvres alors qu'il le vit poser lentement ses pattes avant sur le comptoir, le regard fixe et inquisiteur verrouillé sur l'indésirable qui venait de faire irruption.
Là, il scrutait Taehyung, oubliant les friandises pour lesquelles il avait couru à toute vitesse.
Puis Jungkook en fit de même, relevant des yeux curieux et attentifs de l'interaction entre Taehyung et son compagnon félin.
Taehyung était profondément plongé dans le cobalt magnifique qui examinait son visage sous toutes les coutures et fouiller dans les moindres recoins de ses yeux.
Il me fait trop penser au Jeon.
À cette pensée, Taehyung s'efforça de réprimer un rictus moqueur.
D'un geste délibérément lent, il tendit son doigt, espérant que le siamois accepterait son approche et le laisserait caresser sa douce fourrure.
Instantanément, les oreilles s'abaissèrent, le félin adoptant une posture de chasse curieuse, avançant lentement et silencieusement comme s'il se préparait à bondir sur une proie. Ses pupilles se dilatèrent au maximum, sa queue touffue tendue vers le ciel, une manifestation de son intérêt évident.
Sa réaction divertit les deux hommes, curieux de l'issue de cette rencontre. Les lèvres pincées pour étouffer un rire attendri, Taehyung veillait à ne pas surprendre la créature aux aguets. Il le vit tendre son cou, humant le doigt tendu avec une curiosité innocente, son museau frémissant.
Puis, subitement, une grimace farouche se dessina sur son visage, accompagnée d'un crachat brusque jaillissant en direction de Taehyung qui sursauta à peine. Les yeux de la bête se fendirent en deux barres verticales, perçants comme des éclairs, avant qu'elle se replie précipitamment vers Jungkook qui ne put empêcher un léger souffle railleur. L'animal trouva refuge contre son bras, presque roulé en une petite boule de méfiance.
La mine penaude, mais un sourire amusé sur les lèvres, Taehyung abaissa lentement sa main. Ses yeux étaient rivés sur l'animal qui commença à ronronner en frottant affectueusement sa tête contre le blond, apaisant sa crainte de « l'intrus » et se laissant envelopper par l'odeur familière et rassurante de l'humain en qui il plaçait une confiance aveugle.
« Ce n'est pas contre toi, il se méfie à l'excès de ceux qu'il ne connaît pas », le rassura-t-il.
Comme des notes de musique, ses doigts prodiguaient de douces caresses le long de l'épaule de la boule ronronnante.
Taehyung peinait à se figurer le sourire légèrement plus tendre qui avait fleuri sur les lèvres de son aîné, éclairant à peine son visage aux traits durs.
Étrange vision que de le voir, non seulement maître d'un chat, mais aussi laisser filtrer cette douceur dans ses gestes et son regard qui, d'ordinaire, était empreint de froideur, de colère ou de sournoiserie. Parfois de mélancolie.
« Sauvage ?
— Caractériel », précisa Jungkook.
Comme toi, tiens.
Il remua légèrement le sachet, son regard se plissant légèrement.
« Et aussi fatigant que toi. »
Taehyung roula des yeux.
« Je vous permets pas », grommela-t-il, bien qu'amusé par la remarque.
D'emblée, le félin effaça de son esprit toute notion de l'intrus, laissant place à sa nature de chasseur agile. Un coup de patte vif fit choir l'emballage devant lui, tandis qu'il y plongea les pattes, avide, dans une fébrilité éperdue pour le déchirer. Une fossette apparut sur la joue de Jungkook qui le fixait d'un regard aussi blasé que diverti, habitué au tempérament fougueux du siamois.
Absolument ravi, Taehyung lâcha un petit rire attendri face au félin en quête des friandises.
Lorsque Jungkook posa doucement son index sur son museau, l'animal s'immobilisa, étonné, mais impatient. Jungkook se joua de ce moment, prolongeant la tension, sachant que son compagnon félin tenterait de le charmer en lui léchant le bout du doigt.
Ce qui arriva inévitablement, accompagné d'un léger miaulement grogné et irrité.
Taehyung pouffa, enchanté par cette présence qui, l'espace d'un instant, lui apaisa tout autant l'âme que le cœur.
Jungkook ouvrit le sachet, les miaulements se faisant plus pressants et quémandeurs. Fronçant légèrement le nez face à l'odeur puissante des friandises, il en versa quelques-unes sur le creux de sa main, qui furent aussitôt dévorées avec ardeur.
Lui comme Taehyung étaient divertis par la gloutonnerie du félin qui miaulait davantage en grattant à nouveau le sachet, insatiable.
Jungkook émit un « shhh » sec, tandis qu'il refermait l'emballage. Puis, d'un geste impérieux, il désigna le couloir, émettant un clappement autoritaire de la langue.
Le chat fila aussitôt comme une ombre. Ses griffes résonnèrent sur le sol, tandis qu'il disparaissait à une vitesse fulgurante.
Taehyung ne put empêcher un rire vibrant lorsque, dans une danse effrénée, l'animal revint en un éclair, bondissant agilement sur les canapés du séjour, traçant des allées et venues virulentes, accentuant son rire ahuri. Il ne quittait pas des yeux ce ballet félin qui emportait le temps dans son élan.
« Il me donne le tournis, soupira Jungkook. Il s'affole toujours après sa drogue. »
Taehyung approuva en gloussant, admirant le félin qui, excité comme une puce, faisait ses griffes contre un des canapés en cuir avant de sautiller, dansant comme un esprit qui avait trouvé sa célébration.
« Putain, vos canapés... Je comprends mieux les traces de griffures, dit-il en se remémorant les quelques traces qu'il avait discrètement remarquées.
— Comment je pourrais, en tant que simple humain, rivaliser avec un mâle alpha, Kim ? », dit-il en se lavant les mains avant de ranger l'emballage.
Taehyung esquissa un rictus, détournant enfin son regard pour se tourner vers le blond qui s'essuyait les mains.
« Il vous obéit, mais se venge derrière », constata plus jeune.
Dans le fond des yeux de son cadet, Jungkook perçut de l'amusement. Pour une raison obscure et inexplicable, cette lueur lui plut, le soulageant.
« Il est très jeune en plus d'être caractériel, j'ai encore un peu de mal à le dresser. Il vient d'entamer sa première année, lui apprit-il.
— Il a un petit nom ?
— Alex. »
Jungkook dissimula un sourire.
Si tu savais qui lui a donné ce prénom.
« J'ai rarement vu un chat aussi beau, sourit Taehyung, le visage complètement déridé et serein.
— Je n'imaginais pas son potentiel lorsque je l'avais recueilli, confia-t-il en appuyant ses mains sur le comptoir, fixant son compagnon aux cobalts captivants.
— J'ai cru que vous l'aviez acheté, c'est un chat racé.
— Non, je l'ai trouvé au cœur de la forêt, à quelques rues du manoir des Park.
— Comment ça ? s'enquit-il, peiné.
— C'était une nuit d'hiver, il pleuvait des cordes. Je l'ai vu caché sous un abri, miaulant sa détresse. Il était minuscule, d'une maigreur effrayante, tremblant de froid et blessé, le pelage taché de sang par endroits. »
Jungkook inspira profondément et fronça légèrement les sourcils, méprisant le fait de se plonger dans ce souvenir précis.
« Je ne savais pas s'il était trop faible pour fuir ou simplement paralysé par la terreur de me voir l'approcher. Malgré les griffures, les morsures et ses réactions effrayées, je l'ai recueilli dans mes bras. »
L'âme soulevée de peine, Taehyung le vit s'humidifier les lèvres, constatant également que le regard de son aîné se perdait dans le lointain, fixant sans vraiment le voir le félin.
« L'avis du vétérinaire était clair : son mépris envers les humains était le fruit de maltraitances. Et cette méfiance sauvage envers toi en est le triste reflet », conclut Jungkook, le visage sombre, les yeux luisants d'une pointe de tristesse.
La voix de Jungkook résonnait avec un mélange d'apaisement et d'autorité, telle une rivière tranquille cachant une puissance indomptable. Féroce et fatale, mais aussi ferme et rassurante. Le genre de voix capable de captiver le plus jeune, touchant son cœur qui s'était serré à chaque mot de son récit.
Maltraitance.
À l'entente de ce terme, une subite et étrange sensation l'avait envahi ; cet homme et son animal semblaient se refléter, probablement liés par un passé plus ou moins similaire.
Doucement, il pivota sur sa chaise pour contempler le félin qui se désaltérait à la fontaine qu'il avait découverte la veille. Une vision apaisante qui l'emplit d'une étrange quiétude.
Il sourit lorsque, d'un bond gracieux, le félin s'élança sur le dossier d'un canapé, entamant sa toilette avec une élégance insouciante.
De temps à autre, il l'interrompait pour lancer des regards furtifs en direction de « l'intrus », suscitant le sourire amusé des deux hommes.
Jungkook espérait que cette trêve, que la présence de son siamois ait diminué l'angoisse de Taehyung.
« Le pauvre... souffla Taehyung, navré.
— Encore quelques heures et il mourait. Je ne pouvais pas m'en aller et le condamner à la mort. »
Sa voix avait les mêmes nuances que son regard.
Sombre. Affligé.
« Vous auriez pu, mais vous avez choisi de le sauver, murmura-t-il, légèrement confus.
— Pourquoi de tels propos ? »
Sa voix passa de sereine à sévère en un éclair.
Le plus jeune se retourna doucement, plongeant son regard vague dans celui scrutateur du blond.
« Mais parce que... »
Sa voix s'érailla et ses longs cils battirent vivement, le regard vague.
Parce qu'un putain de tueur ému par la détresse d'un animal et le sauver, ça court les rues, peut-être ?
« C'est ce que font plein de gens, vous savez », éluda finalement Taehyung, refusant d'exprimer ses réelles pensées.
Jungkook eut un tic musculaire à sa mâchoire lisse.
Il savait que son cadet avait détourné ses paroles, percevant la vérité dans ses micro-expressions subtiles.
« Je ne suis pas les gens », affirma-t-il, le ton à présent terne.
Il perçut les pensées de Taehyung à travers la profondeur de ses prunelles dans lesquelles il lisait si aisément. Son cadet se demandait comment il pouvait se montrer aussi ambigu, lui, son tourmenteur.
Pourtant, Jungkook trouvait un étrange réconfort dans cette curiosité innocente dans ses yeux, dans l'attention que Taehyung portait à son égard ; il cherchait à le comprendre malgré son statut sinistre.
Malgré les apparences.
Malgré le mal qui lui faisait.
Malgré ses mains tachées de sang.
Il savait que Taehyung nourrissait une image fausse et préconçue de lui, mais il ne lui en tenait pas rigueur, parce que ce regard analytique sur lui était en perpétuel changement.
Il savait que son cadet a dû comprendre une chose en le fréquentant de si près : rien n'était tout blanc ou tout noir.
« Je préfère être honnête et vous dire que ça me surprend, venant de vous. Ne le prenez pas mal, ce n'est pas un reproche. »
Épuisé par la nécessité incessante de se justifier, Jungkook hocha la tête distraitement avant de détourner les yeux, laissant son regard errer vers le ciel azuré visible à travers le Velux de son salon.
Taehyung fut transpercé par le petit sourire triste de son aîné, et par la lueur douloureuse brillant dans ses pierres d'onyx, comme un écho silencieux d'une douleur inexprimée.
Il regretta instantanément ses paroles.
« C'est quoi ce bordel, encore, c'est même plus un paradoxe, là... », murmura Taehyung pour lui-même, le cœur serré.
Le souffle rieur de son aîné le fit aussitôt rosir et grommeler dans sa barbe, prenant conscience qu'il avait pensé tout haut.
Les yeux de Jungkook refusèrent de se poser sur son cadet. Ils dévièrent vers le félin aux yeux étincelants d'espièglerie et au caractère qui le rendait chèvre, savourant cet instant de quiétude, malgré la blessure infligée par les mots de Taehyung.
Les rayons dorés du matin caressaient son visage.
Le temps flottait dans ce moment intime, jusqu'à ce que son regard se pose sur l'horloge.
L'heure fatidique s'imposa.
Jungkook aurait voulu préserver cette bulle de quiétude sans devoir la briser.
« On devrait y aller. »
Jungkook plongea ses yeux sombres et incertains dans le regard tout aussi vacillant de son vis-à-vis.
Taehyung acquiesça, son cœur autrefois baigné d'une langueur calme, à présent sur le point d'imploser sous le stress mêlé à une certaine excitation qui l'assaillit vivement.
Sans un mot, Jungkook se dirigea vers l'immense Velux habillant la totalité du mur perpendiculaire aux portes métalliques de l'ascenseur. Curieux, Taehyung le suivit des yeux sans se lever de sa place, attendant un signe de sa part. Il le vit enfiler des baskets blanches avant de faire coulisser la baie vitrée, puis se retourner. Il l'invita à le rejoindre d'un signe de tête.
Taehyung se leva. Il fit quelques pas hésitants et se chaussa à son tour avant de lui emboîter le pas, enjambant les rails de la large vitre coulissante. Curieux, il prit le temps d'admirer ce qui se trouvait devant ses yeux, là où, la veille, trop préoccupé, il avait occulté ce qui composait cette terrasse à large superficie.
Dans l'aile gauche s'étalaient deux transats pliés face à une piscine ovale couverte, entourée d'un sol en bois de teck et une décoration épurée, sombre et minimaliste.
Le centre accueillait une table en aluminium, élégante et moderne, entourée de quatre chaises assorties, permettant ainsi de profiter de la terrasse en toute saison, et offrant un espace convivial pour les repas et les moments de détente en plein air.
L'aile droite était dotée d'un sol revêtu d'un faux gazon plus vert que jamais, une oasis de fraîcheur au cœur de l'appartement du Jeon.
Des pots en terre cuite émaillée disposés autour de cette aile conféraient à l'endroit une atmosphère d'un jardin secret. Les feuilles vertes, luisantes et exubérantes des plantes se penchaient avec grâce, leurs couleurs variant du vert profond au pourpre éclatant. Qu'elles fussent modestes ou flamboyantes, les fleurs déployaient une beauté éphémère en ce début d'automne, attirant abeilles et papillons dans une danse aérienne défiant l'été en déclin.
De son œil expert et habitué aux races de plantes, il reconnut six races de fleurs. Leur parfum mêlé à la douceur de l'herbe synthétique emplissait l'air. Le murmure du vent dans les feuilles créait une symphonie harmonieuse.
Au coin de cette thébaïde, une litière pour chat discrète trouvait sa place. Taehyung esquissa un petit sourire. C'était là que l'animal prenait ses aises, tel un monarque en son domaine.
À ses yeux, cet endroit exhalait une aura de sérénité. C'était un sanctuaire de paix et de contemplation où son âme pouvait trouver refuge. Un lieu où le temps ralentissait, où chaque instant devenait un poème, où les soucis s'évaporaient et où l'on pouvait simplement se laisser emporter par la magie de la vie qui s'épanouissait au fil des saisons.
Il était curieux de voir ce tableau au printemps, dans ses teintes les plus douces, baignées de lumière naissante. En été, pour le voir se parer de couleurs éclatantes, vibrant sous l'ardent soleil. En hiver, pour l'admirer se draper de mystère, cachant ses secrets sous un voile de glace immaculée.
Pantois, Taehyung battit des paupières. Cette pensée éveilla en lui une étrange perplexité.
Dans un silence à peine troublé par le doux murmure du vent frais, il avança, foulant d'un pas léger le gazon soyeux qui s'étendait à une trentaine de mètres. Ses mains se nichèrent dans les poches de son pantalon, comme si elles cherchaient refuge face à l'incertitude qui flottait en lui. Il s'approcha de la balustrade en verre, plongé dans sa contemplation, occultant la raison de sa présence en ce lieu étonnamment apaisant.
Il fixa l'horizon, l'âme ondoyant de mélancolie.
Soudain, une illumination fulgura dans son esprit, comme si son inconscient se révélait à lui. Ses yeux se posèrent sur les fleurs à sa droite, les détaillant avec une curiosité renouvelée.
Une vision familière émergea de leur éclat vibrant.
Quelque chose l'interpella.
Les cyclamens resplendissant côte à côte avec les rudbeckias fanés.
Les cyclamens en pleine floraison, les rudbeckias en déclin.
Mes parents... ?
Son cœur bondit.
Maman est chérie de Jeon ; papa est terni dans sa mémoire...
Ces fleurs incarnaient cette réalité de manière si poignante et troublante que Taehyung en ressentit un malaise, bien que ce spectacle ne soit que le fruit de l'automne.
Silencieux comme l'aurore, Jungkook se tenait tout près. Il observait le profil baigné dans la lueur dorée du matin du plus jeune.
Alors que Taehyung se perdait dans la vision de son petit jardin, Jungkook plongea dans une contemplation différente qui se résumait à un seul visage. Bien qu'il en eût une connaissance intime, il ne put s'empêcher d'admirer à nouveau la délicatesse que ce Kim avait héritée de sa mère et de la prestance héritée de son père.
Une beauté à couper le souffle. Rare. Charismatique, mais intimidante. De celle que peu de personnes pouvaient se vanter de posséder à un si jeune âge.
À quoi ressemblerait-il, plus vieux ?
Jungkook le regardait qui se tenait là, immobile, les yeux de son cadet à présent perdus dans l'infini azur. Ses cheveux sombres caressés par la douce brise automnale ondulaient doucement comme une mélodie de la nature.
En cet instant, Jungkook se laissa emporter par un sentiment qu'il n'aurait pu prévoir : il le compara à une créature céleste.
Une essence de pureté incarnée.
Un ange brisé.
Un être à la fois fragile, aussi délicat que la plus fine porcelaine, mais renfermant en son cœur une force insoupçonnée. D'une solidité comparable à celle du plus vieux des chênes, du plus pur des diamants.
Qu'est-ce que je ne donnerais pas pour posséder ne serait-ce qu'un dixième de sa force mentale, moi qui ne suis que brisure, qu'un ensemble de fragments.
Son regard fut involontairement attiré sur ce corps svelte. Immobile. Une statue d'une perfection presque divine, si ce n'était la douce ondulation de sa poitrine trahissant sa vie. Il arrêta son regard sur la silhouette élancée, dans la fleur de l'âge. Sur la carrure qui paraissait légèrement développée et qui n'était qu'une illusion.
Car Jungkook avait entrevu l'ampleur de sa maigreur.
Il grinça des dents lorsqu'une pensée vint le troubler, faisant naître une amertume tenace en son sein.
Jin, ce maudit brimeur.
Si Jungkook avait pu se voir dans un miroir, il aurait observé la métamorphose de son propre visage. Ses yeux emplis d'une fascination tranquille avaient maintenant viré à une colère silencieuse.
Ce fut lorsque le fardeau de ses émotions devint insupportable que Jungkook émergea de sa léthargie, comme s'il venait de traverser un portail vers un autre univers, ébranlé par une présence invisible qui cherchait lentement à l'envelopper pour le protéger.
Il apprécia le fait que cette présence lui offrit le luxe du choix. Alors, il prit un instant pour s'ancrer dans le présent, ses yeux capturant l'essence volatile de tout et de rien autour de lui.
Il évitait soigneusement Taehyung dont la simple vue pouvait ébranler son ancrage.
Un soupir furtif s'échappa de ses lèvres, fermant brièvement et paresseusement les yeux.
Ce n'est pas le moment de me terrer...
Jungkook ferma l'expression de son visage pour dissimuler ce qu'il ne voulait pas révéler à Taehyung, craignant sa perception presque effrayante. Puis, avec une démarche lente et délibérée, il s'avança.
À l'entente des pas aériens résonnant contre le sol en bois puis sur le gazon, Taehyung sortit de ses pensées sans bouger le moindre cil. Il percevait la proximité de Jungkook, cette présence lourde écrasante qui aurait pu faire courber le dos de n'importe quel autre homme. Sa chaleur irradiait à travers les étoffes qui les séparaient. Pourtant, il ne la craignait plus, la ressentant avec une acuité troublante.
Un souffle fit frémir une mèche près de son oreille. Leurs auras se mêlèrent, réunies dans l'intimité silencieuse de ce moment fugace, comme les pages d'un roman en attente d'être écrites.
« Kim ? »
Taehyung serra les poings en tentant de minimiser le veule frisson qui l'assaillit à la suite de sa promiscuité, hésitant à avancer d'un pas afin de s'éloigner. Il osait espérer qu'il ne le toucherait pas.
Attentif à cette réticence, Jungkook fit un pas en arrière avec précaution, conscient qu'un seul pas de plus en avant les ferait se frôler. Il s'invectiva mentalement, se demandant depuis quand il s'autorisait une telle proximité.
« On y va. »
Épuisé par la tension qui avait transformé son corps en une corde raide de nervosité, Taehyung pivota en direction de la voix profonde et caverneuse. Un pas le poussa en arrière, faisant glisser son dos contre la paroi de verre, et ses mains jaillirent de ses poches pour s'accrocher à la balustrade derrière lui.
Ils étaient à deux pas l'un de l'autre.
Imperturbable, Taehyung refusait de fléchir devant la majesté qui émanait du Jeon tout de blanc vêtu, lui conférant une aura presque angélique si son visage et le fond de ses yeux perçants n'étaient pas aussi sombres, autant marqués par les épreuves.
Aucune action, aucun mot. L'immobilité régnait. Leurs regards plongeaient dans les profondeurs de leur âme, figeant le temps. Encore.
Les mains crispées, Taehyung était statufié par l'attente, cherchant désespérément un signe, un geste, une parole de l'homme en face de lui.
Pourquoi il est aussi près ? !
Nerveux, un mouvement inconscient l'amena à humecter ses lèvres et, par un malheureux hasard, ce geste innocent attira le regard de Jungkook. Taehyung se pétrifia, réalisant soudainement la portée suggestive de son acte, tandis que Jungkook regardait fixement les lèvres légèrement humidifiées.
Un instant de tension poussa Taehyung à jurer intérieurement lorsqu'il prit conscience que sa conduite, véritablement innocente, avait probablement créé une invitation ambiguë dans l'air chargé d'un éthérisme indéfinissable.
Jungkook était comme une statue de marbre devant une scène indécise. Ses instincts les plus primaires remuaient très faiblement en lui, provoquant un étrange remuement en lui.
Dans un sursaut de conscience, il se blâma en silence, étouffant au plus profond de son être cette curiosité naissante et irrésistible qui l'avait attiré, malgré lui.
Il se retourna brusquement, rompant le charme fragile de l'instant. Il avait besoin de rompre ce lien mystérieux qui les retenait captifs dans cette bulle troublante, une énigme qui avait été prête à s'épanouir.
« On perd du temps », déclara-t-il, une froideur involontaire teintant sa voix.
Le cœur de Taehyung tambourinait jusque dans ses tempes, vibrant au rythme de la libération qu'il ressentit lorsque Jungkook s'éloigna. Une déglutition discrète précéda un souffle retenu, comme si une pression intense venait de se dissiper en lui.
« Quelles étaient les fleurs préférées de ma mère ? »
Jungkook se figea, un pied devant l'autre. Silencieux, il pivota, ses yeux se perdant involontairement sur les cyclamens.
Ainsi parlait son silence.
« Pourquoi vous les avez cultivés ? s'enquit de nouveau Taehyung.
— N'est-ce pas toi le devin ? Alors, éclaire-moi », dit-il d'un ton qu'il voulait détaché, mais qui laissa transparaître une pointe de sarcasme.
Taehyung soupira.
« Me dites pas que vous m'en voulez encore pour hier ? », marmonna-t-il avec lassitude.
Au lieu de répondre, Jungkook choisit d'admirer ses plantations.
Taehyung se vit offrir un tableau où il s'étonna du regard profondément nostalgique de son aîné, vu de profil.
« Elles incarnent toutes mon recueillement pour les morts, répondit-il après une légère hésitation.
— Et parmi eux, mes parents ? questionna tristement Taehyung, bien que confus.
— Tout comme les miens », souffla-t-il, le ton terne.
Tout comme Yuna.
Et mon chien.
« Donc les rudbeckias représentent bien mon père... », s'étonna-t-il, à la fois ému et troublé.
Jungkook resta silencieux, contemplant les rudbeckias avec un visage impassible. Cependant, ses yeux éclatants de sentiments entremêlés ne pouvaient tromper Taehyung.
Ce dernier émit un clappement de langue agacé.
« Je sais pas si vous êtes un psychopathe, ou si vous êtes juste... »
Il s'interrompit, indécis sur le terme à employer.
Humain. Vous êtes trop humain pour ce que vous êtes censé être.
« Un homme doté d'une humanité que tu refuses de reconnaître ? », exposa-t-il.
Il observa Taehyung détourner le regard, comme pris sur le fait.
« Moi aussi j'ai enduré de douloureuses pertes, Kim, à commencer par celles de mes parents sans avoir eu l'occasion de leur dire adieu. »
Ni de leur révéler que j'étais vivant.
Taehyung réprima sa réplique acerbe, emporté par une vague inattendue de compassion qu'il ne pouvait étouffer. Face à l'évocation poignante de la mort de leurs parents, il fut désarmé.
« Mais pourquoi la mémoire de mon père y est ? Je croyais que vous le détestez.
— C'est le cas.
— Je comprends pas, s'agaça Taehyung. Quand on déteste profondément et véritablement quelqu'un, on...
— Il a occupé une place importante dans mon enfance, le coupa-t-il. Il est là en souvenir d'un autre passé. »
Un passé heureux.
Les mots résonnèrent avec une telle intensité que Taehyung se sentit vaciller.
« Importante, comme... », tenta Taehyung.
Jungkook ouvrit la bouche sur un silence.
Comme un second père.
« Évitons le sujet pour le moment. »
Taehyung se retint de soupirer, un mélange de résignation et de frustration voilant son visage. Il vit le Jeon inspirer lentement, les yeux de son aîné se remplissant d'une douleur silencieuse, comme envahis par un souvenir déchirant.
Immobile, Jungkook fixait les fleurs, son regard vide trahissant une tristesse indicible.
Curieux, troublé, ému, Taehyung ne le quittait plus du regard. Il vit sa pomme d'Adam bouger, comme s'il avalait difficilement un nœud. Et Taehyung sentit son cœur basculer. Il n'aimait pas ce qu'il voyait. Ce qu'il ressentait. Ce qu'il comprenait.
« Vous m'énervez, mais d'une manière... », grogna-t-il, emporté par ses émotions et irrité de l'être.
Comment je peux ne serait-ce que le détester, maintenant ? Je peux même plus faire semblant.
« Pour quelle obscure raison ? questionna Jungkook en le regardant, le ton léger malgré la lourdeur de son cœur.
— Votre tête, là. »
Très mature, Taehyung.
Le coin des lèvres de Jungkook tressaillit, conscient de la raison pour laquelle son cadet paraissait si exacerbé.
« Prends garde, je pourrais mal l'interpréter, railla-t-il.
— M'en fous. Ça sera pas la première fois », bougonna-t-il en croisant les bras sur sa poitrine.
Sans un mot, Jungkook se mit à masser ses épaules, faisant ensuite craquer son cou. Ses yeux pétillaient désormais d'espièglerie, bien que son visage restât impassible.
« C'est quand que vous allez me raconter votre histoire ? demanda soudain Taehyung, contemplant la vue céleste.
— Ce n'est pas toi qui prétendais en être indifférent ? répliqua-t-il avec une touche de malice.
— Évidemment que non. Ça m'intrigue. Le souvenir de mes parents est très présent chez vous et... je sais pas. Ça me frustre de vous parler sans savoir qui vous êtes vraiment. »
Les yeux rivés sur ses fleurs, Jungkook fut distrait par le léger reniflement de Taehyung. Il entendit plus qu'il ne vit l'accélération de son souffle, observant sa lèvre inférieure mordillée.
Il le vit lutter contre l'emprise douloureuse du souvenir des défunts.
« Tu n'as pas encore fait ton deuil ? », demanda-t-il d'une voix neutre, bien que ses yeux brillassent d'un intérêt discret.
Taehyung lâcha un petit ricanement désabusé.
« À votre avis ? s'indigna-t-il. Le monde entier a une fausse image d'eux ! Et on me rappelle constamment que je viens d'une famille de soi-disant parias. J'ose même pas aller me recueillir à leur tombe, je sais pas si vous vous rendez compte. Et là, vous débarquez et me dites d'envisager la possibilité qu'ils soient vivants ? Sérieusement, comment je pourrais faire mon deuil dans ces conditions ? »
Jungkook en fut ébranlé. La voix grave et vibrante de son cadet imprégnée d'une tristesse poignante fit naître un nœud dans sa gorge qu'il dut ravaler avec difficulté.
Taehyung s'éclaircit la voix et cligna des yeux, balayant d'un battement de cils la fine brume d'émotion qui avait embué ses yeux, comme si de rien n'était.
« Pardon, je... bref, balbutia Taehyung, embarrassé de s'être autant dévoilé. Et vous ?
— Je pensais avoir surmonté la perte de mes parents, mais la récente disparition des tiens a ravivé mon deuil, mêlant tout en moi comme si je ne l'avais jamais vraiment surmonté. »
La posture de Taehyung s'affaissa légèrement, ses épaules ployant sous le fardeau invisible d'une tristesse accablante.
« Certains disent qu'on n'en guérit jamais, souffla Taehyung. Vous les croyez ?
— Je les crois.
— Mais en ce qui nous concerne, on est dans le flou. Je pense que c'est parce qu'on cherche des réponses et que, sans ça, on n'y arrivera jamais. »
Jungkook approuva d'un hochement de tête discret.
« C'est en partie pour ça que je m'enfuirais pas à la première occasion, puisque vous allez m'aider à obtenir les réponses que vous cherchez aussi », dit Taehyung d'un ton monocorde, les yeux perdus dans l'azur.
Jungkook posa le regard sur son profil.
Je sais qu'il est inutile de t'enchaîner, car ce n'est pas toi le problème. Le risque n'est pas chez toi.
Il est en moi sous la forme d'un déclencheur dangereux.
« Je te conterai mon histoire, je tiens toujours mes promesses.
— Ma question était : quand, lâcha-t-il, las.
— Un jour.
— ... Quand ? questionna-t-il, l'impatience grondant dans sa voix.
— Avant dix mois.
— ... Minable », pesta-t-il, l'air de plus en plus agacé.
Jungkook savourait son jeu cruel, jubilant en silence alors qu'il observait avec satisfaction l'autre rouler des yeux et soupirer avec exaspération.
« Je vous supporte de moins en moins, grommela-t-il, le fixant d'un regard noir.
— Et dire que je croyais qu'on commençait à s'entendre, répondit-il, avec une pointe de sarcasme.
— Quelle naïveté, gardez vos illusions », cingla-t-il.
Jungkook inclina légèrement la tête sur le côté, un sourire subtil adoucissant son expression rigide.
« Allons, ne te cache pas, je sais que tu commences à m'apprécier. »
Taehyung soupira profondément.
« Vous pouvez arrêter ? Ça devient gênant.
— Dommage, ça me donnerait presque l'envie de continuer simplement pour le plaisir de te voir contrarié.
— Faites donc, si ça vous amuse. Votre besoin désespéré d'attention est presque touchant. »
Un souffle rieur flotta dans l'air, effleurant les lèvres de Jungkook, menaçant de briser le masque irrité de Taehyung, ce dernier retenant difficilement un sourire naissant.
Il me soûle à être drôle.
« On est demi-frères ? demanda-t-il sans ambages en le fixant de ses yeux pénétrants.
— Tu abordes les sujets avec une telle brusquerie, railla Jungkook, son sourcil se levant en une courbe moqueuse.
— Vous le faites aussi. Alors ?
— Possiblement.
— Vous m'avez vu naître ?
— C'est probable, répondit-il en redressant légèrement son dos, réflexe inconscient à l'amusement qu'il ressentait.
— Vous êtes un neveu à ma mère ? Un cousin à elle ? »
Le coin des lèvres de Jungkook frémit. Il battit doucement des paupières, révélant dans son regard un subtil mélange d'amusement et de légère lassitude.
« Non, attendez. Je serais aussi lié aux Jeon par le sang ? Ou alors vous êtes le frère de Jin, mais d'une autre union ? Oh mon Dieu, un de mes parents aurait trompé l'autre ? », s'exclama-t-il d'une voix étranglée sur la fin, les yeux écarquillés.
Hébété, Jungkook battit des paupières, submergé par ce torrent de questions chacune plus insolite que la précédente.
« Tu sais que tes parents s'aimaient véritablement ?
— ... Oui, marmonna-t-il, perdu, tandis que ses épaules s'affaissèrent.
— Alors, pourquoi tu t'imagines une histoire aussi dramatique ?
— Mais je sais pas ! Et vous allez me dire que vous étiez un voisin qui venait arroser les plantes quand on partait en vacances, peut-être ? cingla-t-il. Non, je suis sûr que c'est un truc familial.
— Tu es sûr ? Parce que mon seul talent de voisin était de faire fuir les oiseaux avec ma petite tondeuse en jouet », acheva-t-il, le ton léger.
Taehyung se pinça les lèvres, tentant de chasser son rire en fixant de nouveau l'horizon, mais ses yeux pétillants trahirent son hilarité contenue, suscitant un léger rictus satisfait chez Jungkook.
« On était voisins ? »
Jungkook fit non de la tête, sa chevelure dorée ondulant doucement.
« ... Bon », grogna Taehyung avant de soupirer bruyamment.
Amusé, il observa les sourcils froncés de Taehyung qui trahissaient une intense réflexion. Ses yeux étaient teintés d'un sérieux tel qu'il s'imaginait que chaque pensée de son cadet brûlait d'une lueur vive dans l'antre de son esprit.
« Mes parents vous ont adopté ? », poursuivit-il, en croisant de nouveau son regard avec curiosité.
Jungkook laissa flotter un petit silence.
« Intéressant.
— Ça veut dire quoi, ça ? demanda-t-il, suspicieux.
— Il se pourrait que tu brûles.
— Hein ? s'exclama-t-il. Je suis proche de la vérité, là ? »
Jungkook esquissa un sourire imperceptible, le regard énigmatique.
« Tu sais, on peut prolonger ce jeu indéfiniment, Kim, je suis très patient. Tu as encore des questions ?
— Vous faites chier, vous le savez, ça ? pesta-t-il, les yeux étincelants de mécontentement. Vous imaginez pas le degré de frustration que j'accumule de jour en jour, je vais finir par péter un câble. »
Jungkook étouffa un rire discret, ses lèvres demeurant scellées, lui refusant une réponse.
« Et ça le fait rire..., marmonna Taehyung, profondément contrarié. J'en tirerai rien ?
— Je peux seulement te dire que c'est à la fois plus simple et plus complexe que ce que tu peux supposer. »
Taehyung cligna des yeux.
« Merci, ça m'aide de fou », ironisa-t-il.
Il analysa néanmoins sa réponse sous le regard diverti de son aîné, dont seuls les yeux trahissaient son amusement, révélant un océan de malice caché derrière une façade de marbre.
« Donc on a plus ou moins un lien », supposa Taehyung, après un court moment de silence.
Jungkook le fixa, ses yeux noirs étincelant d'une lueur indéchiffrable.
« Et si on avait un lien ? Qu'est-ce que ça changerait pour toi ?
— Mais tout ! répondit Taehyung sans hésitation. Ça changerait tout... »
Un lourd silence plana entre eux.
« Je t'ai dit de t'armer de patience. Ton insistance est aussi vaine qu'agaçante.
— Ouais, bah vous avez pas l'air si agacé que ça, hein, grognonna-t-il.
— C'est bien, tu as des yeux en plus d'un cerveau lent », railla Jungkook.
Taehyung roula des yeux, exaspéré, mais l'impatience brûlante de découvrir la vérité musela ses répliques acérées.
« Non, mais sérieux, dites-moi juste si...
— Kim, soupira-t-il, l'expression lasse.
— Mais mettez-vous à ma pl...
— Obéir pour une fois te tuerait ? », dit-il d'une voix calme, bien que ses yeux brillassent d'un avertissement.
Cela eut le pouvoir de réduire Taehyung au silence, avant qu'il ne marmonne dans sa barbe, détournant le regard, l'air sombre et renfrogné.
« Apprenez à ne plus me couper la parole, déjà, cracha-t-il.
— Apprends à obéir à des ordres simples, pour commencer.
— Non, mais je suis pas votre chien ! gronda-t-il en le fusillant du regard.
— Tu as raison, un chien serait plus obéissant. »
Abasourdi, Taehyung le dévisagea en hoquetant d'indignation.
Non, mais qu'il aille se faire foutre ?
« Vous allez trop loin ! Je vous conseille d'arrêter pour votre propre bien, le menaça-t-il d'un ton ferme, bien que conscient de sa force nettement moindre face au Jeon.
— Tiens donc ? Le lionceau montre ses petits crocs ? », s'enquit-il avec un sourire en coin, inclinant la tête sur côté, le regard provocateur.
À court de mots, Taehyung serra les poings, le visage rouge de colère.
« ... J'espère que votre chat vous étouffera dans votre sommeil », cracha-t-il, avant de se détourner de lui, croisant les bras sur sa poitrine, furieux.
Très mature, Taehyung.
Jungkook voulut réprimer un esclaffement, mais ses lèvres finement serrées ne purent contenir le son.
« Tant que ce n'est pas toi, je dormirai paisiblement. »
D'un mouvement fluide, sans accorder à Taehyung le loisir d'une réplique, il pivota et se dirigea vers un rideau noir.
« Et pour la troisième fois, on y va », dit-il avec légèreté.
Taehyung reproduisit sa dernière phrase dans une mimique silencieuse et moqueuse, ses lèvres esquissant une grimace renfrognée. Son expression était exagérément caricaturale, les yeux plissés et les lèvres retroussées pour accentuer la raillerie. Puis, il tourna la tête vers son hôte, laissant sa curiosité avide engloutir les restes de son agacement.
Jungkook tira le lourd rideau noir, révélant une porte cadenassée qu'il s'empressa d'ouvrir. Lorsqu'il s'arrêta à la droite du plus âgé, Taehyung fut surpris de découvrir une seconde porte cachée derrière la première.
Cette porte fortifiée incrustée dans le mur séparant le salon de la terrasse était soigneusement camouflée, protégée par trois serrures, chacune avec sa propre clé et un cadenas à code.
Bouche bée, Taehyung la contempla, se perdant dans les mystères que ce passage verrouillé pouvait bien cacher.
« On dirait que quelqu'un a quelque chose à cacher », dit abruptement Taehyung, hébété.
Surpris, Jungkook suspendit ses gestes, tournant la tête vers le plus jeune, un fin sourire amusé se dessinant sur ses lèvres en réponse à sa remarque.
« Ou juste une paranoïa décorative, répliqua Jungkook, avant de reprendre ce qu'il faisait.
— Avec deux portes, trois serrures et des cadenas à code ? Non, c'est du sérieux, pas de la déco, réfuta-t-il.
— Peut-être que ce qui est derrière justifie une telle vigilance.
— C'est bien ce que je dis, vous me faites penser à ces... oh, wow, putain », s'interrompit-il lorsque Jungkook ouvrit enfin la porte blindée.
Des escaliers descendants à droite.
Son esprit fit aussitôt des connexions.
« Attendez. Ces escaliers mènent au seizième étage, non ? demanda Taehyung, les yeux écarquillés de surprise.
— Je ne devrais plus être étonné par ta perspicacité, et pourtant.
— Donc, c'est vrai ? renchérit-il, une légère excitation dans la voix, quand bien même une boule d'angoisse lui tordait les entrailles.
— C'est le seul accès pour atteindre le seizième étage, oui, confirma-t-il, gardant le mystère.
— Je le savais...
— Qu'est-ce que tu savais ? sourit-il discrètement.
— Bah, cet étage est inaccessible depuis l'ascenseur, on peut même pas appuyer sur le bouton "16", expliqua-t-il, les yeux curieux ancrés sur les escaliers descendants.
— Jusque-là tu ne m'apprends rien.
— Donc ça avait vraiment un lien avec vous, dit-il en levant ses yeux étincelants d'incrédulité vers ceux légèrement amusés de Jungkook.
— Après toi », l'invita-t-il d'un geste de la main.
Taehyung regarda la main tatouée, puis l'antre sombre qu'elle présentait. Une hésitation le fit reculer d'un pas, une ombre farouche voilant ses yeux.
« Certainement pas, après vous », refusa Taehyung, suspicieux.
Las, Jungkook laissa retomber sa main dans un soupir à peine audible.
Ça va être long.
« Sans façon, je te laisse l'honneur de découvrir les pièges en premier, rétorqua le blond.
— Vous êtes sournois.
— Tu es paranoïaque.
— Prudent, le reprit-il.
— Ne t'en fais pas, Kim. Je serais là pour te secourir... ou rire.
— Ne soyez pas surpris si c'est vous qui aurez besoin d'aide. »
« Embrassez-vous ? »
Hautement surpris, Jungkook se paralysa sur place, sa paupière frémissant d'une contrariété latente.
« On n'a pas toute la journée. Avance », ordonna-t-il avec une pointe d'agacement.
Taehyung arqua un sourcil, déconcerté par l'irritation soudaine de son aîné. Puis, il maudit en silence son pied qui, docile, se plia aussitôt à l'ordre, tandis qu'il regardait le Jeon avec un éclat contrarié.
« Et pourtant, on dirait bien que vous avez toute la vie pour être désagréable », grommela-t-il.
Il ferma les yeux sur le sourire narquois de Jungkook, étouffant l'élan violent qui menaçait de lui arracher la mâchoire et effacer ce rictus arrogant.
Il est bipolaire ou quoi ?
Taehyung fit deux pas supplémentaires en avant, se penchant légèrement pour mieux apercevoir le carré de pièce qui s'étendait devant lui, ainsi que les escaliers qui se déroulaient à sa droite, vers l'inconnu en contrebas.
L'obscurité semblait infinie, une mer d'encre dont les secrets étaient bien gardés.
Manque plus qu'une musique angoissante et on y est.
Il retint un rire nerveux et déglutit avec peine, une angoisse croissante enserrant son cœur.
Lentement, il tourna son regard vers son hôte, dont les prunelles éclairées d'une lueur mystérieuse et amusée, métamorphosaient son visage austère en une expression à la fois presque douce et fascinante.
« Alors, je sais pas si c'est une bonne idée que je...
— Ne me dis pas que tu as peur du noir, se moqua-t-il, l'interrompant.
— Non ! gronda-t-il, hérissé, son regard passant d'alarmé à mécontent. Mais, là, tout de suite, je... Oh ? »
Il se fit couper par la soudaine clarté. Jungkook venait d'appuyer sur l'interrupteur, allumant les spots disséminés, éclairant le long de la descente.
« Descends.
— Mais deux secondes ? s'insurgea Taehyung.
— Maintenant, le pressa-t-il. Je te suis de près.
— Oui, parce que votre présence m'apaise tellement, ricana-t-il avec sarcasme.
— Il n'y a pas de raison de paniquer, soupira-t-il, mi-blasé, mi-amusé.
— ... Vous êtes vraiment nul pour rassurer les gens, grommela-t-il.
— C'est pas mon problème et encore moins mon intention. »
Taehyung se contenta de le fixer, les yeux plissés par la suspicion, tandis que Jungkook lui indiqua de descendre d'un simple geste du menton, son amusement trahi par les ridules au coin de ses yeux.
Incertain, Taehyung scruta l'escalier. La lueur du courage brillait dans ses yeux sombres, mais la proposition de l'être maléfique à la tête blonde et possesseur d'un chat derrière lui n'était pas du tout rassurante. Quel choix cruel.
« Y'a quoi en bas ? »
Un long soupir éreinté lui répondit.
« Mais dites-moi, insista-t-il. Pourquoi on descend ?
— Descends et tu verras.
— Vous allez pas m'y enfermer, hein ? »
Jungkook retint un souffle offusqué.
« Pas encore, j'ai toujours besoin de toi, railla-t-il d'une voix monotone.
— Ha ha ha, grimaça-t-il, exagérant sa mine enjouée. Ça m'étonne pas, vous avez des méthodes loin d'être subtiles et qui sont à revoir... articula-t-il, les yeux plissés et éloquents de reproches à peine déguisés.
— Tu aurais besoin que je te pousse, peut-être ? », répondit-il, feignant l'agacement.
Faites-le et je vous défonce.
Le regard noir chargé de reproches et d'insultes muettes, Taehyung entra dans le petit carré de pièce d'un pas vif, enveloppé d'une aura orageuse.
« Bon sang, à la bonne heure, marmonna Jungkook en lui emboîtant le pas.
— Oh, ça va, hein ! rétorqua-t-il vivement. Vous seriez tout aussi méfiant que moi, à ma place. »
Jungkook leva discrètement les yeux au ciel, en refermant la lourde porte blindée derrière eux, sans la verrouiller.
« Hé. Pourquoi vous refermez ? demanda Taehyung, au summum de l'anxiété. Y a que nous, ici.
— Alex peut s'y faufiler en me recherchant. »
Cette réponse, aussi simple soit-elle, réchauffa l'âme de Taehyung d'une manière inattendue ; l'évocation du félin apaisa son esprit agité.
Il déglutit lorsque son aîné l'invita silencieusement de fouler les marches pour la énième fois.
Taehyung pivota et descendit avec lenteur, aux aguets. Il pouvait sentir le poids des pas du Jeon qui le suivait de près, comme une ombre loyale. Chaque marche franchie le rapprochait inexorablement de ce qu'il était déterminé et impatient de découvrir, même s'il devait affronter ses craintes qui lui broyaient le ventre et l'alourdissaient.
La dernière marche fut un seuil franchi dans l'inconnu, où une fragrance familière lui chatouilla les narines, évoquant des souvenirs qu'il aurait préféré laisser enfouis.
L'odeur était identique à l'encens du temple, mais enrichie d'un bouquet complexe. Le fer et le caoutchouc se mêlaient à un subtil effluve de combustion, tandis qu'une note chimique, presque pétrolière, flottait dans l'air. La légère âcreté de la poudre à canon lui picotait les narines comme si, la veille, le métal fut chauffé dans un stand de tir pour en accentuer l'effluence.
Taehyung se surprit à apprécier ce mélange unique de parfums. C'était éclectique.
Devant ses yeux ébahis s'étendait une pièce vaste, épurée et ventilée, égale à la superficie totale de l'appartement du Jeon, qui avait été réaménagée en une gigantesque et unique pièce longiligne et insonorisée.
Les murs étaient dotés de revêtements balistiques et acoustiques, une forteresse impénétrable aux allures de palais secret. Le sol se drapait aussi dans une protection implacable, ses dalles antiretour de balles résistantes à tous les assauts.
Une myriade de spots semblait avoir été allumée en même temps que Jungkook avait éclairé les escaliers. Aucun recoin ne s'abandonnait à l'obscurité, tout dans cette immense pièce respirait la clarté.
Les teintes crème et les nuances couleur chair des murs conféraient une chaleur inattendue à cet endroit sinistre, où les outils de mort dormaient dans l'ombre.
Aucune fenêtre ne demeurait et rien n'indiquait l'heure.
Cette vaste salle se dressait comme un fragment de temps arraché au monde où l'heure se dissolvait, laissant place à une éternité où l'écoulement des minutes n'avait plus ni sens ni valeur.
Subjugué, Taehyung se permit d'errer dans l'immensité du lieu, les pas timides et hésitants, la bouche entrouverte par la fascination. Ses prunelles étaient tels des papillons ivres de liberté, passant d'un endroit à l'autre, captivées par chaque recoin.
Chaque détail le poussait à faire pivoter sa tête de manière presque frénétique, explorant ce monde nouveau qui s'étendait devant lui dans toute sa splendeur.
Ses yeux finirent par se fixer sur un mur entier recouvert de différentes armes, des joyaux de puissance suspendus avec une majesté artistique qui aurait rivalisé avec les tableaux d'un musée.
Là, il vit une panoplie d'armes, des pistolets délicatement ciselés aux revolvers aux formes élégantes, ainsi que des fusils de toutes sortes, tous exposés comme des pièces d'une collection précieuse. D'autres armes plus imposantes et sinistres se tenaient en retrait, patientant dans l'ombre de l'oubli.
Jungkook se tenait immobile, comme un observateur attentif, scrutant les expressions qui se dessinaient sur le visage du plus jeune. Puis, avec une grâce féline, il descendit les dernières marches qui les séparaient et se glissa jusqu'à lui.
Quant à Taehyung, son regard fut attiré à sa droite, tombant sur cinq longues rangées de tir.
« C'est... souffla-t-il.
— Ma salle privée de tir et d'armement », compléta Jungkook.
C'était une vision directement extraite des scènes de films d'action épiques que Taehyung avait partagées avec ses amis, des souvenirs en Technicolor peuplés de sourires éclatants, de rires contagieux et de présences qui lui manquaient cruellement.
Le poids de la nostalgie s'abattit sur son cœur, mais il chassa rapidement ces pensées douloureuses, détournant son regard vers son aîné.
« Putain... souffla-t-il en allongeant le mot. Je pensais qu'on allait partir dans un hangar paumé à des kilomètres d'ici, moi... J'aurais jamais cru que vous aviez une salle de tir ici, sérieux, c'est quoi ce bordel ? s'écria-t-il, estomaqué.
— Et moi qui te croyais si perspicace, railla-t-il avec un sourire léger.
— Excusez-moi, mais ça dépasse l'entendement là ! Déjà c'est interdit ! Et à quel moment vous avez cru que j'avais l'esprit assez détraqué pour deviner que y'a une salle avec des armes juste en dessous de chez vous, Jeon ? s'égosilla-t-il, sidéré.
— Du calme, respire », dit simplement Jungkook, amusé.
Taehyung grommela dans sa barbe, creusant une fossette sur la joue de son aîné. Ce dernier demeura attentif, prêt à parer la prochaine offense que le jeune Kim pourrait l'asséner.
De sa vision périphérique, il le voyait tourner sur lui-même pour contempler à nouveau sa salle.
« ... Non, mais c'est un psychopathe, en fait », entendit-il.
Jungkook s'esclaffa, ignorant le regard incendiaire de Taehyung qui perça son profil avec une intensité brûlante.
Jungkook se tenait là, solennel et silencieux devant son imposante collection d'armes, ses yeux cherchant une vérité cachée dans chaque canon et chaque crosse.
Sans hésitation, Taehyung s'approcha de lui alors qu'il finissait d'explorer les mystères de cette pièce immense qui contenait des histoires insoupçonnées.
« Comment vous avez aménagé cet étage sans que personne le sache ?
— Je n'ai rien emménagé. J'ai vécu ici une partie de ma vie avec ma tutrice, dit-il en plongeant ses mains dans les poches de son pantalon.
— Votre tutrice... ?
— Une mercenaire », souffla-t-il.
Il s'adossa contre une paroi vide, entouré de son arsenal qui paraissait virevolter autour de lui comme un halo sinistre.
À cette vue, Taehyung sentit son souffle se couper, puis ses yeux s'écarquillèrent légèrement lorsqu'il vit une bribe de mélancolie scintiller au fond des yeux du blond. Il était là, entouré de ses armes comme un maître invincible dont les stigmates du passé pesaient lourd sur ses épaules pourtant larges, solides, puissantes.
Taillées pour cette vie dangereuse.
« C'est quoi un mercenaire, exactement ? demanda-t-il. Qu'est-ce qu'elle faisait ?
— Elle prêtait ses talents à une unité d'élite de l'armée, dont les compétences étaient régulièrement sollicitées par l'État. Ils agissaient dans l'ombre. Contrairement à moi, elle était une véritable artisane de la mort. »
Artisane de la mort.
Les paroles de Jungkook étaient pour Taehyung une source intarissable de poésie, un flot de mots vibrants de lyrisme. Il possédait l'art de sublimer le mal, créant ainsi un étrange et captivant art oratoire.
C'était à la fois troublant, dérangeant et fascinant.
« Vous dites ne pas travailler pour le gouvernement, donc être mercenaire, c'est différent de ce que vous faites ? », demanda-t-il, désireux de mieux comprendre.
Jungkook acquiesça.
« Je suis un chasseur de primes indépendant.
— Donc elle vous a élevé dans l'idée de tuer... souffla-t-il, à la fois attristé et révolté.
— C'est plus complexe, Kim, s'indigna-t-il de manière mesurée. Pour la centième fois, je ne... »
Il s'interrompit avec un soupir, avant de faire résonner deux craquements dans son cou.
« Un chasseur de primes se distingue d'un mercenaire. Je traque, elle tuait. »
Entre autres.
Taehyung se tut un instant face à l'expression sombre de Jungkook. Il scruta ses yeux. Véraces. Pas une ombre de mensonge. Seulement une sincérité brute qui lui paraissait indéniable.
Comment il arrive à me mentir avec autant d'aplomb ?
« Et pour la centième fois, vous en train de tirer sur mon voisin, je l'ai fantasmé, alors ? dit-il avec un sarcasme mordant. Bien sûr, le bruit de votre arme qui reste dans ma tête des semaines plus tard et les cauchemars que je fais sur mon voisin depuis cette nuit, tout ça, c'est dans ma tête. C'est juste mon imagination. »
Le cœur de Jungkook se tordit sous le poids écrasant de la culpabilité, une étreinte féroce et impitoyable.
Je n'ai pas mesuré de telles répercussions.
« Je trouve le ton que tu emploies quelque peu arrogant, l'avertit-il, les yeux profondément ancrés dans les siens.
— Et je trouve que vous vous foutez un peu trop de ma gueule et que vous minimisez les conséquences des traumas que vous me donnez », rétorqua-t-il du tac au tac, le défiant.
Encore une fois, la poitrine de Jungkook se serra, et son âme hurla son désespoir avec une intensité déchirante telle une bête blessée.
Un jour, tu comprendras.
Face à la mine plus menaçante du Jeon, Taehyung serra les poings puis croisa les bras, exprimant une attitude à la fois fermée et défensive.
« Bref. Et c'est quoi un chasseur de primes comparé à un mercenaire ?
— En espérant que tu cesses de dire "c'est pareil", gronda-t-il d'une voix basse.
— Je vous promets rien », grogna-t-il dès que Jungkook acheva sa phrase.
Réfrénant son agacement grandissant, Jungkook fit glisser sa langue devant ses dents, son regard perçant se heurtant à celui pénétrant de son cadet.
« Des agences gouvernementales et des entreprises de sécurité privées me mandatent pour retrouver et livrer des fugitifs à la justice en échange d'une récompense. C'est tout ce que je fais. »
Entre autres.
Il se tut, scrutant le regard intransigeant de son cadet qui, derrière cette façade impénétrable, discernait une timide curiosité. Un éclat furtif dans les yeux du plus jeune lui suffisait pour révéler ce discret intérêt.
« Mais je ne travaille pas pour le gouvernement, reprit-il. Je me réserve le luxe de refuser certains contrats. Je privilégie les missions pour des particuliers, contrairement au mercenaire qui capture et assassine clandestinement, motivé par l'argent important qu'il est possible d'amasser en seulement trois contrats. »
Taehyung assimila la nuance, comprenant que le métier du Jeon...
N'a absolument rien à voir avec ce que j'ai vu.
« Moui », marmonna Taehyung, loin de le croire.
Percevant son doute, Jungkook mordit sa langue, réprimant l'élan de sa défense. Il en était las, de cette ardente nécessité de se justifier devant le dernier des Kim.
« Vous êtes légitime aux yeux de la loi ?
— Plus ou moins. »
Les yeux de Taehyung étaient rivés sur lui sans une once de clignement, immergé dans le flot de ses paroles.
Sous le poids de ce regard pénétrant et scrutateur qui exigeait des détails, Jungkook réprima un énième soupir las. Il savait qu'il devait répondre, ou Taehyung, implacable, était capable de le harceler jusqu'à l'épuiser.
« Je suis dans une zone grise ; ce n'est pas officiellement reconnu ici, contrairement à certains pays. Tout se fait secrètement avec des contrats privés. Je traque des personnes dangereuses recherchées par les autorités pour des crimes graves ou des violations extrêmes de la loi. »
Entre autres.
« Donc vous intervenez là où la police est limitée dans ses opérations », constata-t-il.
Jungkook acquiesça, satisfait par l'esprit vif de son cadet.
« Mais vous bossez pour l'État, du coup, commenta-t-il, confus.
— Non. Je fais une exception pour le commandant Min Yoongi.
— Hein ? ! réagit-il aussitôt, ahuri.
— Sa commissaire sollicite fréquemment mes services pour des opérations jugées illégales par la Constitution*.
— Putain, mais Yoongi, gronda-t-il, à la fois mécontent et hébété joignant ses mains à sa parole. Yoongi vous connaît, quoi ! Vous en avez d'autres, de plot twists ?
— Et alors ? dit-il avec une légère touche d'amusement en notant le dégoût évident de son cadet.
— Et alors ? répéta-t-il. Bah, merde, Jeon, y'a rien qui va, là ! Il sait à quoi vous ressemblez ?
— Tu te doutes bien que je préserve mon anonymat pour me protéger. Les forces de l'ordre ne connaissent ni mon nom ni mon apparence. »
Taehyung plissa des yeux, cherchant à percer le mystère que le Jeon avait subtilement soufflé en détournant sa réponse.
« En anonyme, évidemment... grinça-t-il. Sous le pseudonyme de Dol ? »
« Yes ? »
Jungkook se retint de sourire à l'entente de cette pensée chantante et amusée. Il demeura imperturbable, acquiesçant pour répondre à Taehyung.
« Vous avez dévié ma question, tout à l'heure. Je veux savoir si Yoon vous a déjà vu, je m'en tape que toute la police vous connaît pas.
— Oui.
— Et comment ça s'est passé ?
— Ça s'est fait... naturellement, je dirais ? s'amusa-t-il.
— Et il vous voit pas comme un criminel ? s'exclama-t-il, dubitatif.
— Non.
— Qu'est-ce que vous en savez ? Il peut très bien vous balancer s'il a plus besoin de vous, dit-il, suspicieux.
— J'en doute très fort, rétorqua-t-il avec un sourire en coin, trouvant l'idée des plus risibles.
— Vous avez un accord ? interrogea-t-il, s'étonnant de l'air soudainement amusé du Jeon.
— Non.
— Bon, vous vous foutez de ma gueule ? », scanda-t-il, irrité.
Jungkook était à deux doigts de céder au rire, emporté par un amusement enivrant qui dansait en lui comme un vin pétillant.
« Non.
— Comment ça, non ? insista-t-il, les narines frémissant de frustration.
— On a tissé une relation, disons... amicale et cordiale, au fil du temps, répondit-il en retenant l'élargissement de son rictus.
— Putain. C'est une blague ? râla Taehyung, scandalisé. Vous et Yoongi ? Amis ? Non, je vous crois pas. »
Un éclat de rire vibra dans l'esprit de Jungkook. Pour dissimuler son sourire indomptable, il feignit de se frotter la lèvre supérieure.
« Attendez, le policier qui était venu hier, c'est Yoongi ?
— Non. »
Taehyung le fixa intensément, scrutant chaque parcelle de son visage à la recherche de la moindre trace de mensonge. Il décrypta son langage corporel, mais rien n'apparut. Pas la moindre micro-expression, pas le moindre frémissement. Son regard restait inébranlable, confiant.
Taehyung renifla, irrité.
« Alors, soit vous dites vrai, soit vous savez parfaitement mentir, soit vous adorez vous foutre de ma gueule. Et si c'est le cas, ça commence à bien faire », siffla-t-il, le regard chargé de mécontentement.
« À deux doigts de lui offrir la loupe et le chapeau de Sherlock. »
Le coin des lèvres de Jungkook tressauta et Taehyung l'interpréta comme une moquerie. Il se mordit la langue, hérissé.
« Pourquoi j'ai l'impression que vous me prenez pour un con depuis le début ?
— Loin de là. »
« Euh, un peu, quand même, non ? »
Cette fois, Jungkook ne put contenir un bref et léger éclat de rire, cédant enfin à l'amusement qu'il avait si longtemps réprimé.
« "Loin de là", mon cul, répliqua Taehyung, le visage empourpré par l'agacement.
— Ce n'est pas contre toi, se reprit-il, les yeux brillants à la suite de son esclaffement.
— Oui, c'est pas comme si on était tous les deux dans cette salle, hein, gronda-t-il, agacé. Bref. Yoongi vous a déjà demandé de tuer ?
— Plusieurs fois.
— Mais quoi... ? souffla-t-il, les yeux écarquillés. On parle de Yoongi, là !
— Ce n'est pas lui qui décide. Il est simplement mon unique intermédiaire, car je n'accepte de répondre qu'à une seule figure d'autorité. Et sache que la police n'est pas irréprochable et ne le sera jamais.
— Vous êtes pas blanc non plus, vous tuez pour eux de manière plus ou moins "légale", ajouta-t-il avec un ton glacial.
— Bon sang, non, Kim. »
Jungkook exhala le mot non comme on grognerait d'agacement.
« Bah quoi ? demanda Taehyung avec un sourire narquois, intérieurement ravi de le voir ainsi contrarié.
— Tu écoutes ce que je te dis ? interrogea-t-il, exaspéré. Je viens de t'expliquer que je me réserve le luxe de refuser certains contrats, dont les assassinats.
— Si. J'ai bien compris. Mais c'est bizarre, parce que la police peut traquer des gens sans souci, réfuta-t-il, suspicieux. Pourquoi vous demander de le faire à leur compte si c'est pas pour vous donner le sale boulot ?
— Parce que je dispose de plus de ressources qu'eux. Ils peuvent être freinés par l'avis de la juge, alors qu'il m'importe peu. Je n'ai pas besoin de mandat et j'agis avec une grande rapidité. Sans vouloir me vanter, j'ai déjà contribué à la résolution de nombreux dossiers sensibles et d'une extrême urgence, expliqua-t-il, sérieux.
— Vous vous vantez clairement, là, le nargua-t-il.
— Cesse de faire l'enfant », dit-il après un clappement de langue réprobateur.
Leurs regards étaient ancrés avec une froide intensité, immobiles et figés dans un duel silencieux, chacun certain de sa vérité s'obstinait à vouloir avoir le dernier mot.
« OK, je comprends un peu mieux, même si je sais pas pourquoi vous persistez à me dire que vous n'avez pas de sang sur les mains. Il n'empêche que je vous ai vu tuer monsieur Choi. Vous pouvez me dire ce que vous voulez, mais ça, vous pouvez pas me l'enlever. Je sais parfaitement ce à quoi j'ai assisté », cingla-t-il, le regard lourd de reproches.
Prêt à se défendre pour la énième fois, Jungkook entrouvrit les lèvres, laissant planer un silence éloquent, prêt à livrer sa réponse. Juste au moment où sa réponse semblait prête à éclore, la résignation le gagna cependant, étouffant ses mots avant même qu'ils ne puissent voir le jour.
« Te fatigue pas. »
« Tu comprendras le moment venu, esquiva-t-il, le ton fataliste.
— Bah dites-le-moi maintenant, proposa-t-il, sa curiosité de nouveau piquée.
— Je pense que tu pourras déceler certaines choses en moi avant même que je ne te dévoile mon histoire, tu es trop perspicace.
— Ah bon... marmonna-t-il, le regard inquisiteur et confus.
— À condition que tu sois ouvert d'esprit et que tu délaisses ce que d'autres peuvent considérer comme impossible. »
Taehyung plissa les yeux, la perplexité et la curiosité s'accentuant sur son visage.
« Perspicace, oui. Ouvert d'esprit, ça dépend de quoi on parle, hein... marmonna-t-il.
— Peu importe. Réfléchis-y par toi-même. Il est inutile qu'on en discute maintenant. »
Taehyung referma sa bouche, battant des cils.
Ah, mais s'il veut que je l'observe, pas de soucis, c'est ma spécialité. Je verrai bien si son histoire mérite autant de mystère.
« Donc, je dois jouer à deviner les mystères de votre existence ? Dommage, j'avais prévu d'utiliser mon cerveau pour des choses utiles aujourd'hui. Vous êtes pas censé m'apprendre à tirer, là ? »
Jungkook se pinça l'arête du nez, oscillant entre l'envie de rire et celle de le réduire au silence. Satisfait de sa pique, Taehyung ne put empêcher ses yeux de redécouvrir la pièce dans laquelle il venait d'atterrir.
« Tout ça, c'est votre tutrice qui vous l'a légué ? demanda-t-il en pointant du doigt l'immensité de la salle.
— Oui, elle possédait la totalité de ce building et vivait dans le penthouse. C'est l'héritage de ses aïeuls, une tradition léguée à travers les époques, jusqu'à moi. »
Le ténébreux le fixa un instant, ahuri.
« Attendez, vous venez de dire que vous possédez tout le bâtiment, là ? »
La réaction de Taehyung fit naître des ridules aux coins des yeux de Jungkook, révélant l'ombre d'un sourire discret. Il acquiesça.
« Et comme vous êtes le propriétaire du bâtiment, personne ne vous demande pourquoi le seizième étage est inaccessible, dit-il d'un ton évident.
— Certains s'interrogeaient, à l'époque, affirma-t-il. Des rumeurs circulaient sur ma tutrice, comme c'est souvent le cas avec moi lorsque j'ai de nouveaux locataires.
— Bah, c'est normal, limiter l'accès à un étage doit être interdit... Comment vous vous protégez ?
— En possédant ces murs, je façonne un univers gouverné par mes propres lois, ce qui m'attire les faveurs de la syndique. C'est simple lorsqu'on maîtrise l'art de la persuasion, conclut-il avec une élégance naturelle.
— Mais comment vous faites ça ? marmonna-t-il, les sourcils froncés par l'incompréhension.
— Tu veux vraiment le savoir ? demanda Jungkook avec une pointe de malice, retenant un sourire en arquant un sourcil.
— Oui. Vous l'avez menacée, la pauvre ? », ronchonna-t-il en croisant les bras sur son torse, les yeux plissés.
Avec un amusement teinté d'ironie, Jungkook leva les yeux au ciel.
Quelle naïveté.
La question était d'une innocence désarmante, comme si rien ne lui était venu à l'esprit que lui-même braquant une arme sur une pauvre femme qui ne faisait qu'accomplir son travail.
« Qu'entends-tu par "menacer" ? le nargua le blond.
— À votre avis ? grommela-t-il, se remémorant son propre kidnapping houleux.
— Je n'ai pas besoin de "menacer" des femmes innocentes, lâcha-t-il sous le ton de l'évidence, teinté d'un divertissement non feint. Il existe bien d'autres moyens d'obtenir ce que je désire, et je choisis toujours celui qui convient le mieux à chaque situation.
— Ah, marmonna-t-il, surpris de le croire sur parole. Alors, comment vous vous êtes débrouill... »
Il remarqua la lassitude dans le regard du blond, un soupçon de sourire naissant au coin de ses lèvres, formant ainsi une moue narquoise.
Oh.
Il rougit furieusement face aux images indésirables qui l'assaillirent avec une intensité féroce.
D'accord.
« Ah, je... Oui, bah non, j'y ai pas pensé. Bref, j'ai compris, balbutia-t-il en se grattant l'arête du nez, profondément embarrassé.
— Ta pureté dépasse toutes mes attentes, dit-il en esquissant un rictus à la fois moqueur et hébété.
— Abusez pas ! grinça-t-il. C'est pas quelque chose qui m'intéresse, alors ça m'est pas tout de suite venu à l'esprit, OK ? », bredouilla-t-il, gêné et souhaitant éviter le sujet.
Jungkook remarqua son trouble soudain. Ses sourcils se froncèrent légèrement, laissant transparaître une interrogation muette. Taehyung détourna les yeux, ses joues teintées d'une timide rosée trahissant son mal-être.
Compréhensif, Jungkook préféra laisser la brise de cette confession s'en aller. Puis, il vit Taehyung froncer les sourcils avant de relever des yeux suspicieux vers lui, le surprenant.
« Hé, mais attendez... Votre activité légale, lâcha-t-il, l'air de réaliser. Puisque vous êtes le proprio, vous percevez les loyers de vos locataires, c'est ça ? énonça-t-il.
— Belle déduction, fut tout ce qui lui répondit Jungkook, s'habituant peu à peu à l'esprit vif de Taehyung.
— Je suis pas débile. Bref, j'ai une autre question, déclara-t-il avec assurance.
— Je vais finir par penser que tu cherches à mieux me connaître, Kim », dit-il d'un ton léger, penchant la tête sur le côté.
Taehyung émit un petit rire nerveux.
« Dit celui qui en sait trop sur moi, répliqua-t-il avec une lueur de sarcasme dans les yeux.
— C'est dans le cadre de mes recherches, expliqua-t-il calmement.
— Je fais aussi des recherches, voyez-vous. En face-à-face.
— Je suis flatté, dit-il en arquant un sourcil avec une élégante arrogance.
— Ne vous méprenez pas, j'ai rien à faire de votre petite personne, cracha-t-il, de mauvaise foi.
— Très bien. Dans ce cas, cesse de poser davantage de questions ? », conclut Jungkook avec un sourire narquois.
Taehyung se sentit piégé. Il fronça les sourcils avec un mécontentement farouche, puis redressa fièrement son dos, déterminé à égaler la prestance imposante de Jungkook, refusant de céder à son aura écrasante.
« Où est votre tutrice ? », demanda-t-il d'une voix claire, trop intrigué pour dissimuler son intérêt.
Jungkook perdit toute trace d'amusement, brusquement interpellé par cette question inattendue. Il aurait pu sourire face à l'ambivalence et à la fierté mal placée de Taehyung, mais son souffle se suspendit le temps d'un battement de cils, refusant de s'enfoncer dans l'abîme d'une mélancolie trop profonde.
Dans le clair-obscur de leurs émotions partagées, Taehyung perçut ce frémissement, cette infime crispation qui parcourut le corps du blond. Il se blâma d'avoir touché une corde sensible, comme un musicien maladroit qui briserait le doux refrain de leur entente forcée.
« Pardon, je...
— Assassinée », répondit-il dans un souffle, le coupant.
Taehyung se figea, ne s'étant guère attendu à une telle confidence. Même Jungkook, perplexe, s'interrogeait sur ce qui l'avait poussé à révéler un tel secret.
« Comment ça "assassinée" ? Vous l'avez... Enfin, non, c'est pas ce que je veux dire, balbutia-t-il, portant une main à ses lèvres, conscient de l'emportement involontaire de ses mots.
— Je t'en prie, poursuis tes pensées, intima le blond, le visage à présent fermé.
— Non, oubliez ce que j'ai dit, c'est complètement maladroit de ma part, dit-il en agitant les mains, regrettant amèrement ses paroles en voyant combien elles l'avaient heurté.
— Pourquoi tu refuses de comprendre que... », commença-t-il avant de s'interrompre dans un grondement frustré.
Je suis incapable d'assassiner.
« Elle est honorablement tombée au combat, cracha-t-il sans le vouloir. Puis je pensais t'avoir déjà précisé que je ne porte jamais atteinte aux femmes.
— D'accord, je vous juge peut-être trop vite, mais j'oublie pas comment vous m'avez traqué, suivi, et capturé avant de m'emprisonner », expliqua Taehyung, une lueur complexe brillant au fond de ses pupilles.
Il réfréna l'envie de gratter son poignet enchaîné.
« Alors, comprenez que plus on se voit, plus je suis désorienté parce que votre quotidien m'expose à des... Bref, tout semble contraire, exposa-t-il avec une pointe de désarroi. Mettez-vous à ma place deux petites secondes. »
La lèvre mordue par la tourmente, Taehyung revoyait les images de sa capture, les yeux glaçants du Jeon, le meurtre de son voisin. Il ne pouvait échapper aux souvenirs de cette rencontre funeste, revoyant la peur immense qui avait irradié des regards de ses amis.
Il n'oubliait pas son propre frère, autrefois si proche, qui s'était mué en une énigme terrifiante.
Ni les appels désespérés de Jimin qui résonnaient encore dans son esprit.
Sans oublier Yoongi qui cherchait désespérément à le joindre, en vain.
Taehyung comprenait que les ombres du passé persisteraient dans les recoins de sa mémoire, indélébiles, insensibles aux aubes du temps s'écoulant en compagnie de son geôlier.
Qu'importe que sa terreur envers le Jeon ait perdu en vigueur, qu'importe si ce chasseur de primes connaissait Yoongi.
Peu importe s'il s'aventurait à explorer les tréfonds de l'âme du blond, révélant une sensibilité cachée sous l'armure d'un visage imperturbable et aux yeux puissamment éloquents, murmurant des histoires sans mots, des secrets et des rêves inavoués.
Jungkook s'était tu, frappé par la vérité qui planait dans l'air. Un silence pesant s'était installé, seulement rompu par le doux murmure de leur respiration. Il détourna les yeux, croisant les bras sur son torse, cherchant refuge dans un point précis sur le mur derrière lui.
Ses prunelles se fixèrent sur une petite photo épinglée entre deux revolvers d'un temps révolu.
Intrigué par ce qui avait captivé son attention, Taehyung suivit son regard. Une image qu'il n'avait pas remarquée jusque-là se révéla à lui, le surprenant. Ses yeux se posèrent de nouveau sur Jungkook, dont l'attention était prisonnière de ce portrait figé dans le temps.
La photographie dévoilait le visage imperturbable d'une femme d'âge mûr au visage fermé et aux sourcils froncés. Sa joue marquée par une cicatrice profonde contait une histoire de bravoure et de danger. Quant à son regard, il était pénétrant, dangereux, noir. Taehyung ne pouvait s'empêcher de la trouver belle, d'une beauté farouche, comme les vagues de l'océan se brisant contre les falaises. Il comprit alors que le Jeon partageait cette même prestance brute et saisissante.
Taehyung se demanda si elle l'avait façonné à son image pour qu'il finisse par refléter cette même expression sombre qui habitait son visage.
Plus que jamais, Taehyung regrettait les mots précipités qu'il avait prononcés ; que le Jeon aurait pu attenter la vie de cette femme. Il lui était aisé de comprendre, alors qu'il contemplait le profil de Jungkook, que les cicatrices de l'âme étaient souvent plus profondes que celles du corps, et que parfois, il valait mieux se taire et laisser le silence parler pour soi.
« Désolé, mes mots sortent parfois sans que je les contrôle, souffla-t-il après s'être timidement éclairci la voix. Je voulais juste en savoir un peu plus sur vous. »
Jungkook était étonné de l'intérêt que son otage lui portait. Pourtant, il garda cette surprise soigneusement dissimulée derrière un regard impassible.
« Parfois ? répéta Jungkook, sarcastique.
— ... Oui, bon, vous avez compris, grommela-t-il en se grattant l'arête du nez, embarrassé.
— Elle s'appelait Jeon Yuna », murmura-t-il, mélancolique.
Jungkook scruta le ténébreux, faisant un effort pour se détacher du passé, suspendant le flux de ses souvenirs comme un filigrane fragile dans la brise du temps.
Le regard de Taehyung se posa sur lui, compatissant, percevant dans les yeux de cet homme au visage impassible la tristesse indélébile de la perte d'un être cher.
« Elle faisait partie de votre famille ou juste du clan ? », interrogea-t-il d'une voix prudente.
Il souhaitait en savoir davantage. Peut-être aurait-il un semblant de réponse dans son histoire. Taehyung s'interdisait de voir en sa quête de réponses un acte de pure bonté ; ce n'était pas l'altruisme qui guidait ses pas, mais une faim insatiable de vérité.
Il se persuadait qu'il manœuvrait habilement le Jeon en feignant un intérêt pour son passé, espérant percer les mystères de ses liens avec ses parents, son frère, et même Yoongi.
Pourtant, au fond de lui, au-delà de ce désir de mieux comprendre cet homme qui prétendait avoir partagé son enfance avec sa famille, son cœur généreux l'incitait à l'aider à exprimer sa douleur face à la perte de sa tutrice.
« Tu feins un quelconque intérêt pour ma vie ? questionna-t-il dans un froncement de sourcils.
— Non, je fais pas semblant, rétorqua-t-il d'une voix calme. Libre à vous. »
Parlez, putain, laissez-moi entrevoir qui vous êtes.
Muet, Jungkook le fixa en s'arrachant la peau de l'intérieur de ses lèvres. Devait-il ouvrir cette porte vers son passé, laissant un fil d'intimité renforcer leur lien fragile ?
N'était-ce pas précisément ce qu'il avait cherché à éviter ; cette étrange forme de complicité naissante qui pouvait les lier, eux, captif et ravisseur, dans un écheveau inextricable d'émotions ?
Derrière les reflets dorés des cheveux du Jeon striant ses perles noires, Taehyung décela une hésitation. Prêt à lui conseiller l'abandon de cette entreprise incertaine, Taehyung fut stoppé net dans sa démarche par une mélancolie éclatante jaillissant des prunelles de Jungkook.
La bouche de ce dernier prit les devants, anticipant ses paroles avant même qu'il ait l'occasion de lui opposer un refus.
« Elle... »
Le blond se pinça les lèvres, puis avala péniblement le nœud dans sa gorge qui venait d'enfler sans préavis, puis poursuivit, le cœur voguant dans un trouble douloureux.
« Elle était... spéciale. Elle a façonné celui que je suis aujourd'hui. »
Puis, il se tut, les yeux perdus dans le vague.
« ... C'est-à-dire ? demanda Taehyung d'une petite voix, l'incitant à poursuivre.
— Le meilleur dans mon domaine. »
Mais à quel prix...
Soudain, les souvenirs de Jungkook se succédèrent comme des fragments d'un rêve lointain, à peine palpable, mais indélébile.
Il se souvenait des premiers entraînements avec Yuna, une femme au cœur de marbre, dont la dureté évoquait la froideur implacable de la pierre.
À dix ans, il avait souvent atteint le point de rupture, ses muscles frémissants et son souffle erratique. Face à lui, Yuna demeurait inflexible, sans jamais montrer la moindre compassion, à l'exception de ces instants fugaces où elle discernait l'épuisement écrasant dans ses yeux sur le point de se révulser sous l'exténuation.
Alors, sans un mot, elle s'avançait et déposait un baiser délicat sur son front, un geste rare et précieux qui lui avait toujours réchauffé le cœur.
Pour lui, Yuna n'avait pas simplement été une mentore ; elle lui apparaissait comme une figure quasi divine, un modèle dont il avait souhaité devenir le reflet parfait.
Pourtant, les paroles de cette femme, aussi acérées qu'un poignard, l'avaient tant blessé, profondément. Elle fut indifférente à l'innocence de ses dix ans, indifférente à ses larmes de détresse, indifférente à son besoin d'amour maternel.
« Tu dois t'endurcir », répétait-elle, lui refusant ce qu'il désirait le plus.
De l'affection pure et simple.
À onze ans, Yuna lui avait murmuré un conseil qui vibrait encore dans les recoins de son esprit. « Les Kim, surpasse-les. Sois plus impitoyable, plus astucieux. Souviens-toi que le mal coule dans leurs veines, ne leur accorde jamais ta confiance. Ne répète pas mon erreur. Et c'est ainsi que tu te vengeras. »
Jungkook n'avait jamais su quelle était son « erreur ».
Ces mots étaient gravés en lui, son esprit en avait été habilement façonné. C'était alors devenu sa croyance. Une croyance imposée. Corrompue. Tirée du vécu de Yuna.
Mais une croyance qu'il avait aussi vue de ses yeux.
Subie de sa chair.
Alors il l'avait crue de toute son âme disloquée et détruite.
Il s'était endurci.
L'année suivante, il s'était vu confier son premier contrat de meurtre. Une ombre enfouie au plus profond de son être s'était alors avancée, une facette sombre. Yuna, bien qu'ignorant tout du trouble qui l'habitait, avait perçu les mystérieux changements en lui. Bien des moins plus tard, Jungkook avait compris avec le recul qu'elle avait attribué ces « changements » à une conséquence d'un traumatisme d'une enfance brisée.
Quand l'enfant de douze ans, Dol Simjang*, s'était avancé pour accepter leur premier contrat d'assassinat, une nouvelle identité s'était forgée aux yeux du monde, marquant le début d'une existence clandestine et sanglante.
Dans les recoins les plus sombres, le nom de Dol avait résonné comme une légende naissante. Chacun connaissait l'élève de Yuna, et nombreux avaient été ceux qui cherchaient à anéantir l'enfant pour préserver leur domination, leur suprématie. Malgré son frêle corps qui incarnait l'innocence de la jeunesse, et bien que son visage demeurât un mystère pour tous, Dol s'était imposé telle une force redoutable, puissante et mystérieuse, fréquemment méjugée par ceux qui, aveuglés par son apparence, n'avaient vu en lui qu'un enfant.
« L'enfant assassin ».
« L'enfant prodige ».
Le souvenir de ses dix-huit ans scintillait d'un éclat singulier. Pour cet anniversaire, Yuna lui avait offert une moto ultramoderne, emblème de liberté et de puissance. Ce fut un instant de pur bonheur, une étincelle rare de joie dans une existence assombrie par le sang.
Il n'avait jamais saisi la raison de cet élan de générosité, cette année-là.
Le soir même, elle l'avait enlacé. Longuement. « Tu voleras de tes propres ailes, dorénavant. » Pour la première fois depuis ses onze ans, Jungkook laissa couler des larmes silencieuses, et pour la première fois, elle ne les jugea pas comme une marque de faiblesse.
Elle l'avait longuement observé, ses yeux plongés dans les siens, puis, d'un geste maladroit, elle avait maladroitement essuyé ses joues humides de ses pouces, comme si le souvenir de l'affection d'une mère s'était effacé de sa mémoire.
Et malgré le voile humide troublant sa vision, Jungkook l'avait vu dans ses yeux noirs et ternes.
Le regret.
Et cette nuit-là, elle disparut pour ne jamais revenir.
C'était comme si elle avait pressenti son départ définitif, s'accordant un dernier élan de tendresse maternelle à celui qu'elle avait longuement élevé à son image.
L'année de ses dix-huit ans fut marquée par cette tragédie incommensurable du départ de Yuna, morte en mission.
Elle lui avait tout légué avant son départ.
Puis, dans une lettre de pardon, elle avait cherché à apaiser ses fautes. Il avait réduit la missive en cendres dans un accès de colère et de tristesse. Il regrettait amèrement ce geste impulsif.
« Jeon ? Ça va ? »
La douleur de sa disparition l'avait plongé dans une profonde dépression. Il avait été dans un entre-deux oppressant, ne sachant s'il était attristé par sa perte ou soulagé que son calvaire fut enfin terminé grâce à son absence.
« Jeon. »
Elle avait forgé l'homme que Jungkook était devenu.
Elle avait été l'artisane silencieuse de son âme, gravant en lui la résilience et la profondeur d'un être façonné par l'amour, malgré tout, et la douleur mêlée à une existence lugubre.
« Hé... »
Jungkook émergea de sa torpeur au contact d'une paume chaude effleurant son épaule. Il ne s'était pas rendu compte d'avoir été perdu dans ses lointains souvenirs. Par réflexe, il se dégagea brusquement de cette chaleur en la claquant de sa main, son dos heurtant la paroi contre laquelle il était appuyé.
Ce n'est qu'en croisant les perles noires légèrement inquiètes de Taehyung qu'il comprit son erreur.
Il l'avait touché.
« Excuse-moi, souffla-t-il en se massant le visage.
— C'est rien », murmura Taehyung, perdu entre l'inquiétude de son geste spontané et une infime irritation quant au toucher brusque.
Jungkook humecta ses lèvres, inspira profondément, ses yeux captivés par le portrait suspendu au tableau des armes.
« Elle était une... mère de substitution, hésita-t-il sur le terme. J'étais son contrat, elle m'a sauvé d'une période difficile à mes dix ans, avant de me recueillir. Puis vint le jour où elle s'en est définitivement allée. »
Il se tut et regarda son cadet, percevant une lueur de tristesse dans ses grands yeux à l'évocation du drame.
« J'avais ton âge, à sa mort. »
Taehyung baissa le regard, affligé par les perles irradiant de douleur sur un visage effroyablement impassible. Il le releva aussitôt pour hocher la tête, lui signifiant sa compassion et sa présence par ce silence éloquent.
« J'ai eu une éducation inhabituelle. Elle m'a initié à l'assassinat très jeune, mais tenu à l'abri de la folie meurtrière en m'inculquant des valeurs inestimables. Selon elle, c'était pour que je n'emprunte pas un chemin sans foi ni loi.
Taehyung avait tiqué au mot « assassinat ».
Il se fout de moi, là ?
« Et elle a eu raison ? demanda-t-il, confus.
— J'ose l'espérer.
— Donc vous avez déjà tué. Vous venez de le confirmer, je comprends pas.
— Mon corps a tué. »
Taehyung battit des cils, incertain. Puis, une colère gronda en lui.
OK, là, ça commence à me faire flipper.
Il garda cependant les lèvres scellées, laissant le silence s'étendre comme une brume mystérieuse. Il scrutait les mots du Jeon posés devant lui avec soin, des perles d'éclat cachées dans un écrin de papier invisible.
Encore une fois, le Jeon lui dévoilait son caractère sibyllin, où chaque vérité se mêlait à un mensonge, et chaque certitude à un doute.
« Pratique, cette excuse. Vous devriez la breveter. »
Il ne put s'empêcher de réagir d'une voix dure.
Jungkook lui lança un regard fixe et perçant, visant à établir une dominance visuelle, n'appréciant guère cette confrontation.
« Non, mais vous me dites que vous avez tué, puis que vous tuez pas, alors que je vous ai vu le faire, et maintenant vous me dites que vous avez été élevé dans les meurtres, s'exclama Taehyung. Comprenez-moi, parce que vous êtes pas clair, là. Vous êtes en train de me faire comprendre quelque chose ?
— Tu comprendras seul.
— Quoi, en vous observant ? », questionna-t-il, perplexe, se souvenant de ces mêmes propos sortant de la bouche de ce Jeon de plus en plus étrange.
Jungkook se contenta de le scruter, impassible.
« OK, puisque c'est comme ça, lâcha Taehyung dans un bref rire nerveux. Vous allez me dire si j'ai déjà compris, pour commencer. Rappelez-vous de votre réaction, hier, quand vous vous êtes soudainement mis à parler différemment. J'ai flippé, tout a changé chez vous, et j'ai eu l'impression que ce n'était pas v...
— N'analyse pas outre mesure, l'interrompit-il d'un ton monocorde. Ce sujet dépasse ta compréhension actuelle, tu ne peux même pas l'effleurer, pour l'instant ».
Mais si je le trouve digne et suffisamment ouvert d'esprit, je prendrai le temps de lui expliquer plus tard.
Taehyung l'analysa, le regard distant.
« Vous avez parlé d'ouverture d'esprit deux fois. On dirait que ce que je pourrais découvrir en vous est un truc de malade mental super rare », considéra-t-il, confus.
« My bad. »
Les termes de Taehyung combinées à cette pensée railleuse le firent doucement s'esclaffer, sachant que ce n'était qu'une de ces expressions colorées que les jeunes employaient pour décrire l'extraordinaire.
« Bah quoi ! s'exclama Taehyung, ahuri de le voir en rire. Vous illustrez ça comme ça, aussi !
— Laisse-toi le temps.
— Non, mais y'a pas à être aussi secret. Un jour vous allez me tuer de frustration, putain », grommela-t-il, accentuant le rictus de son aîné jusqu'à l'apparition d'une fossette.
Pourtant, Taehyung ne se sentait pas aussi désorienté. Il sentait que la vérité planait en périphérie de ses pensées ; le Jeon venait de partiellement la réveiller dans une sombre clarté.
Il soupira, puis releva les yeux vers le portrait de la femme.
« Revenons à nos moutons. De ce que j'ai compris, elle a su vous protéger de vous-même, vous permettant de rester lucide malgré les épreuves qui auraient pu vous faire perdre pied », résuma Taehyung d'une voix évasive, distrait.
Mais même, c'est pas une façon d'élever un gosse, putain... C'était quoi, cette femme.
Jungkook observa son profil avec une lueur scabreuse, se demandant – encore – jusqu'à quel point ce Kim était capable de démêler un foisonnement de vérités à partir de si maigres indices.
« Mais vous trouvez pas ça bizarre ? », reprit Taehyung.
Leurs yeux s'aimantèrent d'une puissance magnétique, Jungkook dans l'expectative.
« D'avoir des valeurs alors que votre métier est immoral. »
𝐴̀ 𝑠𝑢𝑖𝑣𝑟𝑒...
* Constitution de la République de Corée : c'est l'équivalent de la Constitution française. Elle est la loi fondamentale qui établit le cadre du gouvernement, définit les droits et devoirs des citoyens, et organise le fonctionnement des institutions politiques du pays.
* Dol Simjang : « cœur de pierre » en coréen. « Dol » signifie « pierre » et « simjang » signifie « cœur ».
C'est une expression que j'utilise pour décrire quelqu'un qui est insensible ou sans émotion.
MAIS. Mais, mais, mais.
Ne vous basez pas uniquement sur cette explication. 🌝
Avant de vous quitter, voici à quoi ressemble le chat de JK :
N'EST-IL PAS TROP BEAU ?
Alex était réellement un splendide siamois qui appartenait à ma mère vers la fin des années 90. La moitié de ce que ce chat fera dans cette histoire est basée sur des faits réels. Étant donné l'intelligence des siamois, rien de ce qu'ils font ne devrait nous étonner 😭
ANYWAY
Alors, ce chapitre ? Tu as des théories ? Tu as compris quelque chose ? T'as aimé ? Pas aimé ?
À très vite pour le 7.1 !
(Bon j'arrête de promettre que « ça va vite arriver » parce c'est presque jamais le cas 😭)
𝑾𝒊𝒕𝒉 𝑳𝒐𝒗𝒆, 𝑫𝒂𝒓𝒌 𝑬𝒚𝒆𝒍𝒆𝒕 🖤
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