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𝐈 | 𝐂𝐨𝐥𝐝 𝐁𝐥𝐨𝐨𝐝

❝  𝘌𝘷𝘦𝘳𝘺𝘵𝘩𝘪𝘯𝘨 𝘣𝘳𝘦𝘢𝘬𝘴 𝘥𝘰𝘸𝘯 𝘪𝘯 𝘴𝘪𝘭𝘦𝘯𝘤𝘦  ❞

𝐀𝐩𝐨𝐜𝐚𝐥𝐲𝐩𝐭𝐢𝐜𝐚, 𝐶𝑜𝑙𝑑 𝐵𝑙𝑜𝑜𝑑











L'aube glaciale d'octobre éveilla Taehyung. Durant la nuit, il avait été contraint d'entrouvrir la fenêtre, submergé par une mystérieuse oppression. Dans sa torpeur matinale, il se leva et vint la refermer avant que sa demeure devienne une calotte de glace.

Torse nu et revêtu d'un pantalon sportif pour seule étoffe, il renonça à franchir le seuil de la salle d'eau, la fatigue l'habitant. À la place, il s'enfonça dans le chemin qui le conduisit vers le rez-de-chaussée.

Dans cette vaste demeure, il se perdait. Il n'était qu'un être minuscule dans l'immensité du manoir, mettant en doute sa raison de vivre, s'interrogeant sur sa cruelle fatalité. Une solitude écrasante l'envahissait et pourtant, il ne conviait nulle autre âme à partager cet espace.

Lorsqu'il gravit l'ultime marche de l'escalier, un profond soupir s'échappa de ses lèvres alors qu'il contemplait la vision qui s'offrait à lui : un vaste salon paré de deux sofas et d'un spacieux canapé d'angle entourant une table basse, nichée face à l'écrin de la cheminée. Les murs ornés de cadres détenaient des images baignées de feutre noir indélébile.

Les yeux habités par un vide profond, Taehyung releva son regard vers elles, laissant échapper un murmure plaintif qui se dissipa en un souffle étouffé au fond de sa gorge.

Il gardait une mémoire vive du jour où, à ses seize printemps, il s'était acharné contre ces clichés une semaine après que Seokjin eut pris le large. Dans ce manoir, les murs conservaient l'écho de mille souvenirs, de ces instants complices entre frères. Ces photographies semblaient le narguer, enfonçant un pieu dans son cœur, déchirant son âme.

Les regarder lui était insoutenable.

Ces instants précieux remontaient à quelques jours après que la mort ait emporté leurs parents dans un tragique accident routier. Cette nuit funeste avait vu le clan Kim se réduire à néant. Il se perdait dans une quête inlassable, cherchant des réponses au mystère de ce passé à la fois sinistre et énigmatique.

Mais nul ne pouvait lui en offrir.

Depuis lors, Taehyung marchait en solitaire dans une sinistrose ancrée en son essence. Il pouvait bien avoir des amis loyaux, des filles prêtes à passer la nuit avec lui ou lui donner leur cœur, des camarades qui l'adulaient en lui offrant leur attention permanente, rien ne pouvait effacer ni restaurer la douceur de sa famille aimante ni le bonheur de son enfance qui avait jadis enchanté son existence.

À présent assis sur la dernière marche de l'escalier en marbre blanc, Taehyung n'avait guère pris conscience qu'en cette aurore encore fraîche, une mélancolie maladive caressait dangereusement son âme, enserrant ses pensées en un filament douloureux. Comme une ombre vorace, cette tristesse l'absorbait. Elle le changeait en une coquille presque éthérée et quasi dénuée de conscience.

La mélancolie toujours avait le dernier mot sur lui.

Toujours.

Pourquoi ne pouvait-il pas vivre comme les jeunes adultes de son âge ?

Pourquoi son frère, jadis l'astre de son affection et la source de son admiration, avait-il pris la décision de filer comme un voleur, l'abandonnant à son destin solitaire ? Pourquoi le laissait-il affronter le monde cruel, vendant son corps à des âmes abjectes prêtes à le détruire un peu plus, écorchant sa dignité sans la moindre hésitation ? Pourquoi son chemin fut-il tracé si sombre, vibrant de tragédie ?

Pourquoi ne pas lui avoir ôté la vie ?

Mort, il aurait embrassé la paix. Il aurait été libéré du poids insoutenable d'une existence marquée par les tourments. La solitude, cette compagne amère, aurait cessé de l'étreindre et de l'étouffer lentement, laissant place à l'ataraxie éternelle.

Dans un long soupir affligé, glissant dans la douce mélodie du silence, il rompit le fil de ses pensées sombres.

Son ventre affamé en quête de réconfort le poussa à se relever, ses pas le guidant vers la vaste cuisine. Toutefois, ses armoires étaient des coffres vides, dépourvus de céréales, de pain, de jus de fruits, de lait.

Le mois n'était qu'à sa moitié, et il n'y avait plus rien.

Il ne lui restait qu'une pomme trop mûre, languissant au fond du tiroir frais. Légèrement répugné, il la prit en main et contempla son état, témoin du rapide défilement des deux dernières semaines où la maturité du fruit avait fait son œuvre.

Et cela ne signifiait qu'une chose.

Il devait voguer là-bas pour se laisser piéger dans l'ombre d'un étranger afin d'amasser la somme nécessaire pour les quinze jours à venir.

Il contempla sa seule subsistance pour cette journée et refréna l'impulsion de jeter le fruit contre le mur, optant plutôt pour le laver délicatement sous l'onde fraîche avant de le savourer jusqu'au trognon. Assis à l'extrémité de l'îlot central en turquin, un soupir lui échappa.

Tout lui sembla tout à coup dérisoire.

Inutile.

Se levant, il consulta l'horloge ; il ne restait que quarante-cinq minutes avant de rejoindre l'université où les enseignants récitaient leurs versets académiques et où les jeunes filles énonçaient leurs demandes presque quotidiennes de passer un moment en sa compagnie.

Soudain, il fut saisi par le spectre des examens qui s'approchaient à pas de géant, ses cours négligés pesant sur son esprit tandis qu'un souffle mélancolique s'échappait encore de ses lèvres. Malgré l'éclat de son intelligence, il se tenait résolu à conserver sa position en tête du classement. Les étudiants les plus méritants se verraient octroyer une bourse pour l'année suivante.

Pour Taehyung, c'était comme entrevoir une échappatoire, la lueur salvatrice au bout de son cauchemar.

Il devait rester l'un des premiers.

Avec une lenteur mélodique, il gravit les marches vers sa chambre où il daigna se doucher avant de revêtir un doux pull blanc aux manches étirées ainsi qu'un jean beige. Il redescendit dans le salon, emportant avec lui son sac de cours, son MacBook, ses bottines et son manteau comme des trésors précieux.

Comme à son habitude, il se stoppa sous le vestibule. Il aimait reproduire ce rituel, aussi douloureux fût-il.

Il clôt les paupières. Il grinça des dents tandis que son cœur accélérait ses battements.

Il ressentit la présence bienveillante de sa mère, la sentant approcher pour l'enlacer tendrement. Sa voix douce et harmonieuse enveloppait ses oreilles de réconfort. Travaille bien, mon chéri. Puis, il se remémora son père, les rares fois où il avait le bonheur de le croiser au petit matin, son regard, certes, froid et dur, mais vibrant d'encouragement, impliqué pour son cadet. Je suis fier de toi. Enfin, son frère surgit dans ses souvenirs, passant près de lui pour le bousculer légèrement, s'engageant dans une taquinerie complice sous le regard amusé de leur mère et vitupérateur de leur père. Il se souvint de son geste affectueux, lui ébouriffant les cheveux, un faible sourire illuminant à peine son visage, lui lançant sobrement avec un brin de malice : Arrête de râler, petit frère.

À cette époque, Seokjin lui accordait encore des gestes affectueux. Avant leur diminution, puis leur complète disparition.

Il ouvrit des yeux brumeux. Ses lèvres frémirent. Sa gorge se noua.

Puis il inspira profondément.

Quelle solitude. Quel silence.

Peu importait à quel point son cœur saignait, peu importait si cela lui était atroce, il avait besoin de se remémorer ces moments simples, mais joyeux.

Le cœur lourd, le souffle court et les lèvres pincées, ses pensées tourbillonnaient à une cadence insaisissable.

Il songeait à la journée qui s'étirerait en longueur à l'horizon du soir qu'il devait atteindre. Quel visage arborerait l'inconnu, cette fois ? Un vieillard pervers qui lui ferait atrocement mal parce qu'il serait ivre, en plus de sentir mauvais ? Ou bien des maris trompeurs en quête de nouveaux plaisirs au mépris de leurs épouses ? Des curieux avides de goûter à la tendresse d'un homme trop jeune ? Ou encore des dames éprises de la jeunesse, cherchant l'innocence aux côtés d'un cadet à l'âge de leurs progénitures ?

Son cœur se compressa avant qu'il s'efforce d'abandonner ces pensées affligeantes.

En ouvrant la porte d'entrée, il permit à la brise automnale de caresser doucement ses cheveux sombres, révélant ainsi deux joyaux d'obsidienne chargés de tristesse, habituellement dissimulés sous de lourdes mèches ondulées.

Il enfonça ses écouteurs dans ses oreilles et laissa sa playlist s'éveiller en douceur.

Ses mouvements se déroulaient comme une danse mécanique.

Au fil de quinze minutes chantantes, il vit s'élever la faculté de droit à l'horizon. S'approchant de l'entrée, il revêtit une expression fermée en arborant une confiance débordante. Parmi les visages familiers qu'il distinguait à peine, il adressa quelques signes de tête çà et là avant de franchir le seuil d'un des nombreux édifices propres à chaque branche de droit. Doux comme une brise légère, ses pas le guidèrent jusqu'à son casier qu'il ouvrit d'un geste machinal.

« Hé ! Si ce n'est pas mon meilleur pote ! », s'exclama une voix enjouée.

Sans se détourner, Taehyung esquissa un sourire tendre tandis qu'il explorait son casier, conscient qu'une étreinte amicale se dessinerait sur son épaule dans quelques battements d'ailes du temps.

« Ça va, vieux ?», s'enquit la voix joviale.

Il pivota, capturant le regard d'un ami précieux : Jung Hoseok. Un éphèbe au rire musical et à la chevelure châtain dansant avec les caprices de ses gestes. Son sourire radieux était telle une étoile jamais éteinte sur ses lèvres. Semblable à un tableau peint de délicatesse, son visage abritait des yeux luisants de vie et d'énergie. Hoseok était pour lui une étoile brillant dans le ciel assombri de son cœur blessé.

Il lui offrit aussi une tape dans le creux de l'épaule, illuminant son visage d'un sourire pur et sincère. Il était heureux de le revoir.

« Pas trop mal », répondit-il.

Hoseok appuya son épaule sur la case voisine et contempla les étudiants qui défilaient devant eux, dont certains ne se gênaient guère pour reluquer le jeune Kim. En les ignorant, ce dernier fouillait tranquillement dans son casier et, patient comme l'aube qui attend l'éclat du soleil, Hoseok guetta l'instant où son ami lui accorderait de nouveau son attention.

Le ténébreux referma avec douceur le compartiment, puis, d'un commun accord, leurs pas les guidèrent vers l'amphithéâtre où se déroulerait la première leçon juridique du jour.

« Alors, tu as fait quoi de beau pendant le week-end ? », lança Hoseok alors qu'ils s'installaient à leur place habituelle, à cinq rangées du bureau du professeur près des fenêtres.

Évitant les regards pesant sur sa personne, Taehyung laissa échapper un soupir en reposant gracieusement ses coudes sur son pupitre tandis que Hoseok se jetait lourdement à sa gauche. Dos à la fenêtre, ce dernier fit pivoter son regard vers Taehyung qui répondit à son appel silencieux.

À peine le jeune Kim eut-il l'intention d'articuler une réponse encore indécise, que Hoseok s'élança déjà dans le récit minutieux de son week-end, dévoilant chaque nuance de ses deux jours avec une verve qui lui était propre. Il avait erré vers une fête où dansaient de nombreuses beautés, parmi lesquelles certaines capturaient son désir de mieux les connaître, lui narrait-il. Hoseok était le type d'âme qui tissait des conversations qui étaient le plus souvent des métaphores sensuelles, une symphonie constante dédiée à l'érotisme.

Soudain, l'un de leurs plus chers amis apparut devant eux, libérant Taehyung des lamentations du trouble-fête de la troupe. Il n'arborait pas une stature imposante, mais il était plutôt gracié d'une beauté éthérée.

Sa peau évoquait l'opale, ses yeux en amande étaient de douces étoiles bienveillantes et espiègles, ses lèvres charnues suscitaient l'envie des filles. Les traits qui ornaient son visage d'un équilibre délicat entre masculinité et féminité sculptaient une apparence unique qui en faisait une énigme irrésistible.

Ce jeune homme était pour Taehyung une œuvre d'orfèvre qui captivait une âme pendant des heures, où chaque détail de ses traits se gravait en lui comme une énigme à percer.

Et cet être céleste n'était autre que Park Jimin, son ami depuis l'aube de sa vie.

L'ami le plus proche.

Taehyung sourit, ravissant les filles qui n'avaient de cesse de le fixer. Il ignora leurs murmures, heureux de revoir Jimin.

Ce dernier prit place à sa droite en l'enveloppant de son étreinte familière, une façon tendre de le saluer, tout comme il le fit avec Hoseok. Avant même que des mots puissent traverser leurs lèvres, le professeur de méthodologie juridique fit son entrée et l'éveil de la connaissance commença.

« Et c'est parti pour trois heures d'ennui total... marmonna Jimin.

— J'envie Namjoon et Hye-Jin qui n'ont pas ce prof... geignit Hoseok.

— Tellement ! Je n'aime pas ce prof, en plus, grommela Jimin entre ses dents, la mine boudeuse.

— Le pauvre, arrêtez de le médire, bande de mégères, railla Taehyung en les bousculant de ses coudes.

— Mais on aurait dit un robot ! s'exclama silencieusement Hoseok en exagérant son indignation sous l'acquiescement vif de Jimin.

— Même toi tu dors, parfois, alors te fais pas passer pour un faux cul ! », siffla Jimin d'un ton teinté d'irritation feinte.

Amusé, Taehyung rit discrètement, secouant la tête devant leur complicité murmurée teintée d'un déplaisir excessif.

Quoiqu'il les comprenait. Bien que le sujet du cours fût captivant, le professeur le délivrait d'une voix tellement monotone que Taehyung se laissait par moments emporter dans la somnolence.

La cloche résonna à dix heures tapantes, annonçant ainsi le début de leur second cours de la matinée. Le ballet des étudiants se déroula de façon familière, déambulant dans les couloirs en attente du son de la cloche qui les guidera de nouveau vers leurs salles de classe. Tous s'apprêtaient à subir deux heures supplémentaires avant que ne sonnent les douze coups du midi, égrenant ainsi le temps qui s'écoulait.

Aux côtés de Hoseok, tandis que Jimin s'éclipsait vers d'autres enseignements après leur déjeuner en trio, Taehyung – ayant feint une satiété lors d'un petit-déjeuner trop copieux pour justifier son manque de repas à midi – entreprit son périple vers les vestiaires sportifs.

Au début de l'année, il avait choisi les cours d'éducation physique en option. C'était devenu son refuge préféré, une oasis de sérénité. Il aimait se dépenser en laissant son esprit se fondre dans l'effort. Il avait besoin de ressentir son énergie vitale, une manière de dompter son propre corps. De le mouvoir à sa guise.

Il aimait toutefois l'exercice lorsque son ventre ne criait pas famine.

Il grimaça, s'empêchant de caresser son abdomen plat et creux, vide de nourriture, mais bercé d'eau afin de tromper sa faim.

Soudain, une étrange atmosphère planait. À peine Taehyung pénétra-t-il les vestiaires qu'il fut saisi par la vision d'une cohue de garçons formant un cercle vibrant. Tous ces visages excités s'époumonaient et agitaient leurs bras avec fougue, comme s'ils offraient une ovation à une âme en quête de lumière.

« Encore une bagarre ? Ça ne se finira jamais, on n'est plus au collège », râla Hoseok tandis qu'il cheminait vers son casier pour se changer, indifférent au tumulte qu'orchestraient leurs homologues.

Cependant, Taehyung demeurait immobile, captivé par le spectacle qui se déployait devant lui. Ne recevant aucune réponse, Hoseok fit demi-tour et agita sa main devant les yeux de son ami dans une danse d'ombres, cherchant en lui une réponse tel un poète tentant de réveiller l'âme endormie de son compagnon.

« Tu es avec moi, Tae ? »

Battant des paupières, Taehyung échangea un regard avec lui.

« Ouais », murmura-t-il rapidement.

Puis, il détourna de nouveau son attention vers l'effervescence qui les entourait. Un soupir mélodique s'échappa des lèvres de Hoseok alors que son camarade avançait en défiant la marée de garçons, bousculant quelques corps fébriles pour s'ouvrir un passage jusqu'à ce qu'il s'immobilise, figé par une vision inattendue.

Au cœur du cercle, un homme aux cheveux d'or vêtu d'un sweat bordeaux déchaînait sa furie en forgeant des tempêtes d'assauts sur un enseignant que Taehyung reconnut instantanément.

Oh, Seigneur...

Celui qui se faisait dominer n'était pas un professeur apprécié, mais plutôt un sombre individu, captivé par les jeunes corps féminins. Il les intimait au silence pour s'abreuver de leur présence, jouissant de sa position académique. Telle une brise furtive, une rumeur murmurait à propos de cet homme, mais nulle preuve ni serment n'étaient révélés.

Ainsi, il persévérait dans l'ombre à l'abri de toute sanction. Une force brutale devant laquelle aucune fille n'osait souffler mot, craignant les représailles qui pourraient s'ensuivre.

Sauf ce blond.

Cet inconnu qui lui infligeait le tribut de ses transgressions passées.

C'était peut-être la raison qui suscitait un soutien unanime de la part de ses camarades, mais quel mystère recouvrait cet individu ? Nul ne l'avait croisé dans ces contrées, ni dans les enceintes académiques, ni en d'autres lieux.

Qui était-il ?

Le front plissé, Taehyung repoussa un condisciple qui cherchait à le bousculer. Il se faufila entre la foule des bras tendus et s'arrêta au premier rang, tout près de l'agresseur. Il lui paraissait plus âgé. Son aura évoquait la crainte. Sa carrure imposante impressionnait. Ses coups brutaux de ses mains gantées de noir résonnaient parmi les murmures, les sifflements et les cris. Son visage ne faisait montre d'aucune émotion.

Impassible.

D'une neutralité troublante.

Taehyung déglutit.

C'était comme si ce blond était accoutumé à infliger un tel traitement.

Il dominait la scène tel un sombre tableau où le professeur hurlait sa douleur et gémissait son désarroi. Ce dernier gisait le visage ensanglanté, recroquevillé pour protéger son buste et son ventre autant que possible.

Au fond de Taehyung, un dilemme l'embrouillait. Il hésitait à stopper la furie blonde. À ses yeux, cet enseignant méritait chaque coup porté.

Derrière lui, Hoseok observait la scène en guettant le retour de son ami, les mains nonchalamment enfouies dans les poches de son short. Il savait pertinemment que dès que Taehyung se mêlera de cette affaire, l'anarchie serait instantanément domptée. Si Taehyung exprimait un souhait, il le voyait exaucé d'un simple ordre claqué dans l'air.

Juste parce qu'il imposait le respect, la jalousie, l'admiration de ses comparses.

À cause de sa place parmi les deux derniers de la lignée des Kim.

À cause du poids funeste de son clan et celui des Jeon.

À cause de la crainte qu'il inspirait aux autres, tapie dans les profondeurs de leurs pensées erronées et injustes.

Comme si en lui résidait une malédiction qui attendait quiconque le défierait.

Absurde.

« Arrêtez ! Vous vous croyez où ? », rugit Taehyung de sa voix puissante et inébranlable, s'adressant à l'envahisseur qui martelait sans retenue les flancs de sa victime avec la pointe de sa chaussure.

À l'instant où sa voix impérieuse s'éleva, les clameurs et les sifflements se turent aussitôt. Lentement, le grand blond interrompit ses mouvements, offrant au temps un instant suspendu. Puis, tel un danseur de l'aube, il se tourna avec nonchalance en réponse à ce baryton qui l'avait interpellé.

Instantanément, leurs regards se rencontrèrent. Taehyung sentit presque son sang se glacer dans ses veines. Bouleversé, sa prestance s'estompa progressivement. Ce regard. Inhumain. Des abysses profonds le fixaient, deux gouffres ténébreux luisant d'une rage infernale. Dans l'immuable froideur de son visage de marbre brillaient des prunelles presque indomptables, comme des flammes dans la nuit.

Dans l'obscurité de sa triste existence, Taehyung n'aurait jamais imaginé croiser à nouveau un regard semblable, pareil à un éclair prêt à décocher sa foudre mortelle.

Au cœur des vestiaires universitaires, il s'était soudainement enfoncé dans les méandres du passé, remontant le fil du temps de trois années. Son cœur frémit. Il était prisonnier d'un regard semblable à celui de Seokjin. Un regard qui avait jailli comme une flèche empoisonnée dans son âme. Un regard qui l'avait ébranlé. Un regard qui persistait dans son esprit, hantant ses nuits sans relâche.

Déstabilisé, Taehyung tenta de retrouver son calme. Il ravala sa nervosité et fronça les sourcils pour se donner contenance, relevant fièrement la tête. Il lui semblait que le serpent se moquait du louveteau. Il serra les poings et grinça des dents. Son regard soutint difficilement les yeux perçants du blond qui, le menton altier et le corps immobile, le fixait sans interruption, laissant complètement derrière lui sa victime gisant lamentablement au sol.

Il semblait à peine essoufflé, comme s'il n'avait pas juste asséné une série de coups violents à un homme. Et ses paupières étaient figées dans l'immobilité du moment, sans même un battement.

Ce blond lui évoquait un monstre des histoires que lui narraient jadis sa mère et son frère, mais ici, ce n'était un homme.

Exhalant une malveillance latente.

Dans le reflet de ses yeux, des récits d'ombres murmuraient à Taehyung des contes à faire frémir que ses lèvres gardaient silencieux.

Taehyung percevait cette rage, ce cri silencieux résonnant dans le fond des yeux de cet homme. Une haine profonde et viscérale semblait l'habiter. Un frisson violent et désagréable lui parcourut l'échine, faisant momentanément oublier à Taehyung la présence des étudiants qui l'entouraient, captivés par cet échange de regards prolongé entre lui et l'inconnu violent.

Il baissa la tête vers le professeur essoufflé, humilié et étendu autour de gouttes écarlates dont les yeux semblaient lui exprimer une gratitude silencieuse pour avoir mis fin à l'orage de coups qui s'abattait sur lui.

« Allez-vous-en, siffla Taehyung à l'encontre du blond avant de retourner pour s'adresser à la foule. Et qu'est-ce que vous faites encore ici ? Prévenez le prof ! »

Aussitôt, un étudiant cria le nom de leur professeur. Ce fut néanmoins deux surveillants qui s'élancèrent à la hâte, déterminés à saisir le blond et convoquer les forces de l'ordre. Soudain, sous les regards curieux des jeunes, ils s'immobilisèrent dès l'instant où leurs yeux croisèrent le regard polaire de l'intrus.

Silencieusement et d'un regard pétrifiant, il les défia de le toucher. Il les fixa sans ciller, temporisant le temps en l'espace d'un soupir fébrile.

Dans un mutisme glacial et perturbant qui avait remplacé le tumulte d'il y a quelques instants, il tira de la poche de son sweat un tissu d'une blancheur immaculée, la déployant avec grâce pour nettoyer ses gants en cuir noir.

Insouciant, il agissait tel un spectre ignorant sa récente altercation avec ce professeur au sein même de la faculté.

Face aux yeux pénétrants du blond, les deux surveillants étaient frappés d'une étrange réserve, hésitant à s'approcher. Dans un calme imperturbable, il rangea le tissu souillé de pourpre et, d'un geste lent, se tourna vers la sortie, les mains gantées nichées dans ses poches. Sans même jeter un regard en direction de Taehyung, il le frôla à peine de son bras, adoptant une attitude d'indifférence, comme s'il n'avait pas conscience de sa présence.

Soudain, il se stoppa. Le cœur de Taehyung en fit de même, suivi par son souffle. Leurs regards si près l'un de l'autre s'entrelacèrent comme deux étoiles dans un ballet cosmique. Lorsqu'il se laissa emporter dans ces abysses d'une noirceur macabre, une irruption de sentiments envahit Taehyung.

L'effroi prompt et aigu le fit trembler. L'urgence impérieuse l'étreignit. Ses sens se mirent en alerte.

C'était comme si son instinct, dans un appel primal, lui hurlait de s'enfuir pour sa vie.

Il voulut faire un pas en arrière, mais la terreur le tétanisait. Le plus jeune ressentit un violent frisson le parcourir, tandis que sa respiration se faisait pantelante. L'odeur de menthe et de cigarettes mêlée à un parfum agréable envahissait ses sens, semblant octroyer une fraîcheur glaciale, comme si le blond laissait dans son sillage un amoncellement de brumes enneigées.

Même une tempête de neige aurait semblé plus chaleureuse.

La haine prenait forme dans les yeux du blond. Les prunelles de Taehyung glissèrent vers les lèvres de l'homme qui s'étiraient en un rictus en coin qu'il avait dû soustraire au diable.

Taehyung se fit violence pour ne pas fléchir, s'imposant une résistance farouche alors même que ses genoux vacillaient dangereusement.

« Te voilà, Kim... Quelle putain de ressemblance. »

Ces simples mots crachés avec une voix à la tessiture lugubre et veloutée suffirent à éveiller une réaction de panique chez le ténébreux.

Comme s'il avait été en danger de mort, Taehyung bondit en arrière, le cœur tambourinant frénétiquement, hoquetant de frayeur en écarquillant les yeux, comme s'il ne voulait pas manquer une miette du prochain mouvement de ce blond empli d'aversion envers lui.

Il le vit lâcher un souffle discret teinté d'une vive moquerie, comme si la peur qu'il inspirait au jeune Kim le divertissait.

Cet homme agissait avec une intention calculée.

Satisfait, le blond plongea les mains dans les poches de son pantalon puis reprit sa progression. Chacun de ses pas semblait caresser le sol, comme s'il dansait avec l'architecture environnante. Au loin, Taehyung l'observa avec une fureur mêlée de crainte, tandis que l'homme ajustait sa capuche sur sa chevelure dorée.

Enfin, sa silhouette imposante se fondit lentement dans l'embrasure des vestiaires, comme une ombre s'évanouissant dans la lumière, sans omettre un ultime échange de regards avec le jeune Kim qui, perturbé, sentit une fois de plus son cœur manquer un battement.

Pourquoi diable, dans une marée de jeunes, ce blond semblait-il lui accorder une attention particulière ?

Et cette haine à son égard ? Pourquoi ?

À qui faisait-il référence en parlant de ressemblance ?

Dans le cœur de Taehyung, une prémonition sinistre prenait forme. Une inexplicable appréhension nouait ses entrailles, l'obligeant à faire les cent pas dans un malaise croissant. Une voix intérieure lui murmurait des avertissements.

Cet homme est le danger incarné.

Évite-le.

Fuis-le.

Et ne laisse plus jamais ses yeux rencontrer les tiens.

Après son départ, un silence flotta, suspendu dans le temps, tandis que des murmures s'élevaient doucement dans l'atmosphère. Le vestiaire s'éveilla comme un jardin endormi, chacun ayant retenu son souffle depuis l'intervention de leur camarade. Certains se plaignaient de ne pas avoir pu filmer la scène, les portables étant proscrits en sport. 

Le professeur endolori fut emporté vers l'infirmerie. Pendant que les surveillants s'affairaient à appeler les autorités, le coach, déconcerté par la scène qui venait de se dérouler, rassembla ses élèves et les conduisit au gymnase où enfin les activités pourraient commencer après avoir vérifié que chacun allait bien.

Détachant son regard de l'embrasure des vestiaires où la silhouette blonde s'était évanouie, Taehyung surgit de sa torpeur, essuyant avec la manche de son haut la fine pellicule de sueur faisant luire son front. Il exhala un profond soupir tremblant, savourant de lentes inspirations pour apaiser les palpitations fiévreuses de son cœur. Les yeux toujours écarquillés, il rejoignit Hoseok, à pas lents, qui le fixait fébrilement de haut en bas, veillant à ce que son ami ne chancelle pas, tant ses jambes tremblaient à vue d'œil.

« Tae ! Ça va ? interrogea aussitôt Hoseok, en posant ses mains sur ses épaules, ancrant ses prunelles alertes dans celles éteintes du ténébreux. Tae ! », l'appela-t-il de nouveau, le secouant légèrement.

Encore troublé, il émergea de nouveau de son état léthargique. Les brumes se dissipaient enfin devant ses yeux pour découvrir Hoseok, qui, mort d'inquiétude, attendait un signe de sa part.

« Ça va, ça va... murmura Taehyung, les lèvres tremblant imperceptiblement.

— Tu sais qui c'était ? s'enquit-il en épongeant avec douceur la couche de sueur recouvrant le visage de Taehyung.

— Pas le moins du monde, souffla-t-il, les yeux affolés. J'ai vraiment cru qu'il allait s'en prendre à moi. »

Hoseok fronça les sourcils, son expression se faisant grave. Taehyung avait raison, cet étranger blond aux allures inquiétantes et violentes lui avait glacé le sang. Un frisson parcourut son échine tandis qu'il se remémorait la réaction soudaine de Taehyung qui bondissait en arrière.

Puis il avait vu les lèvres de l'homme remuer.

« Qu'est-ce qu'il t'a dit ? s'enquit aussitôt Hoseok, alerte.

— Il a prononcé mon nom avec une haine viscérale, il a l'air de me connaître outre mon nom. Il m'a dit que je ressemblais à quelqu'un », balbutia le ténébreux en croisant les bras sur sa poitrine en guise de protection instinctive.

Ôtant ses mains des épaules de son ami, Hoseok réfléchit.

« Hormis les Park qui ne sont que vos rivaux, qui hait les Kim plus que tous les autres ? », souffla Hoseok d'un air entendu, la mine grave.

Taehyung parut réfléchir un instant, puis sursauta. Les yeux affolés, il fit volte-face tandis que ses souvenirs récents l'envahissaient sans relâche. Le professeur de sport s'avança vers lui, inquiet de son état, et Taehyung tenta de dissimuler son malaise derrière un sourire feint, luttant pour bannir de son esprit la lueur sinistre qui avait vibré dans les prunelles du blond. Pendant ce temps, Hoseok, l'air irrité, s'occupait d'éloigner les curieux qui s'approchaient trop près de Taehyung.

Ce dernier n'avait rien vu d'autre qu'une haine profonde.

Mais il aurait juré qu'au fond de ces gouffres d'une noirceur macabre, irradiait une lueur indéchiffrable.

Il secoua vivement la tête, un frisson de terreur glissa le long de son échine. Hoseok s'approcha, entourant son cou de son bras en guise de soutien.

« Un Jeon... »

Dans un murmure tremblant, Taehyung avait répondu en rangeant ses affaires dans son casier avant de se laisser guider par Hoseok, s'élançant prestement en direction du gymnase.

« Exactement... », murmura Hoseok d'une voix ténue, la mine alerte.

Ses yeux étaient rivés vers l'embrasure où avait disparu le blond. D'emblée, une pensée aussi sinistre qu'effrayante naquit dans son esprit, embrasant son cœur d'une colère contenue.

Un règlement de compte.

Ou une vengeance.

Ce blond était-il le reflet des rivalités ancestrales entre les familles Park et Kim ?

Ou bien était-il l'un des derniers Jeon effacés par la main des Kim ?


Quelle que fût sa lignée, il semblait déterminé à défier l'âme innocente de Taehyung.



La journée s'évanouit comme un souffle fugace pour le jeune Kim, son anxiété l'engloutissant au point d'effacer l'incident matinal de sa mémoire. De retour chez lui, il se prépara à affronter sa soirée, à se confronter à l'âme sombre qui le tacherait de souillures avec ses mains impures.

Dans un soupir affligé, il pénétra le manoir avec le cœur oppressé et la gorge emprisonnée par l'angoisse. Un froid mordant engourdissait ses sens, bien au-delà des frimas automnaux. Son cœur s'emballa dans sa poitrine et il fut pris d'un léger vertige qui lui fit perdre momentanément l'équilibre. Perturbé, il posa doucement son front contre la froideur du carrelage mural, attendant que le monde cesse de tanguer.

Recouvrant son calme, il se dépouilla prestement dans le vestibule, une main caressant son front, les sourcils froncés et les lèvres plissées. Il s'achemina vers le salon, se laissant choir pesamment sur un sofa tout en aspirant à l'apaisement de son cœur et à l'atténuation de son étourdissement soudain.

Même après trois ans de pratique sombre et illégale, il ne pouvait guère s'y accoutumer. Chaque fois qu'arrivait le moment de se préparer, son être s'embrasait de façon inextinguible. Jamais cela ne deviendrait une occupation saine, une quête paisible de l'âme. Pourtant, il souhaitait ardemment que ses émotions se taisent, qu'elles se retirent pour un instant, le temps qu'il accomplisse son pénible dessein.

Il clôt les paupières, une unique perle saline traçant un sillon sur sa joue, avant de s'échouer sur son haut.

« Tiens bon, Taehyung, souffla-t-il en posant une main apaisante sur sa poitrine. Encore quelques mois et tu pourras obtenir une bourse. Sinon, tu as encore quelques années et tu auras ton diplôme, un emploi honorable et plus besoin de faire ça... »

Son mantra.

Il se berçait peut-être d'illusions, se perdant dans les méandres de ses propres pensées. Il semblait presque enclin à accepter le rôle de marionnette échangée contre une poignée de billets, conscient que les portes de l'administration ou celles de potentiels employeurs se fermeraient probablement devant lui.

Devant son nom.

Il se murmurait néanmoins fréquemment cette pensée à haute voix, comme un doux refrain pour enserrer son esprit et ne pas le laisser s'égarer dans les méandres d'un trouble psychologique.

Un court interlude s'effilocha, un instant de solitude où il cherchait refuge en Dieu, tentant doucement de consoler son âme avec des prières murmurées du bout des lèvres.

Il finit par se lever, puis gravit les marches vers la douche avec une démarche lente. Une faim si vorace l'assaillait qu'à maintes reprises, il caressa son ventre, agenouillé dans la vaste baignoire, les dents crispées, la gorge nouée, refrénant les larmes de chagrin qui menaçaient de jaillir.

Son âme criait de désespoir face à cette existence implacable en aspirant à la dérive. À la mort. Plusieurs fois, il avait effleuré l'idée de rejoindre ses parents, de mettre un point final à ses tourments et à cette torture qui ne lui accordait aucun répit.

Pourtant, il n'avait jamais trouvé la force d'attenter à sa vie, résistant à la douleur qu'imposerait à ses proches sa disparition. Cette pensée seule le retenait malgré les heures insoutenables qu'il traversait au quotidien.

Puis il existait cette dernière étoile guidant sa persévérance, l'incitant à rester parmi les vivants et à braver l'adversité qu'étaient sa solitude et sa malchance.

Jin, son frère.

Ce compagnon de lignée à qui il ne voulait pas accorder le triomphe de sa faiblesse face aux épreuves de sa vie. Il avait fait le serment de vivre jusqu'au jour où ils se réuniraient afin qu'il puisse lui poser cette question qui lui brûlait l'âme.

Pourquoi ?

Pourquoi moi ?

Pourquoi on me hait  ?

Pourquoi ces secrets ?

Quelle offense j'ai commise pour porter le poids de vos fautes sur mes épaules ?

Il émergea doucement de l'eau, son corps paré de cristaux liquides scintillants. D'un pas léger, il se tint face au miroir, défiant son propre reflet qu'il toisa longuement. Des cheveux d'ébène autrefois lustrés. La peau dorée à présent presque cendrée. Des yeux de charbon qui s'étaient voilés, perdant toute leur vivacité. Les sclères ayant pris une teinte jaunâtre, membranes témoins de sa malnutrition. Et des yeux encerclés par des cernes violacés, témoins de nuits sans véritable repos.

Amaigri.

Sans éclat.

Carencé.

Maladif.

Consumé.

Souillé.

Un frémissement contrit marqua son visage, tandis qu'une répulsion envers sa propre personne l'étreignit.

Chaque fois qu'il contemplait son reflet, il se nourrissait d'une haine profonde, découvrant un jeune homme meurtri, trahi, esseulé.

Puis, comme si son esprit se dressait contre lui, son frère apparut dans la glace, leur similitude frappante se dessinant. Il revoyait cet être qu'il ne parvenait guère à détester, bien qu'il désirât le maudire de tout son être.

Peut-être que ce blond a parlé de Jin ?

Comme des oiseaux curieux, ses yeux descendirent pour atterrir sur ton torse. Il leva une main délicate, ses doigts fins traçant un doux chemin le long de tes côtes saillantes, une mélodie silencieuse sur une étendue osseuse. Il était une sculpture vivante forgée par les ancêtres, les épaules larges et une silhouette presque parfaite. Il devait ses attributs nobles à ses gènes, mais sa maigreur transparaissait une fois dévêtu. Pourtant, nul ne pouvait deviner sa malnutrition à moins d'observer ses cernes et son teint pâle, mais son teint hâlé naturel paraît presque toute critique, sa mâchoire carrée cachait la découpe trop ciselée de son visage maigre.

À cet instant précis, Taehyung ignorait pourquoi il se mesurait ainsi à son propre reflet qui lui rappelait impitoyablement qu'il ne jouissait pas du privilège de se sustenter à sa faim, économisant au maximum pour différer le moment inévitable où il devrait franchir la porte de ce sinistre bar familial.

Son corps lui était étranger, une coquille de douleur. Il se demandait si c'était lui qui tourmentait son être ou si, au contraire, son être était la source de son tourment. Il réfléchissait souvent aux frontières floues de son existence sans jamais parvenir à les comprendre.

Il ne savait plus quel était l'ordre des choses.

Soudain, une douce musique le tira des méandres déprimants de ses pensées. Son téléphone chantait, une voix l'appelait. En un éclair, comme si une brise de vie avait caressé son âme, il s'empressa de s'envelopper dans son peignoir et de précipiter le pas vers sa chambre afin de répondre juste avant que la mélodie s'éteigne.

« Seokie ? décrocha-t-il d'une voix éraillée et fragile.

— Salut, Tae!

— Salut... », susurra-t-il, un petit sourire ourlant ses lèvres, son cœur s'épanouissant au doux son de sa voix.

Il ignora pourquoi une lueur de joie l'envahit à la réception de cet appel. Peut-être était-ce le souffle du courage qu'il puisait dans cette véritable amitié, s'en nourrissant inconsciemment avant de plonger dans l'arène où de féroces lions l'attendaient ?

« Tu vas bien? questionna Hoseok à travers les ondes. Tu as une toute petite voix. »

Taehyung s'avança doucement vers la fenêtre de sa chambre où il attrapa délicatement le rideau épais, révélant ainsi le tableau nocturne qui s'offrait à lui. Le firmament s'obscurcissait doucement, la nuit pointant à l'horizon.

Non, je vais pas bien.

Son état n'était pas florissant, son âme était constamment en tourment. Mais il n'osait pas souffler ces mots qui dansaient pourtant sur le bout de sa langue.

Dieu, qu'il voudrait avoir la force de les hurler à qui voudrait les entendre.

« T'inquiète. Je suis juste fatigué, mentit-il tandis qu'il se mordillait la lèvre avant de clore doucement les paupières.

— Oh... Donc tu voudras rien faire de spécial ce soir?

— Pourquoi ? », sourit-il doucement, amusé par la tristesse feinte de son ami, un subterfuge qu'il connaissait pour le convaincre de l'accompagner quelque part.

Et la magie fonctionnait toujours.

Sauf lorsque des nuits de dur labeur l'appelaient.

« Ma cousine m'invite en boîte, ce soir. Et comme je connais pas grand monde, encore moins ses amis, j'aimerais que tu m'accompagnes. Y'aura plein de jolies filles! Tu viens?

— Les autres ont refusé ? s'amusa-t-il, sachant pertinemment la réponse. C'est pour ça que tu te rabats sur moi ?

Ils préfèrent réviser, ces rabat-joie, grogna-t-il. Ils sortent rarement en semaine, tu le sais.

— Ils ont raison, rit-il doucement. Et moi aussi.

Oh, ça va, ce n'est pas deux ou trois sorties en semaine qui vont te faire rater ton année ! marmonna-t-il. Alors, tu es partant ? Plein de filles te veulent, et t'en profites même pas ! », réitéra-t-il, l'espoir s'entendant dans sa voix.

Le sourire de Taehyung s'estompa doucement. Il se mordit les lèvres avant d'appuyer son front contre la vitre givrée. Il n'approuvait pas la philosophie de son ami ; les filles n'étaient pas une source de distraction. Cependant, il aurait tellement aimé s'y rendre ne serait-ce que pour s'amuser, virevolter et savourer des instants en compagnie de Hoseok en créant des souvenirs qu'il chérirait.

Comme quelqu'un dans la fleur de l'âge.

Cependant, sa force allait bientôt s'évanouir à moins de récolter quelques billets avant l'aube du lendemain. Sa survie en dépendait.

De nouveau, il fixa l'horizon, son esprit vagabond. Un souffle léger s'échappa de ses lèvres.

« Crois-moi, c'est pas l'envie qui me manque. Je... je peux pas, désolé », lâcha-t-il d'une petite voix, le cœur tambourinant.

Hoseok prit une pause, laissant le temps valser avant de répondre.

« Tu sors, ce soir?

— Si on veut, on va dire que...

— Bah! l'interrompit-il. Il est plus que temps, mon vieux. Surtout avec toutes les filles à tes pieds qui attendent que ça! Alors, c'est qui?  »

Devant l'enthousiasme espiègle qui illuminait la voix de son ami, Taehyung laissa échapper un rire teinté d'amertume que Hoseok interpréta comme une gêne masquée.

« Pas une sortie de ce genre. Non, je... »

Il se mit en quête d'une façon d'exprimer ses intentions sans dévoiler le moindre secret.

« Je vais travailler, finit-il par avouer.

Ce soir ? Mais on est lundi. »

Pour se protéger, Taehyung s'était trouvé contraint d'ourdir un mensonge où il prétendait œuvrer clandestinement tous les quinze jours, le vendredi, pour une vieille commerçante en lui prêtant main-forte dans le déchargement de ses précieuses marchandises, et quelques tâches çà et là.

Alors même qu'ils étaient conscients des rejets que Taehyung essuyait en raison de son nom, tous y ont cru, heureux pour lui.

« J'ai juste un peu trop dépensé, alors je lui ai demandé si elle avait besoin de moi, ce soir, pour ne pas être à sec avant la fin du mois, mentit-il avant de déglutir péniblement.

— Ah... Mais attends, t'es pas boursier, de base ?

— Non...

— Comment ça non ? s'indigna-t-il. Et comment ça se fait que je le sais que maintenant ? »

Taehyung paniqua.

« Tu... tu m'as jamais posé la question et je m'y suis pris trop tard, c'est pour ça que je dois bosser », balbutia Taehyung en espérant avoir été convaincant, redoutant que Hoseok commence à l'interroger davantage.

Parce qu'en Hoseok résidait la sagesse, une naïveté délicate en lisière bien entendu, mais jamais la bêtise. Taehyung l'aimait profondément, trouvant en sa simple présence une source de réconfort. Il était toujours enchanté par ses babillages, Hoseok ranimant son esprit sans qu'il en ait conscience. Les tourments de sa vie cachée à ses amis s'estompaient alors.

Mieux valait qu'ils restent dans l'ignorance.

Cependant, Taehyung n'ignorait pas que, lorsque l'occasion se présentait, Hoseok savait revêtir un sérieux et une clairvoyance impressionnante, au point de découvrir une vérité sous-jacente.

Il sera donc capable de pressentir un mystère si Taehyung abandonnait sa vigilance, tout comme le feraient Jimin, Namjoon et Hye-Jin.

« Je dois y aller, maintenant. On se voit demain, souffla-t-il, sa voix baissant d'une octave.

Sois prudent, Tae. T'as beau être empli de grâce, tu peux être maladroit quand tu veux! railla-t-il gentiment, lui soutirant un petit sourire.

— T'en fais pas, lâcha-t-il, se retenant de soupirer de soulagement.

Bon courage et à demain! lui dit-il, ponctuant ses paroles d'un rire chaleureux, un élixir apprécié par le cœur de Taehyung.

— Amuse-toi bien », chuchota-t-il, tenant fermement le téléphone près de son oreille, réticent à mettre fin à la conversation.

Il voulait une raison pour retarder son départ.

Je t'en prie, reste encore un peu. Allège mon cœur de ton rire si joyeux et tes anecdotes burlesques.

Sourd à son appel de détresse silencieux, ce fut Hoseok qui s'en chargea, ramenant Taehyung à la dure réalité, le cœur en lambeaux.

Son visage s'assombrissant, il esquissa un rictus chagriné, abaissant son téléphone. Cela n'aurait-il pas pu tomber un autre jour ? Il avait eu l'occasion de savourer une soirée avec l'un de ses amis, mais il semblait que le destin en avait décidé autrement pour ce soir.

Dans un souffle agacé, il engagea le mode automatique, délaissant son tumulte intérieur. Habillé d'une tenue distinguée, il enfila sa veste en cuir sombre et ses derbys, puis abandonna son abri sécurisant pour plonger dans un lieu inhospitalier pour son âme détruite.

L'angoisse donnait naissance à des perles humides sur son front. Son ventre se tordait. Ses mains tremblaient légèrement. Son cœur s'alourdissait comme un fardeau encombrant. Sa gorge ne cessait de s'enfler, tel un souffle inapaisé.

Il ne saura jamais, ô jamais, s'y accoutumer.



À proximité d'un bar-restaurant, dans l'ombre d'une ruelle dissimulée aux yeux des flâneurs, deux hommes semblaient s'entretenir avec fougue. Celui à la chevelure d'or était adossé au mur, les bras croisés. Il scrutait l'inquiétant trio en face de lui, prêt à le défier à tout instant.

Deux hommes se tenaient en retrait, un revolver en main, prêts à décocher le feu d'un simple geste de leur leader.

« Comment ça se fait que tu n'aies pas pu le repérer ? C'est pourtant une tâche simple ! Serais-tu devenu con, avec le temps ? », siffla le chef du trio.

Le blond demeura serein, le confrontant avec calme par le regard. Son vis-à-vis arborait une beauté ensorcelante, des lèvres pulpeuses, des yeux ténébreux et fougueux, une mâchoire robuste serrée par la rage. Cet individu lui rappelait instantanément un jeune « inconnu » qu'il avait rencontré plus tôt dans la journée, celui qui lui avait intimé de quitter l'université.

À ce souvenir, le blond laissa fleurir un sourire en coin, froid.

C'était bien cet étudiant impétueux qui était au cœur de cette histoire. Un accord des plus lucratifs avait été scellé entre lui et l'homme en face : il avait pour mission de poursuivre et d'effacer ce jeune Kim de la surface terrestre.

« Oh. À bien y penser, Kim, entama le blond, capturant toute l'attention de l'homme avec une emphase sardonique, je crois bien l'avoir vu. »

Au bord de l'explosion de fureur, le leader éleva sa main en un geste impérieux, invitant les autres à baisser leurs armes tout en gardant son regard rivé sur le blond. Si par malheur, ne serait-ce qu'un instant, il détournait les yeux, il ignorait quel sort lui réserverait ce virtuose de la mort, dont la maîtrise sinistre était unanimement reconnue.

Le blond était constamment sollicité, un assassin redoutable et terrifiant dont le nom résonnait dans le monde de l'illégalité, une figure familière au sein du monde obscur du crime.

Mais ce n'était guère pour sa renommée que le dénommé Kim s'était lié à lui par un contrat.

Une raison plus complexe l'y avait entraîné.

Une nécessité pressante s'était imposée.

Le brun l'encouragea à poursuivre.

« Dis-moi, ton frère te ressemble ? minauda le blond, l'air faussement concerné.

— Jeon, gronda le brun d'un air menaçant et sombre. Tu penses l'avoir vu ou tu dis ça seulement pour éviter de te faire éclater le crâne ? »

Le blond échangea un regard avec les deux autres, puis un sourire malfaisant s'épanouit sur ses lèvres pleines de mystère.

« Oh, tu sais, Jin, je n'ai pas besoin de mentir pour éviter que mon crâne ne soit éclaté. Mais si tu veux vraiment savoir, peut-être que j'ai vu ce que j'ai vu, rétorqua-t-il avec un calme glaçant, insolent.

— Cesse de te moquer de moi et réponds-moi. »

Le sourire du blond s'épanouit, montrant une rangée de dents blanches et parfaitement alignées, libérant un éclat moqueur capable de faire frissonner l'âme de quiconque l'effleurait. Il était chargé d'une malice si profonde que n'importe qui aurait volontiers sacrifié une main plutôt que de croiser sa route.

« Disons que j'ai presque battu à mort le mauvais gars, lâcha-t-il, sans ambages. Dommage.

— Ce n'était pas mon frère ? », questionna le brun, son visage désormais neutre, tel un océan calme où toute colère s'était évanouie après une vague dévastatrice.

Puis, progressivement, le sourire du Jeon s'estompa.

« Non », soupira le blond, las.

Sa patience s'amenuisait. La présence de ce Kim devenait de plus en plus oppressante. Il ne pouvait tolérer cette tache sombre qui les liait par un contrat, cette envie morbide de fomenter la disparition de son propre frère qu'il savait autrefois bien-aimé.

Ses mains frémissaient, désireuses de faire plier ce Kim sous la tempête de ses assauts déchaînés.

« Jin, pourquoi tu t'en prends à Taehyung ? siffla-t-il, les yeux empreints d'une fièvre et teintés d'un dégoût flagrant, tels des reflets d'âmes tourmentées.

— Ce ne sont pas tes affaires, répondit-il d'une voix neutre, vide de toute émotion.

— J'ai quand même été un proche, réfuta-t-il entre ses dents serrées.

— Ces temps sont révolus, gamin. Accomplis ce pour quoi Yuna t'a propulsé au sommet. »

Le blond tiqua d'emblée. Outré, il laissa ses bras se relâcher et repoussa brusquement le brun qui recula de deux pas face à la force de l'assassin.

Il était profondément révolté.

Blessé.

« Tu n'as plus le droit de m'appeler ainsi, siffla-t-il, insouciant des armes des deux hommes derrière Seokjin, braquées sur lui. Encore moins de prononcer son prénom.

— Je suis simplement nostalgique », lâcha Seokjin d'une voix neutre, tandis qu'il leva un bras en signe d'apaisement pour ses hommes, son visage impénétrable ne trahissant aucune émotion.

Les dents serrées, le blond le toisa. Plus aucune émotion n'animait les paroles de Seokjin. Une interrogation s'insinuait alors dans l'esprit du Jeon. Il lui apparaissait à présent un goût amer de la tromperie. Comme si la colère de l'aîné des Kim n'était qu'une mise en scène.

Lentement, Seokjin lissa son long manteau.

« Donne-moi une seule bonne raison de ne pas t'effacer sur-le-champ », siffla le blond, les poings serrés.

Seokjin esquissa un sourire en coin.

« Pourquoi n'as-tu pas déjà franchi cette ligne ? questionna-t-il, ses yeux reflétant une profonde indifférence. Je suis conscient que tu prépares ma fin, je sais que tu suis une stratégie.

— Si tu le sais, pourquoi donc as-tu préféré qu'à travers moi se rompt le lien qui te lie encore à ton frère ? riposta le blond, troublé par le calme de l'aîné.

— Pourquoi pas ? », répliqua-t-il avec nonchalance, haussant légèrement les épaules.

La colère agita les narines de Jungkook. Le sourire moqueur et discret du brun semblait le narguer, comme s'il le provoquait dans un jeu de patience et de maîtrise de soi.

« C'est ainsi que tu es devenu ? Un être sans âme qui fait disparaître sa propre chair et son sang ? Désires-tu réellement que je t'expédie la tête de Taehyung dans une boîte ? », cracha le blond, la fureur et le dégoût gravés dans ses yeux.

Il ne comprenait pas.

L'homme aux cheveux sombres se tut soudain, le regard figé dans le vide pendant un instant. Ses yeux ne semblant plus s'ancrer dans ceux du Jeon qui, perplexe, fronça les sourcils devant ce comportement mystérieux.

Puis, sans un mot ni un dernier échange de regards, Seokjin se détourna, réprimant un discret sourire.

« Si jamais ton courage flanche au point de ne pas me rapporter sa tête, Jeon, alors prépare-toi à affronter des jours sombres où ta peau pourrait bien devenir une monnaie d'échange de peu de valeur, murmura-t-il, sa voix glissant tel un ruisseau languissant entre des vers mélancoliques. Je ne te crains pas, je suis plus puissant. »

Muet, le blond fronça les sourcils, ses méninges fonctionnant à toute allure.

À ses oreilles, les mots du brun sonnaient étrangement faux. Ils semblaient avoir été récités comme une devise qu'il aurait apprise par cœur.

« Jin, qu'est-ce que tu fomentes ? », s'insurgea-t-il, agacé, perdu et nerveux.

Et surtout, empli de haine.

Seokjin se stoppa, puis lui fit de nouveau face.

Neutre.

Le blond se trouvait cependant perdu dans l'opacité du mystère, incapable de percer le voile qui enveloppait ce Seokjin face à lui, autrefois si transparent, désormais énigmatique et insaisissable.

Lui qui s'attendait à croiser le Kim meurtrier et détestable après trois années, il se retrouvait plutôt face à une figure pâle, dépourvue de toute émotion, comme une poupée figée dans l'oubli du temps.

Une coquille vide. Lasse.

Il semblait vaquer à ses occupations, attendant simplement que le destin vienne le réclamer, telle une feuille flottant au gré du vent attendant d'être emportée par les bras de la mort.

Cette vision le troublait. Il ne comprenait pas.

Et à cet instant fugace, l'âme de Jungkook s'embrasa d'une révolte accrue, tandis que la flamme de sa rancœur envers Seokjin s'intensifiait.

« Contente-toi de faire en sorte que mon investissement en vaille la peine, marmonna le brun en esquissant un mouvement comme s'il s'apprêtait à s'éloigner.

— Que dirait Eun-Ae devant la vision de ta main ourdie pour blesser ton propre frère ? », s'indigna-t-il, perdant patience devant tant d'inhumanité.

Oui, il était en boucle sur cet homicide en particulier. Il était égaré dans le labyrinthe des intentions de Seokjin.

« Oh, mais je ne suis pas celui qui versera son précieux sang », sourit-il discrètement, un éclat de folie irradiant de ses prunelles noires.

Jungkook grinça des dents, sa patience s'amenuisant à mesure qu'il respirait le même air que lui.

« Qu'y a-t-il, gamin ? Penses-tu avoir du mal à y parvenir ? murmura-t-il en fixant ses ongles de manière nonchalante. Je t'ai pourtant versé le tiers du prix, une somme conséquente. Ça ne te motive pas assez ? »

La répulsion. Voilà ce qui avait trouvé refuge chez le blond.

« Tu t'es métamorphosé à son image, cracha-t-il, débordant d'amertume. Je ne discerne en toi que l'ombre de Jaew...

— Ne l'évoque pas, aboya Seokjin d'une voix glaciale en le coupant, tandis qu'il le poussait avec fermeté contre le mur de briques.

— Lâche-moi », grogna-t-il en se dégageant violemment, son visage crispé par l'inconfort de son dos meurtri.

Malgré son courroux, l'esprit du blond demeurait clair, tandis qu'il contemplait l'aîné des Kim avec une perplexité non feinte. Il jura avoir surpris le battement d'une veine sur le cou du brun, unique témoin des tumultes agitant l'âme de Seokjin.

Quels mystères se déroulaient sous ses yeux ? Tout lui semblait dérouté, comme si l'ordre même de l'univers avait été chamboulé par sa simple présence et ses yeux éteints.

Décidément, il ne comprenait plus rien.

La mine fermée, le brun se recula vivement avant de lui tourner le dos, les épaules tendues. Il s'évanouit rapidement dans l'ombre avec ses acolytes.

Il fuyait.

Le blond demeura immobile, cherchant à dompter la furie emprisonnée en lui, ainsi que les questions dévalant en cascade dans son esprit.

Côtoyer cette facette obscure de Seokjin constituait pour lui un mal incommensurable. Il avait retenu son courroux et son immense affliction. Il avait refréné le désir de se déchaîner sur lui, chose qui lui aurait permis de libérer ne serait-ce que le quart de sa peine.

Malgré tout, il devait résolument s'engager dans son ingénieux dessein, une quête demandant patience et persévérance.

Une quête qu'il avait mûrie avec minutie au fil des années, dont la conclusion était imminente.

Pour parvenir à cette fin, il lui fallait la pièce maîtresse de son plan.

Taehyung, justement.

Il clôt les paupières. Lorsque la lueur du passé dansait avec les ombres du présent...

Une grimace teintée d'amertume habilla son visage. Dans un effort pour écarter la pesante compression de son cœur, il tenta d'ignorer l'image persistante qui, à la fois douce et violente, s'imposait avec une force troublante derrière ses paupières closes.

Un passé commun avec les Kim. Surtout elle et son ventre rond. Puis l'enfant pas plus haut que trois pommes. 

Que dirait-elle si elle nous voyait ainsi... ?

Il secoua promptement la tête et serra la mâchoire, chassant ses pensées douloureuses.

Il se concentra sur son but, visionnant une dernière fois le plan.

Pendant plusieurs semaines, le blond avait pisté son quotidien. Il connaissait les moindres détails : sa demeure, ses habitudes, les lieux qu'il fréquentait, les personnes qui l'entouraient. Il s'immergeait dans le monde de chacune de ses cibles afin de la traquer et l'effacer avec une propreté absolue, dans le silence le plus total.

Le nom du professeur qu'il avait châtié de ses poings plus tôt était déjà gravé dans les pages de son carnet. Bientôt, il réglerait définitivement son compte. Aujourd'hui n'était qu'une mise en garde et il attendait les préludes de la mort telle une bête traquant sa proie avec art et patience.

Ainsi, avait-il orchestré son plan, lui permettant enfin de rencontrer le jeune Kim tout en se livrant à une seconde mission en parallèle.

À travers ses enquêtes et sa traque silencieuse, il avait acquis la certitude que le jeune Kim fréquentait ce bar à intervalles réguliers, mais un mystère voilait ses motivations aux yeux du blond. Bien qu'il eût perçu des murmures obscurs qui planaient autour de cet établissement, il n'en avait cure. Depuis déjà deux lunes, il suivait ses traces avec l'assurance que, cette nuit, le jeune Kim était à portée de main, à seulement quelques mètres d'ici.

Au diable le pacte qui l'unissait avec l'aîné. Il ourdissait des desseins différents pour le cadet.

La première partie du plan s'épanouirait en ce crépuscule naissant, une stratégie qui lui tendrait la main pour réaliser sa quête de vengeance contre la lignée Kim.

Du repli de la poche de son sweat bordeaux, il sortit son petit carnet noir qu'il éventa jusqu'à la dernière personne inscrite sur sa liste.

Choi Sang-Hae, la proie de ce soir.

Ses yeux s'égarèrent vers « Kim Taehyung » émergeant parmi les noms proprement raturés. Son visage à l'expression grave s'assombrit, captivé par ces lettres tracées à l'encre sombre de sa propre main qu'il s'était obligé à inscrire devant Seokjin.

Son visage sculpté de traits ciselés et angulaires se troubla sous le poids d'une expression teintée de mépris et de dédain.

Jamais il n'emportera sa précieuse vie.


Jungkook ne fauchait pas les âmes innocentes.



« Vas-y, bébé, enlève tout ! »

Dans un tourbillon d'émotions sombres, Taehyung serra les dents, l'âme rongée par une colère silencieuse. Malgré tout, il arbora un visage impassible. Sous la requête de celui qui allait approvisionner son réfrigérateur pour les quinze prochains jours, il défit les boutons de sa chemise blanche. Il était si nauséeux qu'un soudain vertige le pétrifia.

Il clôt ses paupières, tentant d'éteindre son esprit pour oublier qu'à cet instant précis, il aurait pu se trouver avec Hoseok dans un havre mille fois plus apaisant.

Dans un lieu où la joie serait sa complice, loin du rôle de jouet qu'il ne voulait guère endosser, loin du regard avide de ce vieux libertin insatiable, toujours avide de le caresser et de l'initier à l'ivresse en lui servant un verre de liqueur.

Taehyung dédaignait l'ivresse de l'alcool, préférant la clarté de son esprit alors qu'il...

Il retint son souffle, cherchant en lui cette sérénité intérieure. Dépouillé de ses vêtements, il se laissa enlacer par des mains avides. Il laissa sa bouche se faire profaner, puis son corps se faire étendre sur le ventre. Telle une poupée habile, il s'activa, mettant en pratique les compétences qu'il avait acquises au fil des années, exhibant mécaniquement son savoir-faire.

Et il pria en silence, implorant que la fin survienne rapidement.

Il inspira, puis se focalisa sur des pensées neutres, tel qu'il avait appris à le faire.

Puis il se déconnecta mentalement, se désengageant émotionnellement.

Un corps lourd l'écrasa.

Il ferma fortement les yeux.

La mélopée d'un sachet qu'on ouvrait lui parvint.

Il supprima ses pensées intrusives.

Un corps étranger l'effleura.

Il était à présent plongé dans une résilience psychologique.

Malgré la neutralité de ses émotions, son âme se déchira en même temps que ses chairs fragiles se faisaient doucement envahir.

Il pria, les yeux clos.

J'ai pleinement confiance en Ta grande bonté et sais que Tu ne m'abandonnes jamais.

Il releva les paupières, dévoilant un horizon vide où seule une petite parcelle de lui résidait.

Son esprit s'était presque éclipsé, laissant place à la survie sans toutefois plonger dans l'oubli, tandis que son corps endurait. Il contempla la Lune, son rituel immuable. Elle demeurait l'unique observatrice de cet instant, son unique compagne, l'ensorcelant le temps jusqu'à ce que sa conscience ressuscite.

Il l'admira qui s'étendait devant lui, les pupilles légèrement rétrécies comme pour mieux absorber la beauté qui se déployait sous son regard.

Alors qu'elles étaient plutôt amoindries par la conjonction de la diminution de l'activité de son esprit et de l'atténuation de ses émotions.

Ce soir, elle trônait dans le ciel, ronde, majestueuse et resplendissante. Sa beauté éblouissante captiva son regard, alors que des mains avides exploraient son corps et qu'une présence se démenait en lui, libérée de toute entrave, comme un démon indompté.

Un démon. Semblable à la majorité de ses pairs.

Rares étaient les rencontres avec des clients qui l'abordaient avec délicatesse. Les autres laissaient libre cours à leurs vils désirs et à leur curiosité malsaine, semblant déterminés à obscurcir davantage une âme bien plus jeune, encore immaculée en comparaison à la leur, imprégnée de noirceur.

Mais c'était lui qui avait voulu cela ; il était consentant et n'avait aucune raison de se plaindre. Mais par expérience, il savait que cette douleur n'allait pas s'atténuer aussi vite.

Il percevait la respiration rauque de l'homme à chaque danse infâme. Son souffle s'était amoindri, ses mâchoires se crispaient. Il défendait à ses larmes de se frayer un chemin. Ce n'était pas encore le moment.

Parfois, le mécanisme de détachement n'était pas optimal, et il subissait une partie de ses émotions.

Il se trouvait plongé dans l'abîme de l'humiliation, souillé jusqu'au plus profond de son être, son âme se fracturant un peu plus à chaque instant.

Là où l'éclat de son innocence s'était évanoui.

Les quatorze lunes, il quittait ce bar pour regagner sa demeure en laissant des larmes s'échapper, plongeant dans un chagrin profond. Il se lovait sur son lit, sa peau écarlate marquée par les stigmates de frottements effrénés sous l'eau brûlante, cherchant à effacer toute empreinte laissée par des mains invisibles.

Et les quatorze lunes, il revenait dans ce lieu maudit qui était son propre purgatoire.

La présence encombrante de l'homme disparut. 

Enfin.

Pratiquement anesthésié, il se redressa, portant toujours cette terrible sensation d'avoir été déshonoré et profané dans son essence la plus profonde. Comme un automate, il se releva lentement et se rhabilla en de gestes mille fois répétés, absent, tandis que l'homme ne faisait que remettre en ordre son pantalon.

Il avait ce sourire satisfait gravé au visage. Taehyung l'observait. Soudain, son âme s'embrasa, tranchant avec la quasi-neutralité qui l'avait partiellement habité. Il était à présent animé par une haine profonde, une colère brûlante nichée dans son cœur, une fureur prête à se déchaîner. Mais son visage demeurait figé, telle une sculpture à l'expression éternellement torturée.

« Tiens, bébé. Bois ça. »

Après avoir enfilé son dernier vêtement, il leva les yeux vers son client. Un breuvage cristallin ? Non, assurément de l'alcool ou quelque substance, mais certainement pas une eau pure. Quand bien si ce fut le cas, il n'aurait jamais la témérité de l'accepter, peu importait à quel point il était assoiffé.

Il déclina d'un geste impérieux la proposition de l'homme qui fronça les sourcils avant de grogner et reposer le verre sur la table. Taehyung lui jeta un regard sombre avant de faire un pas vers lui, retenant de grimacer face à la gêne qui irradiait depuis le bas de son dos.

« Mon argent », dit-il, les lèvres tendues comme des cordes.

Il retint difficilement les perles de rage qui menaçaient de s'échapper lorsqu'il vit l'homme le regarder en biais tout en esquissant un sourire narquois.

Oh.

En Taehyung, une tempête de fureur gronda, prête à déferler. Si d'aventure cet homme avait l'audace de le considérer comme un jouet sans rétribution méritée, il ignorait quel tourbillon d'émotions sombres il déchaînerait. Une vague d'obscurité soudaine s'empara de lui. Il s'imagina bondir tel un fauve, le frappant jusqu'au sang jusqu'à ce que la vie abandonne cet homme.

Il frémit.

C'est tentant.

L'homme engloutit le liquide d'un seul souffle, puis, dans un sourire, plongea son regard dans celui du jeune Kim.

« Tu vois, bébé ? C'est pas empoisonné ! Allez, bois !

— Mon argent ! claqua-t-il, sur le point de se briser devant le plus âgé, ses yeux déversant une fureur noire.

— Ça va, Leto. Te fâche pas. »

Il offrit un million de wons que Taehyung saisit furieusement, dissimulant les billets entre les plis de sa veste, tourmenté par la colère, l'épuisement, la faim et la vulnérabilité. Ses mains tremblaient légèrement, comme des feuilles d'automne au gré d'un doux vent.

Dans l'ombre oppressante de la pièce, il patienta jusqu'à ce que l'homme s'éclipse. Il se précipita en avant, scellant la porte de la chambre. Puis, animé par une impulsion viscérale, il entra en trombe dans la cabine de douche attenante à la pièce, mû par l'impérieux besoin de chasser toute trace de cet homme sur lui.

Soudain, ses pensées se tournèrent vers Hoseok, dont l'anniversaire approchait à grands pas. Il prit les billets et les recompta avec soin. Ce n'était pas assez pour se permettre d'acheter un cadeau.

Ignorant son âme hurlante, il descendit au rez-de-chaussée, attendant qu'une seconde personne l'aborde.

Il ne supportait pas l'idée de satisfaire deux clients. Il s'y refusait systématiquement. C'était plus qu'il ne pouvait supporter.

Mais Hoseok en vaut la peine, il mérite que je fasse une exception.

Deux quarts d'heure plus tard, il avait doublé son gain.

Un sourire tremblant et terne étira ses lèvres en une légère grimace.

Tu auras ton cadeau, Seokie.

C'était son seul réconfort, alors qu'il se douchait de nouveau.

Puis, le cœur lourd, il s'évada à son tour de cette sombre demeure.



Au sortir du bar, ses jambes dansaient une valse incertaine, leur équilibre contrarié par une lente démarche. Ses reins tiraient d'une lancinante complainte et chaque pas était une épreuve. Son unique aspiration : trouver refuge, s'attabler devant un maigre repas avant de regagner son lit en sécurité. Surtout, il voulait à nouveau sentir l'eau brûlante qui effacerait les stigmates, tel un bain de feu pour chasser les marques indélébiles de l'homme.

Il devait encore frotter son corps jusqu'à l'effleurement du sang, créant des éclats carmin qui le démangeraient pendant des jours au moindre contact avec le textile.

Le corps palpitant de faiblesse et de douleur, il erra sur le mauvais chemin, se perdant dans l'ombre d'une ruelle. La lucidité le frappa aussitôt, conscient de son égarement. À bout de nerfs, il fit volte-face dans un murmure agacé.

Soudain, un éclat de voix captiva son attention en ce lieu.

« S'il vous plaît! Arrêtez! Je vous en prie! »

Un homme criait. Une intonation effrayée à la fois proche et lointaine émana dans l'air, résonnant jusqu'à lui.

Taehyung fronça les sourcils, mais au lieu de fuir avec son énergie défaillante, il choisit de se dissimuler derrière un conteneur spacieux pour recouvrer son souffle. La curiosité l'animait, le poussant à s'accroupir avec précaution tout en réprimant un soupir d'inconfort, tandis que le bas de son dos l'importunait.

Il prit un moment avant de se redresser et de s'approcher de la source de la voix. Il se glissa silencieusement d'un conteneur à un autre. Curieux, il se pencha, se risquant à jeter un regard furtif.

Ce qu'il aperçut glaça le sang dans ses artères, tel un ruisseau prisonnier du gel hivernal.

Sous la lumière des réverbères se tenait un grand blond. Tel un spectre armé, il pressait l'acier froid contre le front d'un homme à genoux dont l'expression vacillait sous l'orage de la terreur.

Taehyung écarquilla les yeux. L'agresseur de ce matin se trouvait à une dizaine de mètres à peine, les cheveux dissimulés par une casquette noire. Son cœur frissonna dans l'instant où il perçut l'arme fatale empoignée avec une nonchalance inébranlable défiant tout tremblement, comme si elle était une vieille amie.

En cet instant, l'effroi s'empara de lui, menaçant de délier un cri muet lorsqu'il distingua enfin l'autre acteur de ce drame : monsieur Choi, son voisin.

Tapi dans l'obscurité, il percevait les suppliques de ce dernier adressées au blond qui détenait le pouvoir de vie ou de mort. Aussitôt, Taehyung pâlit. Toute douleur physique disparaissait, toute fatigue se dissipait. Telle une rivière furieuse, l'adrénaline jaillit dans ses veines.

Allait-il devenir, en ce lieu et à cet instant, le spectateur d'une mise à mort sous les cieux enténébrés ?

Il ravala sa peur autant qu'il le put. Ses mains tremblèrent, puis se crispèrent. Pourquoi n'avait-il pas choisi un autre chemin ? Pourquoi cette curiosité insatiable l'avait-elle guidé jusqu'ici ? Le moindre son trahirait sa présence, le condamnant. Ce blond l'effacerait avant même qu'il n'en prenne conscience. Hélas, ses membres demeuraient paralysés, prisonniers d'une terreur immuable.

« Réponds ! », clama le blond.

Sa voix fut si forte qu'elle se répercuta contre les parois de l'âme de Taehyung. La peur envenima son cœur. Il laissa échapper un hoquet apeuré à peine retenu.

« Je n'en ai aucune idée ! Vous vous trompez de personne ! rétorqua l'homme agenouillé d'une voix étranglée.

— Je ne crois pas, non, murmura le blond d'une voix empreinte de dégoût, tu jouais dangereusement avec l'infamie, un acte que je ne tolère pas. Le destin a voulu que je t'arrête à temps, sourit-il avec une lueur effrayante dans le regard. Meurs dans ta minable déchéance », cracha-t-il d'une voix grondante.

Soudain, le blond recula de plusieurs pas, puis un éclair de détonation transperça le silence. Taehyung tressaillit violemment. D'un geste brusque, clôt ses paupières et replia sa tête entre ses épaules. Ses mains tremblantes se plaquèrent contre ses oreilles tandis qu'il collait son dos contre le mur, frissonnant d'effroi. Son cœur menaçait de s'envoler, tel un oiseau paniqué soudainement prisonnier dans une cage.

Non! Il a quand même pas...

Tremblant jusqu'au tréfonds de son être, ses yeux s'écarquillèrent à leur maximum, semblant aussi béants que des portes vers l'inconnu. D'où puisa-t-il cette audace, ce frisson, pour se pencher ainsi dans l'ombre ? Le meurtrier souleva le cadavre avec une facilité déconcertante, puis se dirigea vers une voiture luxueuse garée quelques pas plus loin, au fond de la ruelle.

Ses gestes rivalisaient avec des ombres dansantes, une valse macabre sous la lueur pâle de la Lune. Il glissa le défunt dans un linceul mortuaire, le zippant avec un bruit perçant qui fit vibrer l'air lourd. Il referma le coffre d'un claquement sec.

Cela fit sursauter Taehyung, qui laissa échapper un souffle frémissant, surpris par la brusquerie du blond.

Merde.

Son souffle avait résonné si fort dans ce silence funèbre. Il était sûr que ce meurtrier l'eut déjà repéré. Le cœur de Taehyung n'était plus qu'un maelström effervescent, un tourbillon endiablé où les pulsations trépidaient.

Jamais auparavant il n'avait été témoin de l'ombre d'un meurtre, encore moins de celui qu'il croisait quasi quotidiennement sur le sentier de leurs foyers limitrophes.

Pourquoi son voisin ? À sa connaissance, il n'avait jamais semé le mal.

Bonté divine, qui était ce criminel à la chevelure dorée ?

Se rendait-il à la faculté le jour et il devenait un meurtrier de la nuit ? Quelle étrange épopée se jouait là ? Avait-il inhalé une quelconque substance pour se trouver plongé dans un monde parallèle ? Était-ce la fatigue qui se divertissait aux dépens de son esprit ?

Il observa le blond rétrograder dans ses pas en cherchant un objet oublié au sol. Puis, avec la grâce d'une étoile qui se lève, il se redressa et...

Regarda lentement dans sa direction.

Les yeux écarquillés, Taehyung retint un souffle de frayeur en pressant fermement ses mains devant ses lèvres. Il se blottit contre le mur, cherchant refuge dans l'obscurité malgré les deux réverbères illuminant diffusément la ruelle. Il s'efforçait de calmer sa respiration sifflante et tumultueuse tandis que son cœur battait la chamade avec une intensité presque douloureuse.

Il en était sûr ; son cœur allait finir par céder.

« Sors de l'ombre, Kim. Si tu persistes à croire que tu as échappé à mon regard, tu te trompes. »

Une terreur l'envahit et son âme était prête à s'échapper par ses lèvres tant il tambourinait sous la panique.

Comment diable l'avait-il reconnu ?

Fallait-il qu'il dévoile sa présence alors que la mort l'attendait dans son sillage ?

Mais refuser de se montrer le condamnerait tout autant à une fin définitive.

Alors que Taehyung méditait en silence, l'écho de pas flegmatiques résonnait tel un gong funeste.

Non...

Hésitant devant un fait subséquent, Taehyung laissa son instinct le guider. Il se leva avec une lenteur presque délibérée, l'anxiété affluant dans ses veines. Le blond se stoppa face à lui. Son expression était si aiguisée qu'un canif parfaitement affûté serait doux en comparaison. Ses yeux le perçaient comme une lame parfaitement affûtée et le plus jeune considéra avec effarement ce regard toujours aussi troublant.

Taehyung se trouvait piégé sans issue dans un tourbillon de terreur et d'adrénaline. Face à son destin inévitable, il choisit de faire front, ne pouvant plus reculer. Avec un courage teinté d'incertitude, il masqua son visage d'une expression presque neutre et plongea son regard légèrement écarquillé dans les prunelles dures qui le surplombaient.

Il avait pris la décision de confronter son adversaire, bien qu'en lui, la peur pour sa vie s'insinuât malgré son courage forcé. Son corps était alerte, le battement de son cœur était loin de décélérer, sa tension artérielle frôlait les sommets et ses pupilles étaient dilatées.

Il était loin, bien loin d'être de taille.

Un silence profond enveloppa l'instant, seulement percé par le souffle haletant du ténébreux. Les regards des deux hommes s'ancrèrent, les figeant telles des statues de porcelaine. Ils semblaient tous deux suspendus, guettant l'instant où l'un d'entre eux se déciderait à agir.

Pourtant, ils ignoraient la raison pour laquelle leurs regards s'entrelaçaient en prolongeant ce duel muet, pour la seconde fois en cette journée.

Inévitablement, Taehyung détailla le visage en face, incapable de s'en détacher. Ses yeux voguèrent sur ce visage gracieux enlaidi par une expression cruelle, pareille à une rose magnifique éclipsée par l'ombre.

Leurs silhouettes se dressaient fièrement, deux statures presque à l'identique, le blond le dépassant de quelques maigres centimètres. Une robustesse émanait de lui, sculptant sa présence écrasante dans l'air ambiant.

Sa crinière d'un blond platine évoquait un doux éclat de soleil, la casquette ne dissimulant que partiellement un undercut sous les voiles de longues mèches caressant sa nuque. Son visage, d'une grâce irréfutable, était marqué par des traits à la fois austères et sournois. Le poids d'un collier en chaîne encerclait son cou, lui attribuant cette allure indomptable d'une âme rebelle.

Sous le doux halo du réverbère voisin, la lumière caressait la moitié de son visage angulaire, dessinant sa mâchoire acérée et faisant briller son œil scrutateur. Il en devenait d'autant plus mystérieux et plus effrayant. Taehyung sentit son souffle se bloquer lorsque l'assassin le défia en haussant un sourcil presque caché par la visière, esquissant un sourire en coin.

Son cœur sembla manquer plusieurs battements face à cette expression plus qu'intimidante, le poussant presque à se recroqueviller sur place.

Et ce blond qui semblait se nourrir de la peur qu'il inspirait.

Taehyung détesta ce regard arrogant.

Il ressentit une répulsion face à cette hostilité silencieuse, une sensation de vulnérabilité qu'il méprisa. Avec son œillade ulcérée, il répondit au défi, titillé dans son ego. Il puisa en lui le courage nécessaire pour résister, même si son corps frémissait parfois de manière incontrôlable, visible à l'œil satisfait de cet homme répréhensible.

À cette allure, Taehyung risquait de vaciller sous le poids de cette tension implacable, mais il préférait encore se laisser mourir plutôt que d'exposer la moindre fragilité aux yeux de ce criminel sans scrupule.

Alors, il se tenait là, debout et altier, attendant son destin tel un condamné à la potence.

Implorant en silence le secours divin.

En son for intérieur, il rêvait d'une fuite pour se protéger cet homme dont l'aura macabre l'enveloppait, étouffant la sienne jusqu'à la dernière lueur.

Dans un frisson d'effroi, il hoqueta lorsque le blond s'approcha lentement, comme une ombre prenant forme, avant de lever son bras avec une grâce envoûtante. Chaque mouvement était calculé dans la danse du prédateur. Ses gestes et ses regards étaient savamment orchestrés pour ensorceler sa victime, telle une araignée sauteuse courtisant la femelle avant de la capturer dans sa toile pour se repaître.

Pensant que le blond allait lever son arme dans sa direction, Taehyung se fondit davantage dans l'ombre. Ses épaules se plaquèrent contre le mur et son souffle se suspendit. Il était pourtant conscient de l'inutilité de son geste.

Mais lorsque le blond leva simplement sa main gantée de cuir en signe de trêve, Taehyung sentit ses muscles se détendre brièvement. Jusqu'à ce que la main trouve refuge contre le mur près de sa tête et qu'il se raidisse de nouveau. Avec une lenteur menaçante, l'assassin se penchait tout près de son oreille.

« Dis-moi, susurra-t-il d'une voix veloutée, messagère de sombres présages. Qu'est-ce qu'un gamin comme toi trafique dans cette ruelle ? »

Taehyung fronça aussitôt les sourcils, une lueur de mécontentement dans le regard. Ses lèvres s'animèrent, s'ouvrant et se refermant, telle une marionnette muette ne recevant aucun souffle de parole.

Gamin

Quelle prétention.

Naturellement, il garda le silence, ne laissant pas la confiance s'échapper de ses lèvres par crainte que ses paroles le plongent plus profondément dans des eaux troubles.

Alors que Taehyung brûlait en silence, tiraillé par la frustration et son orgueil froissé, le blond gardait son sourire en retenue, s'amusant sa réaction face à ce sobriquet infantilisant.

Alors que les yeux de Jungkook voguaient à loisir sur les contours visage du plus jeune, son regard s'aiguisa, revêtant une intensité féroce et pénétrante.

Le voilà donc.

Le frère cadet.

En l'observant de plus près, il ne pouvait nier la majesté austère qui était l'apanage des Kim, sublimée par une beauté pure et magnifiée qui semblait avoir choisi cette famille comme son refuge privilégié.

« Alors, gamin ? renchérit-il.

— Je vous permets pas », prononça Taehyung d'un ton irrité, succombant à l'amertume de voir son ego écrasé comme une vulgaire fourmi.

Les commissures des lèvres de Jungkook frémirent, retenant un sourire fugace.

La voix du plus jeune avait oscillé dans les hauteurs tel un doux souffle égaré dans les méandres de ses tourments, conscient que cet outrage pouvait définitivement sceller son destin.

Cependant, il refusait de se laisser piétiner, surtout après les événements récents au bar. À ce souvenir, son regard devint vague. Jungkook détecta la fadeur qui s'était emparée de ses prunelles.

« Voyez-vous ça, le petit Kim qui sort les griffes, se moqua Jungkook. Ne ressens-tu pas une once de crainte ? Je suis armé », le nargua-t-il en accentua sur le dernier mot.

Ses yeux fixaient ceux du plus jeune avec une intensité presque féline.

« Si vous aviez voulu me tuer, vous l'auriez déjà fait, articula Taehyung d'un ton presque assuré.

— Mmh, se contenta de répondre le blond, esquissant un sourire espiègle et inquiétant qui fit virevolter le cœur du ténébreux. Serait-ce un constat, l'ami ? interrogea-t-il en inclinant gracieusement la tête sur le côté, un amusement mesquin pétillant dans ses yeux.

— À moins que vous adoriez manipuler des innocents, cracha-t-il, les sourcils froncés. Et on n'est pas potes », ajouta-t-il, acerbe.

Jungkook ne répondit pas. L'éclat dans ses yeux étincelait d'une lueur dangereuse. Si dangereuse qu'elle fit vaciller la retenue de Taehyung qui laissa libre cours à ses émois, submergé. Il était à présent sur le précipice de l'effondrement émotionnel.

« Putain, vous me voulez quoi  ? s'écria-t-il, sa patience et son calme le désertant aussitôt.

— Moi ? Oh, trois fois rien, rétorqua-t-il dans un calme olympien.

Trois fois rien ? réitéra-t-il avec un sourire ironique. Être en présence d'un Kim vous donne pas le privilège de me prendre de haut », articula-t-il, teintant ses paroles d'une nuance de chagrin, même si la colère résonnait vivement dans sa voix.

Le léger repli des lèvres de Jungkook était bien plus éloquent qu'une simple insulte. Maître dans l'art de troubler une âme, il sema le doute en Taehyung quant à son existence.

« Je reviendrai te voir, prononça-t-il d'un ton désinvolte. Tu seras informé de ce que je veux de toi en temps voulu.

— Pourquoi vous étiez dans ma fac à agresser un prof ? le dédaigna-t-il. Vous êtes un psychopathe ou quelque chose dans le genre ? cracha-t-il. Vous l'auriez tué à la vue de tous si je vous avais pas stoppé ? »

Le regard intense de Jungkook demeurait stable. D'une quiétude agaçante. Pourtant, Taehyung eut la certitude d'apercevoir un frémissement au coin de sa mâchoire lisse.

« Prête l'oreille, gamin, chuchota-t-il après s'être humidifié les lèvres, s'amusant intérieurement du regard noir du plus jeune. Garde le secret de ce que tu as vu, sinon, tes jours pourraient bien se draper dans la tragédie, comme ton voisin, déclara-t-il en inclinant légèrement la tête en direction de sa voiture sans le quitter des yeux.

— Vous êtes... répugnant, souffla Taehyung, écœuré et terrifié de son sort incertain.

— Comme si j'accordais la moindre importance à l'opinion qu'un Kim pourrait avoir de moi », grinça-t-il, dédaigneux.

Une veine palpita sur le cou de Taehyung, un détail subtil trahissant une colère contenue.

Encore une personne qui le dédaignait à cause de son nom.

Par la Grâce divine, que quelqu'un lui apporte des réponses !

« Pourquoi le monde me méprise ? murmura-t-il, habité par une douleur sourde. Pourquoi, alors que mes journées se résument qu'à étudier et à tenter de survivre après que mon frère m'ait abandonné à la mort de nos parents ? Pourquoi je suis toujours dédaigné ? Et pourquoi vous l'êtes aussi ? Je vous connais même pas ! Ni vous ni les autres ! Et vous m'êtes hostiles ? », s'indigna-t-il, submergé par une souffrance muette.

Sous le voile des larmes naissantes, ses yeux s'embuèrent. Il était à fleur de peau et sa maîtrise tenait dans un équilibre précaire. Il était affamé et épuisé par le poids de son malheur. Il portait encore les stigmates imaginaires de la souillure de son dernier client sur sa peau.

Et le voilà acculé contre le mur dans l'ombre oppressante. Dénué de tout espoir de fuite. Confronté à un assassin qui semblait tirer les ficelles de son destin comme un cruel marionnettiste jouant avec sa vie.

Il était égaré dans les méandres de l'incompréhension. Il demeurait étranger aux reproches que le monde lui adressait injustement.

Ils sont tous si injustes

Nul ne pouvait saisir le fardeau qui pesait sur ses épaules ! Personne ne pouvait mesurer l'ampleur de ce qu'il endurait !

Son cœur s'embrasa. Il était mû par une volonté de défendre son intégrité.

Ou ce qui restait de l'estime qu'il nourrissait pour sa propre personne.

« Vous savez qu'il ne m'a laissé aucune part de l'héritage ? Et que, pour ne serait-ce que manger, je suis contraint de... je dois me... Putain... »

Sa voix s'effrita puis se perdit dans le silence. Jungkook crut distinguer les échos des mots se dispersant comme des fragments de verre brisé. Deux traînées cristallines trahirent le chagrin du plus jeune. Captivé, Jungkook suivit l'avancée des larmes sur les joues rougies par l'émotion, perdu dans ses pensées chaotiques.

Pourtant, il ignora royalement les états d'âme du cadet. 

Mais, fin observateur malgré la brume voilant partiellement sa vue, le plus jeune discerna sans peine le frémissement du souffle du blond et son regard vaciller.

Une lueur éphémère avait furtivement traversé ces gouffres d'une noirceur macabre.

La même que cet après-midi.

Taehyung ne se laissa pas démonter, il était lancé. Il brûlait d'une soif insatiable de vérité, peu soucieux du danger que pouvait représenter celui qui se dressait devant lui.

« Je sais pas ce que papa vous a fait. Ni même Jin, je sais rien hormis qu'ils dirigeaient le clan, balbutia-t-il, sa voix trahissant une certaine détresse. Vous avez l'air détenir les clés de l'histoire qui m'est cachée, constata Taehyung d'une voix fragilisée, j'en suis sûr. Je veux savoir ce qu'on me reproche à cause de mon nom. »

Jungkook demeura muet, la mâchoire serrée et les sourcils froncés. Il était surpris tant par la véracité dans les yeux du plus jeune que par son ignorance.

Ne connait-il donc pas l'histoire de sa propre famille ?

Si je m'attendais à ça...

Un éclair de réflexion traversa l'esprit du blond. Il envisagea la possibilité de lui fournir des réponses partielles ou fallacieuses afin de le garder sous son emprise.

Il scruta les yeux embués du jeune Kim.

Non.

Non, il ne pouvait pas exploiter sa vulnérabilité. Cet enfant n'était pas son ennemi, simplement un appât. Malgré tout, il ressentait de l'irritation face aux interrogations de ce Kim. Il devait le dissuader de poursuivre ses investigations et protéger ses propres intérêts un peu plus longtemps.

L'heure n'a pas encore sonné.

Il lui incombait de suivre son plan, ou un échec menacerait de tout engloutir dans un tourbillon funeste.

Alors, Jungkook resta silencieux.

Face au mutisme prolongé du blond, Taehyung naviguait dans les eaux troubles de l'ambiguïté, engoncé dans la tension perpétuelle que lui imposait le plus âgé. Son esprit vif fonctionnait à vive allure, tentant de déchiffrer les multiples significations cachées derrière cette absence de mots.

Pourtant, une seule pensée résonnait dans son esprit avec une intensité surpassant toutes les autres.

Et si...

« Tout ce que je sais, c'est que deux clans nous vouent une haine, osa-t-il déclarer. V... vous devez donc être un Park ou un Jeon ? », interrogea-t-il prudemment.

Il sentit son cœur s'emballer et cogner à tout va contre sa cage thoracique lorsque Jungkook claqua sa langue contre son palais, son visage s'assombrissant.

« Cesse tes questions, tu m'exaspères, le réprimanda-t-il d'un ton cinglant.

— S... si vous avez un brin d'empathie envers moi, tenta-t-il de plaider alors qu'il sentait ses genoux trembler face à ce regard noir et intense. Vous...

— Je n'aime pas les curieux.

— Mais comprenez-moi ! Il s'agit de ma...

— Un mot de plus, Kim, et je crains que tu ne comprennes pas les conséquences », le coupa-t-il, le ton glacial et menaçant.

Taehyung clôt aussitôt ses lèvres, les yeux affolés, frustré. Il y eut alors un intervalle de silence semblant envelopper le monde dans une quiétude où régnait le sommeil.

Puis, de sa main libre, Jungkook fit glisser deux doigts gantés le long de la joue à peine humide du plus jeune, provoquant un accroc à sa respiration, tandis qu'il semblait vouloir se fondre dans le mur pour échapper à l'emprise de ce meurtrier au regard encore plus noir.

Il l'avait mis en colère.

Il en venait presque à regretter son mépris.

La caresse du blond remonta lentement, effleurant la peau satinée jusqu'à la tempe, mimant un revolver. Puis, il les enfonça vivement dans la chair au pouls frénétique. Taehyung clôt fermement les yeux tout en lâchant un souffle haletant, terrorisé.

« Car si je tire, ton cerveau qui regorge de questions se répandra sur le sol, jeune homme », déclara-t-il avec un air désinvolte.

Pourtant, les muscles de sa mâchoire tressautaient, trahissant une tension sous-jacente. Son regard semblait transpercer les dédales de l'esprit du plus jeune. Sans s'éloigner davantage, il se redressa, sa main trouvant refuge sur le mur pour rejoindre l'autre, formant ainsi un étau étouffant autour d'un Taehyung à la respiration affolée.

Jungkook esquissa un mince sourire, observant la manière dont le jeune Kim pâlissait à vue d'œil. Il fut toutefois frappé par son semblant de courage. Malgré ses légers frissons et sa peur manifeste, il ne hurlait pas, ne pleurait pas à s'en briser les cordes vocales. Il ne se lamentait pas.

Il cherchait simplement des réponses.

Le sourire du blond fana progressivement.

Si sa rencontre avec Seokjin avait ébranlé les fondations de ses croyances, celle avec son cadet l'irritait, secouant ses certitudes.

Il n'arrivait guère à en percer le mystère.

Dans un duel silencieux, le jeune Kim gardait sa dignité intacte même en présence des deux sillons séchant lentement sur ses joues, emportées par les frimas automnaux. Il le défiait, cachant son anxiété derrière un masque solide et courroucé malgré ses prunelles fébriles et larmoyantes.

Puis, les mots cinglants et irrités prononcés par Taehyung ne firent que renforcer son impression, éveillant les prémices d'une admiration naissante en Jungkook.

« Si vous avez rien à me dire, et si l'idée de me supprimer vous effleure plus, on a plus rien à se dire, prononça-t-il avec une austérité glaciale.

Une colère irradia de ses yeux, se mêlant à la lueur de peur qui y vacillait. 

« J'espère ne plus jamais croiser votre chemin », ajouta-t-il d'une voix rauque, presque étouffée par l'émotion qui l'assaillit.

Le lourd soupir ponctué d'un ricanement sinistre du blond pétrifia Taehyung.

« Un vrai Kim. Tu seras parfait. »

Instantanément, un pli anxieux se dessina sur le front du plus jeune, plongé dans l'incertitude.

Parfait pour quoi?


𝑂𝑢𝑖, 𝑐𝑒 𝑗𝑒𝑢𝑛𝑒 𝐾𝑖𝑚 𝑎𝑣𝑎𝑖𝑡 𝑙𝑎𝑟𝑔𝑒𝑚𝑒𝑛𝑡 𝑙𝑒𝑠 𝑒́𝑝𝑎𝑢𝑙𝑒𝑠 𝑝𝑜𝑢𝑟 𝑐𝑒 𝑞𝑢'𝑖𝑙 𝑙𝑢𝑖
𝑟𝑒́𝑠𝑒𝑟𝑣𝑎𝑖𝑡.




𝐴̀ 𝑠𝑢𝑖𝑣𝑟𝑒...





Alors, comment tu trouves mon JayKay en tueur ? 🥹


𝑾𝒊𝒕𝒉 𝑳𝒐𝒗𝒆, 𝑫𝒂𝒓𝒌 𝑬𝒚𝒆𝒍𝒆𝒕 🖤

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