❝ 𝘠𝘰𝘶 𝘸𝘰𝘯'𝘵 𝘭𝘦𝘵 𝘮𝘦 𝘭𝘦𝘢𝘷𝘦, 𝘐 𝘥𝘰𝘯'𝘵 𝘸𝘢𝘯𝘯𝘢 𝘴𝘵𝘢𝘺 
𝘉𝘶𝘵 𝘵𝘩𝘦 𝘱𝘳𝘪𝘤𝘦 𝘰𝘯 𝘮𝘺 𝘩𝘦𝘢𝘥 𝘪𝘴 𝘸𝘦𝘪𝘨𝘩𝘵𝘪𝘯𝘨 𝘮𝘦 𝘥𝘰𝘸𝘯 ❞

─  𝐀𝐩𝐨𝐜𝐚𝐥𝐲𝐩𝐭𝐢𝐜𝐚, 𝑆𝘩𝑎𝑑𝑜𝑤𝑚𝑎𝑘𝑒𝑟

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𝐏𝐚𝐫𝐭𝐢𝐞 𝟏

« Il faut à tout prix le retrouver ! Ce salaud va sûrement le tuer, si c'est pas déjà fait ! s'emporta Hoseok en abattant son poing sur le bureau.

— Arrête ça ! », cria Jimin, furieux et complètement angoissé.

Hye-Jin cherchait à apaiser Jimin en lui tenant délicatement les épaules, mais la tempête de sa colère refusait obstinément de se dissiper. Une vague de frustration intense l'envahissait alors qu'il se consumait de regrets amers, son regard se posait par moments sur le collier en or de Taehyung qu'il avait enfilé autour de son poignet.

Durant de longues minutes, les pleurs avaient baigné les joues de la jeune femme, mais à présent, elle avait recouvré son calme pour lui prodiguer son soutien, même si de fugaces tremblements dévoilaient son émotion contenue.

Hoseok et Namjoon, accablés par la fatigue et anxieux, se trouvaient au bord de l'épuisement. L'un d'eux agitait ses jambes avec nervosité, tandis que l'autre parcourait inlassablement la pièce. Le quatuor était rassemblé chez Jimin, dans l'enceinte majestueuse du domaine familial des Park.

Au cadran, la furtive aiguille pointait déjà vers le petit matin, où quatre heures, discrètes sentinelles du temps, s'épanouissaient dans le silence. Une seule heure avait timidement glissé depuis le cruel instant où Taehyung avait été emporté loin d'eux.

La lueur argentée de la pleine lune éclairait suffisamment la pièce pour qu'ils puissent distinguer leurs visages avec netteté. Dans ce halo lunaire, Hoseok errait sans répit, tel un félin captif dans sa cage, tandis que Namjoon s'efforçait de maintenir son sang-froid, les bras fermement croisés, sa respiration pesante et ses dents serrées. Hye-Jin et Jimin étaient installés côte à côte sur le lit, la jeune femme lovée contre son épaule, son regard attristé fixé sur Hoseok avec une attention soutenue.

Tous se perdaient dans l'incertitude de cette réalité inattendue. Comment cela pouvait-il être possible ? Pourquoi Taehyung y était-il mêlé alors que jamais son pas n'avait effleuré le sentier du blâme. Et quel étrange rôle jouait Seokjin en tenant dans sa main une arme ?

Puis, soudain, comme une lueur dans l'obscurité, Hoseok se remémora les mots de Jimin, juste avant que le blond ne s'éclipse avec Taehyung.

« Jimin, appela-t-il après un long silence, pendant lequel on percevait les hoquets étouffés de Hye-Jin.

— Quoi ? », cracha-t-il aussitôt d'une voix basse, sur le point de flancher.

Ils étaient conscients que leurs propos ne devaient en aucun cas tomber dans les oreilles des domestiques du domaine. La raison en était que cette affaire requérait la discrétion la plus absolue.

Hoseok reprit d'un ton aussi apaisé qu'il le pouvait.

« Tu as dit des choses bizarres avant que ce connard parte avec Tae », dit-il d'une voix affectée, sonnant presque comme un reproche.

Jimin s'adoucit, son cœur s'élançant avec vigueur dans sa poitrine. Son regard se posa sur Hoseok, dont les yeux étaient rivés sur lui, la mâchoire tendue, guettant anxieusement sa réponse. Intriguée, Hye-Jin leva les yeux et retint son souffle, son cœur tambourinant. Jimin écarta doucement la jeune femme, se levant pour rejoindre Hoseok adossé à l'autre extrémité de la pièce. Il refréna un soupir. Il ne voulait pas le confronter.

Tout ce qu'il désirait, c'était se lover dans son lit et s'abandonner au sommeil jusqu'à ce que mort s'ensuive.

« Je lui ai parlé, en boîte, murmura-t-il avant de se pincer les lèvres.

— Quoi ? s'insurgèrent simultanément Hye-Jin et Hoseok.

— Je t'ai vu, répliqua Namjoon, le ton calme, trop calme. Vous vous êtes dit quoi ?

— Pardon de te couper, Nam, s'excusa Hoseok. Mais d'où tu connais un gars pareil, Jimin ? », demanda-t-il, ébranlé.

Jimin soupira, se massant doucement le visage d'une main lasse. Il leva les yeux, manifestement accablé. Puis, après avoir échangé un regard ambigu avec Namjoon qui lui lança un regard réprobateur, les yeux légèrement écarquillés, Jimin prit une décision.

Une décision que Namjoon n'approuva guère.

« C'est Jungkook. Jeon Jungkook. »

Namjoon se mordit l'intérieur de la joue, tandis que ses paupières battirent rapidement, trahissant son mécontentement.

Dire qu'ils étaient choqués était un euphémisme. Alors que Hye-Jin semblait soudainement saisie d'un souvenir, Hoseok s'était instantanément figé à l'évocation du nom. Jeon. Il ne connaissait pas ce Jungkook, mais il se souvint de ses pensées au moment où le blond avait tabassé leur professeur : qu'il pouvait bien être un ennemi du clan Kim, qu'il soit un Park ou un Jeon.

« Jeon... ? souffla la jeune femme. Attends... Ça a un lien avec les meilleurs amis des parents de Tae ? C'est lui, le "frère" que Jin nous disait avoir perdu, quand on était gosses ? »

Jimin hocha lentement la tête.

« Tu te souviens de quoi ? demanda-t-il, la voix faible, conscient d'être en tort et sentant le regard pénétrant de Namjoon lui picoter la joue.

— Le fils disparu. C'est lui ? », souffla-t-elle, bouleversée.

De nouveau, Jimin hocha la tête avant de baisser les yeux, l'âme enveloppée d'une angoisse grandissante.

Qu'est-ce que je suis en train de faire ?

« Je me souviens pas de lui, même si ça me dit quelque chose... J'ai dû le croiser au manoir, non ? dit-elle, perturbée.

— Moi non plus, à vrai dire. Mais j'ai jamais oublié son prénom.

— Mais Jimin, pourquoi ils ont l'air d'être ennemis, alors ? demanda-t-elle, complètement perdue.

— C'est quoi cette histoire ? intervint Hoseok, à la fois perplexe et irrité.

— Je te raconterai, répondit doucement Hye-Jin, avant de regarder Jimin. Tae est en danger ? balbutia-t-elle, le cœur affolé. En quinze ans, ce Jeon doit... Il doit avoir changé, non ? Tae se souvient de lui ?

— Honnêtement, je sais pas...

— Comment ça, tu sais pas ?! explosa Hoseok, faisant légèrement sursauter Namjoon qui était plongé dans ses pensées maussades.

— Pourquoi il l'a kidnappé ? s'enquit Hye-Jin, son calme apparent trahi par les frémissements émus de sa voix.

— Va savoir... », fut tout ce qu'il put murmurer, les yeux perdus dans le vide.

Il se remémorait Taehyung qui le regardait avec un mélange de déception et de colère. Furieux et apeuré, pris au piège contre Jungkook. Désemparé et trahi face à Seokjin.

Ses poings se serrèrent, tandis qu'un écho de peine et de remords étreignait son cœur, tel un vent mélancolique soufflant à travers son âme.

« Putain, Jimin, si tu sais quelque ch... siffla-t-elle avant de se faire interrompre par Hoseok.

— T'as parlé de quoi avec ce malade mental ? demanda Hoseok en se positionnant face à lui, fixant intensément ses yeux.

— Je lui ai dit de dégager, puis on a fini par parler lorsque je l'ai reconnu, dit-il d'un ton éreinté tout en édulcorant la réalité.

— Donc tu savais ce qu'il allait faire ? ajouta Hye-Jin, les sourcils froncés, le regard perçant.

— Hein ? Mais, non, p... pas du tout. »

Enchevêtré dans l'angoisse face au regard scrutateur de ses amis qui savaient le déchiffrer, Jimin s'était précipité dans sa réponse. Il avait bégayé. Il avait trébuché, usé de mots en trop. Il cligna des yeux rapidement, s'accablant silencieusement de son erreur.

Namjoon ferma les yeux, luttant contre le soupir qui menaçait de s'échapper. Devait-il l'assommer ? Le bâillonner ? Il percevait l'angoisse palpable de Jimin, tout en résistant à la pression des regards pénétrants de Hye-Jin et Hoseok. Leur acuité n'étonnait guère Namjoon ; leur méfiance était à la hauteur de leur perspicacité.

Après tout, ils n'étaient pas amis pour rien, tous les cinq. Leur amitié avait le parfum d'un destin tissé, comme si le monde lui-même les avait choisis pour se rencontrer.

Mais dans le jeu complexe des sentiments, Jimin avait commis une erreur, trahissant son trouble lorsque Jungkook avait emmené Taehyung. Maintenant, il aggravait les choses, emporté par une tempête émotionnelle qui, d'ordinaire, ne lui était guère coutumière.

Il le comprenait, certes. Pour eux, Taehyung était un pilier, leur étoile, leur force magnétique. Comme chacun d'eux, il occupait une place centrale dans leur univers. Pourtant, malgré cette importance évidente, Namjoon devait intervenir, arrêter le flot inexorable de Jimin qui menaçait de tout emporter.

Et vite...

« Tu mens, cracha Hoseok en fixant durement Jimin.

— Je suis d'accord », renchérit Hye-Jin, le ton froid.

...Avant que leur lien se rompe. Que la bande se brise. Il le pressentait.

À cette pensée, son cœur se serra en une étreinte douloureuse, et une nausée glaciale lui noua les entrailles. Sans eux, il se sentait comme un navire à la dérive. Il laissa retomber ses bras, une angoisse profonde le tiraillant.

À travers le voile de ses cils, Jimin surprit le geste lent de Namjoon, une descente de main trop délibérée pour être insignifiante. Par habitude, il savait qu'un message silencieux était en gestation. De sa main droite, Namjoon effleura son propre avant-bras gauche, son regard verrouillé dans celui de Jimin qui, de profil, le percevait du coin de l'œil.

Arrête.

Les yeux naviguant entre ceux de Hye-Jin et Hoseok, les lèvres de Jimin frémirent. Une vague d'émotions le submergea, prête à le noyer dans un torrent de larmes.

Je vais tout faire foirer, putain.

« Moi, je le crois », intervint Namjoon, se faisant violence pour garder son calme.

Hoseok lâcha un souffle moqueur et désabusé.

« Évidemment, puisque tu sembles aussi cacher des choses », souffla la jeune femme.

Surpris, Jimin et Namjoon la regardèrent, soudainement pris au piège d'une panique croissante.

« Vous êtes surpris ? ironisa-t-elle, un faux sourire sur les lèvres. Ne croyez pas qu'on est cons et aveugles. Et Jim, je suis sûr que même Tae l'a remarqué et que ta dispute avec lui tourne autour de ça.

— Et c'est pas parce que vous couchez ensemble que vous nous mettez à l'écart ! intervint Hoseok, de plus en plus irrité. Vous nous faites pas confiance, ou quoi ?

— C'est quoi le rapport ? », se défendit Namjoon en fronçant les sourcils.

Jimin leva les yeux vers son ami et amant, constatant que lui aussi commençait à céder à ses émotions, emporté par la délicatesse de l'instant.

« Le rapport est que si vous avez la moindre info sur Tae, dites-la-nous ! Il a été kidnappé ! Tu percutes ou t'es con ?! »

Leur joute s'intensifia, le tumulte de leurs voix presque palpable. Fatigué de cette querelle qui frôlait la confrontation physique, Jimin fit volte-face et se dirigea vers son bureau. Épuisé, il posa doucement ses mains sur le marbre, inclinant légèrement la tête vers le bas.

« C'est pas le moment de vous disputer ! », s'écria Hye-Jin en les séparant, les larmes de colère inondant ses yeux.

Hoseok lâcha un soupir de contrariété, mais se plia aux désirs de son amie, tandis que Namjoon détourna son regard, autrefois courroucé, qui se radoucit dès qu'il se posa sur la silhouette courbée de Jimin.

Le silence fut souverain pendant un court laps de temps, comme s'il leur donnait quelques secondes de répit.

Lentement, Namjoon s'avança vers Jimin, apaisant les regards colériques de Hye-Jin et Hoseok, leur calme retrouvé à la vue de leur ami si visiblement affecté. Avec douceur, il le positionna délicatement contre lui, l'enveloppant de ses bras tandis que Jimin s'y accrochait avec une tendre intensité. Quand il murmura à son oreille, Jimin céda. Ses larmes coulèrent aussitôt, son visage enfoui dans le cou de son amant qui le tint plus étroitement, les sourcils légèrement froncés et le cœur alourdi de chagrin.

Perplexes et peinés, Hye-Jin et Hoseok échangèrent un regard larmoyant. Bien qu'ils ne saisissent pas la cause de cette profonde détresse, ils pressentaient le secret que Jimin portait en lui. D'un commun accord, ils laissèrent de côté leur ressentiment pour les rejoindre. Ils enlacèrent tendrement Jimin par-derrière, ce qui intensifia ses sanglots.

« Jimin, murmura Hye-Jin après une longue accolade, la joue demeurant contre son épaule. Tu ne peux rien me cacher, je t'ai assez côtoyé pour savoir quand tu mens. »

Jimin renifla discrètement, profitant égoïstement de leur chaleur et de leur proximité.

« Je vois bien que tu es accablé par quelque chose de plus grand que toi, poursuivit-elle d'une voix douce. On va pas te forcer à parler, pareil pour toi Nam...

— Mais j'espère pour vous que... », continua Hoseok, avant que sa voix craque et le force à s'interrompre.

Tous se figèrent sous la surprise et le regardèrent. Hoseok se montrait si rarement accablé par ses émotions – hormis la colère – les étonnait chaque fois qu'il laissait transparaître sa vulnérabilité. Jimin se redressa légèrement de l'éteinte de Namjoon pour regarder Hoseok. Hoseok releva son visage de l'épaule de Jimin, prit une profonde inspiration et braqua ses yeux enflammés dans les siens qui, larmoyants, le fixèrent avec appréhension.

« J'espère pour vous deux que vous savez ce que vous faites, reprit-il d'un ton plus sûr. Ou je vous en voudrais à mort s'il lui arrive un truc par votre faute. Même si Tae finit par vous pardonner, je le ferai pas. Sauf si vous nous mettez dans la confidence. Contrairement à Hye-Jin, moi je veux savoir. »

La clarté et l'éloquence de sa voix avaient un tel impact que Jimin et Namjoon furent sans voix, presque intimidés par son ton sec et tranchant. Hoseok était un ami précieux qu'ils chérissaient par-delà tout, comme le reste de la bande, et l'éventualité qu'il ne leur accorde pas son pardon les plongea dans une profonde désolation.

Namjoon maintint son regard avec une fierté teintée de tristesse, sans le détourner. De son côté, Jimin se libéra doucement de l'étreinte de son partenaire pour se tourner vers Hye-Jin et Hoseok, croisant les bras sur sa poitrine.

« Écoutez, c'est pas que je vous mets à l'écart, c'est juste que c'est tellement complexe... commença-t-il d'une voix tremblante, la gorge nouée. Mais tout ce que je peux vous dire, c'est que Jungkook était le filleul d'Eun-Ae. Il était très proche d'eux, tout comme ses propres parents. Il a presque grandi au manoir avant sa disparition soudaine. »

Hye-Jin et Hoseok furent paralysés par le choc et, Namjoon qui entreprit de caresser la nuque de Jimin afin de le soutenir, n'eut guère le courage de surjouer son étonnement.

À quoi bon, maintenant.

« Mais comment tu sais ça, putain ? souleva Hoseok, incrédule.

— On me l'a rappelé, souffla-t-il, en haussant une épaule.

— Attends, intervint Hye-Jin en coupant Hoseok étant sur le point de renchérir. Tu es en train de me dire qu'il y a une chance pour que ce Jeon soit... je sais pas, clément ?

— Je pense pas qu'il lui fasse du mal à proprement parler.

— Tu le penses ou tu le sais ? », lâcha Hye-Jin, le regard verrouillé dans le sien, grand ouvert et scrutateur.

Si Namjoon n'avait pas été derrière lui, Jimin aurait reculé face à l'intensité du regard de son amie.

« Je l'ai supposé d'après ce qu'on s'est dit, en boîte », dit-il avant de déglutir.

Pitié, que ça se termine.

« Oh, putain », lâcha subitement Hoseok, pris d'une illumination, les yeux fixés sur le choker doré au poignet de Jimin.

Tous les regards se posèrent sur lui.

« Il va l'utiliser. Il veut... »

Il se tut. Son regard s'évadant dans le vague. Il ne vit pas Namjoon et Jimin gigoter discrètement sous l'angoisse et Hye-Jin le fixer, impatiente d'entendre ses suppositions.

Derrière ses paupières, il revit la manière dont ce Jeon tournait autour de Taehyung dès sa première apparition à la faculté, jusqu'en boîte. Il se souvint des mots que Taehyung lui avait partagés : « il a dit que je ressemblais à quelqu'un ». Il fit le lien avec le passé commun que ce blond avait supposément partagé avec la famille de Taehyung. Il revit le regard chargé de haine de ce Jungkook, qui était supposé avoir grandi aux côtés de Seokjin, rivé sur Seokjin, justement.

Surtout, la manière dont ce blond lui avait semblé se dresser en rempart devant Taehyung contre Seokjin était frappante.

Mais oui. C'est forcément ça.

« Il s'est passé un truc entre Jin et lui. Ce Jeon utilise Tae, peut-être », constata-t-il d'un ton si froid et dur que même Hye-Jin déglutit alors qu'elle n'était pas visée.

Namjoon se crispa et Jimin détourna le regard.

« Réponds-moi ! C'est ça ? », cracha Hoseok en faisant un pas en direction de Jimin qui sursauta, tandis que Namjoon, nerveux, remua discrètement.

À cet instant, ils maudissaient la perspicacité de Hoseok.

« J'en sais rien... », souffla-t-il d'une voix éteinte.

À cet instant, une flamme d'indignation s'alluma dans les yeux de Hoseok. Son seuil de tolérance atteignit son apogée. Il vit rouge.

« Putain, Jimin ! hurla-t-il en l'agrippant férocement par le col, le visage rougi par la colère. Il va se passer quoi pour Tae ? Qu'est-ce que tu sais ? Qu'est-ce que tu caches ? C'est ton connard d'oncle qui est derrière tout ça ? », rugit-il.

Jimin ne pipa mot, le regard détourné, incapable de soutenir le feu de colère et de déception qui brillait dans les yeux de son ami. Namjoon, le cœur ébranlé à l'idée de voir leur groupe se désunir davantage à chaque instant, saisit doucement les poignets de Hoseok, l'incitant silencieusement à libérer Jimin.

Le contact des mains chaudes de Namjoon ramena Hoseok sur terre, et il perçut les légers pleurs de Hye-Jin. Alerté même dans sa fureur, il lâcha brusquement Jimin qui recula de quelques pas, poussé par la force émise, son dos s'échouant contre le torse solide de Namjoon qui le réceptionna. Hoseok la regarda, le souffle court, s'efforçant d'apaiser les larmes.

« Il faut... commença-t-elle dans un hoquet empli de doléances. Il faut qu'on aille voir Yoongi. »

De nouveau, Jimin et Namjoon se tendirent, et Hoseok les vit. Quoi encore ? Une flamme de colère s'alluma à nouveau en lui, qu'il sut dompter par amour pour Hye-Jin.

« On va le voir maintenant, ordonna Hoseok, fixant les deux hommes pour mesurer leur réaction.

Jimin et Namjoon échangèrent un regard.

« Non, intervint Namjoon pour la première fois depuis un moment.

— Comment ça non ? grinça-t-il entre ses dents.

— Il est pas dispo », se contenta-t-il de répondre.

Hoseok le fixa un instant, incrédule, avant de lâcher un rire bref, dénué de toute joie.

« Et comment tu sais ça ?

— Je le sais, c'est tout », souffla-t-il, abattu.

Hye-Jin et Hoseok le scrutèrent un instant avant de poser leurs yeux sur Jimin, qui détourna rapidement le regard, consterné de voir la situation se détériorer à ce point.

« OK. »

Cette simple onomatopée émise par Hoseok laissa un froid glacial dans la chambre du jeune Park.

« J'aime pas ce que je vais dire, mais tant que vous agissez bizarrement alors que Tae est probablement en train de se battre pour sa vie, commença-t-il d'une voix étrangement monotone à en faire froid dans le dos, je ne vous fais plus confiance. »

Ces mots déclenchèrent une marée d'indignation chez Jimin. Le pas rageur, il s'approcha de Hoseok et saisit fermement son bras, plongeant son regard enflammé dans celui tout aussi fulminant de son ami.

« Qu'est-ce que tu insinues ? siffla-t-il.

— J'insinue que de base, les Park et les Kim sont ennemis. Les guerres de clans amènent aux trahisons, Jimin. C'est sûrement ce qui est arrivé à Jin et ce Jeon, non ? Tu crois être à l'abri parce que tes parents ont accepté que tu sois ami avec Tae, contrairement à ton oncle, après leur mort ?

— Mais qu'est-ce que tu crois ? s'insurgea-t-il, les dents serrées, mécontent de ses insinuations. Que je m'en fous de ce qui arrive à Tae ?

— Parle-nous, alors, dit-il d'un ton sec, dégageant son bras.

— Je peux pas, Hoseok ! tonna-t-il.

— Pourquoi ? rugit-il.

— Vous serez en danger ! Tu sais que mon oncle n'a aucune limite ! argua-t-il, espérant qu'il comprenne.

— Justement, pourquoi il s'en prendrait à nous ? cria-t-il à son tour.

— Putain, mais ça ne tient pas qu'à moi ! », vociféra-t-il, au seuil de la crise de larmes. 

Hoseok rit jaune.

« Alors, le secret de clans vaut plus que l'amitié, c'est ça, Jimin ? Dans ce cas, pourquoi Nam a l'air d'en savoir plus que nous ?

— J'étais là au mauvais moment, intervint Namjoon, les dents serrées et la mâchoire si crispée que les muscles en tressautaient.

— Quoi, tu vas me dire que t'étais ici parce que vous avez couché ensemble, et oh, surprise, tu as entendu une conversation entre le chef et son neveu ? demanda-t-il, avec un ton sarcastique.

— Précisément, rétorqua Namjoon, le regardant d'un air faussement contrarié, espérant paraître convaincant.

— C'est ça, Nam, prends-moi pour un con, ricana-t-il, amer. T'as pas l'air en danger, pourtant.

— Hoseok, reprit Jimin d'une voix à peine maîtrisée. Si je le pouvais, je vous dirais tout, mais c'est juste pas possible, pour le moment. Je peux pas, il faut que tu me fasses confiance, je sais ce que je fais. Tu n'as pas toutes les infos pour avoir une vision d'ensemble et comprendre », ajouta-t-il en voulant prendre sa dextre.

Hoseok la repoussa d'un vif geste de la main.

« Alors, explique-moi ce que Namjoon a supposément entendu, qu'on soit sur la même longueur d'onde, exigea Hoseok.

— ...Putain, mais je peux pas ! coassa Jimin, à deux doigts de s'arracher les cheveux. Arrête de me foutre la pression ! »

Le sourire froid et le regard triste que Jimin vit lui lacérèrent le cœur.

« Alors on n'a plus rien à se dire. »

Il pivota et reprit le rangement de son sac.

« Hoseok, t'es pas sérieux ! paniqua Jimin sous le regard impuissant de Namjoon et scrutateur de Hye-Jin, bien que brisée. Pourquoi tu t'entêtes ? Tu comprends pas que je vous protège ? »

Hoseok l'ignora.

« Ma belle, tu restes ici ou je te raccompagne chez toi ? », demanda-t-il, la voix basculant dangereusement.

Tous surent que Hoseok était de nouveau sur le point de céder à la vulnérabilité.

Hye-Jin n'eut guère besoin de peser le pour ou le contre, son regard sévère et blessé fixant Namjoon et Jimin. Ils lui renvoyèrent une œillade chargée d'une angoisse qu'ils ne tentèrent pas de dissimuler. Tout se lisait dans leurs prunelles éloquentes : le regret, la douleur, la frustration et la peur.

« Je viens avec toi, souffla-t-elle.

— Prends tes affaires, murmura-t-il d'une voix douce, éteinte.

— Les gars, vous n'allez pas partir comme ça... dit Namjoon, en faisant quelques pas vers eux. Votre réaction est disproportionnée, il faut qu'on reste unis ! »

Hoseok émit un faible ricanement désabusé.

« Unis, il dit... »

Hye-Jin lâcha un souffle profond, exprimant son agacement. D'un geste vif, elle pivota et, d'une démarche assurée, se tint devant Namjoon, le toisant depuis sa petite taille.

« Et tu continues de nous prendre pour des cons », proféra-t-elle d'une voix tremblante.

Avec une force délicate mais déterminée, elle le repoussa, ses yeux reflétant une profonde tristesse et une détresse qui témoignaient de son épuisement mental. Namjoon fit un léger pas en arrière, touché et attristé par l'émotion qu'il suscitait en elle.

« Hye-Jin, on veut pouvoir compter sur vous aussi, tenta Jimin, désespéré et se sentant lésé.

— Non, parce que Hoseok a raison, vous avez brisé ce qui a toujours été primordial dans notre bande : la confiance, dit-elle en les fixant tous les deux, les yeux embués et la voix légèrement chevrotante. Alors, excuse-nous de réagir de manière "disproportionnée", Nam, dit-elle en le regardant. Je sais pas si tu protèges Jimin ou si tu es toi aussi impliqué, mais tu peux pas nous demander de rester unis. Pas alors que l'un de nous doit sûrement vivre la peur de sa vie et on ne sait même pas pourquoi vous en savez plus que nous dans cette situation ni pourquoi tu refuses qu'on aille voir Yoongi. »

Sa voix bascula aux derniers mots, tandis qu'elle pivota, rejoignant Hoseok qui avait gardé le dos tourné, dissimulant son visage. Doucement, elle récupéra son sac et entrelaça leurs doigts, leurs mains se serrant en guise de réconfort. Elle leva les yeux vers lui, avant que sa gorge se noue et que ses lèvres frémirent lorsqu'elle vit Hoseok. Son visage trahissait la détresse, les joues humides.

Il pleurait silencieusement.

Avec une lenteur presque solennelle, comme si l'énergie l'avait abandonné, il tourna délicatement la poignée de la chambre de Jimin avant de se retourner.

Namjoon clôt aussitôt les paupières en baissant la tête, heurté par la vue d'un Hoseok ayant perdu contenance. La lèvre de Jimin trembla, sa gorge se serra et ses yeux se voilèrent sous l'embrun des larmes.

Leurs cœurs se brisèrent aux mots de Hoseok. Ils furent anéantis par la profonde tristesse qui irradiait du fond de ses perles noires.

« J'ai jamais eu un anniversaire aussi désastreux. »

Puis, il entama un pas vers la sortie, son regard perdu dans l'infini devant lui, pendant que Hye-Jin le suivait, leurs mains étroitement enlacées.

« Me contactez uniquement si vous vous êtes rendu compte de votre erreur.

— Hoseok ! supplia Namjoon. Tes mots dépassent tes pensées ! On est tous à cran !

— C'est vous qui avez dépassé la limite », souffla-t-il alors qu'il sortait vers le corridor des Park.

De toutes ses forces et, avec un brin de conscience et de considération pour ceux qu'il appelait ses frères de cœur, il étouffa un mot qui, comme un brasier ardent, brûlait son cœur meurtri et le bout de sa langue.

Traîtres.

Jimin s'effondra, le sol accueillant son désespoir.

En chacun, les larmes se libérèrent sans retenue.

Sous le voile de la nuit, témoin silencieuse de leur destinée bouleversée, leur fraternité jadis indestructible se fissura, laissant les cœurs déchirés pleurer l'absence d'un des leurs.

☾

Dans les méandres de la nuit, Taehyung s'éveilla doucement, laissant ses paupières dévoiler deux perles d'onyx brillantes de fatigue. L'esprit peinant à se reconnecter, il découvrit qu'il reposait sur une douce étendue, un havre inattendu de réconfort, bien qu'il frissonnât de froid.

Une lancinante souffrance irradiait de sa tête, une fine douleur se propageait péniblement jusqu'à sa nuque, dessinant une grimace sur son visage. Avec peine, il se redressa en position assise, les prunelles troubles et les sourcils ployés sous le fardeau du malaise.

Où je suis ?

Dès l'instant où il inhala profondément, une fragrance de fumée légèrement mentholée caressa ses narines, provoquant un éternuement suivi d'une quinte de toux qui lui dessécha la gorge. Il porta instinctivement une main à son cou pour apaiser cette brève asphyxie lorsque, telle une énigme éclose de l'obscurité, une grande main parée de bagues et ornée de tatouages surgit devant ses yeux.

Cette main qui tenait nonchalamment un verre d'eau était une offrande inattendue.

Il leva des yeux incrédules vers celui qui lui offrait la possibilité de se désaltérer. Lorsqu'il croisa son regard perçant, une vague de stupeur le submergea et il se recula précipitamment vers l'extrémité de son lit, son dos épousant la froideur du mur, craintif et déboussolé.

Putain, mais qu'est-ce qu'il fait là ?

Soudain, alors que son regard se perdait dans l'abîme des yeux du blond qui le contemplait avec une neutralité déconcertante, l'esprit de Taehyung se déroula à toute vitesse, retraçant les événements de la soirée avec ses amis, jusqu'à ce cauchemar implacable.

La boîte de nuit. L'anniversaire de Hoseok. L'affrontement avec Jimin. L'apparition de ce mystérieux Dol. Son frère. Puis son enlèvement.

Un bref ricanement désabusé fit vibrer sa poitrine tandis qu'il caressait sa nuque endolorie.

« Vous étiez obligé de m'assommer ? », grogna-t-il, mécontent, avant de repartir dans une quinte de toux, irritant davantage sa gorge sèche.

Les paupières de Jungkook battirent lentement, reflétant un calme olympien.

« Dépêche-toi de saisir ce verre », ordonna Jungkook d'une voix basse avant de tirer lentement sur sa cigarette.

Bien qu'une sensation de brûlure lui embrasât la gorge, Taehyung se trouva indécis face à l'appel de cette eau, sa soif étant inextinguible. Le blond perçut son hésitation, le voyant craindre que ce geste dissimule des intentions malveillantes comme s'il tendait à le droguer. Un léger roulement des yeux manifesta sa lassitude.

« Bien, soupira Jungkook en déposant le verre près du plus jeune qui, assoiffé, suivait de ses grands yeux le contenant.

— Je veux pas de votre truc... », refusa Taehyung d'une petite voix éraillée, tout en fixant avec méfiance l'homme qui le surplombait.

Sans un mot, Jungkook reprit le cristal et le déposa sur une petite table basse en marbre à côté du futon tandis que les yeux avides de Taehyung louchaient sur l'eau. Il eut peine à déglutir, ses glandes salivaires submergeant presque sa bouche face à l'attrait de cette eau salvatrice.

Aussitôt le verre déposé, le ténébreux se pencha et le prit dans sa main avide. Son désir de boire était irrésistible. Jetant un dernier regard au blond qui l'observait sans ciller, sans impatience ni attente quant à la dégustation imminente, Taehyung s'empara du contenu cristallin avec ses deux mains et l'engloutit en peu de gorgées, manquant de s'étouffer.

Il clôt les paupières lorsqu'un bref ricanement s'éleva dans l'air, l'irritant, tandis qu'il reposait brusquement le verre sur la petite table à sa droite.

« À la bonne heure », entendit-il.

Les paupières de Taehyung se soulevèrent lentement, dévoilant un regard noir. Il se demanda si ingérer cette eau avait été une erreur. Cet homme qui l'avait assommé et transporté vers un endroit mystérieux avait sans doute la capacité de le droguer.

Leurs prunelles se figèrent en une confrontation silencieuse, Taehyung attendant que sa vision se trouble, qu'il sombre dans l'inconscience sous l'effet de cette boisson ou peu importait la manière dont son corps réagirait.

Mais rien ne se passa. Sa soif avait simplement été apaisée par son ravisseur. Une moue dubitative froissa son visage.

Son geste est-il même sensé ?

Un soupir lui échappa, ses paupières s'abaissant pour échapper à ce regard pénétrant qui le dérangeait. Taehyung balaya du regard les alentours.

Ce qu'il découvrit le laissa sans voix.

Il se tenait au cœur d'un temple ancestral à l'architecture splendide et richement parée. D'innombrables bougies illuminées par les fidèles, dans la journée, conféraient à l'endroit une atmosphère sereine, même dans la situation qui était la sienne.

Particulièrement compte tenu de la personne qui l'accompagnait.

« Qu'est-ce qu'on fout dans un temple ? », marmonna-t-il pour lui-même, la voix toujours éraillée d'avoir crié, quelques heures plus tôt, tandis que Jungkook ne le quittait pas des yeux.

Alors qu'il se raclait la gorge sèche, l'expression à la fois émerveillée et perplexe, et les sourcils légèrement froncés, son regard se promena le long des imposantes portes écarlates ornées de liserés dorés et noirs, divisant la pièce en deux, alors qu'elles avaient été à moitié coulissées pour ouvrir le passage à une seule personne. Partout, le rouge, l'or et le noir se mêlaient en une danse chromatique envoûtante.

« Je sais que tu es téméraire au point de quitter des yeux un potentiel danger, mais tout de même... », dit Jungkook de manière austère, avant d'écraser sa cigarette contre le mur de pierre.

Taehyung discerna distinctement l'infime sourire sardonique sur les lèvres du plus âgé, éclairant son regard d'une lueur sournoise.

« Peut-être que vous m'avez bel et bien drogué, au final », rétorqua Taehyung acerbe, plantant son regard glacial dans celui cynique de Jungkook avant de détourner le regard.

Une fois de plus, ses yeux furent captivés par ce qui l'entourait. Il abaissa ses yeux curieux vers le doux futon qui l'accueillait, un havre de confort dans l'incertitude de sa situation. Il fronça les sourcils tandis qu'il prenait conscience qu'il était encore revêtu de ses chaussures, toujours habillé, bien que transi de froid.

Il se demanda un instant la raison pour laquelle il avait été allongé sur un futon. Dans la logique des choses, il aurait été attaché à une chaise, ligoté, bâillonné. Pourtant, aucun de ces scénarios ne s'était matérialisé. Les lignes de son front se plissèrent lorsqu'il ne trouva aucune trace de lutte sur son corps, témoignant de sa perplexité, tandis qu'il relevait les yeux vers Jungkook, qui se contentait de le scruter de son regard profond.

« Mon Dieu, c'est invraisemblable... », grogna-t-il, ses mains se glissèrent lentement sur son visage puis se perdirent dans la douceur de ses cheveux, les ébouriffant avec une affection tourmentée.

Jungkook comprit ses pensées lorsque le plus jeune avait vérifié ses poignets et ses chevilles. Il remercia le ciel pour lui avoir épargné la nécessité d'une explication à ses gestes inhabituels et empreints de sollicitude.

Il ne voudrait certainement pas lui révéler qu'il l'avait vu grelotter dans son sommeil, alors qu'il l'avait négligemment adossé contre ce même mur, à même le sol en ophite froid. Qu'il avait assisté aux tourments de ses cauchemars et à ses larmes discrètes et indélibérées. Et qu'il l'avait finalement placé sur un futon déniché dans la salle d'hébergement d'urgence du temple, dédiée aux sans-abri que le temple accueillait la nuit, simplement pour apaiser et chasser les remords qui hantaient sa conscience et obsédaient son esprit fracturé.

Surtout, que son regard s'était égaré sur la luxueuse chemise légèrement transparente, suscitant en lui une impulsion courroucée lorsque son esprit lui avait soufflé l'idée de l'envelopper d'une épaisse couverture pour le préserver du froid. Alors, le visage crispé par la fureur contre lui-même, oscillant dans les méandres de sa tourmente, il avait renoncé à le recouvrir. J'en ai assez fait.

D'autant plus qu'il avait longuement hésité à l'attacher afin d'éviter toute fuite, avant de finir par se résigner à adoucir l'amertume d'une expérience qu'il savait causerait des cicatrices profondes à son prisonnier en rangeant les cordes – et le scotch épais, dédié à le réduire au silence – dans le coffre de sa voiture. Ce serait excessivement perturbant pour lui, il ne le mérite pas.

Mais à la place, il avait rempli un verre d'eau. Un putain de verre d'eau, maintenant ?

Il ne se comprenait pas. Il détestait Kim Taehyung. Ce sentiment était cristallisé dans chaque battement de son cœur. Il nourrissait une aversion envers lui pour son sang, sa lignée. Mais plus que tout, c'était cette ressemblance troublante avec elle qui ravivait en lui les fantômes d'un passé douloureux, de doux souvenirs qu'il aurait préféré laisser sommeiller dans les replis de son âme.

Mais les faits étaient là ; ses gestes avaient été irréfléchis, comme une réaction à la douleur qu'ils partageaient en silence : Seokjin, la trahison, les cauchemars, la fatalité. Bien qu'il n'ait jamais été un monstre, une pointe d'irritation envers lui-même l'habitait comme s'il avait cédé à une faiblesse qu'il aurait préféré ignorer.

Pourquoi mes actions dépassent-elles ma volonté ?

Serait-ce parce que son image d'enfant persiste en moi, inaltérée par les années ?

Il aurait pu chérir ce souvenir comme un précieux secret gardé au creux de son cœur, mais la douleur qu'il suscitait était trop vive. Il avait préféré le haïr.

C'était moins pénible ainsi.

Prenant conscience de la tournure de ses pensées, Jungkook se retint de pester un chapelet d'injures, profondément agacé, le regard troublé lorgnant le ténébreux.

L'incompréhension étreignait le cœur de Taehyung, perdu dans les rets de sa situation. Une aura de mystère entourait incontestablement ce blond qui le fusillait soudainement des yeux. D'abord, il le traquait pendant des semaines, puis il l'assommait. Et maintenant, le voilà qu'il l'eut allongé sur un futon et lui offrait une gorgée rafraîchissante, et le fixait comme s'il lui avait volé un bien précieux.

Mais ce qui revenait sans cesse dans sa mémoire était que ce même homme l'ayant enlevé l'avait aussi sauvé en s'interposant juste avant le moment fatidique. Par orgueil, Taehyung évitait délibérément de croiser ses yeux, refusant de lui offrir la satisfaction de percevoir la moindre lueur de gratitude qu'il n'était pas prêt à lui accorder. Il préféra continuer son observation, son cœur palpitant et ses poings serrés contre les draps qui exsudaient une douce fragrance de résine aromatique.

En levant la tête à l'opposé du blond, son regard s'épancha sur une horloge murale majestueuse qui dévoila trois heures du matin et quelques poussières. Il constata qu'il avait sombré dans un profond sommeil d'une heure.

Il prit conscience de l'effluve envoûtant de l'encens, laissant s'échapper des volutes aux parfums musqués et floraux. L'air était empreint de cette fragrance presque divine, une mélodie olfactive apaisante. Dans ce temple émanait une sérénité qu'il connaissait dans les églises, une tranquillité qui l'apaiserait presque s'il n'avait pas été accompagné par cet homme dangereux et irritant. Son esprit, pourtant en proie à une tempête intérieure, se calma légèrement. Il retrouva une quiétude satisfaisante pour ne pas sombrer dans une panique excessive et une vive indignation.

Il n'en avait de toute manière plus la force.

Ce sanctuaire lui offrait un refuge inattendu. Pourtant, l'ombre de ce Dol planait, semant en lui la crainte de ce qui allait se produire. Ses prunelles se levèrent, oscillant entre perplexité et défi, capturées par le regard de Jungkook teinté d'une lueur sombre et sournoise.

C'était bien ce même Dol qui avait, à maintes reprises, murmuré des menaces mortelles à son encontre.

« J'arrive pas à vous cerner », soupira Taehyung, sa voix portant un éraillement légèrement apaisé par l'eau.

Il maudissait le tumulte que cet homme lui avait infligé, tant au niveau de son esprit troublé que de la douleur lancinante qui irradiait toujours de sa nuque.

Jungkook leva un sourcil tandis qu'il recoiffait brièvement ses mèches blondes en arrière dans un geste gracieux.

« Pourquoi ? Je t'intrigue, jeune homme ? », fronda Jungkook en le toisant de toute sa hauteur.

Taehyung expira bruyamment par le nez, une exaspération croissante émanant de lui face à l'attitude de cet homme. Pourtant, ses prunelles furent captivées par les joyaux d'argent qui étincelaient sur lui, illuminés par les flammes dansantes. Il observa les bagues resplendissantes, le collier massif décorant son cou et les délicats bracelets qui ornaient ses poignets qui paraissaient graciles pour un homme tel que lui.

De lui émanait une aura périlleuse et mortelle, mais ses gestes, sa posture et son langage avaient une qualité hypnotique. 

Surtout son langage, d'une quintessence exemplaire et irréprochable. 

Et même son regard froid et méprisant semblait ensorcelant aux yeux de Taehyung.

Mais à quoi je pense ? Il m'a vraiment drogué !

Sortant de sa contemplation et grommelant intérieurement, Taehyung émit un souffle long et élégiaque.

« Ne prenez pas vos rêves pour la réalité. C'est plutôt moi qui vous intrigue, finit par répondre Taehyung d'un ton sarcastique, sa voix se faisant néanmoins légèrement tremblante.

— De plus en plus téméraire et effronté. Serait-ce l'encens qui t'insuffle tant de bravoure ? persifla Jungkook, les bras croisés sur sa poitrine et son regard inébranlable fixé sur son captif.

— J'ai pas peur de vous, cracha-t-il.

— Tu devrais. »

Taehyung refréna l'impulsion de se lever et le rouer de coups, puis s'enfuir, aspirant à se lover tel un bouton de rosée sur le doux lit de son manoir, son havre de paix préservé. Cependant, il garda le silence, ses poings se serrèrent, tandis que ses yeux proféraient mille et une insultes.

Cela amusa le plus âgé.

Et ça le fait rire...

Soudain, sans crier gare, une boule d'émotion émergea en Taehyung. Dans un tourbillon de mélancolie fulgurante, il pressa sa main contre sa bouche, retenant avec véhémence les larmes qui menaçaient de jaillir. Il s'accorda un instant pour apaiser sa respiration et pour ravaler ses pleurs, son corps frémissant légèrement sous le froid et le poids de sa maîtrise inébranlable.

Ses dents grincèrent, ses poings se serrèrent, tout en cherchant à retenir ce flot d'émotions qui l'assaillait. Pleurer devant ce meurtrier ? Il refusait de le gratifier d'une telle faveur. Néanmoins, les nombreuses émotions fortes qui l'avaient assailli tout au long de cette nuit s'entrelaçaient en une toile périlleuse et l'accablaient sans ménagement.

Il lui fallait cependant résister.

N'ayant pas quitté le plus jeune des yeux, Jungkook vit qu'il était prêt à laisser libre cours à ses émois. Il grimaça, ne souhaitant guère assister à une crise de larmes.

Pourtant, il était conscient que le ténébreux sache refréner ses émotions ; il ne fut guère étonné de le voir si maître de lui-même. Ce Kim demeurait ancré dans la réalité, résolument inébranlable. Il le vit réprimer ses larmes et s'emplir d'une profonde inspiration.

Une fois de plus, il constata la vigueur d'esprit qui animait ce pauvre enfant. Il se perdit en conjectures sur l'origine de cette lumière intérieure, cette force exceptionnelle à un si jeune âge.

Sa mère ? Son père ? Son vécu que je sais difficile depuis la tragédie, il y a trois ans ?

Las de la liberté effrontée avec laquelle ses pensées s'égaraient, Jungkook réprima un soupir exaspéré. Il lui accorda cependant un instant pour se ressaisir, demeurant immobile pour l'observer attentivement, patient.

Rien ne presse.

Il ne réalisa guère qu'il était impoli de le contempler si longuement, avec une telle intensité, comme s'il l'étudiait sérieusement. Jusqu'à ce qu'une voix acerbe et légèrement éraillée s'élève dans l'air, le sortant de sa rêverie et de sa contemplation indiscrète.

« Pourquoi on est là ? », questionna Taehyung, ses grands yeux scrutateurs le fixant avec une intensité à la fois farouche et féroce.

Jungkook le fixa d'un regard éteint puis, avec une grâce presque poétique, il pivota pour s'approcher d'un long meuble blanc, à quelques pas, lui arrivant à la taille, couronné par une multitude de bougies enflammées. Taehyung ne voyait pas ce qu'il faisait, sa vision étant entravée par son imposant dos drapé de sa veste en cuir noire.

Ils étaient à présent proches, à moins d'un mètre l'un de l'autre. Taehyung pouvait inhaler son parfum aux notes fraîches. Dans ce silence, il percevait distinctement le doux ruissellement d'un liquide qu'il versait. Lorsque le blond se retourna, sa main décorée encerclait un verre à pied contenant un tiers d'un élixir cristallin. De l'alcool, conclut Taehyung en toute certitude alors que l'homme se vautrait élégamment contre le meuble, dévoilant dans son dos une bouteille de vin comme un trésor bien gardé.

Taehyung fronça les sourcils.

Un Montrachet grand cru dans un temple ?

Jungkook maintint son regard mordant qui étincelait à la douce lueur des bougies. Il se permit le luxe de savourer chaque gorgée avec une lenteur saisissante, puis déposa délicatement le calice sur le meuble contre lequel il s'adossait dans une série de gestes empreints d'une nonchalance captivante que Taehyung contemplait malgré lui.

Soudain, un éternuement retentit, vibrant dans l'air calme. Un frisson traversa Taehyung et, d'un clappement agacé de la langue, il marqua son mécontentement envers le froid implacable qui le saisissait encore et encore. Ses jurons murmurés chatouillèrent discrètement l'oreille du blond à proximité qui le scrutait avec un soupçon de divertissement.

D'un mouvement vif, Taehyung se redressa, drapant son corps sous les plis du futon avec des gestes brusques et irrités. La douceur et la souplesse du tissu lui apportèrent une satisfaction profonde alors qu'il s'enveloppait, créant un cocon plus tiède autour de sa chair grelottante. Il clôt brièvement les yeux, ne pouvant réprimer le faible soupir de bien-être qui s'échappa de ses lèvres en sentant enfin un peu de chaleur.

La mine froissée, Taehyung releva les paupières, dévoilant un regard noir irradiant d'irascibilité, bien que la fatigue accumulée s'y lisait aisément.

« Bon, vous êtes témoin que j'ai passé une nuit de merde, commença-t-il brusquement d'une voix claire. Donc parlez, vous me voulez quoi ? J'ai pas toute la nuit et je veux rentrer chez moi. Je vous ai assez vu pour toute une vie », cingla Taehyung d'un ton vif et piquant.

Un bref esclaffement pourfendit l'air.

Jungkook trouvait étrangement amusante cette impétuosité qui l'animait.

Sa bravoure défie les frimas de l'audace. Ça me plaît.

« Tu n'as pas froid aux yeux.

— Ben non.

— C'est tout à fait remarquable.

— J'ai l'air d'en avoir quelque chose à foutre que vous me trouvez remarquable ?

— Tout doux, soupira-t-il, avant de porter son verre à ses lèvres pour en boire une gorgée. Ta confiance est aussi frappante que ton impertinence. »

Debout et enveloppé dans la chaleur du tissu, Taehyung posa sur lui un regard noir, la mâchoire serrée.

« J'en ai toujours rien à foutre, mais merci du compliment, grinça Taehyung.

— Tu es bien arrogant.

— C'est un art que j'ai appris à maîtriser, répondit-il aussitôt.

— Un art ou une faiblesse ? le provoqua-t-il, son verre effleurant ses lèvres.

— Pour vous, c'est sans doute difficile à distinguer, dit-il, le regard mauvais.

— Ta vanité te perdra, Kim », contra-t-il avant de boire une gorgée, les plis du coin de ses yeux légèrement plissés par l'amusement.

Il était stimulé. Hormis son cousin, peu osaient lui tenir tête avec autant d'aplomb.

« Et votre ressentiment vous rend aveugle, pesta-t-il. De toute façon, la vie est trop courte pour que je me soucie de vos jugements. »

Jungkook esquissa un sourire en coin, quasi imperceptible.

Touché.

« Tu oublies ce qui se cache sous ma veste. Un indice, peut-être ? », déclara-t-il avec gravité.

Il avait beau être diverti, il souhaitait à présent freiner l'animosité du ténébreux en lui rappelant qu'il était armé, afin de limiter l'audace de Taehyung qu'il savait légèrement pénible à contenir.

Les narines de Taehyung frémirent, signe de sa frustration couplée à un agacement croissant face à la valse mystérieuse de cet homme et de ses propos irritants. Surtout, il ressentit une vive appréhension à l'évocation de l'arme qu'il dissimulait.

Comment j'ai pu oublier qu'il se trimballe tout le temps avec un pistolet ?

Taehyung était perturbé. Il avait la nette impression d'être face à un faucon sur le point de fondre sur sa proie. Sur lui.

« Bien. Il était temps que tu te réveilles. Je n'aurais peut-être pas dû t'assommer aussi vivement. Mes excuses, jeune homme », prononça-t-il, sincère, laissant flotter une subtile pointe de malice.

Il ignora le regard consterné de Taehyung qui s'apprêtait à riposter, le coupant dans son élan en reprenant la parole.

« On est dans un temple qui appartient à mon clan. À cette heure, personne ne viendra nous déranger, si ce n'est peut-être un sans-abri, déclara-t-il avec assurance tout en reposant son verre sur le meuble après l'avoir vidé.

— Quel temple ? On est où ?

— Au sommet du mont Anson.

— Mais quoi... ? », s'étrangla-t-il après avoir lâché un hoquet de stupeur.

Toutes ses chances de fuite étaient désormais vaines. Pour accéder au mont Anson, il fallait suivre un long chemin tortueux qui zigzaguait et, de nuit, sans les phares d'une voiture, il lui serait impossible de se diriger. Il se demanda alors si quelqu'un serait capable d'entendre ses cris en cas de nécessité, songeant même s'il y avait une raison de se débattre. Malgré l'incertitude quant à sa fuite, Taehyung arqua instantanément ses sourcils, déterminé à comprendre davantage.

« Vous vous foutez de moi ? Pourquoi venir ici ?

— Pour être tranquilles. On va simplement converser, soupira-t-il, pressentant qu'il devrait longuement affronter ce Kim plein d'ardeur et de repartie. Je te concède quelques questions avant d'aborder l'essentiel. 

— Comme c'est aimable ! rugit-il. Je veux pas converser ! Ramenez-moi chez moi !

— Ne veux-tu pas de réponses ?

— Si ! cracha-t-il, de sa voix éraillée, avant de se racler la gorge qui semblait le brûler.

— Je t'écoute.

— Pourquoi je suis là ? commença-t-il d'emblée.

— Ton aide m'est indispensable. »

...Quoi ?

Taehyung ouvrit la bouche sur un silence, intrigué. Taehyung remarqua l'éclat de sérieux dansant dans son regard scrutateur qui semblait vouloir explorer son âme.

En humidifiant ses lèvres, le ténébreux ne put s'empêcher de faire un lien en songeant à son frère. À l'arme qu'il avait osé braquer sur lui. Il frémit à ce souvenir, le cœur serré. De ce qu'il avait pu discerner, Seokjin et ce blond partageaient une histoire. Une histoire empreinte de mépris ou du moins, cet homme semblait nourrir une haine profonde envers son aîné.

Subitement, il se souvint des paroles de l'assassin : « Tu étais sur le point de me priver de ma victime ».

Taehyung sentit un frisson le parcourir tandis que l'angoisse revint au galop, resserrant son étreinte autour de sa gorge. Pourtant, porté par sa bravoure que ce Dol semblait apprécier – en toute ironie –, le jeune Kim soutint son regard pesant, les poings crispés autour du doux tissu du futon et décida de profiter de l'occasion que lui offrait le blond.

Il voulait ses réponses.

« Je pensais que j'étais votre victime ? hésita-t-il, d'un ton qu'il voulut mauvais.

— Oui et non.

— Hein ?

— C'était un leurre. Mais tu n'es à l'abri de rien.

— Vous me menacez encore ? siffla-t-il. Et pourquoi "un leurre" ? demanda-t-il, noyé sous l'anxiété.

— Plus tard. »

Une réponse simple qui irrita Taehyung.

« On va pas aller bien loin si vous répondez pas », maugréa-t-il, les sourcils froncés.

Il fit deux pas et s'adossa contre le mur, resserrant le tissu contre lui. Son cœur chargé d'une mélancolie profonde se résolut à libérer des paroles qui labourèrent impitoyablement son âme. Alors, la mine fermée pour dissimuler sa détresse, il posa la question qui avait longtemps tourbillonné dans son esprit.

« Pourquoi vous l'avez empêché de me... »

Il se tut, les lèvres remuant faiblement dans le silence.

De me tuer.

Il lui était difficile d'articuler de tels mots.

« De tirer... ? », reprit-il difficilement avant de se pincer les lèvres, comme s'il craignait la réponse.

Jungkook scrutait attentivement son visage. Le regard noir du plus jeune était teinté d'une appréhension palpable, une émotion qu'il percevait parfaitement sur son visage qu'il avait voulu fermé. Toute trace d'audace avait disparu. Prendre conscience qu'un être cher avait presque mis fin à notre existence était une expérience profondément traumatisante, Jungkook le concevait et le comprenait.

« Quelle question. »

Tu ne mérites pas de mourir ainsi.

À ce moment précis, sous les yeux attentifs de Taehyung, le visage du blond subit une transformation notable. Son expression se durcit tandis qu'il croisait les bras avec une attitude défensive et son regard s'obscurcit. Dubitatif, Taehyung fronça les sourcils, resserrant le tissu autour de lui dans un geste inconscient de protection.

Car à cet instant, il craignait ses propos imminents.

« Parce que ton frère ne possède plus une once d'humanité en lui », répondit-il sombrement, déviant du vrai sujet.

Cette assertion prit le plus jeune par surprise. Il écarquilla les yeux, sa bouche s'entrouvrant dans le silence. Soudain, un bref rire nerveux lui échappa, tandis que sa gorge se nouait. Ses émotions retenues luttaient pour émerger, désirant se libérer pour exprimer sa douleur, sa colère et son épuisement mental.

Mais il les refréna, enfouissant son visage dans le creux du tissu.

Il était tiraillé entre peine et malaise, faisant naître en lui un mélange tumultueux de sensations. Il avait envie de laisser quelques larmes s'échapper ou même de hurler sa frustration, cherchant désespérément à se libérer de ce fardeau émotionnel pesant, de ces sentiments désagréables qu'il devait supporter.

Il se sentait inexorablement plonger dans un abîme de folie.

« Peut-être, mais il reste mon frère... », souffla Taehyung d'une voix étouffée.

Jungkook gardait un regard attentif sur son captif, remarquant qu'il luttait de nouveau avec ses émois. Il fut étonné de constater à quel point ils se ressemblaient, le voyant ainsi tourmenté tout en livrant bataille contre les vagues en son sein.

En Taehyung, une mosaïque de souvenirs inconfortables tourbillonnait. Il se remémorait la proximité du blond, cette étreinte étouffante qui l'avait enveloppé, le retenant contre lui comme un vulgaire animal qu'il ne fallait pas laisser s'évader. Il maudissait le fait d'avoir été touché, impuissant à s'y soustraire. Il s'était senti vulnérable, au bord d'une crise d'angoisse face à ce contact non désiré, mais le pire avait surgi devant lui, capturant toute son attention et le préservant d'une crise.

Taehyung pivota la tête, ses yeux s'accrochant au torse de plus âgé.

Avec une acuité troublante, il avait tout senti.

Tout.

La chaleur oppressante de son corps. Les échos vibrants de sa voix enragée. Sa poigne ferme et impitoyable le réduisant au silence. Le froid métallique du canon contre sa tempe. Et son souffle, ce souffle devenant plus ténu à chaque pas que Seokjin faisait vers eux. Même son cœur qui, probablement malade, avait battu avec une férocité presque dangereuse contre son dos.

Taehyung releva les yeux. Il fut sur le point de lui dire qu'il ne devait plus le toucher, mais lorsqu'il tomba aussitôt dans les prunelles agitées du blond, il se tut. Ses mots moururent au bord de ses lèvres, emportés par une révélation poignante.

« Cette facette de Jin vous effraie... », dit-il soudainement, mêlant confusion et assurance dans sa voix.

Pris au dépourvu, Jungkook lâcha un souffle dédaigneux. Ses mots se perdirent dans l'incertitude. Il ne sut que répondre à cet être à l'esprit acéré qui semblait lire en lui comme dans un livre ouvert.

« C'est un peu flou dans ma tête, mais quand Jin était proche de nous, j'ai senti votre cœur taper contre mon dos, j'ai cru qu'il n'allait jamais décélérer. J'ai pensé que vous refaites une crise, mais non. »

Un frémissement d'agacement fit vibrer les lèvres de Jungkook, prêtes à décocher une réplique cinglante. Mais avant qu'il ne puisse parler, Taehyung l'interrompit.

« Et ne me dites pas que c'est parce que vous étiez en colère, je ne vous croirais qu'à moitié parce que je vous ai senti trembler et hésiter. Vous avez resserré votre prise chaque fois que Jin me disait des atrocités, vous lui avez crié dessus. Et vous avez même dit des choses qui me préoccupent. »

Face au regard tranchant de Taehyung, les yeux de Jungkook devinrent des lames, refusant de se laisser déstabiliser. Son cœur se serra sous le poids des vérités révélées, le rendant vulnérable. Une douleur aiguë et familière le saisit. Il prit une profonde inspiration, une grimace fugitive sur ses lèvres. D'un geste déterminé, il lui tourna le dos, appuyant ses mains sur le meuble immaculé.

« Ne joue pas au psychologue improvisé », dit-il d'une voix acerbe, maîtrisant sa respiration après un bref moment de silence.

À travers ces simples mots, Taehyung sentit l'écho du trouble qu'avait semé Seokjin dans le cœur de cet assassin.

« Si vous n'avez peur de rien, soit vous êtes inconscient, soit vous n'avez plus de cœur, et je sais que c'est faux. »

Après cette nuit, je pense qu'il n'est ni l'un ni l'autre, selon ses réactions.

Jungkook lâcha un bref rire muet, les yeux clos et les sourcils froncés.

« Jin n'a pas un dixième de mon humanité, siffla-t-il, irrité.

— Oh, j'ai touché un point sensible on dirait, rétorqua-t-il, moqueur.

— Silence.

— Certainement pas, cracha Taehyung avec mépris.

— Kim. »

Sa voix demeurait neutre, mais son intonation portait en elle un avertissement subtil, que Taehyung perçut avec acuité. Il comprit qu'il marchait sur des œufs, d'autant plus qu'il l'avait entendu prendre de profondes inspirations, probablement pour éviter une crise imminente. Les exercices respiratoires qu'il avait observés chez le plus âgé lors de son appel à une ambulance derrière la boîte de nuit lui revinrent en mémoire.

Alors, par considération, il se tut un instant, respectant sa pudeur, s'immergeant dans ses réflexions tout en étant attentif au souffle du blond. Il ne pouvait s'y résoudre, prisonnier de son propre altruisme qui éclipsait parfois sa rancœur. Ce blond, objet de son aversion, avait pourtant le don de l'intriguer.

« Vous croyez qu'il aurait tiré ? », demanda Taehyung après un moment, toujours tourmenté par cette question.

À présent sûr que son cœur ne le fera pas basculer dans la tourmente, Jungkook pivota tandis qu'il croisait les bras sur sa poitrine. Il s'adossa au meuble, son visage teinté d'une légère contrariété.

« Il a commis des actes bien plus graves. Te tuer n'aurait été qu'une simple formalité », affirma-t-il, sa voix basse et mesurée contrastant avec l'intensité du regard qu'il posait sur le plus jeune.

Un frisson traversa l'échine de Taehyung, ses traits se crispèrent sous l'impact brutal de cette réponse, comme une brise glaciale qui s'engouffre dans une pièce chaleureuse. Il ne voulait pas y croire, refusant d'accepter la vérité qui se dessinait devant lui.

« Je peux pas me le figurer comme ça, Jin n'est...

— Jin est vicieux.

— Non ! s'écria-t-il, sa voix rebondissant légèrement et créant un écho dans l'acoustique du temple. Il a ses démons, comme nous tous !

— Tu es trop indulgent », soupira-t-il en décroisant ses bras.

Ses bracelets tintèrent en une mélodie discrète alors qu'il posait ses mains de chaque côté de ses hanches sur le meuble en marbre.

« Je refuse de le condamner sans essayer de comprendre... insiste-t-il.

— Cesse de nier ce que tu as vu, Kim, rétorque-t-il avec fermeté. Tu dois prendre position, même si c'est difficile. »

Nageant dans la tourmente, Taehyung choisit le silence.

« Est-il toujours le frère que tu as toujours connu ? », ajouta Jungkook, lui offrant une nouvelle perspective.

Le plus jeune se mordit l'intérieur de la joue, une onde glaciale de terreur remontant en lui au souvenir du canon de Seokjin menaçant son front.

« Non, mais il a eu de nombreuses occasions pour... voilà, souffla Taehyung, avant que ses mots se heurtent à la barrière de ses lèvres, incapable de prononcer le reste.

— Pour te tuer, oui. Jusqu'à ce que j'y mette un terme. »

Taehyung tiqua, ses épaules se voûtèrent et un nuage d'indignation voila son visage froissé.

« Pas la peine de le dire comme ça... », balbutia-t-il, son sang s'étant glacé dans ses veines.

Un silence s'installa, aussi délicat qu'une plume en chute libre. Jungkook le scrutait, le plus jeune captif de ses pensées, revivant sûrement la nuit écoulée.

« Mais il a choisi de s'en aller, vous avez bien vu, renchérit Taehyung en relevant des prunelles torturées vers lui.

— Après s'être assuré que tu partiras bel et bien avec moi », souffla Jungkook, en pleine réflexion, les sourcils froncés, ses sourcils légèrement froncés alors qu'il se remémorait les actions quelque peu singulières de l'aîné Kim.

Le regard de Taehyung s'assombrit alors qu'il le sondait, un sourire mauvais aux lèvres.

« Vous dites ça comme si j'ai eu le choix de vous suivre et que vous m'avez parlé de manière civilis... », cracha-t-il avant de s'interrompre.

Il se souvint aussitôt des paroles de son frère : « Tu t'endurciras avec lui ». Ce fut également à ce moment-là qu'il avait senti que les émois du blond s'étaient intensifiés dans son dos et autour de lui. Son cœur s'était affolé. Son étreinte s'était resserrée. Sa voix avait été chargée de courroux, vibrante de nombreuses souffrances. Puis, les propos étranges qu'il avait délivrés.

Il a même parlé d'un espoir qu'il n'avait plus envers Jin. Ils se sont donc connus par le passé.

« Vous l'avez provoqué comme si... »

Ses yeux se perdirent dans le vague, noyé dans les méandres de ses pensées tumultueuses, tandis que la voix rauque de l'assassin résonnait encore dans son esprit :

« Ne ressens-tu aucune once de colère en le voyant lutter pour sa vie, Jin ? »

« Veux-tu vraiment voir sa tête rouler au sol ? »

Taehyung releva des yeux perdus.

« Comme si vous vouliez voir sa réaction à l'idée de me voir... mort ? », suggéra Taehyung avec un certain effroi.

Jungkook le scruta attentivement. Il reconnaissait en lui une perspicacité qui dénichait les réponses là où d'autres s'égareraient.

« Et quelle fut sa réponse ? », tonna-t-il d'une voix claire, le ton péremptoire, l'expression figée dans un sérieux déconcertant.

Longeant le mur à pas quelques pas feutrés en arrière, surpris par son ton, Taehyung s'arrêta soudain, son visage marqué par une ombre d'accablement. Les mots cinglants de son frère résonnaient en écho dans son esprit : « Pourquoi je te répondrais si tu le sais déjà ? »

Taehyung secoua la tête avec une vigueur presque désespérée, tandis qu'un mal de tête s'insinuait sournoisement, en plus de la douleur vacante sur sa nuque.

« Quelque chose tourne pas rond, dans cette histoire, murmura-t-il d'une voix étranglée, bouleversé, à mesure qu'il se remémorait la nuit cauchemardesque.

— Et donc ? »

Dans l'air, une tension vibrante frémissait, où chaque mot semblait lourd comme un fardeau insoutenable.

« Je sais pas. Sa réponse était trop vague, c'était ni un oui ni un non, répondit-il, perdu dans ses pensées, cherchant les mots justes pour décrire ce qu'il avait vu.

— Développe. »

Taehyung émit un clappement irrité de la langue.

« Un "s'il te plaît" vous écorcherait la bouche ? Je suis pas votre chien.

— Excuse-moi... ça me brûlerait vif, ironisa-t-il. Continue, ajouta-t-il, la mine fermée.

— Arrêtez avec vos ordres, putain... ! protesta-t-il, le cœur compressé par l'agacement. Vous pouvez vous brosser pour avoir mes réflexions. »

Sa voix bascula légèrement au dernier mot, son visage se dérobant à la vue de Jungkook. Ce dernier arqua un sourcil, observant ses poings crispés sur le tissu, la tension qui s'étira dans les muscles de sa mâchoire, ses yeux errants perdus entre ciel et terre. Un poids invisible accablait son captif, un frisson le traversa, indépendant du froid ambiant, bien que chaudement emmitouflé.

Las, Jungkook soupira discrètement. Presque aussi légers qu'une plume, ses pas tintant contre l'ophite le menèrent vers Taehyung, tandis qu'il enfouissait ses mains dans ses poches. Le ténébreux tressaillit imperceptiblement, refrénant l'impulsion de longer à nouveau le mur, le cœur galopant dans sa poitrine. Il planta son regard acéré dans celui impassible du plus âgé.

Bien que Taehyung affichât un visage froissé, il fut rassuré de le voir se stopper à moins d'un mètre, constatant avec soulagement que ses mains décorées étaient dissimulées dans ses poches.

« Suite aux événements de cette nuit, il me semble qu'il possède une certaine omniscience dans ses actions », exprima Jungkook d'une voix naturellement caverneuse et adoucie, sans même qu'il la contrôle.

Un éclair de vérité zébra l'obscurité des traits du plus jeune. Son expression farouche s'évapora, remplacée par une mine plus concentrée, tandis que son cœur se déchirait à l'évocation de la facette malfaisante de son frère.

« Comme s'il tirait des ficelles au-delà de ce que vous vous êtes imaginé ? », souffla-t-il, heurté et désabusé.

Le visage de Jungkook fut marqué par la surprise, mais sans éclat. Il était une fois de plus forcé de constater la vivacité d'esprit et la maîtrise émotionnelle du plus jeune.

Jungkook se perdit en conjectures.

Le fait qu'il ait été éduqué par Eun-Ae influence-t-il véritablement son caractère ?

« Vous voulez ma photo ? Je vous ai parlé, oh ! », grommela-t-il, renfrogné et mal à l'aise face au regard intense et scrutateur du plus âgé.

Émergeant de sa torpeur, Jungkook plissa les yeux, un éclat d'avertissement y dansant, signifiant à Taehyung de mesurer ses propos. Son regard vibrait d'une intensité qui semblait vouloir sonder les profondeurs de Taehyung.

Ce dernier s'empêcha de déglutir, le battement précipité de son cœur trahissant sa nervosité et la proximité de Jungkook ne lui permettait pas de décélérer. À chaque geste du plus âgé, il craignait de se retrouver à nouveau prisonnier de sa poigne implacable, comme pris dans les anneaux d'un boa prêt à l'étouffer et le broyer.

Il refusait de revivre cette sensation.

Et qu'il le touche.

« Au vu des renseignements que j'ai pu rassembler à son sujet, finit-il par répondre. Et crois-moi, Kim, il est devenu le pire cauchemar pour bon nombre de personnes. »

Ignorant la manière dont son sang s'était glacé dans ses veines, Taehyung inspira profondément, désirant alléger le poids qui l'accablait sans répit.

« Le vôtre aussi ? », demanda-t-il d'une petite voix, soudainement intimidé.

Il se sentait honteux, comme s'il portait le poids des fautes présumées de Seokjin, comme si le destin lui-même le jugeait coupable de ce que ce blond avait dû endurer.

« Oui. »

Taehyung clôt momentanément les paupières, l'expression abattue.

« Qu'est-ce qu'il vous a fait... ? », chuchota-t-il en plongeant courageusement dans ses prunelles sombres de l'âme brisée de son vis-à-vis.

Il regretta aussitôt sa question dès l'instant où la voix caverneuse du plus âgé se glissa dans ses oreilles, y déposant son venin, son timbre s'étant fait plus tranchant que jamais.

Chargé de haine.

« Je vais te répondre de façon plus nuancée. Connais-tu les prisons qui n'enferment à perpétuité que les gens de la pire espèce ? Ces lieux les isolent complètement du monde extérieur, leur déniant même le droit de contempler la lumière du jour. Ils sont contraints de demeurer debout durant seize heures quotidiennes, et leur alimentation se résume à du pain et à de la soupe. »

Bien que perdu dans les rets de sa colère, Jungkook put distinguer un éclair de choc dans les prunelles du plus jeune.

Dans le tourbillon de ses émotions tumultueuses, il s'était senti pris au piège de son courroux et de l'injustice qui teintaient son existence. Un remords le rongeait d'avoir projeté son venin sur un innocent. Il éprouva une culpabilité à l'accabler ainsi, alors qu'il avait pourtant choisi de ne jamais lui dévoiler toute la vérité sur ce que Seokjin avait permis qu'il endure.

Il se sentait mal, maintenant qu'il était face au dernier des Kim, sachant ce qu'il lui réservait.

Il se sentit dangereusement vaciller, emporté par des forces qui le dépassaient. Son cœur portait les stigmates de meurtrissures, son esprit accablé, son âme noircie tiraillée par un désir ardent de se libérer.

Mais il était conscient d'être éternellement enchaîné à sa douleur.

Je dois m'arrêter là, il ne mérite pas ç...

« Continue. »

Il se plia à son désir avec une docilité presque mécanique, semblable à un automate façonné pour n'obéir qu'à sesordres. Il affronta stoïquement le regard embué et écarquillé de Taehyung.

« À chacun de leurs déplacements, ils ont la tête penchée vers le sol, marchant le dos courbé, les mains menottées derrière le dos et les yeux bandés. Ils sont désorientés et n'ont plus de repères. Ils perdent leur identité. C'est ce traitement que mériterait ton frère. Jin n'est rien de tout ça, mais je pense que sa détention avec des cannibales, des terroristes, des psychopathes ou des pédophiles est bien trop clémente comparée aux fissures irréparables qu'il a permis qu'on m'inflige. »

Le souffle de Jungkook était court, ses yeux légèrement agités trahissant son regret. Dès que sa tirade s'acheva, il se maudit silencieusement.

Taehyung aurait préféré ne jamais avoir eu à poser sa question. Les regrets l'envahirent, amers comme un vin trop vieux. La gorge nouée, les sanglots au seuil de ses lèvres, il détourna vivement le regard. Le teint blême et le souffle à peine rapide, il se massa doucement le visage d'une main légèrement tremblante.

Bien qu'il eût saisi, à travers les paroles de Jungkook, que Seokjin n'était en rien un individu des plus néfastes dans cette catégorie, il était bouleversé. Ces images troublantes s'étaient insidieusement glissées dans son esprit, faisant naître l'idée que, pour Jungkook, son frère pouvait être classé parmi les pires de la société.

Il était profondément affecté par la douleur grandissante dans les yeux du blond à mesure qu'il lui exposait ces récits bouleversants.

Accepter cela reviendrait à admettre que Seokjin était véritablement l'auteur de la tourmente de cet homme éploré.

Pourquoi cette haine le consume autant envers Jin ? Qu'est-ce qu'il lui a vraiment fait ?

Dans un théâtre de silence, seuls leurs souffles troublaient la quiétude. Jungkook baissa la tête, fermant ses paupières comme pour emprisonner un secret. Ses lèvres pincées trahissaient sa peine, regrettant d'avoir cédé à ses émotions.

« Vous n'aviez pas besoin d'être aussi trash... », souffla-t-il d'une voix légèrement tremblotante avant de renifler discrètement.

Jungkook redressa prestement la tête, haïssant la contraction de son cœur lorsqu'il surprit Taehyung à essuyer ses joues.

Je suis monstrueux.

« Je ne suis pas là pour te ménager, déclara-t-il avec une élégance feutrée, tout en maîtrisant son émotion.

— Au moins, faites semblant de compatir après avoir déversé votre venin, non ? », murmura Taehyung d'une voix éteinte, tandis qu'il relevait la tête, croisant son regard froid.

Et troublé.

« Pourquoi je devrais feindre quoi que ce soit pour toi ? », rétorqua Jungkook, narquois.

Dans le rictus de Jungkook, Taehyung vit une ombre qui l'effraya, le laissant sans mots, bouleversé. Trop vulnérable pour riposter, trop affaibli pour encaisser, puis se battre comme l'homme combatif qu'il était.

Le sourire de Jungkook s'évanouit doucement, remplacé par le grincement de ses dents serrées.

« Je t'ai pourtant veillé à te ménager, Kim », contra-t-il, déstabilisé par la détresse qui transparaît dans ses yeux.

Si je m'aventurais à te dévoiler même une fraction de ce que j'ai traversé, de ce que ton père et ton frère ont involontairement causé dans ma vie, comment tu réagirais ?

En silence, Taehyung garda la tête baissée. Avançant à pas mesurés, il se dirigea vers le meuble immaculé, faisant fi de la présence du blond à ses côtés. Leurs parfums se mêlaient délicatement dans l'air. Il étendit le bras pour saisir un des verres à offrandes soigneusement alignés sur le meuble.

Jungkook observait son visage, cherchant en lui les marques distinctives de ce qui faisait de lui un Kim.

Cette ombre furtive. Cette folie meurtrière sous-jacente. Cet écho lugubre prêt à surgir dans les recoins sombres de son âme.

Révélant sa vraie nature.

Il l'observa attentivement saisir avec vivacité la bouteille de Montrachet, en verser un généreux fond et boire sans hésitation. Il ne s'attarda pas à apprécier ce vin jeune, riche et onctueux. D'un geste chargé de fureur, Taehyung lança le verre contre le mur avec force. Le bruit du verre brisé résonna puissamment dans le silence sacré du temple. Dans son geste, le tissu qui l'enveloppait retomba doucement au sol, créant un léger froissement.

Jungkook demeurait silencieux, son visage sérieux, fermé et attentif. Était-ce le prélude à cette noirceur ? Pourtant, il se voyait en lui. Il le comprenait.

Taehyung ressentait une ardeur dévorante, ses émotions brûlaient avec une intensité si débordante qu'il peinait à les contenir avec son habituelle résilience. Il se trouvait alors submergé, dans un état de vulnérabilité insoupçonné.

Il éprouva le besoin impérieux de prendre une bouffée d'air frais. Se dirigeant vers la vaste fenêtre entrebâillée, il fut arrêté net après seulement quelques pas par un vertige saisissant qui exacerbait sa légère céphalée.

Parallèlement, une voix grondante s'éleva dans l'air.

« Reste ici. »

Jungkook s'écarta du meuble, avançant d'une démarche décidée pour le devancer. Il se tint face à lui, le regard acéré, une main discrète posée sur le pistolet dissimulé dans son dos, intimidant.

À la fois irrité et troublé par son regard pénétrant, Taehyung recula in extremis, manquant de trébucher sur le futon. Le bas de son dos heurta le meuble, le figeant dans une pose digne d'une sculpture de marbre, ses mains crispées contre le solide support. Ainsi immobilisé face au blond qui l'avait suivi et qui le dominait de toute sa stature, Taehyung se retint de manifester sa frustration, mêlée à sa peine et à sa crainte.

Aveuglé par le tumulte de ses émotions, il avait momentanément oublié la terreur que cet homme pouvait insuffler.

« C'est bon... cracha-t-il, ses épaules tendues sous la tension. Je voulais juste prendre l'air ! vous ne comprenez pas ce concept élémentaire ?

— Pas tant que je t'y autorise, dit-il, nonchalamment en observant l'horloge murale.

— Vous n'avez rien à m'autoriser, siffla-t-il, ses yeux envoyant presque des éclairs.

— Je suis celui qui décide, ici. Donc tu vas m'écouter. C'est clair ?

— Allez vous faire foutre », cingla Taehyung de sa voix éraillée, empreinte de légers trémolos témoins de son bouleversement intense.

Une colère embrasa Jungkook, éclairant ses yeux d'un éclat féroce. Ses mots, prêts à jaillir comme des flèches acérées... 

« Non. »

...Se figèrent soudainement dans le silence de sa conscience fracturée.

Les yeux de Jungkook brillaient d'une agitation troublante. Il prit une profonde inspiration, reculant de deux pas. Ce geste permit à Taehyung de redresser son buste, que la proximité du blond avait légèrement courbé en arrière.

« Bon, on a fini ? souffla Taehyung, le visage marqué par une fatigue extrême, son ton trahissant son agacement.

— Non. Tu n'as plus de questions ?

— Si, grommela-t-il.

— Je t'écoute. »

Tout se bousculait dans la tête du plus jeune. Il repensait encore au comportement de son frère. Il y avait mis des termes, plus tôt. C'était la réalisation la plus redoutable pour son âme, celle qui creusait son cœur et le remplissait de terreur.

Il prit conscience de tout ce qui s'était déroulé cette nuit.

Taehyung fut submergé par les souvenirs de l'attitude préoccupante de son frère. Une douleur lancinante étreignit son cœur. Sa peine était profonde, et il se doutait qu'elle ne s'effacerait pas aisément, peut-être même jamais.

Il posa sa main sur son cœur, cherchant à apaiser cette brûlure qui l'assaillait, ses lèvres frémissant. Ses yeux se voilèrent d'une nuance de brume légère, mais il demeura résolument fort.

En une danse silencieuse de l'âme, Jungkook perçut aisément les méandres des pensées du jeune Kim. Il réprima tant bien que mal toute compassion envers son captif. Il ne pouvait nullement se le permettre ou son dessein se fragiliserait, s'effritant tel un château de sable face aux vagues implacables.

Cependant, la vision de cet enfant infortuné se tenant sa poitrine avec une détresse dérangeante fit renaître en Jungkook les fantômes du passé, le ramenant quelques années en arrière à tel point qu'il comprit l'ampleur de sa souffrance. La même mélodie sombre, la même symphonie d'agonie résonnait en lui. La fatalité, l'impuissance, la colère.

Comme pour chasser une illusion, Jungkook secoua sa tête, le souffle légèrement court.

« Merde... », murmura-t-il dans un grognement frustré contre sa propre personne.

De nouveau, une irritation s'empara de lui tel un son discordant. Une irritation nourrie par la rébellion de son cœur qui s'autorisait des émotions qu'il aurait préféré ne pas ressentir. De nouveau, son organe se serra, puis s'emballa, comme un cheval sauvage au galop. Un souffle court s'échappa de ses lèvres, attirant l'attention de Taehyung qui leva un regard curieux. Jungkook se massa doucement le visage, cherchant à retrouver son souffle.

Puis, par sécurité, en lui, il pris le relais.

Guidé par une autre volonté, il se hâta vers Taehyung qui recula son buste. Son corps se figea, tel un animal pris au piège et seule sa poitrine s'inclina en arrière, retenue par ses bras appuyés sur le meuble. Fixant intensément les yeux du blond, Taehyung fut stupéfait en le voyant se pencher vivement devant lui, le visage fermé, la mâchoire serrée.

Non...

Avec horreur, il ressentit sa poigne implacable attraper son col en l'attirant brusquement à lui. Le cœur de Taehyung s'emballa en un battement frénétique, ses yeux s'élargirent d'effroi tandis que ses mains s'enchevêtrèrent autour du poignet de son ravisseur, cherchant avec détermination à briser ce lien de marbre. Il avait perdu la force d'entreprendre le moindre geste, figé par le regard fulminant de l'homme aux cheveux d'or.

Cet homme qui, aux yeux de Taehyung, s'était soudainement mué en une présence à la fois oppressante et alarmante.

Il se tenait là, à une proximité presque étouffante, lui rappelant la nuit tragique où il avait été témoin du meurtre de son voisin. Allait-il donc réitérer ses menaces ? Ils étaient isolés, perdus dans l'immensité du mont Anson, et Taehyung, habité par la peur, se retrouvait impuissant.

Condamné à endurer sa présence léonine et pensante.

« Bon, tu la poses ta question ? cracha-t-il d'une voix tranchante.

— Arrêtez de me toucher, je supporte pas ça... ! », gronda faiblement le plus jeune, semblant lui demander de mettre fin à sa manie d'asseoir une emprise sur lui.

Les armes de Taehyung s'abaissaient lentement, nuisiblement. Son souffle tremblant caressa le visage du blond qui esquissa un rictus sombre et inquiétant. L'angoisse l'envahit, Taehyung déglutit difficilement lorsque son bourreau se rapprocha davantage, son souffle se mêlant à sa peau.

« Moi, je suis pas patient », lui murmura-t-il les lèvres effleurant le pavillon de son oreille.

Il avait feint de ne pas entendre sa supplication de ne pas le toucher.

Il fit une pause, s'immergeant dans la sensation du frisson qui traversa le jeune Kim dont le souffle se suspendit dans un frémissement délicat. Ses yeux perçants captèrent l'apparition de frissons à l'orée du cou de son captif.

Un léger ricanement, froid et mauvais, s'échappa de ses lèvres.

Il trouvait une certaine joie à semer la peur chez ce petit dernier.

« Il va falloir y remédier, tu ne penses pas ? », poursuivit-il d'une voix plus basse vibrant contre l'oreille du ténébreux.

Taehyung frémit au moindre souffle qui caressait sa peau. Une anxiété grandissante l'envahit, retenant de toutes ses forces les insultes prêtes à jaillir de ses lèvres. Il n'avait d'autre choix que d'attendre que l'assassin daigne s'éloigner, lui permettant enfin de respirer librement même si son aura imposante persistait à l'écraser comme une vulgaire fourmi.

Il ne pouvait même pas lui hurler de ne pas le toucher, tant sa présence s'était soudainement alourdie, devenant nettement plus menaçante, agressive. Intimidante. Ses yeux étaient devenus plus froids. Aussi froids que leur première rencontre à la faculté. Aussi froids que cette nuit dans la ruelle, lorsqu'il avait assassiné son voisin.

Bien qu'immergé dans sa panique, Taehyung ne put s'empêcher de froncer les sourcils en le scrutant attentivement.

Ce type a complètement changé du tout au tout.

Avec agressivité, il le libéra finalement de son emprise, se redressant avec une vivacité troublante, les yeux toujours fixés sur lui. Submergé par une frayeur incontrôlable, Taehyung se fit violence pour ne pas prendre les jambes à son cou et se cacher dans un coin du temple.

Il se haïssait de demeurer ainsi immobile, enveloppé d'une fébrilité palpable. Une jambe tressautait de nervosité, tandis qu'il demeurait appuyé contre le meuble. Il baissa le regard, n'osant plus croiser le regard glacial et différent du plus âgé, prenant le temps de rassembler ses pensées et de réguler sa respiration erratique. Il scruta ses paumes qui trahissaient de légers tremblements à chaque souffle.

Les prunelles du blond se posèrent également sur les mains tremblantes du ténébreux.

Quelque chose en lui s'agita, comme une secousse sous l'effet d'une émotion étrange, mais intense.

« On a dit qu'on l'accablait pas, non ? »

« Rentre, il gérait très bien. »

Un frisson de contrariété le traversa tandis qu'il ressentit sa conscience commuter à son détriment. Il ferma les yeux, disparaissant derrière le rideau de ses paupières.

Soudain, Jungkook ouvrit les yeux sur son environnement avec une expression irritée. Ses yeux se posèrent ensuite sur Taehyung qui observait ses mains avec une curiosité étrange, et il le perçut comme étant pris de panique, le souffle court.

Il resta un instant immobile, les yeux légèrement inquiets, fixant son prisonnier.

Qu'est-ce que j'ai fait ?

Puis, furieux contre les réponses, il s'approcha de Taehyung, une main pressée contre son front. Ses pas résonnaient, vifs et hâtifs, comme s'ils cherchaient à fuir le tumulte intérieur.

Taehyung sursauta en hoquetant, levant aussitôt des yeux ronds. Il n'eut guère le temps de comprendre que Jungkook réduisait leur proximité, qu'il le vit déjà s'immobiliser à ses côtés devant le meuble où trônaient la bouteille et le verre. Sous le regard farouche d'un Taehyung paralysé par la crainte, Jungkook appuya ses mains sur le marbre, la tête baissée, les yeux mi-clos partiellement cachés par ses mèches blondes et les sourcils froncés.

« Ça vous amuse de vous jouer de moi ? souffla Taehyung d'une voix feutrée. Vous me haïssez à ce point pour vous languir de ma peur ? Le fait est que je vous connais même pas. Je vous ai jamais vu. Je vous ai donc fait aucun mal », énuméra-t-il, haussant légèrement la voix, le timbre tremblant résonnant faiblement en écho contre les murs acoustiques du temple.

Ses muscles étaient crispés, tendus comme des cordes de violon, prêt à bondir loin, au moindre signe du plus âgé lui indiquant une nouvelle tentative de contact.

Lentement, Jungkook tourna la tête, plongeant ses yeux étonnés et mesurés dans le regard soudainement perplexe de Taehyung.

Ce n'était pas moi, à l'instant.

Taehyung était déconcerté par l'éclat de nouveau différent qui scintillait dans les perles sombres et complexes de cet homme. Alors qu'il n'y avait discerné que froideur et animosité il y a quelques minutes, à présent, elles ne reflétaient que regrets et épuisement.

« Vous êtes trop... », murmura-t-il, hésitant à finir sa phrase, incertain de vouloir que le blond l'entende, tant il le voyait mesurément accablé.

Déconcertant. Versatile. Peut-être lunatique ?

« Qui êtes-vous... ? demanda Taehyung, sa voix trahissant un désespoir qu'il n'avait pas souhaité exprimer.

— Il semble que tu n'aies donc aucun souvenir de moi », fit remarquer Jungkook, son regard toujours aussi fixe.

Taehyung arqua un sourcil, la moue perplexe.

Je suis censé le connaître ?

« Je devrais ? C'est Jin que vous avez connu, non ?

— Toi aussi.

— Ah. Eh bien vous n'étiez peut-être pas aussi important pour moi pour que je me rappelle de vous, dit-il avec une pointe de mépris, cherchant à exprimer sa colère contenue contre son précédent comportement soudain et agressif — et étrange.

— Il se pourrait bien, oui... »

Le ton doux de cet homme surprit Taehyung autant que son regard lointain qui fixait, sans vraiment le voir, le bas de son visage. Il regretta aussitôt ses propos fielleux, son cœur se compressant face à ce qui brillait dans les yeux à présent ternes et éteints de cet homme trop complexe, trop mystérieux. Trop torturé.

Il était étrange de le voir si accablé, tout en conservant une posture aussi noble.

« Qui a été Jin, pour vous ? Il vous a appelé "gamin", tout à l'heure, et je vous cache pas que je suis encore choqué.

— Plus tard, murmura-t-il en relevant des yeux vides vers les siens.

— Vous étiez amis ? », insista-t-il en croisant les bras sur sa poitrine, poussant sa joue avec sa langue, sentant l'agacement poindre.

Jungkook choisit de demeurer silencieux, ajoutant une pointe d'irritation à l'agacement de Taehyung.

« Non, mais si vous répondez pas, on va pas aller bien loin, soupira-t-il. C'est quoi votre nom de famille ? Pourquoi je me souviens pas de vous ?

— Kim », gronda-t-il, relevant vivement des yeux empreints d'avertissement.

Taehyung tressaillit imperceptiblement en fronçant les sourcils, contrarié d'être à nouveau réprimandé. Il s'apprêtait à lancer des mots tranchants, mais se tut immédiatement en voyant le regard du blond s'égarer une fois de plus dans l'abîme du vide, accablé par un épuisement mental, comme si son esprit avait été lentement érodé par le temps.

Comme s'il avait dépassé ses propres limites.

Un clappement de langue résonna, traduisant la contrariété de Taehyung.

« Vous êtes vraiment mystérieux, tout est compliqué avec vous. Vous me donnez mal à la tête et vous m'énervez ! s'exclama Taehyung, exaspéré. Vous m'avez bien dit que je pouvais vous interroger, non ? Eh bien, répondez-moi ! »

Il entendit un crissement de dents, cependant Taehyung était déterminé, poussé par son insatiable quête de réponses, ayant retrouvé sa hargne habituelle.

Hargne tout de même fragilisée, prête à se rompre à la moindre occasion.

« Est-ce que je suis indirectement responsable d'un quelconque mal qui vous a touché ? », poursuivit-il avec un ton moins hargneux, plutôt préoccupé.

Il aspirait profondément à saisir le sens des choses et il commençait à ne plus supporter de voir le plus âgé se réfugier dans ce silence chargé de secrets oppressants

« Vous faites tout pour m'effrayer, vous êtes vicieux, poursuivit-il, le ton plus acerbe, sa voix fléchissant dans des trémolos fébriles. Je ne sais pas ce que vous préparez, mais ne pensez pas pouvoir m'utiliser pour vous venger de Jin ou pour vos propres intérêts. Je refuse de mourir à cause de votre égoïsme. Je me laisserai pas faire. »

Jungkook tressaillit imperceptiblement, puis se redressa avec lenteur, ses mains abandonnant le froid du marbre. Il s'adossa contre le meuble pour se perdre dans le regard déterminé et désespéré du plus jeune, également adossé le long de la longue commode, à quelques pas plus loin. Il restait perplexe quant à la raison pour laquelle il n'appréciait guère les paroles du ténébreux.

Je ne mettrai jamais ta vie en péril.

Pourtant, tout ce que Taehyung avait fait, c'était exposer une vérité ; Jungkook le terrifiait volontairement et, dans son monde, il était célèbre pour son absence totale de clémence et de compassion envers ses contrats, des coupables infâmes.

Certes, en lui, résidait incontestablement une part sombre, vicieuse, une essence porteuse de mort. Mais ces termes énoncés par un innocent ne l'enchantèrent guère.

Oui, c'était cela. Il faisait face à un innocent. Et Jungkook avait rarement rencontré un Kim aussi honorable et intègre, dépourvu de tout reproche. Il n'était plus capable d'éprouver de la colère, du dégoût ou de la haine envers ce jeune qui n'avait commis aucun crime.

Du moins, pas encore.

Il ne le percevait même plus comme une menace. Il ne lui était plus possible d'agir comme d'habitude, en tant qu'assassin renommé pour son animosité, sans que son âme soit agitée de remords chaque fois que son regard se plongeait dans les grands yeux éloquents de ce pauvre enfant.

Mais quelle serait la meilleure façon pour lui de procéder ? Devrait-il adopter une attitude plus conciliante, ou bien devrait-il persévérer dans sa stratégie d'intimidation pour que Taehyung accepte son offre ?

Et pourquoi diable se laissait-il tourmenter par tant d'interrogations ?

Pourquoi se comportait-il comme s'il accordait de l'importance à ce Kim ?

Une colère familière s'empara de lui. Il se retint avec une détermination farouche de saisir la bouteille de vin et de la projeter contre le mur, espérant que le son du verre brisé apaiserait quelque peu ses émotions contradictoires. Il en avait assez de cette nouvelle agitation qu'il ne savait guère comment apprivoiser, car, plus il côtoyait le plus jeune, plus sa perception envers lui changeait.

Son cœur se confondait, incertain.

Son âme s'entortillait, perdue.

Son monde s'entremêlait, agité.

Et son plan quasiment parfait risquait de doubler ses failles.

Si le doute s'en mêlait, nombreux seront ses échecs. Cependant, son captif était le frère de son plus redoutable adversaire. Il était celui qu'il venait tout juste de prendre en otage pour parvenir à ses fins.

Je ne peux plus reculer, si ?

« Non, on veut nos réponses et notre paix. »

Mais Taehyung suscitait en lui une curiosité singulière, sa personnalité forte le prenait constamment au dépourvu. Ses grands yeux étaient dotés d'une expressivité saisissante, d'une vertu captivante. Ils exprimaient une innocence bien différente, une innocence sincère, tempérée par la pénibilité de sa vie difficile que Jungkook avait découverte dans ses investigations.

Il s'était préparé à avoir affaire à un Kim dans toute sa vile splendeur, dans toute sa noirceur, s'attendant à devoir le redresser en le confrontant constamment à la peur. Il avait imaginé qu'il lui serait aisé de rendre son existence pénible, tant son aversion pour lui était forte, tant il s'était convaincu de le haïr.

Pour ne plus souffrir.

Pourtant, le voilà complètement désarçonné en découvrant que Taehyung n'était qu'un descendant victime de son propre clan sans même qu'il en soit conscient, préservé par sa propre famille. Préservé de leur monde, de cette dynastie aux allures royales, nobles, mais juchée de sang, de crimes, d'infamie.

Et cela fit toute la différence grâce aux confidences de Jimin, cette révélation bouleversante ayant fait écho en lui, plus tôt dans la nuit.

Taehyung était différent.

Il était tout simplement intrigant, véridique, altruiste, un roc au cœur aimant et solide, mais esseulé. Il n'oublierait jamais que celui qu'il était censé haïr, lui avait offert son aide désintéressée en contactant les urgences alors qu'il était en détresse respiratoire.

Lui-même n'aurait pas agi ainsi, si les rôles avaient été inversés. Il aurait été tenté de le laisser suffoquer, simplement pour satisfaire son venin haineux.

Jungkook s'humidifia les lèvres, puis lâcha un soupir ténu. Il se retrouvait dans une situation qui lui échappait complètement, une source d'irritation grandissante. Pourquoi ne pouvait-il donc pas réduire au silence ses pensées intempestives ?

Il éprouvait cette désagréable sensation de n'avoir que peu de prise sur les événements.

Soudain, Jungkook se détacha du meuble et pivota avec une expression impassible sur son visage, à quelques pas devant Taehyung qui se crispa aussitôt.

« Je te soumets un deal », dit-il en plongeant ses mains dans les poches de sa veste, dissimulant ses poings serrés.

Je ne dois pas reculer.

Taehyung ne put s'empêcher de lâcher un « Hein ? », mêlant satisfaction et confusion à l'idée d'enfin aborder le cœur du sujet.

« Ta vie repose sur ce marché », le prévint-il en serrant la mâchoire, se forçant à maintenir un regard ferme sur Taehyung.

Taehyung qui le contemplait avec l'étonnement d'un homme découvrant une seconde tête sur son épaule.

Il avait donc une porte de sortie même si ce type lui proposait de négocier sa propre vie ? Une frustration latente envahit le ténébreux, ses mains se crispèrent et sa mâchoire se contracta. Il ressentit comme une impasse, une emprise à laquelle il était contraint de céder.

Bien que le ton adopté par Jungkook puisse sembler impassible, Taehyung perçut presque des relents de colère émaner de lui. Ses sourcils se froncèrent en réponse à cette expression impénétrable au regard déchaîné. Il se voûta presque imperceptiblement, croisant ses bras sur son buste dans un geste protecteur, instinctif et mécanique.

« Vous croyez vraiment que vous m'impressionnez ? mentit Taehyung, sa fierté blessée masquant sa peur. Je ne suis pas du genre à me laisser intimider, vous le savez très bien !

— Sans moi, tu ne détiendras jamais l'intégralité des pièces du puzzle, affirma Jungkook avec un air de nonchalance feinte.

— Et alors ! Je suis pas un pion dans votre petit jeu de vengeance ! Est-ce que ça vaut le coup au moins ? », s'emporta-t-il.

Jungkook s'apprêtait à dévoiler les mots qui brûlaient dans son cœur, mais ils s'évanouirent sur le seuil de ses lèvres.

Tu es mon pion, mais je ne suis pas ton épée de Damoclès. Plutôt ton bouclier malgré moi.

« Je répète : ta vie en dépend », dévia Jungkook, le ton placide.

Taehyung refréna un cri de frustration, sa gorge et sa poitrine s'embrasèrent d'une sensation de picotement, témoignant de la profonde fureur qui l'envahissait en silence.

« Vous vous rendez compte que vous jouez avec ma vie comme si j'étais votre marionnette ? cracha-t-il avec dégoût. Plutôt crever que passer un marché avec un type aussi détestable que vous. »

Le cœur de Jungkook vacilla, troublé, bien que la réalité de ces mots demeurât indéniable.

Tu ne m'apprends rien.

Il regarda l'horloge murale, puis se frotta lentement la joue. S'appuyant à nouveau contre le meuble à côté de Taehyung, leur proximité si intime qu'ils pouvaient presque sentir le parfum de l'autre, Jungkook baissa légèrement la tête vers ses mains, faisant distraitement tournoyer une bague autour de son doigt.

« Ton opinion à mon égard ne troublera pas mes nuits, dit Jungkook d'un ton assuré, feignant l'indifférence.

— C'est sûr, avec tout le venin que vous dégagez, vous devez être immunisé contre tout, même la culpabilité, répliqua Taehyung, son regard accusateur fixé sur lui.

— Je n'ai nullement besoin de m'expliquer à quelqu'un qui, je le crains, ne saisirait même pas mes raisons, rétorqua Jungkook avec un sourire faux en coin.

— Ah, c'est vrai, pourquoi se justifier quand on est si doué pour jouer les victimes, hein ? cracha Taehyung, son ton tranchant comme une lame, tandis qu'il sauta légèrement en arrière, s'asseyant sur le meuble, fatigué de stationner debout.

— Qu'importe, gronda-t-il, ignorant la blessure de ces propos. Je présume donc que ton insolence est un oui. »

L'assassin jeta un regard furtif vers la fenêtre, comme s'il cherchait à apaiser le tumulte de ses pensées. En vain. Son regard finit par de nouveau se poser sur son captif, sursautant presque sous la surprise. Ses poings se crispèrent et sa mâchoire se contracta lorsqu'il le découvrit absent, les yeux dans le vague, comme l'ombre d'un souvenir lointain, comme si son âme s'était échappée depuis longtemps.

« Permets-moi de commencer par me présenter, puisque tu sembles y tenir », lâcha-t-il, la voix profondément basse.

Il se détacha du marbre, puis se positionna en face de Taehyung, dont le souffle le coupa, regrettant aussitôt de s'être assis sur le meuble. Cependant, l'intention de Jungkook était de maintenir une distance rassurante afin de ne plus l'intimider outre mesure. Il fit des gestes de relaxation, se massant lentement les épaules, cherchant ainsi à apaiser son esprit avant de poursuivre.

Taehyung l'avait attentivement observé, ses yeux révélant une intensité farouche. Un air méfiant émanait de lui tandis qu'il luttait pour ne pas s'adosser au coin du mur derrière lui et s'y agglutiner. Néanmoins, inconsciemment, il avait légèrement incliné son buste vers l'arrière et ses doigts semblaient vouloir perforer le marbre. Il aspirait à éviter tout nouveau contact de la main de cet homme qu'il jugeait détestable.

« Je suis un chasseur de primes », annonça Jungkook, sans ambages.

Sursautant aussitôt en réponse à cette information franche et directe, Taehyung écarquilla les yeux tout en refrénant son soudain désir de s'enfuir précipitamment. Un vertige le saisit, il blêmit. Tout son être lui lançait des signaux d'alarme, l'incitant à quitter cet endroit au plus vite, de courir sans jamais se retourner et se terrer chez Yoongi.

Mais il se trouva dans l'incapacité totale d'accomplir le moindre geste, incapable de reculer sur le meuble pour accroître la distance entre lui et l'assassin au visage... plus si sombre que cela.

Bien qu'il l'eût déjà pressenti, cette révélation faite par l'assassin même le percuta comme une vague déferlante. Taehyung retint son souffle, frappé par l'effroi qui engourdissait ses membres. Dans son esprit, une seule pensée tourbillonnait : il était seul face à un tueur.

Il pouvait donc mourir à n'importe quel instant.

Il se trouvait face à un meurtrier manifestement animé par des intentions hostiles envers son frère.

Frère avec qui il avait échappé à la mort grâce à ce même criminel.

Y'a rien qui va dans cette histoire !

Avec une patience infinie, Jungkook examinait attentivement ses réactions, lui accordant gracieusement tout le temps nécessaire pour retrouver ses esprits. Pourquoi cette clémence démesurée ? Il renonça à déchiffrer les raisons derrière ses comportements inhabituels.

Taehyung avala discrètement sa salive, redressa fièrement la tête et puisa dans son courage pour se replonger dans ses yeux... curieux ? Il avait anticipé un regard moqueur, empreint de la satisfaction qu'il éprouverait envers sa victime terrorisée.

Décidément, Taehyung avait du mal à décoder la complexité de cet homme.

Cet homme qui l'avait « sauvé », assommé puis enlevé, avant de lui proposer à boire, puis lui révéler, à demi-mot, qu'il avait besoin de lui...

Les yeux verrouillés dans ceux du blond, Taehyung secoua la tête, plongé dans une perplexité déroutante. Ses pensées se mélangeaient en un tourbillon confus et il lutta pour démêler les fils de son incompréhension, son esprit plongé dans un tumulte chaotique.

Il retint son souffle lorsque son mal de tête fit son retour, serrant les dents face à la gêne désagréable. Jungkook continuait de le scruter avec une acuité inquisitrice. Il semblait presque lire ses émotions comme si elles étaient inscrites dans un livre ouvert. Il vit le ténébreux déglutir avant de fermer les yeux, comme s'il souffrait en silence de ses pensées trépidantes, déchaînées.

Bien que Jungkook tentât de se convaincre qu'il était indifférent aux affres de son captif, il était conscient qu'il se livrait à une duperie. L'idée que ce Kim soit issu de cette lignée maudite et qu'il porte leur sang dans ses veines rendait difficile l'acceptation de sa clémence envers lui.

Il s'efforça avec une ténacité étonnante de maintenir son rôle détestable malgré tout, même si c'était vain. Même si le cœur n'y était plus. Cœur qui n'y avait jamais adhéré, s'il acceptait de s'ouvrir à ses pensées les plus sincères.

Quoi qu'il en soit, il était désormais impossible de revenir en arrière.

« On me confie des sommes généreuses pour éliminer certaines catégories de personnes... », ajouta-t-il avec une implacabilité feinte.

Feinte. Là où il n'avait jamais eu à prétendre être quelqu'un d'autre. Pourtant, il était contraint de persévérer dans le refoulement de sa propre indulgence envers son captif.

Jungkook se battait contre lui-même.

Qu'est-ce qu'il en avait à faire de ne pas l'approcher afin de ne pas l'effrayer ? Promptement, il fit deux pas et s'approcha de lui. Taehyung sursauta tout en le regardant faire, le fixant de ses grands yeux troubles et agités, dans l'attente angoissante d'un futur geste qu'il craignait.

Jungkook lutta pour contenir un grognement, sur le point de succomber devant le regard empreint de toute l'innocence et la peur que le plus jeune reflétait.

« Reprends-toi. »

Il secoua vivement la tête, comme pour chasser cette voix.

« Et vois-tu... souffla-t-il en appuyant ses mains de part et d'autre des cuisses du plus jeune qui se paralysa, le souffle coupé, tressaillant aussi bien de frayeur que d'indignation. Toi... tu représentes une valeur immense. Ta mise à mort est excessivement chère, valant trois fois le loyer exorbitant de mon penthouse. »

Il exprimait ses paroles avec une lenteur délibérée, chaque mot était soigneusement façonné, laissant Taehyung sous tension.

Taehyung aspirait à s'échapper à nouveau en toute hâte, à s'éloigner rapidement de l'assassin. Les douces caresses de son souffle contre son visage semblaient des préludes sinistres, jetant une ombre encore plus sombre sur la situation. Un frisson d'horreur le parcourut tout entier, sa gorge s'assécha et son cœur battait si fort qu'il pourrait presque lui échapper par la bouche.

Pitié, pas de crise.

Il suffoqua, déglutit, refréna un gémissement plaintif, supportant mal la présence imposante et oppressante de cet homme. Une aura d'une pesanteur insupportable l'enveloppait.

Se persuadant de poursuivre dans son élan, Jungkook se pencha vers lui, s'approchant davantage pour lui chuchoter à l'oreille, son souffle chaud allant de nouveau caresser la peau hâlée de son otage qui glapit doucement d'une voix tremblante. Son souffle rapide résonnant tel un douloureux écho contre le blond qui clôt fermement les paupières, écœuré par sa propre personne.

Il se força à poursuivre, ignorant le vif battement que son cœur venait d'émettre à l'entente de ce son saturé de peur.

Bon Dieu, depuis quand lui était-il si ardu de rester détaché face à une telle situation ?

« Je m'en occupe ? »

« Certainement pas ! », s'écria-t-il, son regard déviant vers le sol.

Taehyung sursauta, fixant le blond avec une expression qui évoquait davantage l'ahurissement que l'incompréhension. Il réfréna habilement un rire nerveux, perturbé.

Qu'est-ce qu'il lui arrive... ?

« Ton nom n'est pas encore rayé de ma liste. C'est ennuyeux, n'est-ce pas ? poursuivit-il, ignorant le marmonnement de mécontentement dans sa conscience. Tu es là, à portée de main, et je pourrais, d'un geste aussi simple qu'un crochet mortel contre ton cou, mettre fin à ta vie », souffla-t-il sans entrain, chaque mot lui semblant une épine dans la bouche.

À ses mots, la hargne de Taehyung reprit ses droits sur son esprit ébranlé. D'un geste vif, il le repoussa en arrière, fixant ses yeux enflammés dans ceux de Jungkook. Ce dernier fit deux pas en arrière, saisi par une surprise sobre et maîtrisée.

« Vous me tuerez pas », s'opposa le ténébreux, acerbe.

Il avait exprimé ces mots avec une confiance inébranlable, bien qu'il se demandât encore d'où il avait puisé la force pour ne pas succomber à une crise de panique imminente.

Mais il n'avait pas l'intention de se laisser traiter comme une vulgaire chose.

Une chose.

Quelle ironie.

Jungkook arqua les sourcils, effectuant un léger mouvement de recul de la tête. Pendant un bref instant, son assurance s'évanouit pour laisser place à une totale perplexité, bluffé par la vaillance de son cadet.

Comment ce garçon pouvait-il le regarder avec un tel défi alors qu'il avait été sur le point de céder à la terreur ? Jungkook avait rarement rencontré une personne capable de conserver autant de sang-froid lorsque sa vie était en jeu.

Le plus âgé se mit à marcher lentement, semblant réfléchir en se frottant le menton. Il longea le meuble tandis qu'il tapotait délicatement son nez de son index décoré tout en fixant intensément Taehyung. Puis, une lueur satisfaite étira ses lèvres en réponse au regard irascible du plus jeune.

Il se pourrait qu'il préférait voir cette expression colérique et brave plutôt que celle paniquée et terrorisée.

Un bref moment de perplexité envahit Taehyung alors qu'il scrutait son visage, où une lueur d'amusement dansait au fond de ses perles noires, alors que ses lèvres demeuraient pratiquement immobiles. C'était comme si l'ensemble de son visage, autrefois crispé, s'était apaisé pour laisser transparaître une expression moins sombre, mais qui exigeait une attention particulière pour être discernée.

« Tu as raison, je ne te tuerai pas », acquiesça Jungkook en le toisant de toute sa hauteur, les bras le long de son corps.

Taehyung fronça davantage les sourcils, loin d'être crédule.

« Pas maintenant », ajouta-t-il, son sourire narquois quasi imperceptible devenant plus décelable.

Taehyung ricana nerveusement en fermant les paupières. L'inverse aurait été surprenant. Il résista à l'impulsion de se précipiter vers lui pour lui infliger une série de coups, jusqu'à la satisfaction de le voir évanoui.

« Vous vous moquez clairement de moi, claqua-t-il, à la fois contrarié d'être une source de divertissement alors que sa vie était traitée comme une marchandise, et profondément agacé par cet individu qui prenait plaisir à narguer. Je me casse », dit-il avant de sauter du meuble, se réceptionnant adroitement.

Devant sa réaction, Jungkook fut de nouveau surpris, mais il se contenta de lever un sourcil amusé.

« Mais on a à peine entamé la conversation, se lamenta-t-il faussement avec une pointe d'espièglerie, tout en le suivant du regard.

— Écoutez, j'en ai marre ! cria Taehyung en s'immobilisant vivement, la peur semblant l'avoir quitté maintenant que l'assassin était loin de lui. C'est à vous d'être plus bavard et de me donner plus de réponses, à la place de vous amuser à me narguer comme si je n'étais qu'un moins que rien ! Je suis un être humain, mais on peut pas en dire autant de vous ! », s'époumonna-t-il, les lèvres retroussées.

Taehyung n'en avait plus que faire du fait que cet homme pouvait attenter à sa vie en un battement de cils. L'atmosphère était devenue tendue alors qu'il cherchait désespérément les réponses à ses questions. Il était déterminé à découvrir pourquoi sa vie était en danger, pourquoi son nom était lié à un assassin, et ce qu'il avait bien pu faire pour mériter d'avoir sa tête mise à prix.

Cependant, devant l'expression plus dure de l'assassin et ses yeux plus acérés, il réalisa à quel point il prenait des risques en lui tenant tête.

Peut-être était-il trop audacieux pour son propre bien.

Taehyung détourna les yeux, sentant une pointe de crainte pour sa témérité. Il se maudit d'être facilement vaincu par un simple regard. Mais ses questions demeuraient, et il savait qu'il ne pouvait pas abandonner maintenant, même s'il devait être plus prudent à l'avenir.

« C'est quoi le deal ? », grommela-t-il en fixant ses doigts qu'il triturait, recommençant peu à peu à ressentir la morsure du froid.

Jungkook se trouva partagé entre la déception et la satisfaction face à sa capitulation. Il aurait préféré maintenir la provocation et observer sa réaction véhémente, mais il ne tolérait pas que ce Kim s'autorise à élever la voix et à lui dévoiler la vérité brute. Cependant, malgré ses pensées et émotions troublantes, Jungkook se détendit. Il demeurait néanmoins irrité quant à ses sentiments toujours aussi inhabituellement contradictoires.

Ce qu'il savait, c'était que ce jeune homme avait vivement éveillé sa curiosité. Lorsqu'il ne cédait pas à la peur, Taehyung se révélait un divertissement des plus captivants.

« Tu me seras utile dans ma stratégie. Je veux capturer ton frère. »

Promptement, Taehyung redressa la tête, laissant transparaître une grimace teintée d'horreur tandis qu'il fixait Jungkook comme s'il avait soudainement un troisième œil. Son visage exprimait un mélange d'ahurissement et d'indignation.

Avait-il correctement saisi ce qu'il venait d'entendre ?

« Capturer ? », répéta-t-il, occultant involontairement la première partie de l'affaire tant la seconde l'effarait.

Jungkook hocha la tête en signe d'approbation tout en mordillant distraitement l'ongle de son pouce, une lueur déterminée dans le regard.

« Initialement, j'envisageais une autre méthode pour le faire sortir de l'ombre. Mais, il y a deux semaines, il m'a approché pour la première fois depuis quinze ans. J'ai dû ajuster mon plan et tu en fais désormais partie.

— Depuis quinze ans ? s'exclama-t-il, ahuri. P... pourquoi il est venu vous trouver ?

— Plus tard.

— Non, m... »

Jungkook fit tiquer sa langue, lui intimant le silence. Taehyung se tut immédiatement, ses narines frémissantes et sa mâchoire trahissant son agacement par de soubresauts fugaces.

« Après l'avoir vu agir aussi étrangement, cette nuit, ça renforce ma stratégie : tu resteras à mes côtés le temps que je démêle ses intentions. Il est indéniable qu'il échafaude un vil stratagème. Je sais qu'il a un plan, et je tiens à le découvrir.

— Mais plutôt crever que rester avec vous, ricana-t-il froidement.

— Tu prendras part à certaines missions auxquelles il est rattaché, poursuivit-il en ignorant son assertion. Ta présence sera précieuse pour le ramener vers moi.

— Mais ça tient pas la route, votre truc, vous avez bien vu qu'il est capable de... attendez, s'interrompit-il, le teint soudainement plus blême. Je servirais à honorer vos contrats de meurtres ? », tonna Taehyung dans un grognement scandalisé.

De nouveau, Jungkook opina du chef, songeant que même si ses propres émotions semblaient s'être révoltées contre sa volonté tout en le rendant perplexe, il n'avait plus été aussi distrait depuis des lustres.

« Plus ou moins.

— Hors de question ! s'exclama Taehyung, révolté.

— Dire que je ne m'attendais pas à cette réaction serait mentir, railla Jungkook en se passant une main dans les cheveux avant de soupirer.

— Pourquoi il est venu vous voir, il y a deux semaines ? », réitéra-t-il.

Jungkook demeura silencieux un court laps de temps, pesant le pour et le contre pour lui révéler cette information. Peut-être serait-il plus enclin à accepter le marché s'il savait ?

« C'est avec lui que j'ai un contrat. Ton nom est à rayer à sa demande. »

Le choc perça Taehyung de part en part, le faisant légèrement vaciller. Un frisson imperceptible glissa le long de son échine sous la puissance de cette information inattendue.

« Non, vous mentez. »

Jungkook lâcha un discret soupir.

« Malheureusement, non. »

Absorbé dans le choc engendré, Taehyung secoua doucement la tête, un rire étouffé naissant sur ses lèvres. Bientôt, ce rire se mua en larmes, glissant silencieusement sur ses joues, mêlant désillusion et chagrin dans un ballet amer.

Jungkook sentit un malaise l'ébranler, un écho d'inconfort qui le déstabilisait sans qu'il sache comment l'interpréter. Il le savait éreinté, accablé par ses émotions et anéanti par de telles révélations qu'il n'avait pas anticipées. Pourtant, il l'observa se reprendre, sécher ses larmes et laisser échapper un souffle tremblotant.

Il salua sa force.

« Qui me dit que vous êtes pas en train de mentir pour me dresser contre mon frère ? vociféra Taehyung d'une voix éraillée, la gorge nouée, les yeux rouges et embués. Vous cherchez à déclencher une guerre entre nous ? Ça n'arrivera pas !

— Aurais-tu déjà oublié ce qu'il s'est passé derrière le club ?

— Oublier quoi ? Qu'il veut voir ma tête rouler au sol, pour reprendre vos mots ? ricana-t-il, le visage pourtant crispé par la détresse et l'horreur. Au point de venir vous trouver pour mettre ma tête à prix ? »

Jungkook plissa les yeux, silencieux.

« Pourquoi il le fait pas lui-même, alors ? clama-t-il, tremblant aussi bien de rage que de froid. Pourquoi perdre du temps et signer un putain de contrat ?

— Kim...

— C'est incompréhensible, pourquoi moi ? le coupa-t-il aussitôt, l'air frustré. Pourquoi est-ce que je dois toujours être celui qui supporte tout ça ? poursuivit Taehyung, les yeux brillants de larmes refoulées.

— C'est aussi ce que je cherche à comprendre.

— C'est des conneries.

— Libre à toi de nier. Mais accepter la vérité t'apaisera plus rapidement que de la refuser.

— Vous dites ça comme si c'était facile, vous êtes marrant, vous, ricana-t-il, avant de renifler. Vous n'avez pas de cœur... cracha-t-il.

— C'est ainsi que ça fonctionne, dans ce monde.

— Je m'en cogne de vos leçons. »

Taehyung se terra dans le silence et ferma douloureusement les paupières. Tout cela était du fait de Seokjin. Cette réalisation s'imposa à lui avec une certitude quasi absolue : son frère a engagé ce tueur pour l'effacer définitivement.

Il avait signé la promesse d'une somme importante... pour le voir mort.

Son propre frère voulait le voir à six pieds sous terre et il n'avait pas la moindre idée de la raison pour laquelle il méritait une destinée aussi tragique.

« Kim », l'appela Jungkook, le timbre de voix sérieux.

Taehyung sursauta légèrement, ses yeux embués et emplis d'affliction se tournèrent vers le blond qui demeurait attentif à ses réactions malgré lui.

« Jin me doit des réponses, avoua Jungkook, son visage s'assombrissant à vue d'œil. Il a fait des choses... s'interrompit-il en cherchant ses mots, dont je souhaite des explications. Vivre dans cette incertitude m'est devenu insupportable. Si ça devait mener à sa mort, je le ferais sans hésiter.

— Quoi... ? souffla Taehyung, à la fois abattu et scandalisé.

— Tu m'as très bien entendu, s'insurgea-t-il avec une intensité bien plus marquée que ce qu'il aurait souhaité, ses pensées fixées sur le profond ressentiment qu'il nourrissait envers l'aîné des Kim.

— ...Non, vous avez pas le droit, balbutia-t-il, la gorge nouée.

— J'ai tous les droits ! », rugit soudainement Jungkook, sa voix vibrant presque en écho à travers le temple.

Le plus jeune sursauta et recula instinctivement. L'assassin était entré dans une vive colère noire. Taehyung comprit que la mention de son frère avait déclenché cette rage intense, mais il se demandait pourquoi sa haine était aussi véhémente. Sa fureur emplissait l'atmosphère, l'enveloppant au point où Taehyung la sentait s'infiltrer en lui comme un serpent insidieux.

« Je ne vis que pour lui faire payer ma destruction », poursuivit Jungkook dans un grondement sourd, les dents serrées et la mâchoire si crispée qu'elle pourrait se rompre à tout moment.

Taehyung ne put que le regarder être prisonnier de ses propres démons, l'observant succomber à ses émotions éprouvantes. Jungkook fit une brève pause, fermant les yeux. Une expression de répulsion altéra ses traits alors qu'il émit un soupir teinté de subtils tremblements à peine discernables.

Il était profondément touché par la détresse de Jungkook qui suscitait involontairement sa propre peine.

« Voilà pourquoi j'ai besoin de toi. Il ne se laisse pas vaincre aisément et se cache avec habileté. Ses ressources sont considérables et sa ruse indéniable. Il est le mal incarné, Kim. Tu es bien placé pour en être conscient. Après tout, il a bouleversé ta vie. »

Le visage de Jungkook adopta une expression inhabituellement concernée, ce qui laissa Taehyung médusé, étonné de le voir s'ouvrir de cette manière. Il ne pouvait plus nier que cet homme avait vécu un événement suffisamment traumatisant pour le plonger dans une tourmente aussi profonde.

Son esprit inclinait vers la résignation face à l'évolution de son frère, jadis bienveillant, attentionné et aimant, désormais métamorphosé en une figure néfaste pour autrui. Il avait renoncé à ses vertus et semait le mal autour de lui, un constat étayé par l'hostilité que lui vouait ce blond anéanti.

Son animosité était d'une telle ampleur que Taehyung se demandait si Seokjin pouvait être impliqué dans les conflits des clans survenus il y a trois ans avec les Park et les Jeon.

Mais quel était donc le rapport avec Seokjin ?

Progressivement, son esprit tissait des connexions qu'il avait jusqu'alors évité de considérer. Ses pensées le déchiraient, se trouvant désormais dans une situation irréversible. Il était indéniable que le frère qu'il avait revu quelques heures auparavant était le même que celui de cette fatale nuit il y a trois ans, celle où tout avait sombré dans un véritable cauchemar.

« Tu es intelligent, déclara Jungkook, le ramenant à la réalité. Je sais que tu as compris bien de choses malgré les limites de tes connaissances.

— J'aurais voulu être con et ne rien avoir à comprendre... », souffla Taehyung d'une voix éraillée, la mine troublée.

Jungkook plongea dans ses yeux, avisant une tourmente familière. Les masques se fissuraient, laissant place à une communication tacite à travers leurs regards. Une fois de plus, le blond sentit son cœur se compresser en comprenant qu'il partageait la douleur de celui qu'il tenait en captivité.

« Comment vous savez ce que Jin m'a fait ? », demanda Taehyung d'une voix feutrée, perplexe.

Jungkook l'observa un court instant dans le silence et Taehyung eut du mal à maintenir son regard qui devint aussi tranchant qu'une lame parfaitement affûtée. Il fit face à cet éclat de haine pure et à cette rage meurtrière, bien qu'il sût qu'elle ne lui était pas destinée. L'intensité de son regard était impressionnante. Taehyung frémit en comprenant que cet homme portait en lui un désarroi si profond qu'il devait supporter avec grande peine.

Était-ce là le fardeau qui l'avait transformé en un être empli de noirceur ?

Tout comme son frère l'était devenu ?

« J'ai mes ressources, puis tu l'as mentionné devant lui. Et je le sais parce qu'on a agi de la même manière avec ma famille qui en a été affectée.

— Qu'est-ce qu'il lui est arrivé ? demanda-t-il, hésitant et compatissant.

— Détruite.

— Qui ? Jin ? s'enquit-il, se retenant de reculer face au regard du blond qui ne diminuait pas en intensité furieuse.

— Ton père », trancha-t-il, la mâchoire furieusement crispée.

𝐴̀ 𝑠𝑢𝑖𝑣𝑟𝑒...

Déjà quelques révélations 😏

Mais le pire reste à venir, il y a d'autres secrets, ce n'est rien, ça... 🌚

Et sinon, qui a des hypothèses sur les voix dans l'esprit de JK ? hihihi

La partie 2 sera publiée soit demain, soit mardi 7 mai ! 

𝑾𝒊𝒕𝒉 𝑳𝒐𝒗𝒆, 𝑫𝒂𝒓𝒌 𝑬𝒚𝒆𝒍𝒆𝒕 🖤